La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures quarante-cinq.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les députés, je vais m’efforcer de compléter les premières réponses que nous avons apportées lors des explications de vote sur les motions de procédure. Mais avant, je tiens à remercier l’ensemble des orateurs de la qualité de la discussion, sur la forme comme sur le fond.
Sans ordre de préséance, je dirai d’abord à Eric Alauzet, qui appelle notre attention sur la nécessaire lutte contre la fraude fiscale, que beaucoup de mesures ont déjà été prises et que d’autres le seront. La France est engagée dans le plan d’action BEPS engagé par l’OCDE. Le G5 a d’ores et déjà mis en place des accords d’échange automatique d’informations qui vont bientôt entrer en vigueur. Vous le savez, la lutte contre la fraude fiscale est une priorité de ce gouvernement. Elle a déjà produit de premiers résultats mais il faut évidemment aller plus loin, notamment pour lutter contre l’optimisation au sein de l’Union européenne à travers la révision de la directive « épargne » et du régime « mère-fille ». Vous avez observé des avancées en ce domaine. Pour ce qui est des produits hybrides, également évoqués par Thierry Robert, vous savez que certaines mesures ont déjà été prises au cours de cette législature. Il s’agit d’un sujet compliqué sur lequel nous avons progressé et progresserons encore.
Je remercie Bruno Le Roux, président du groupe socialiste, de souligner qu’il partage notre souci de réduire la fiscalité pesant sur les ménages modestes. Il a rappelé le contenu de la mesure de réduction de l’impôt sur le revenu 2014, qui sera pérenne, je le redis, même s’il faudra, comme les parlementaires le souhaitent, y retravailler à l’occasion du projet de loi de finances pour 2015 à travers une réforme du bas du barème de l’impôt sur le revenu. Les travaux de Dominique Lefebvre et François Auvigne nous y aideront. Par ailleurs, je lui confirme, si besoin était, que nous nous montrerons très ouverts à propos de certains amendements d’origine parlementaire relatifs par exemple à la taxe d’habitation, à la contribution à l’audiovisuel public ou à la taxe sur la consommation finale d’électricité, évoquée par Christine Pires Beaune.
Gaby Charroux a insisté sur la nécessaire progressivité de l’impôt. J’ai évoqué dans mon discours introductif l’accroissement de cette progressivité. Aux mesures déjà citées, j’ajouterai l’intégration des plus-values des valeurs mobilières au barème de l’impôt sur le revenu : la fiscalité des revenus du capital est donc alignée en grande partie sur celle des revenus du travail. Rappelons encore l’ISF et la création de la contribution à hauteur de 75 % pour ceux qui perçoivent des revenus supérieurs à 1 million d’euros par an.
Charles de Courson s’est interrogé, comme d’autres, sur le détail des foyers fiscaux qui entrent dans le barème de l’impôt sur le revenu. J’ai dit tout à l’heure ce que j’avais à dire à ce sujet. Nous aurons l’occasion d’exploiter les données portant sur les revenus perçus en 2013, même s’il sera parfois difficile d’établir des évaluations très précises.
Thierry Robert a rappelé la mesure envisagée pour la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S. Si votre assemblée suit la proposition du Gouvernement, qui consiste à instaurer un abattement de 3 millions d’euros environ sur son assiette, deux tiers des entreprises concernées en bénéficieront. Cette disposition permettrait de faire sortir du barème des PME et des entreprises de taille intermédiaire, autrement dit les plus petites des entreprises qui sont redevables de la C3S, comme l’a souligné, je crois, Guillaume Bachelay. L’élargissement de l’assiette et la réduction des niches sont des procédures bien entamées, avec notamment la réduction de la niche « Copé » et l’opération portant sur les charges financières déductibles pour les entreprises. Quant aux produits hybrides, ils font actuellement l’objet de travaux au niveau européen, que le Gouvernement a anticipés puisque nous avons travaillé, vous vous en souvenez certainement, à une mesure qui consiste à éviter que ce qui est considéré comme intérêt dans un pays et dividende dans un autre, ce qui est le propre des produits hybrides, ne puisse donner lieu à optimisation fiscale.
Je remercie Christine Pires Beaune d’avoir insisté sur les amendements concernant la taxe d’habitation et sur la progressivité de l’impôt sur le revenu. Qu’elle sache que l’amendement qu’elle a déposé avec plusieurs autres membres du groupe socialiste sur la TFCE sera accueilli avec bonheur, pour ne pas dire davantage.
Jean-François Lamour nous a longuement interpellés sur les crédits de la défense. Le programme d’économies du projet de loi de finances rectificative touche l’ensemble des ministères, à proportion de leurs facultés contributives et à travers une approche détaillée des crédits d’intervention, des crédits de fonctionnement et des prestations. Sur certains points, la défense n’est pas exonérée de mesures de rationalisation des fonctions support, indépendamment de la question de la loi de programmation militaire. Tout cela a fait l’objet d’un travail très précis mené avec le Président de la République, le ministère lui-même et des parlementaires. J’ai ainsi eu l’occasion de recevoir la semaine dernière les présidents de la commission de la défense du Sénat et de l’Assemblée nationale, accompagnés de parlementaires de la majorité comme de l’opposition, et de préciser avec eux la question des ressources exceptionnelles, les REX, et de la fiabilité du calendrier de leur perception, ainsi que la construction des dépenses finançables au titre du second programme d’investissements d’avenir. La Cour des comptes s’est exprimée sur l’exécution des crédits de la défense en 2013 : certaines dépenses étaient éligibles au nouveau PIA et les programmes qu’elles finançaient ont été lancés après qu’il a été annoncé. Dans ce PLFR, 250 millions de crédits du PIA 2 sont réservés à la défense et un travail complémentaire sera mené d’ici à la loi de finances.
Éric Alauzet a, avec d’autres orateurs, évoqué l’impact des économies sur la croissance. Je me suis déjà exprimé à ce sujet dans la présentation du présent texte. Le CICE, les emplois d’avenir, les investissements d’avenir, le pacte de responsabilité forment un ensemble qui permet de soutenir les créations d’emplois. Les chiffres ont été donnés. Bien sûr, l’impact des économies sur la croissance dépend de la nature de la dépense que l’on réduit. Cet impact peut être plus limité quand on supprime des dépenses inutiles voire inefficaces. C’est le sens de notre démarche.
Il y a un point qui n’a que peu ou pas du tout été évoqué depuis le début de nos débats, c’est l’action de la Banque centrale européenne. Les mesures annoncées récemment vont contribuer fortement au soutien de la demande. C’est en tout cas le pari que nous faisons avec nos partenaires de l’Union européenne.
Éric Woerth a insisté sur les écarts entre la prévision et l’exécution des recettes fiscales. Certes, il y a environ 15 milliards d’euros d’écart s’agissant de la loi de finances pour 2013. Mais je voudrais tout de même lui rappeler que cet écart a été en 2008, alors qu’il était lui-même à Bercy, de 11 milliards d’euros et en 2009 – j’espère que tout le monde est bien assis – de 45 milliards d’euros !
Il y a eu certes une crise économique violente, mais peut-on dire aujourd’hui que cette crise est terminée ? Chacun en jugera. En ce qui nous concerne, nous avons pris immédiatement des mesures de « rebasage », comme on dit dans le jargon budgétaire.
Gilles Carrez a soulevé la question de l’exil fiscal, qu’il aime à rappeler dans nos débats depuis le début de la législature. Je voudrais souligner que le produit des impôts progresse régulièrement. Pour l’impôt sur le revenu, il a ainsi retrouvé son niveau de 2002 tandis que les recettes de l’ISF ont atteint 5,3 milliards d’euros cette année, soit leur plus haut niveau historique. Il n’y a donc pas de preuves tangibles d’un exil fiscal massif de la part des ménages les plus aisés. Je serai attentif à l’amendement qu’il a déposé à propos de la remise d’un rapport promis par mon prédécesseur. Il fera l’objet de ma part d’un avis favorable, ce qui ne suffit pas mais nous obligera à respecter les délais en ce qui concerne la réponse qu’il nous demande de façon tout à fait légitime.
Le président Carrez a également insisté sur l’exécution de la dépense de l’État en 2014. Je lui rappelle que nous conservons une réserve de précaution de 6,8 milliards d’euros, ce qui est un acte de bonne gestion : elle nous permettra, comme chaque année, de faire face aux aléas des dépenses de gestion de fin d’année. Il a enfin pointé le coût des OPEX, qui ne nous a pas complément échappé, vous l’imaginez bien, monsieur le président, s’agissant d’un sujet si récurrent. En 2013, du fait de l’opération Serval au Mali, nous avons certes constaté un montant important de dépenses mais non seulement nous avons tenu la norme, mais il y a eu une sous-exécution à hauteur de 144 millions d’euros. Il faudra bien sûr être attentifs à cette question qui fait aujourd’hui l’objet d’informations réciproques entre le ministère de la défense et Bercy.
