Je trouve cette discussion extrêmement inquiétante. Elle est très inquiétante d’abord, parce que la plupart d’entre nous, moi le premier d’ailleurs, ne la comprenons pas. Solde structurel, solde conjoncturel, nominal, effectif… C’est une discussion qui, en fait, organise l’opacité sur la réalité des déficits budgétaires et consiste à s’éloigner du principe de réalité. Ce principe de réalité, quel est-il ? C’est que vous allez être conduits, avec un solde réel de quatre points de PIB en 2014, à emprunter 80 milliards d’euros. Et qu’en plus de ces 80 milliards, il va falloir refinancer 120 milliards d’annuités en capital qui tombent en 2014. Cette année, monsieur le ministre le sait bien, il faut donc trouver 200 milliards d’euros.
Il est vrai que les taux d’intérêt extrêmement bas conduisent à une sorte d’optimisme excessif, ou d’aveuglement, mais tout cela peut changer brutalement et je trouve que ce type de discussion revient intellectuellement, monsieur Muet, à se construire une sorte d’alibi pour ne plus regarder la réalité en face. Il y a encore trois ou quatre ans, nous n’avions pas ce type de discussion. Nous ne parlions que du déficit nominal. Nous parlions dette et emprunt, ce qui est le vrai sujet. Et savez-vous pourquoi nous sommes aujourd’hui en train de nous appesantir sur ces notions de solde structurel ? Tout simplement parce que les Allemands l’ont voulu.
En 2009, quand les Allemands ont révisé leur constitution pour introduire la notion d’équilibre, ils ont raisonné en solde structurel. Pourquoi ? Ils se sont fondés sur une rigueur très allemande consistant à s’autoriser de manière très temporaire un déficit quand on est au bas du bas de la conjoncture. Ce faisant, ils nous ont imposé – c’était sous la précédente majorité, dans le cadre du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance – de raisonner en solde structurel. Mais deux ans après, quel est le résultat ? L’Allemagne a aujourd’hui un déficit de zéro ! C’était son objectif. Les Allemands vont emprunter zéro, en dehors du refinancement de leur dette. Et nous, nous nous complaisons dans des discussions complètement abstraites…