Intervention de Cécile Duflot

Séance en hémicycle du 12 juin 2014 à 15h00
Formation pratique aux premiers secours dans la préparation du permis de conduire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Duflot :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi fut l’occasion de riches débats et de diverses réflexions. Si les écologistes souscrivent à l’essentiel du contenu de ces considérations, l’examen de ce texte est l’occasion d’aborder un certain nombre de points positifs mais également de carences inquiétantes en France en matière de formation au secourisme.

Bien évidemment, et je pense que cela fait consensus, il est indispensable d’optimiser et d’encourager la formation de la population aux premiers secours. Comme cela a été rappelé à plusieurs reprises lors des débats parlementaires, seuls 46 % des Français déclarent avoir bénéficié d’une formation aux gestes de première urgence. La France accuse ainsi un véritable retard dans ce domaine, puisque 95 % des Norvégiens et 80 % des Autrichiens ont bénéficié quant à eux d’une formation. L’enjeu est considérable : la Croix-Rouge française estime que 10 000 vies au moins pourraient être sauvées chaque année si la France se donnait les moyens de rattraper son retard. On ne rappellera jamais assez que, dans notre pays, les accidents de la vie courante provoquent chaque année 19 000 décès, principalement chez les enfants et les personnes les plus âgées. C’est la troisième cause de mortalité après les cancers et les maladies cardio-vasculaires.

Ces chiffres sont révélateurs de l’enjeu. Comme l’a déjà rappelé l’Académie nationale de médecine, le secourisme devrait être en réalité une véritable cause nationale. Les premières minutes qui suivent un accident sont en effet déterminantes pour réduire les conséquences de ce dernier. L’intervention du premier témoin, ou des premiers témoins, est cruciale pour la victime ; cet indispensable premier maillon de la chaîne de secours ne doit en aucun cas être sous-estimé. Le Centre d’analyse stratégique souligne notamment que, dans le cas d’un arrêt cardiaque, dispenser les bons gestes peut doubler, voire tripler, les chances de survie. Ce rôle vital est souligné par l’ensemble des publications internationales et spécialisées.

Ces différents éléments, rappelés par des institutions ou des associations, démontrent l’urgence d’une action ambitieuse en faveur de la formation aux premiers secours, et cela au-delà des simples automobilistes qui sont l’objet de la proposition de loi qui nous occupe aujourd’hui. L’école est certainement, à ce titre, le lieu le plus adapté pour dispenser ce type de formation, le secourisme étant par ailleurs une démarche de civisme et un formidable moyen de développer un esprit d’entre-aide et d’altruisme. Pour ces différentes raisons, les écologistes éprouvent le même regret que Catherine Troendle, qui rappelle dans son rapport pour le Sénat que seuls 20 % des élèves de troisième sont formés tous les ans, malgré l’existence d’un dispositif obligatoire de formation depuis la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique et à la loi du 13 août 2004 de modernisation de la Sécurité sociale. Être en capacité de former et de sensibiliser un nombre plus important d’élèves et de jeunes est un objectif prioritaire.

Par ailleurs, le groupe écologiste est convaincu que la formation aux gestes de secours devrait figurer, par étapes, tout au long de la scolarité. Comme le proposait mon collègue Paul Molac, le 11 octobre 2012 déjà, à l’occasion de débats relatifs à une proposition de loi visant à former aux cinq gestes qui sauvent face à un accident de la route, il suffirait de renforcer l’attestation scolaire de sécurité routière, obtenue au collège en cinquième et en troisième, qui est nécessaire pour se présenter au brevet de sécurité routière, puis au permis de conduire. Cette première approche pourrait ensuite être complétée au lycée. Nous aurions ainsi un parcours cohérent et articulé dans le temps. Un tel processus est d’ailleurs déjà mis en place dans la formation de certains établissements professionnels. Enfin, pour compléter le dispositif concernant les jeunes, la formation au secourisme lors de la journée défense et citoyenneté pourrait être également renforcée.

Nous devons également nous interroger sur la remise à niveau régulière des compétences acquises lors des formations ; vous avez raison, monsieur Habib : Les gestes de premiers secours nécessitent de la précision et de la réactivité, ce qui implique une mise à jour régulière des connaissances. Comment croire en effet que des personnes ayant bénéficié d’une formation pourraient encore maîtriser, des dizaines d’années plus tard, des gestes précis de manipulation sans une actualisation périodique ? L’école ou la formation au permis de conduire ne peuvent donc pas être les seuls lieux d’acquisition des compétences. L’intégration de la formation aux premiers secours dans les dispositifs de formation continue est donc essentielle afin que les personnes puissent bénéficier d’une formation tout au long de leur vie. Rappelons-le une nouvelle fois : si ce débat peut sembler peu passionnant, l’enjeu est considérable, c’est la survie de milliers d’êtres humains.

Le chemin à parcourir est donc encore long si nous souhaitons être exemplaires en termes de formation aux gestes de premiers secours. La mise en place d’une politique ambitieuse, cohérente et permettant aux individus d’être formés lors de toutes les grandes étapes de la vie est plus que jamais une impérieuse nécessité. Ce sujet est tout, absolument tout, sauf secondaire.

Nous regrettons que le texte qui nous est présenté aujourd’hui soit d’une portée limitée et assez modeste. Le groupe écologiste aurait été sensible à un texte qui permette de proposer des formations répondant à toutes les situations auxquelles les individus pourraient être confrontés et touchant un large public tout au long de la vie. Malgré tout, et en attendant la généralisation d’une formation destinée à l’ensemble des citoyens, cette proposition de loi va dans le bon sens. Le groupe écologiste le reconnaît, et il la votera donc.

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