Quant à l’assertion selon laquelle la dette pourrait atteindre 100 % du PIB, j’ai déjà dit ce que j’en pensais. En 2007, elle s’élevait à 64,4 % du PIB. Monsieur le président de la commission, vous étiez alors rapporteur général du budget.
En 2012, elle atteignait 90,6 % du PIB, soit trente points de hausse. Nous pouvons déjà vous assurer que, pendant cette législature, l’évolution de la dette sera différente de l’évolution constatée lorsque vous étiez rapporteur général. Le Gouvernement met en oeuvre les mesures nécessaires à la stabilisation de la dette dans un premier temps, et à sa diminution dans un second temps.
Je voudrais remercier Valérie Rabault, Bruno Le Roux et Dominique Baert pour le soutien qu’ils ont apporté au projet de loi de finances rectificative. Oui, nous avons besoin d’investissements des entreprises et de renforcement du pouvoir d’achat des ménages. Il est nécessaire de mettre en oeuvre des réductions de dépenses publiques pour retrouver des marges de manoeuvres. C’est l’objet des deux textes qui seront présentés dans un esprit groupé devant votre assemblée.
Dominique Lefebvre a développé sa règle des 3 C : courage, constance et cohérence. Nous partageons son analyse et formulons le voeu, comme je l’ai dit à plusieurs reprises, que les parlementaires se saisissent des propositions inscrites dans le rapport qu’il a rédigé avec François Auvigne afin de trouver, à la faveur d’un travail dont le Gouvernement est tout à fait demandeur, la bonne mesure s’agissant des effets de l’entrée dans le barème de l’impôt sur le revenu, cumulés ou non avec certaines allocations.
Guillaume Bachelay nous a incités à tracer une perspective, à donner de la visibilité. Telle est la volonté du Gouvernement. Il le fait avec des mesures pour 2014, c’est l’objet de ce projet de loi de finances rectificative. Il le fait ensuite dans la durée, avec le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale – mais uniquement pour l’année 2015, comme vous avez pu l’observer dans les engagements pris, car le Gouvernement souhaite aussi se donner le temps d’évaluer la montée en puissance. Même si nous inscrivons une trajectoire dans le projet de loi de programmation des finances publiques, les mesures seront déclinées année après année : c’est notre vision d’une bonne lisibilité, qui nous permet de conserver une faculté de contrôle. C’est en tout cas notre volonté.
J’espère, mesdames et messieurs les députés, ne pas avoir oublié d’orateur. Je pense que le débat qui s’ouvre nous permettra de préciser quelques points et d’en améliorer quelques autres et je souhaite qu’il se poursuive dans le même esprit que la discussion générale.
J’appelle maintenant les articles du projet de loi de finances rectificative pour 2014.
Cet article liminaire est nouveau, dans l’évolution des lois budgétaires, puisqu’il fixe non seulement le solde public pour toutes les administrations publiques mais aussi la décomposition entre déficit structurel et déficit conjoncturel – car pour l’instant, nous n’avons pu tester que les déficits. Mais un jour, nous connaîtrons les excédents !
Pouvoir distinguer entre approche structurelle et approche conjoncturelle constitue une grande avancée : cela permet de qualifier la situation économique d’un pays ainsi que la politique budgétaire qu’il mène. Nous avons été nombreux à demander que l’approche structurelle des finances publiques soit enfin admise, notamment au niveau européen. Nous l’avons obtenu récemment et nous devons maintenant, au niveau des assemblées nationales, saisir cette opportunité de qualifier la politique économique.
Par ailleurs, une telle approche permet d’affirmer clairement que la politique budgétaire a un impact sur l’économie. Quand on constate un gonflement du solde structurel, quand on fournit plus d’efforts structurels, la politique budgétaire est alors dite restrictive : elle aura un impact nécessairement négatif sur l’économie. À l’inverse, quand le solde structurel se dégrade, il y a une relance. Il n’est pas question d’une approche opposant d’un côté la demande et de l’autre l’offre : cela fait bien longtemps que les économistes disent tous que l’offre crée de la demande tout comme la demande crée l’offre. C’est la notion de solde structurel qui nous permet de synthétiser ce fait qu’on ne peut pas faire de croissance sans offre ni sans demande.
Il est très important de savoir ce que l’on inscrit dans le solde structurel à l’occasion de l’examen de cet article liminaire. Le débat doit avoir lieu et je profite de cette occasion pour vous demander, monsieur le ministre, de nous préciser en quelle année le solde conjoncturel de la France, donc la partie liée à l’insuffisance de la demande dans l’économie française, a été pour la dernière fois proche de zéro. Cela sera une façon claire de dire où en est le cycle économique de la France et où en est la politique budgétaire que nous menons.
Pour enchaîner sur les propos de Karine Berger, la décomposition en solde structurel et solde conjoncturel permet de savoir à quel niveau on se situe en termes de déficit dans le cycle. Si l’effort considérable de réduction du déficit structurel que nous avons mené depuis deux ans ne se traduit pas dans le déficit effectif, c’est tout simplement parce que, comme dans le reste de l’Europe, nous avons traversé trois années de récession : même si nous sommes en train d’en sortir, nous nous retrouvons avec un déficit conjoncturel important.
Dans cette situation, il faut évidemment des politiques structurelles comme conjoncturelles. Ce qui m’amène aux chiffres des simulations élaborées par le ministère des finances et présentées par la rapporteure générale. Je pense qu’ils sont sérieux – ce sont ceux que donnent la plupart des modèles macroéconomiques. Aujourd’hui, ces sujets sont bien maîtrisés par les économistes : cela fait plus de trente ans que l’on sait construire des modèles et les évaluer. Lorsqu’on débat d’une politique économique au Parlement, celle-ci doit s’accompagner de chiffrages de cette nature.
Certes, les allégements – 21 milliards d’euros pour les entreprises et 5 milliards pour les ménages – créent des emplois, surtout les allégements sur les bas salaires : 190 000 emplois ont été créés, nous disent les simulations, avec une stimulation de la croissance d’un quart de point de PIB par an, ce qui est cohérent avec le montant des allégements. Mais d’un autre côté, on prévoit 50 milliards de réduction de dépenses, soit deux fois plus que les allégements, qui ont un effet dépressif pratiquement deux fois plus élevé : perte de 0,7 point de PIB et de 250 000 emplois, selon le modèle. Cela n’a rien d’étonnant : dès lors que les réductions de dépenses servent à la fois à des allégements qui stimulent la croissance et à des réductions de déficit qui ont un effet dépressif, il n’est pas surprenant d’aboutir à ce résultat !
Il manque un élément à la politique du Gouvernement : il faut raccorder les politiques structurelles avec les politiques conjoncturelles. Je plaide pour cela sans relâche. Il y a une politique très simple à mettre en oeuvre, pas très coûteuse, qui consiste à proposer massivement des emplois aidés. Appliquée par la gauche en 1997 et par M. Borloo en 2006, elle s’est révélée efficace dans les deux cas parce qu’elle correspondait à des situations conjoncturelles nécessitant de relancer les emplois aidés afin de donner de la confiance et du revenu. Je pense que si l’on en revenait au pari du Président de la République d’inverser rapidement la courbe du chômage…
Rapidement ? Cela devait être acquis pour la fin de l’année dernière ! Vous vous hâtez lentement !
…avec un effort considérable pour les emplois d’avenir et l’apprentissage, on trouverait le chaînon qui manque actuellement à la stratégie du Gouvernement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Mes chers collègues, si j’étais dans la majorité, je m’inquiéterais. En effet, l’écart entre le solde structurel tel qu’il est calculé et le solde effectif ne cesse de s’accroître. Je vous rappelle les chiffres : en 2012, moins 4,2 % pour le solde structurel et moins 4,9 % pour le solde effectif, ce qui signifie que le solde conjoncturel était de moins 0,6.
L’année suivante, en 2013, avec moins 3,1 et moins 4,3, le solde conjoncturel s’établissait à moins 1,2. Enfin cette année, selon vos prévisions, le solde structurel est de moins 2,3 % et le solde effectif de moins 3,8 %, soit moins 1,5 pour le solde conjoncturel. Pourquoi l’écart s’accroît-il constamment ? Parce que, mes chers collègues, vous faites l’hypothèse que nous sommes sortis de la crise, que nous avons retrouvé une croissance régulière et que nous avons des cycles autour d’un trend.
