Intervention de Meyer Habib

Séance en hémicycle du 12 juin 2014 à 15h00
Formation pratique aux premiers secours dans la préparation du permis de conduire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMeyer Habib :

Madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comment sauver des vies sur la route ? Telle est la question qui nous interpelle tous, en tant que législateurs, en tant que citoyens, en tant que parents, et ce quelles que soient, sur les bancs de cet hémicycle, nos convictions politiques. Toute initiative parlementaire en ce sens ne peut donc qu’être saluée.

Pas une seule famille en France, hélas, n’est épargnée par ce fléau. Bien que la France soit passée, en 2006, sous la barre symbolique des 5 000 personnes tuées par an, la mortalité sur les routes est un sujet qui demeure très préoccupant. Encore aujourd’hui, les accidents font 100 000 blessés par an, 4 000 d’entre eux sont handicapés à vie, et près de 4 000 victimes perdent la vie. Au total, en quarante ans, plus de 380 000 personnes sont décédées des suites d’un accident de la route. Derrière ces chiffres, il y a des drames humains, des familles et des vies brisées à cause d’une conduite à risque, à cause d’une vitesse excessive ou tout simplement à cause d’une faute d’attention.

Il est heureux qu’une sonnette d’alarme ait été tirée ces dernières années. Reconnaissons-le, grâce à l’action des pouvoirs publics, le taux de mortalité sur les routes a diminué de façon importante en trente ans. Cette action, nous devons la continuer, et c’est ce que vise le texte que nous examinons, qui a pour objet d’inclure une formation aux gestes de premiers secours dans l’examen du permis de conduire.

À tout moment, en tout lieu, chacun d’entre nous peut être confronté à un accident de la circulation. Franchement, combien d’entre nous sauraient quelle attitude adopter ? Combien d’entre nous sauraient avoir les bons gestes, immédiatement, alors que la vie de la victime est en jeu ? Dans de pareilles circonstances, chaque geste compte, chaque minute qui passe est cruciale pour la survie de la victime.

La formation aux gestes de premiers secours a donc bien évidemment toute son importance.

Elle est pourtant insuffisamment diffusée au sein de la population et en particulier auprès des nouvelles générations de conducteurs. Bien que les jeunes Français soient obligatoirement initiés aux gestes de premiers secours notamment au cours de leur Journée défense et citoyenneté, anciennement Journée d’appel et de préparation à la défense, cette formation n’est tout au plus qu’une sensibilisation. Elle ne suffit pas à imprimer durablement ces gestes dans les habitudes et les réflexes des jeunes. Bien sûr, d’autres formations aux gestes de premiers secours existent, en particulier à l’initiative des pompiers ou encore d’associations telles que la Croix-Rouge ou la Fédération française de sauvetage et de secourisme, mais, malgré l’action que ces différentes structures ont engagée, cette sensibilisation aux premiers secours, loin de toucher les masses, n’est diffusée qu’auprès d’une part mineure de la population.

Cette proposition de loi, qui vise à étendre cette formation à la majorité de la population française, notamment aux jeunes, chez qui les accidents de la route sont la première cause de mortalité, est donc louable. Rappelons qu’en 2011 les 18-24 ans représentaient 22 % des tués sur la route.

Néanmoins, le groupe UDI s’interroge sur la pertinence de l’inclusion d’une telle formation dans l’évaluation du permis de conduire. En effet, tout d’abord, plus de 40 % des candidats échouant à leur premier passage de cet examen, l’ajout d’une évaluation sur les notions élémentaires de premier secours ne va-t-il pas rendre encore plus difficile l’obtention du permis de conduire ? Par ailleurs, cette nouvelle épreuve impliquerait d’embaucher de nouveaux formateurs et de mettre à disposition de ces derniers et des candidats des lieux spécifiques où enseigner et où passer les examens. Cela engendrerait des coûts supplémentaires, notamment pour les candidats, voire pour l’État, même si cette formation était, comme la proposition de loi le suggère, dispensée par l’intermédiaire des associations de secourisme déjà existantes et agréées. Or le coût final du permis de conduire s’élève en moyenne, aujourd’hui, à environ 1 400 euros.

Ces facteurs incitent, hélas, de plus en plus de Français à passer leur permis à l’étranger. La tentation est d’autant plus forte que le permis est pour beaucoup de travailleurs une nécessité, une condition préalable à l’obtention d’un premier emploi. En outre, de plus en plus, certaines personnes conduisent alors qu’elles n’ont pas le permis ou que leur permis a été suspendu. Selon l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière, environ 300 000 conducteurs auraient ainsi été dans l’illégalité en France en 2011.

Ces questions n’ont pas de lien direct avec la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, mais elles méritent d’être soulevées et, peut-être, débattues prochainement.

Pour en revenir à l’objet de ce texte, si intégrer cette formation dans l’examen du permis de conduire se révèle trop difficile, ne serait-il pas plus pertinent d’aménager une formation obligatoire de la même nature, dans le cadre des établissements scolaires par exemple ? Les collégiens sont appelés à obtenir durant la durée de leurs études leur attestation scolaire de sécurité routière. Il pourrait être envisagé de mener sur la même période la formation aux gestes de premiers secours, voire de l’inclure dans les conditions d’obtention de cette attestation. Une autre piste pourrait être de dispenser cette formation au secourisme au cours des années de lycée et de la sanctionner par une évaluation et l’obtention d’une attestation ou d’un diplôme.

Par ailleurs, il s’agit d’une mesure de nature réglementaire. La création d’une telle formation par le biais d’une proposition de loi n’est donc pas pertinente, même si l’objectif est louable.

Enfin, pour conclure, nous devons garder à l’esprit que le permis de conduire n’est pas un sésame à vie que l’on obtiendrait à dix-huit ans. Il n’est, en réalité, qu’une autorisation de conduire. Il ne constitue pas une garantie de sécurité, le taux de mortalité des jeunes conducteurs demeurant, hélas, très élevé.

Il est donc primordial que les titulaires du permis de conduire puissent prendre conscience des conséquences possibles d’une mauvaise conduite et se responsabiliser. C’est l’idée du continuum éducatif, formulée par la délégation à la sécurité et à la circulation routière : l’éducation à la sécurité routière se fait tout au long de la vie. Bien que la lutte contre la mortalité routière et la diminution du nombre de blessés graves constituent un enjeu capital et crucial et que l’intention de ce texte soit louable, pour l’ensemble des raisons évoquées, le groupe UDI s’abstiendra.

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