Cet écart croissant s’explique parce que vous retenez des taux de croissance totalement irréalistes. Le taux de croissance potentiel français est de l’ordre de 1 %, pas plus ! Par conséquent, en retenant 1,5 %, puis 1,7 %, 2 % et même 2,25 %, l’écart ne peut que croître ! On peut donc vraiment se poser la question : le concept même de solde structurel et de solde conjoncturel a-t-il encore un sens après la crise ? Pour ma part, je ne le pense pas : j’ai d’ailleurs déposé un amendement sur ce point. La réponse à la question de l’écart croissant ne peut s’expliquer autrement que par une rupture des taux de croissance. Le taux d’investissement productif en France est tel que vous ne pouvez pas espérer une croissance supérieure à 1 % sur une moyenne période.
Nous en venons aux amendements. Je suis saisie de trois amendements, nos 111 , 178 et 193 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire pour soutenir l’amendement no 111 .
Il s’agit, par cet amendement, de vous proposer une opération de sincérité budgétaire, monsieur le ministre. Au vu de l’avis du Haut conseil des finances publiques, au vu de l’excellent rapport de la Cour des comptes, que j’ai sous la main d’ailleurs, sur la situation et les perspectives des finances publiques et de son analyse, que je vous invite lire, pour 2014, il est pratiquement certain, comme Charles de Courson l’indiquait tout à l’heure, que nous terminerons l’année avec un solde nominal de l’ordre de moins quatre points de PIB.
Je me souviens, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle je me permets de défendre cet amendement, que l’an dernier, à pareille époque, j’avais annoncé que le déficit public serait de l’ordre de quatre points. L’après-midi même, dans l’hémicycle, je me faisais accuser de mensonge par Pierre Moscovici. Je dis bien de mensonge.
Or je vous rappelle que nous avons terminé l’année à 4,3 points ! Puisque nous avons l’opportunité de voter un collectif budgétaire, il faut donc y inscrire les chiffres les plus réalistes. Je propose que le solde structurel soit fixé à moins 2,5 au lieu de 2,3 et le solde nominal à moins 4 au lieu de moins 3,8.
J’en profite pour m’associer aux interrogations de Charles de Courson. N’étant pas économiste, j’ai toujours un grand respect pour les interventions de Pierre-Alain Muet, que je trouve particulièrement construites et très sincères ; mais j’ai de plus en plus de mal à comprendre comment, de façon structurelle, le solde conjoncturel pourrait s’accroître. À quel moment cessera-t-il de s’accroître, monsieur Muet ? Un écart de solde conjoncturel de 1,5 point, c’est absolument colossal, d’autant que nous ne sommes plus en période de crise ! Il faut donc que l’on comprenne vraiment ce qu’il se passe : tel est l’objet de cet amendement.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 178 .
C’est un amendement radical, qui consiste ni plus à moins à apporter la contestation. La seule chose dont on soit certain, c’est le solde effectif. Contrairement à ce que pense M. Muet, qui adore la macroéconomie, les cycles chers à notre président Hollande sont de l’ordre de cinq à six ans. Si la thèse défendue par le président Hollande pendant deux ans, selon laquelle cela va repartir parce que la vie économique est faite de cycles, était exacte, on devrait constater une réduction de l’écart cette année. Or il continue à augmenter ! Il ne va pas finir à 1,5, comme indiqué dans l’article liminaire, mais au minimum à 1,7 et l’année prochaine, ce sera encore pire ! À quel moment allez-vous réajuster les compteurs, mes chers collègues ?
Comptez-vous continuer pendant deux ans à faire croire que la croissance sera de 2,25 %, puisque telle est la croissance potentielle que vous retenez ? Mais 2,25 % en 2016-2017, c’est complètement irréaliste ! C’est là que réside le problème. Car si votre thèse était exacte, monsieur Muet, on devrait assister à une inversion : un retour à zéro tout d’abord, puis une inversion en haut de cycle, avec un solde conjoncturel négatif. Or l’écart ne fait que s’accroître ! Sa durée est telle qu’elle est incompatible avec des cycles de cinq ou six ans. Ce n’est pas possible ! Vous voyez bien que la théorie des cycles, de par les chiffres que vous donnez, n’est absolument plus adaptée à la situation et que votre taux de croissance potentiel est complètement irréaliste.
La parole est à Mme Karine Berger, pour soutenir l’amendement no 193 rectifié .
Cet amendement adopté par la commission des finances vise à prendre acte du fait que le déficit conjoncturel est égal au déficit structurel – bref, qu’il s’agit autant d’un problème de politique d’offre que d’un problème de politique de demande. La commission des finances a jugé que la situation économique de la France était caractérisée aujourd’hui par cet équilibre.
Pour répondre au président Carrez, le solde conjoncturel se rétablira quand la croissance économique de la France sera supérieure à la croissance potentielle – laquelle, monsieur de Courson, n’est absolument pas évaluée à 2,25 % actuellement mais, au maximum, à 1,6 % ou 1,7 %. Autrement dit, l’année où nous avons eu 2,1 % de croissance, nous avons un peu corrigé le solde conjoncturel.
Pour revenir à l’amendement, il s’agit de montrer d’une part que le Gouvernement a mené depuis deux ans une politique extrêmement efficace de réduction du déficit structurel qui nous avait été légué, et d’autre part que la crise économique est toujours là et que le solde conjoncturel est par conséquent aussi une problématique de notre solde global aujourd’hui.
La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission sur ces trois amendements en discussion commune.
Je commencerai par les deux premiers amendements, nos 111 et 178 , de MM. Carrez et de Courson. Au cours des débats en commission des finances, vous avez à juste titre signalé que la conjoncture, le fait que la croissance avait été plus faible expliquait que les rentrées fiscales avaient été moindres. Si vous deviez corriger quelque chose, c’était donc plutôt le solde conjoncturel qu’il fallait dégrader. Or pas du tout ! Vous aggravez le solde structurel ! On considère donc qu’il n’y a plus de problème avec la croissance et que, par conséquent, le problème porte sur le solde structurel et non sur le solde conjoncturel.
Je ne comprends pas très bien pourquoi vos deux amendements disent exactement le contraire de ce que vous défendez en commission des finances. Si les rentrées fiscales sont moindres du fait de la croissance, ce n’est pas un problème structurel mais un problème conjoncturel et cela signifie bien que nous sommes encore dans la crise.
J’en viens maintenant à l’amendement no 193 rectifié , qui a été adopté par la commission. Les notes de calcul dont nous avons pu disposer montrent qu’il y a eu un rebasage du PIB réalisé, mais pas du PIB potentiel, qui est un des critères du calcul. Parallèlement, quand on regarde l’effet de la conjoncture sur les rentrées fiscales, on voit que c’est la moindre croissance qui a entraîné de moindres rentrées. C’est bien un effet conjoncturel et non un effet structurel. Fixer le solde structurel et le solde conjoncturel à parité signifie concrètement que nous voulons une politique en direction du pouvoir d’achat des ménages et en direction des entreprises pour qu’elles puissent relancer leurs investissements.
Avis défavorable donc sur les amendements nos 111 et 178 et favorable sur l’amendement no 193 rectifié .
Ces trois amendements ne sont pas de même nature. Le no 111 de M. Carrez propose de revoir à la baisse la prévision de solde public pour 2014 en la faisant porter intégralement sur le solde structurel. À notre avis, ceci est déraisonnable. Certes, la contestation porte essentiellement sur les hypothèses de croissance. Je vous rappelle que le Haut conseil des finances publiques a estimé qu’une croissance de 1 % n’était pas hors de portée…
…en faisant les réserves habituelles. Il avait d’ailleurs estimé dans son avis sur le programme de stabilité que cette hypothèse était « réaliste ». En matière de prévision, il existe toujours un aléa, à la hausse comme à la baisse. À ce moment de l’année, dans l’attente, le 14 août prochain, de l’estimation de l’INSEE pour les chiffres du deuxième trimestre, il n’y a aucune raison objective de revoir cette prévision de croissance. D’ailleurs, je constate que vous ne proposez pas de revoir à la baisse notre prévision de solde conjoncturel.
Sur les finances publiques, là encore la prévision à mi-année montre qu’il y a tout lieu de penser que la dépense sera tenue. Je vous rappelle que le Gouvernement dispose d’un certain nombre de leviers et qu’il ne se prive pas de les utiliser pour piloter l’exécution. À notre avis, il n’y a pas lieu de s’écarter, à ce stade, de la prévision sous-jacente à l’article liminaire qui est cohérente avec l’ensemble des dispositions soumises à votre examen. Le Gouvernement est donc défavorable à l’amendement no 111 .
L’amendement no 178 de M. de Courson est la négation de la notion de déficit structurel. Mme Berger a opportunément rappelé que son argumentation sur les erreurs que commettrait le Gouvernement en tablant sur une croissance potentielle de 2,25 % est complètement infondée. La croissance potentielle retenue par le Gouvernement est de 1,5 %. Par ailleurs, monsieur de Courson, je crois que vous avez voté la loi organique récente sur les finances publiques qui pointe, en lien d’ailleurs avec la méthodologie de l’Union européenne, la nécessité de bien mettre en évidence le solde structurel, le solde nominal. Nous en avons longuement débattu. Le Gouvernement est donc défavorable à votre amendement.
L’amendement no 193 rectifié que Mme Karine Berger a soutenu et qui a été adopté par la commission des finances propose d’inscrire pour 2014 des déficits structurel et conjoncturel de même ampleur, c’est-à-dire de 1,9 point chacun et non plus de 2,3 et 1,5 point respectivement, ce qui permettrait de légitimer que l’économie française a besoin de politiques de soutien autant à la demande qu’à l’offre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Le calcul opéré dans cet amendement repose malheureusement, et je crois que Mme Berger le sait, sur une différence d’appréciation en ce qui concerne la prise en compte de la croissance en 2011. Cette année-là, le déficit conjoncturel a été proche de zéro, mais elle a omis de prendre en compte la croissance, qui est passée de 1,7 à 2,1 %. C’est ce qui explique une grande partie de la différence entre ces deux modes de calcul.
Je vous rappelle que l’article liminaire a été examiné par le Haut conseil des finances publiques, qui l’a validé, et les modalités de calcul des soldes avec. Le Haut conseil note que les hypothèses de finances publiques sont plus réalistes qu’au stade du projet de loi de finances. Si l’amendement était adopté, l’article liminaire ne serait plus fondé sur des calculs corrects. Il y aurait donc un risque d’insincérité et donc de censure du texte par le Conseil constitutionnel.
Mais cet amendement soulève un débat politique sur l’opposition d’un certain nombre de parlementaires…
…et de l’opposition aussi, débat qui ne doit pas être éludé et qui consisterait à opposer l’offre et la demande.
La France souffre surtout des déséquilibres qu’elle n’a pas su résorber : déficit extérieur, déficit public et déficit d’emplois. Compte tenu de son déficit extérieur qui s’élève à 3 points de PIB en 2013 et de son manque de compétitivité relative, la France est pénalisée. Le Gouvernement souhaite proposer, au travers du CICE, du pacte de responsabilité et de toutes les mesures contenues dans le présent PLFR et dans le PLFRSS un certain nombre de mesures qui marchent sur deux pieds – je crois que Mme la rapporteure générale a rappelé que c’est comme cela qu’on avançait ! C’est donc ce que proposent pour 2014 et 2015 les présents projets de lois de finances.
Bien entendu, nous restons très attentifs au pouvoir d’achat et à la consommation. C’est pourquoi nous proposons une baisse d’impôts sur les revenus des ménages modestes et, dans le PLFRSS, une baisse des cotisations des salariés dont je vous rappelle l’ampleur puisqu’elle représentera 2,5 milliards d’euros à partir du 1er janvier 2015. Ainsi nous attendons une hausse de 0,7 point cette année du pouvoir d’achat du revenu brut disponible, après qu’il a baissé en 2012 et stagné en 2013.
Tels sont les arguments qui me conduisent à demander aux auteurs des trois amendements de les retirer. À défaut, le Gouvernement y est défavorable.
Je veux essayer de montrer pourquoi l’amendement présenté par Karine Berger a été adopté en commission.
Monsieur de Courson, tant que la croissance effective est inférieure à la croissance potentielle, et notre ministre, qui est un éminent mathématicien, le sait, l’écart entre le PIB potentiel et le PIB effectif se creuse. Dès lors, le déficit conjoncturel se creuse. Ce qui est paradoxal, c’est de voir que dans l’évaluation qui nous a été présentée, le déficit conjoncturel ne se creuse pas entre 2013 et 2014 alors que la croissance est plus faible que la croissance potentielle, l’inflation plus faible que l’inflation prévue. C’est cela qui explique le creusement du déficit conjoncturel. Je suis désolé de dire ici, c’est plutôt dans une assemblée d’économistes que l’on pourrait en débattre, que je pense qu’il y a une erreur de calcul, que le rebasage du PIB n’a pas été rapporté au PIB potentiel. C’est assez étonnant. En tout cas, la proposition de Karine Berger est complètement cohérente.
Monsieur de Courson, tant que nous n’aurons pas rattrapé la croissance potentielle, le déficit conjoncturel se creusera. Quand nous irons plus vite que la croissance potentielle – j’espère que cela se produira un jour, et rapidement – c’est au contraire un excédent conjoncturel qui apparaîtra.
Monsieur le ministre, je vais retirer mon amendement, qui n’avait pour objet que d’animer le débat. Mais je rappelle que si le Gouvernement table, certes, sur une croissance potentielle de 1,5 % actuellement, vos prévisions pour les années suivantes sont toujours basées sur un taux de croissance élevé, puisqu’elle est estimée à 2,25 % en 2016 et en 2017.
La croissance, pas la croissance potentielle !
Vous vous acharnez à penser que le taux de croissance sera de 1,5 %, mais non. La Commission européenne estime que le taux de croissance potentielle française sera entre 1 et 1,1 %. Vous êtes donc devant une réalité, celle d’un écart croissant, et vous ne voulez pas vous interroger sur le taux de croissance potentielle de la France. Je pense que l’hypothèse de 1,5 % est surévaluée. Le problème, ce n’est pas simplement les capacités de production, mais leur compétitivité. Sans outils de production compétitifs, vous n’aurez pas de croissance. Tous ces calculs sont donc complètement faussés.
En revanche, je partage, contre la majorité, la position du ministre. Si vous votez l’amendement présenté par Mme Berger, vous dynamiterez complètement tout ce qu’a exposé le Gouvernement !
Si cet amendement est maintenu, nous nous ferons un plaisir de saisir le Conseil constitutionnel, qui dira que ce projet est d’une insincérité totale.
En effet, soit l’article préliminaire est vrai et tout le reste est faux, soit il est faux et le reste est vrai.
Madame Berger, comme chacun sait que le solde effectif ne sera pas de moins 3,8 % mais de moins 4 %, vous ne devriez pas proposer un solde conjoncturel de moins 1,9 % mais de moins 2 %. Et vous devriez même aller encore plus loin pour montrer que l’on atteint presque l’équilibre budgétaire ! Votre amendement est aberrant.
L’amendement no 178 est retiré.
Je veux revenir sur l’amendement de M. Carrez. Si l’opposition souhaite revoir le solde structurel à la hausse et l’estimer à sa vraie valeur, c’est pour trois raisons. Premièrement, l’évolution à législation constante des recettes des impôts sur le revenu et sur les sociétés est encore aujourd’hui, et la Cour des comptes le dit, surestimée. Deuxièmement, les prélèvements sociaux pourraient pâtir d’une croissance moins dynamique de la masse salariale. Troisièmement, le ralentissement des dépenses de personnel des collectivités locales et des prestations sociales versées par elles est loin d’être acquis. C’est une évidence, mais encore faut-il le préciser.
Pour toutes ces raisons, il nous semble évident qu’il convient de revoir le solde structurel à la hausse. Comme l’a fort bien dit Charles de Courson, l’hypothèse de croissance potentielle est surévaluée. Vous utilisez les chiffres comme cela vous arrange. Mme Berger veut parvenir à un solde effectif de moins 3,8 % ? Alors elle coupe la poire en deux : 1,9 + 1,9 ! Mais quel réalisme, dans ces calculs ? On ne fait pas dire aux chiffres ce que l’on veut leur faire dire. Si c’est pour donner un blanc-seing à la politique du Gouvernement, elle devrait au contraire proposer 0 + 3,8 ! Mais en réalité, le solde effectif ne sera pas de moins 3,8 % mais de moins 4 %, comme le dit le Premier président de la Cour des comptes. Il convient donc de revoir le solde structurel à la hausse pour tenir compte d’un solde effectif global de moins 4 %.
Je trouve cette discussion extrêmement inquiétante. Elle est très inquiétante d’abord, parce que la plupart d’entre nous, moi le premier d’ailleurs, ne la comprenons pas. Solde structurel, solde conjoncturel, nominal, effectif… C’est une discussion qui, en fait, organise l’opacité sur la réalité des déficits budgétaires et consiste à s’éloigner du principe de réalité. Ce principe de réalité, quel est-il ? C’est que vous allez être conduits, avec un solde réel de quatre points de PIB en 2014, à emprunter 80 milliards d’euros. Et qu’en plus de ces 80 milliards, il va falloir refinancer 120 milliards d’annuités en capital qui tombent en 2014. Cette année, monsieur le ministre le sait bien, il faut donc trouver 200 milliards d’euros.
Il est vrai que les taux d’intérêt extrêmement bas conduisent à une sorte d’optimisme excessif, ou d’aveuglement, mais tout cela peut changer brutalement et je trouve que ce type de discussion revient intellectuellement, monsieur Muet, à se construire une sorte d’alibi pour ne plus regarder la réalité en face. Il y a encore trois ou quatre ans, nous n’avions pas ce type de discussion. Nous ne parlions que du déficit nominal. Nous parlions dette et emprunt, ce qui est le vrai sujet. Et savez-vous pourquoi nous sommes aujourd’hui en train de nous appesantir sur ces notions de solde structurel ? Tout simplement parce que les Allemands l’ont voulu.
En 2009, quand les Allemands ont révisé leur constitution pour introduire la notion d’équilibre, ils ont raisonné en solde structurel. Pourquoi ? Ils se sont fondés sur une rigueur très allemande consistant à s’autoriser de manière très temporaire un déficit quand on est au bas du bas de la conjoncture. Ce faisant, ils nous ont imposé – c’était sous la précédente majorité, dans le cadre du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance – de raisonner en solde structurel. Mais deux ans après, quel est le résultat ? L’Allemagne a aujourd’hui un déficit de zéro ! C’était son objectif. Les Allemands vont emprunter zéro, en dehors du refinancement de leur dette. Et nous, nous nous complaisons dans des discussions complètement abstraites…
…où nous utilisons solde structurel et solde conjoncturel comme alibis. Je trouve cela vraiment démoralisant.
Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.
Je crois, monsieur le président, qu’à la commission personne ne remet en question l’idée qu’un solde nominal, c’est de l’argent qu’il faut emprunter l’année suivante.
Mais entre les deux, il peut y avoir un ajustement, selon la manière dont on oriente la politique budgétaire. Cela ne change rien au solde nominal, à ce qu’il faut effectivement emprunter l’année suivante.
Je voudrais, monsieur le ministre, me permettre une petite question. Lorsque nous avons auditionné le président du Haut conseil des finances publiques, il nous a dit que les chiffres qu’il examinait venaient du ministère des finances et il a déclaré : « Quant à nous, nous n’avons pas le pouvoir de corriger ces chiffres ».
Je suis donc un peu embêtée. Les chiffres ne sont pas validés en tant que tels.
Je souhaite d’abord répondre brièvement à Pierre-Alain Muet. Il a raison lorsqu’il dit que la croissance est inférieure à la croissance potentielle. Mais la croissance potentielle, ce n’est pas la croissance qu’on prévoit : c’est celle qui repose sur l’observation, des trois dernières années en général.
La croissance potentielle est évaluée aujourd’hui par l’OCDE à 1,5 % : c’est le chiffre que nous avons repris. Nous aurons l’occasion d’en débattre avec la prochaine loi de programmation des finances publiques. Il est vrai que nous prévoyons une croissance de 1 %. Mais je rappelle que le déficit conjoncturel en 2013 était de 1,2 % et qu’il est évalué pour 2014 à 1,5 %. Nous avons donc bien prévu une baisse du déficit conjoncturel, parce que notre croissance est inférieure à la croissance potentielle qui est évaluée à 1,5 %.
Sur la prise en compte de la notion de déficit structurel, monsieur le président Carrez, je vous ai trouvé à nos côtés quand il s’est agi de transcrire le TSCG dans une loi organique.
Nous avons, à l’époque, conçu la nécessité de prévoir un article liminaire sur la base de cette notion, qui est devenue un standard au niveau de l’Union européenne.
Chacun peut avoir sa propre appréciation mais toujours est-il que cela existe, que cela nous est imposé et la preuve que c’est important, c’est que nous y passons du temps.
Le Gouvernement continue donc à demander le retrait de ces amendements ou leur donne un avis défavorable, pour les motifs que j’ai indiqués et à cause des risques qui ont été soulignés.
J’ai oublié de répondre à l’observation de Valérie Rabault : l’avis du Haut Conseil des finances publiques se fonde sur les communications du ministère des finances, mais aussi sur l’audition d’un certain nombre de hauts fonctionnaires, après un dialogue. Le Haut Conseil d’ailleurs, comme la Cour des comptes, ne se prive pas de contester un certain nombre de chiffres quand il en a envie : à défaut de les corriger bien entendu, il donne un avis. Or je n’ai pas noté, dans cet avis, qu’il conteste formellement et de façon massive les chiffres retenus.
L’amendement no 111 n’est pas adopté.
L’amendement no 193 rectifié est adopté.
L’article liminaire, amendé, est adopté.
Madame la présidente, je demande une suspension de séance.
Article liminaire
La séance, suspendue à vingt-deux heures quarante, est reprise à vingt-deux heures cinquante.
La séance est reprise. Nous en arrivons à la première partie du projet de loi de finances rectificative.
Madame la présidente, je voudrais faire un rappel au règlement. Je voudrais en effet interroger M. le ministre sur la façon dont nos travaux se dérouleront après l’adoption du dernier amendement.
J’ai constaté, monsieur le ministre, que vous étiez aussi abasourdi que nous, sur les bancs de l’opposition, par le moment que nous venons de vivre.
Il y a quelques semaines, j’ai été le seul député UMP à voter le plan Valls, après que j’ai lancé un « chiche ! » lorsque le Président de la République, le 31 décembre dernier, a annoncé le pacte de responsabilité. Il se trouve, monsieur le ministre, qu’à l’occasion de cet amendement, l’UDI et l’UMP vous ont soutenu au grand complet. Pourquoi ? Parce que son adoption, vous le savez bien, soulèvera un problème considérable de cohérence.
Donc, monsieur le ministre, soit vous comptez adapter la totalité du texte dont nous discutons à cet amendement, soit vous devez rassurer les partisans de l’orthodoxie budgétaire – non ceux de l’orthodoxie socialiste que l’on vient de voir à l’oeuvre –…
…et demander une deuxième délibération. Si vous le faites, nous pouvons reprendre le cours normal de nos travaux puisqu’il n’y a pas de risque d’incohérence. Mais sinon, outre le fait que le Conseil constitutionnel ne manquera évidemment pas de censurer le texte, il serait étrange…
…que nous discutions d’un texte dont nous savons qu’il n’est plus cohérent.
Merci. Je ne vois pas très bien en quoi il s’agirait d’un rappel au Règlement, mais comme vous étiez inscrit sur l’article, cela revient au même.
Précisément, je souhaite m’exprimer sur l’article ! Mon intervention relevait bien d’un rappel au Règlement.
En aucun cas ! De toute façon, M. le ministre répondra aux différents intervenants et vous pourrez prendre la parole à l’occasion de nombreux amendements.
Nous abordons l’examen de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2014.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article. La parole est à M. Régis Juanico.
L’article 1er concerne la réduction exceptionnelle de l’impôt sur le revenu en faveur des ménages modestes. Il s’agit d’un article fondamental du PLFR parce qu’il participe au rééquilibrage entre les volets « entreprises » et « ménages » du pacte de responsabilité et de solidarité. Ce dernier prévoit un allégement des prélèvements sur les ménages de cinq milliards d’ici 2017, étant entendu qu’il n’est pas interdit, d’ici là, de faire mieux.
Ce dispositif de soutien au pouvoir d’achat, qui s’élève à 1,2 milliard, est simple et lisible. Il sera favorable aux ménages modestes et moyens puisqu’il touche les bas de barèmes de l’impôt sur le revenu, à savoir les deux premières tranches, respectivement de 5,5 % et 14 %.
Autre avantage de cet article : il est immédiatement applicable, dès 2014, et il compensera l’effet du gel du barème de l’IR au titre, notamment, des mesures prises par l’actuelle opposition pour 2011 et 2012.
Cette mesure exceptionnelle sera pérennisée dans les prochaines lois de finance et consiste à alléger la charge fiscale de 3,7 millions de foyers fiscaux devenus imposables à l’IR ou plus lourdement imposés sans que leurs revenus n’aient progressé. Pour 1,9 million de foyers, l’IR sera annulé. Ils resteront ou deviendront non imposables.
Cet article a été enrichi en commission des finances par un amendement du groupe SRC visant à exonérer 250 000 foyers supplémentaires de taxe d’habitation et de redevance audiovisuelle pour une année supplémentaire.
Enfin, cet article en faveur du pouvoir d’achat sera complété par un article du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale concernant l’allégement des cotisations salariales pour les salariés qui gagnent le SMIC et pour les agents publics, puisque les salaires de 2,2 millions de fonctionnaires seront revalorisés.
La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour un rappel au règlement. Sur la base de quel article, monsieur le député ?
J’ai le règlement entre les mains, madame la présidente : sur la base de l’article 58, alinéa 1 concernant les rappels au règlement et les demandes concernant le déroulement de la séance.
J’ai demandé à M. le ministre si oui ou non nous aurons une deuxième délibération et si oui ou non nous pouvons poursuivre la discussion d’un texte dont chacun sait, le ministre au premier chef, qu’il est désormais incohérent compte tenu de l’adoption de l’amendement 193 rectifié. Si cela ne concerne pas le déroulement de la séance, je n’y comprends plus rien ! Et par la suite, j’aimerais pouvoir intervenir sur l’article.
Pour ne pas perdre de temps, je vais faire part d’ores et déjà de la position du Gouvernement.
Une deuxième délibération est possible à la fin de l’examen de la première partie du texte. Le Gouvernement analysera les conséquences du vote de l’amendement précédent et dira, le moment venu, s’il en appelle ou non à cette procédure. Cela nécessite un certain nombre d’investigations sur le plan juridique et implique d’examiner la conformité constitutionnelle du texte.
Le Gouvernement, en l’état, souhaite poursuivre le déroulement des travaux parlementaires selon la chronologie et la procédure prévues.
suite
Je ne suis pas sûr, monsieur le ministre, que vous ayez le meilleur avocat en la personne de Frédéric Lefebvre pour défendre le dispositif prévu dans le cadre de ce PLFR. C’est un bel exemple de ce qu’il ne faudrait pas faire ! Et que ce soit lui qui parle d’orthodoxie budgétaire, en la distinguant de l’orthodoxie socialiste… Cela dit, j’aimerais bien quant à moi qu’il y ait une orthodoxie socialiste sur ce plan-là et je ne suis pas sûr non plus que cela soit le cas. Bref, au moins tout cela a-t-il le mérite de favoriser le débat.
L’article 1er ne peut que recevoir notre assentiment car il tend à corriger un tant soit peu, ou autant que faire se peut, tout dépend où l’on se situe, les conséquences de choix qui pris isolément peuvent paraître de bon sens mais qui ont pénalisé et qui pénaliseront les classes modestes et moyennes tout en ayant contribué à remettre en cause le consentement à l’impôt. Cet article, à notre sens, masque l’absence d’une grande réforme fiscale et vise à superposer des mesures qui deviennent contradictoires.
Plusieurs écueils ne pourront être évités. L’effet de seuil, tout d’abord, est évident. Si 3,7 millions de ménages seront concernés par la réduction forfaitaire, celle-ci n’est pas une mesure progressive. Il s’agit même d’une mesure anti-progressivité.
Même si, comme l’a souligné le rapport de Dominique Lefebvre et François Auvigne, il faudra retravailler le bas de barème et, donc, les conditions d’entrée dans l’IR, il apparaît que c’est l’ensemble du barème qui doit être retravaillé en insistant également sur la fiscalité du patrimoine.
Tout à l’heure, monsieur le ministre, vous vous êtes félicité que l’ISF rapporte plus que jamais. Mais ce n’est pas seulement parce que le taux aurait été rétabli – je vous rappelle que nous ne sommes pas encore aux conditions de 2010 – mais surtout parce que les patrimoines des plus riches ont fortement augmenté !
Rappelons-nous qu’en 2012, les cinq cents plus grandes fortunes en France ont progressé de 25 %, ce qui est exceptionnel.
Un autre écueil qu’il s’agira d’éviter, ce sont bien sûr les conséquences pour les ménages redevables mais non recouvrés, notamment en ce qui concerne la fiscalité locale. Je crois que cela va être traité dans le cadre des amendements.
Pour terminer, je voudrais m’adresser à certains de nos collègues du groupe SRC, qui se félicitent que de nombreux ménages sortent de l’impôt. N’oublions pas que, dans le même temps, les décisions prises pour financer le CICE prévoient 6 milliards supplémentaires de TVA, qui est l’impôt le plus injuste. C’est là, à mon sens, le noeud gordien de ce projet de loi de finances rectificative.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, je voudrais simplement exprimer ma satisfaction de voir à quel point nous faisons cette année un effort important en direction des ménages modestes. Je m’étonne néanmoins de la teneur des débats que nous avons ce soir et je voudrais citer un homme qui, à l’époque de la Commune, avait tenu des propos graves et importants – il s’agit de Victor Hugo : « Étant les ignorants, ils sont les incléments. [...] Vous les avez laissés en proie au labyrinthe, ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte. C’est qu’ils n’ont pas senti votre fraternité. »
Notre débat de ce soir sur le projet de loi de finances rectificative a à voir avec la notion de fraternité. L’effort que nous faisons sur le plan budgétaire est un effort important en direction des catégories modestes, qui en ont besoin et qui l’attendent : ce sont 1,9 million de foyers qui sortiront de l’impôt. C’est aussi un effort en direction d’autres travailleurs dont on parle peu : les travailleurs indépendants et les exploitants agricoles, des gens qui sont souvent seuls, qui n’ont pas, ou peu, de solidarité collective, à part éventuellement les mutuelles, et qui sont souvent seuls sur leur terrain, à construire leur travail, à construire leur emploi. Nous faisons un effort en faveur de ces personnes, et on l’oublie trop souvent. Je vous remercie d’avoir pensé à eux dans ce projet de loi de finances rectificative. Cet effort sera poursuivi l’année prochaine en faveur des artisans et des commerçants. C’est cela, le peuple de France : un peuple vaillant et travailleur, qui a un sens profond de la République, de la responsabilité et de l’égalité, qui s’investit et qui travaille.
Cet effort est important, je le répète, tout comme les évolutions contenues dans ce texte. Il s’agit d’un texte équilibré : la prévision de croissance de 1 % retenue pour 2014 est la même que celle proposée par le FMI en avril, par la Commission européenne en mai et, à 0,1 % près, par l’OCDE. Ce projet est un soutien clair à l’emploi, à la consommation, à la croissance. Il s’agit là d’un effort significatif, qui suppose effectivement, de la part de l’État, des allégements forts de la dépense publique. Je crois que c’est chose faite.
…puisque les ordinateurs tournent déjà : vous êtes contraints de voter conforme, parce qu’autrement, on ne sait pas faire. Cela traduit tout de même une certaine improvisation – c’est le moins que l’on puisse dire…
Ma deuxième observation porte sur le tango argentin.
« Ah ! sur les bancs du groupe SRC.
Savez-vous, mes chers collègues de la majorité, que vous avez voté, depuis un peu plus de deux ans, un ensemble de mesures qui a fait basculer – je vous renvoie à la page 54 du rapport de notre excellente rapporteure générale – 1 940 000 contribuables supplémentaires de la non-imposition à l’imposition ? Ce soir, on va donc vous proposer – c’est le principe du tango argentin – de faire la même chose, mais en sens inverse. Il n’y a qu’un petit problème : êtes-vous sûrs que ce sont les mêmes personnes ? Non ! On a demandé au ministre, parmi les 1 940 000 contribuables devenus imposables du fait de toutes les mesures prises depuis deux ans et demi, la proportion de ceux qui allaient redevenir non imposables grâce à l’article 1er. On ne le sait pas !
Parce qu’on a un problème de polyhandicapés. Ces polyhandicapés, ce sont ceux qui ont été frappés par vos mesures successives, une fois, deux fois, trois fois, parfois mêmes quatre fois. Je prenais l’exemple d’un ancien militaire, ayant fait vingt ans de carrière et père de cinq enfants. Devenu salarié, il fait des heures supplémentaires, dans une entreprise qui, en outre, a une bonne complémentaire santé. En voilà un, de polyhandicapé !
Du point de vue de la méthode, il faudrait qu’une étude d’impact nous dise quelles sont les personnes qui vont bénéficier de ce dispositif, et que l’on voie s’il s’agit de celles qui ont été pénalisées par tous les autres dispositifs que vous avez votés. Mais on ne le sait toujours pas…
Monsieur de Courson, votre mémoire devrait remonter au-delà des vingt-quatre derniers mois et vous devriez vous rappeler la succession de mesures prises avant 2012 par l’UMP, toujours avec la délicate attention de décaler dans le temps leur entrée en vigueur.
Faut-il rappeler le gel du barème et de la prime pour l’emploi ? Puis, en 2009, la demi-part fiscale supplémentaire attribuée aux veuves ayant élevé des enfants ? Mais vous aviez évidemment prévu, comme pour la hausse de la TVA, de la décaler dans le temps…
Dès 2012, nous avons dégelé le barème pour les deux premières tranches.
Par la suite, nous avons réindexé le barème de l’impôt sur le revenu, puis nous avons revalorisé la décote et relevé de 4 % le seuil du revenu fiscal de référence. Dans ce projet de loi de finances rectificative, c’est plus d’1 milliard d’euros qui sont mobilisés en faveur des ménages. Et la force de ce PLFR, c’est son effet immédiat, puisqu’il s’appliquera aux impôts payés dès la rentrée. Je le répète, monsieur de Courson : vous nous avez habitués au mauvais coup fiscal décalé dans le temps, juste après l’élection. Avec ce PLFR, ce sont 3,7 millions de ménages, aussi bien retraités que salariés, qui vont bénéficier d’une baisse d’impôts, voire sortir de l’impôt. Avec cet article 1er, c’est 1,16 milliard d’euros supplémentaires de pouvoir d’achat qui sont accordés aux Français.
Néanmoins, cet article n’aura de sens, monsieur le secrétaire d’État, que si le Gouvernement propose, dans le projet de loi de finances pour 2015, une mesure pérenne d’allégement de l’impôt sur le revenu dans le sens du rapport proposé par MM. Dominique Lefebvre et François Auvigne.
Je m’associe à ce qui vient d’être dit pour saluer l’effort du Gouvernement et de la majorité. Charles de Courson s’étonne que les ordinateurs de Bercy anticipent. C’est pourtant heureux, et c’est ce qu’ils font à chaque fois.
Si nous n’avions pas anticipé, vous seriez le premier à vous en offusquer. C’est aujourd’hui un signe fort qui vient d’être adressé aux contribuables les plus modestes, comme à l’ensemble de la communauté nationale. Le Gouvernement affiche ainsi sa volonté de permettre à l’ensemble des acteurs économiques de prendre collectivement leur destin en main, et d’apporter, par un gain de pouvoir d’achat supplémentaire, les éléments nécessaires à la croissance et à l’activité économique du pays.
Chacun reconnaît qu’une dérive a commencé sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Alors qu’il s’exprimait contre l’augmentation de la fiscalité à la télévision, tous les textes budgétaires présentés ici proposaient des augmentations de fiscalité, notamment à l’adresse des Français les moins fortunés et des Français moyens.
Ce gouvernement a fait le choix de renverser la tendance et d’offrir 1,16 milliard d’euros de bénéfice fiscal à l’ensemble des contribuables, notamment aux plus modestes. Chacun s’en réjouit et s’en félicite. En tout cas, la majorité soutiendra cette initiative du Gouvernement avec détermination et enthousiasme.
Je voudrais remettre cet article en perspective de deux manières, et d’abord au regard de l’évolution qu’a connue la fiscalité depuis 2011. Je voudrais rappeler à nos collègues de l’opposition que ce sont d’abord leurs mesures qui ont entraîné, sur le bas de barème, l’entrée dans l’imposition d’un nombre considérable de foyers fiscaux. Je pense aussi à une mesure assez symbolique : la diminution progressive, puis la disparition, de la demi-part dite des veuves, qui concernait des personnes isolées.
Depuis 2012, environ 600 000 à 700 000 foyers sont devenus redevables à l’impôt sur le revenu. On constate que c’est pour moitié du fait des mesures que vous avez prises, et pour moitié du fait des mesures que nous avons prises, mais qui sont de nature différente. Je pense en particulier, pour 2014, à la réintégration dans le revenu fiscal de la majoration de 10 % pour les retraités ayant élevé trois enfants. Cette mesure s’inscrit, je le rappelle, dans le plan de rééquilibrage de nos régimes de retraites, et la majoration de 10 % défiscalisée est effectivement une mesure injuste et anti-redistributive – chacun comprend bien pourquoi : plus la pension est élevée, plus l’avantage est important, et comme en outre il est défiscalisé, l’avantage est double pour les plus hauts revenus.
Ce type de mesure touche effectivement tout le barème, et le travail que nous avons fait au sein du groupe de travail sur la fiscalité des ménages a montré que certaines mesures, pourtant parfaitement justifiées, peuvent avoir des effets négatifs dans le bas de barème. Dans l’attente d’une remise à plat, qui est beaucoup plus complexe, compte tenu de la sédimentation intervenue dans le temps sur le bas de barème, il était nécessaire de prendre rapidement une mesure pour faire cesser cette entrée dans l’impôt qui, pour des raisons de justice sociale, n’aurait jamais dû exister.
Je prends acte de la réponse du ministre : nous saurons donc avant l’article 3 ce qu’il adviendra de cet article liminaire.
Je voudrais, à l’occasion de l’examen de cet article, revenir sur ce que j’avais dit à la suite de la présentation du pacte de responsabilité par le Président de la République – j’ai déjà rappelé mon : « Chiche ! ». J’avais invité à ce que la baisse des charges ne concerne pas que les entreprises, mais également nos compatriotes qui travaillent. Je suis heureux de voir que mon souhait est en partie traduit dans ce texte et je sais, pour en avoir discuté avec des parlementaires de tous les bancs, que ma satisfaction est très largement partagée. Sans reprendre le théorème du tango argentin de notre collègue Charles de Courson, il faut néanmoins bien voir que, lorsqu’on travaille sur le barème, la difficulté, c’est que l’on ne sait pas bien à quelle population on s’adresse, que l’on y fait entrer beaucoup de monde, que l’on en fait sortir un certain nombre de personnes, et qu’à la fin, il y a un manque de lisibilité.
C’est l’une des raisons pour lesquelles j’aurai l’occasion de présenter un amendement – et mon collègue Charles de Courson présentera un amendement identique – sur un acquis social qui a été supprimé il y a deux ans, la défiscalisation des heures supplémentaires. Un grand nombre de nos collègues, y compris sur les bancs de la majorité, sont au contact de ceux de nos compatriotes qui travaillent dans les usines ou comme serveurs au restaurant, et ils savent que les Français qui étaient près de 9 millions à bénéficier de cette mesure ont subi une perte sèche de pouvoir d’achat. Il y a eu des débats entre nous sur les chiffres de la croissance, mais s’il y a un sujet qui ne fait pas débat, c’est bien celui de la baisse du pouvoir d’achat. Chacun sait qu’elle est bien réelle, et nous devons réfléchir à un dispositif qui récompense ceux qui travaillent.
Un mot sur les soldes : c’est magique de les modifier comme vous le faites ! Cela veut dire en réalité que le solde structurel n’a aucun sens et qu’il faut donc s’attacher au solde effectif, au solde nominal. C’est la seule manière de piloter réellement, sans manipulation, une politique économique.
L’impôt sur le revenu des personnes physiques a augmenté de 20 milliards d’euros. On peut toujours le baisser d’1,16 milliard : c’est évidemment une bonne nouvelle pour les contribuables concernés, mais la plupart des contribuables ne le sont pas, et cela ne change pas la tendance. Que vous le vouliez ou non, vous avez puissamment augmenté les prélèvements obligatoires, bien plus fortement que cela n’avait été fait à la fin du gouvernement de François Fillon, tant sur les ménages que sur les entreprises, ce qui provoque la crise dans laquelle nous sommes aujourd’hui. L’augmentation des prélèvements obligatoires est bien plus forte sous votre législature que sous la précédente.
J’entends nos collègues socialistes critiquer plusieurs des mesures que nous avons prises : le gel du barème de l’impôt sur le revenu, la suppression de la demi-part des personnes isolées…
Mais je remarque que vous n’êtes revenus sur aucune de ces mesures ! Vous ne les avez pas annulées. S’agissant du gel du barème de l’impôt sur le revenu, vous l’avez prolongé et vous l’avez fait durer aussi longtemps que M. Fillon. Vous pouvez donc sauter sur votre chaise, mais admettez que vous avez 50 % de responsabilité, et ne vous vantez pas de le supprimer aujourd’hui, nous l’aurions peut-être supprimé bien avant vous, qu’en savez-vous ?
En ce qui concerne la demi-part, j’aurais été très attentif au fait que vous proposiez de la supprimer. C’est curieux, vous ne l’avez pas fait. Peut-être, au fond, était-ce une mesure juste. La réalité est qu’à partir de septembre 2014, 70 % des Français paieront plus d’impôts qu’ils ne peuvent en payer, et que tous les Français en paieront plus, notamment par le jeu de la TVA.
Mes chers collègues, le groupe UDI s’était opposé à la fiscalisation des majorations de retraite pour enfants. Beaucoup de ceux qui commentent cette mesure commencent par dire que cela représente 10 % des retraites pour ceux qui ont eu trois enfants et plus. C’est inexact, cela va de 10 % à 30 %, puisque selon les régimes, les majorations peuvent atteindre 30 %, comme dans le régime Ircantec, ou 25 % dans le régime des fonctionnaires.
Quel est le fondement de ces majorations pour enfant ? C’est de compenser, notamment pour les femmes, le fait d’avoir élevé des enfants. Lorsque vous avez élevé trois enfants ou plus, vous avez moins de droits propres. On le constate d’ailleurs statistiquement, car selon que les femmes ont eu trois, quatre ou cinq enfants, les droits propres baissent. Il s’agissait donc d’une compensation qui leur était versée. Vous avez voulu la fiscaliser, et vous l’avez voté.
Cette mesure porte sur 3,8 millions de foyers fiscaux. Parmi ceux-là, le chiffre vient de nous être fourni dans le rapport de la rapporteure générale, 337 000 vont devenir imposables à cause de ce vote. Et parmi ces 337 000, on ne sait toujours pas combien vont redevenir non-imposables si l’article 1er est voté.
Mes chers collègues, c’est une mesure fondamentalement antisociale, contrairement à ce que certains d’entre vous ont dit. Une solution éventuelle, que je proposerai dans l’amendement no 185 , consisterait à maintenir l’exonération mais en la plafonnant. Je propose de la plafonner à 1 000 euros par an. Pour ceux qui sont dans le régime général, 1 000 euros par an à 10 %, cela correspond à 10 000 euros de retraite annuelle, soit 800 euros par mois. On ne peut pas dire que ce soient des retraites très élevées, c’est pratiquement le minimum de solidarité. On peut discuter d’une hausse de ce seuil à 1 500 ou 2 000 euros, mais fiscaliser la totalité, y compris pour les personnes les plus modestes, c’est une mesure antisociale. Si vous votiez cet amendement, vous résoudriez déjà le cas de 337 000 personnes qui vont être frappées. Et si M. le ministre ou Mme la rapporteure pouvaient nous dire combien, parmi ces 337 000 personnes, vont redevenir non-imposables si l’article 1er est adopté, ce serait intéressant.
Monsieur de Courson, vous avez à nouveau la parole, pour soutenir l’amendement no 185 .
J’ai déjà partiellement présenté cet amendement, qui tend à maintenir l’exonération d’au moins une partie des majorations pour pensions. J’ai fait le calcul : pour une personne soumise au régime général qui a élevé au moins trois enfants, un seuil de 1000 euros correspond à une retraite de 800 euros par mois. Cela me paraît vraiment le minimum minimorum, et cela sortirait d’ailleurs l’essentiel des 337 000 personnes qui ont basculé dans l’impôt suite au vote de la loi de finances initiale pour 2014.
Monsieur de Courson, vous pouvez également soutenir l’amendement no 186 .
L’amendement no 186 a pour objet de revenir sur la suppression de l’exonération de la participation des employeurs aux contrats collectifs de complémentaire santé. À l’UDI, nous avons toujours été favorables au dialogue social.
Nous pensons que le progrès social vient de négociations, de discussions et de progrès entreprise par entreprise, branche par branche. Vous avez voulu sanctionner cette forme de solidarité qui se fait au sein de l’entreprise et qui, en se généralisant, a d’ailleurs été à l’origine de ce que l’on a appelé plus tard la Sécurité sociale. Le texte qui a été voté par l’actuelle majorité a rapporté la fiscalisation des complémentaires santé et va représenter une sanction qui concerne 13,2 millions de salariés. Là encore, il aurait au moins été possible de fixer un seuil pour maintenir l’exonération, mais non : tout le monde y passe !
Et grâce à notre rapporteure générale, 252 000 foyers vont devenir imposables du fait de cette mesure. Cette mesure a sanctionné 76 % des salariés ; les 24 % restants sont ceux qui n’ont rien, on n’a donc pas pu les sanctionner, à moins que vous n’inventiez un nouveau dispositif pour ceux qui n’ont rien ! Voilà donc l’objet de l’amendement no 186 .
Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements en discussion commune ?
Les amendements nos 184 et 185 ne concernent que les retraités. Or l’article proposé par le Gouvernement tend à instaurer une réduction d’impôt qui touche l’ensemble des ménages dans une certaine tranche de revenus, qu’ils soient retraités ou salariés. Pour revenir sur votre proposition, monsieur de Courson, un amendement qui sera proposé par Dominique Lefebvre et que la commission a adopté tend à faire bénéficier des exonérations de taxe d’habitation les personnes de plus de soixante ans qui en ont déjà bénéficié en 2013, et qui constituent donc aussi la cible que vous visez. Pour cette raison, j’émets un avis défavorable à ces amendements.
Quant à l’amendement no 186 , cette fois, vous ne voulez plus faire profiter de votre mesure que les salariés, et vous excluez les retraités du bénéfice de votre mesure. Il y a très peu de cotisations patronales sur les mutuelles, et encore une fois, la mesure proposée par le Gouvernement vise l’ensemble des populations, retraités comme salariés. Avis défavorable.
Le Gouvernement est défavorable à ces trois amendements puisqu’ils reviennent sur des mesures qui ont été intégrées pour différentes raisons.
S’agissant des complémentaires santé, la généralisation des contrats collectifs de complémentaire santé va être progressivement mise en place compte tenu de l’accord national interprofessionnel, et dans les entreprises, les salariés vont avoir des dépenses qui seront déductibles pour les entreprises et qui continueront à être déductibles pour les salariés. La part des cotisations des salariés relative à leur complémentaire santé issue de contrats collectifs est déductible du revenu brut. Ce n’est pas le cas des retraités, comme le soulignait Mme la rapporteure générale, ni des contrats individuels. Il y a donc là des distorsions qu’il faudrait regarder d’un peu plus près, peut-être lors de l’examen d’un prochain texte.
Le Gouvernement n’entend donc pas revenir sur cette mesure, ni sur celle concernant la majoration de pension, qui n’est pas supportée par les ménages les plus modestes justement grâce à la mesure contenue dans cet article 1er. Il est possible de discuter sans fin du niveau de la modestie des pensions. Vous citiez des exemples, on pourrait en citer d’autres, mais le niveau fixé d’un revenu fiscal de référence de 1,13 SMIC pour attribuer la réduction d’impôts permet effectivement d’échapper à cette imposition supplémentaire.
Il a été fait allusion, notamment par M. Woerth, au gel du barème et au fait d’être revenu sur des mesures antérieures, ou de ne pas l’avoir fait. Le Gouvernement a déjà revalorisé les tranches de l’impôt sur le revenu de 0,8 %, ce qui est conforme à l’inflation, voire légèrement supérieur. Le Parlement a accepté de revaloriser de 5 % le montant de la décote applicable à l’impôt sur le revenu, en la portant de 480 euros à 508 euros. Les seuils d’exonération et d’allégement applicables en matière de fiscalité locale, qui jouent également pour la CSG et la CRDS, ont aussi été revalorisés de 4 %, c’est-à-dire cinq fois plus que l’inflation. Ce mouvement supplémentaire vient s’ajouter à des mesures antérieures, et le Gouvernement est défavorable à ces trois amendements.
La parole est à M. Jean-François Lamour, pour soutenir l’amendement no 113 .
Nous reparlons finalement un peu de cet article liminaire qui a causé tant de tracas au Gouvernement, puisque ce premier vote remet en question tout le reste, à moins que le ministre ne reprenne la main dans quelque temps. Il pose la question de l’efficacité de l’impôt, et surtout de l’impôt sur le revenu. Nous nous sommes aperçus en 2013 que cet impôt n’était plus efficace, puisqu’il vous manquait globalement 14 milliards, dont pratiquement 4 milliards au titre de l’impôt sur le revenu. C’est que les augmentations qu’a connues cet impôt ont finalement eu pour effet de le rendre inefficace. Vous continuez, puisque pour 2014, ce sont 7,7 milliards d’euros qui sont sollicités par l’impôt sur le revenu.
Le résultat des élections municipales vous a fait en partie réagir, et vous avez pris une mesure en urgence, il faut le reconnaître, en faveur des bas revenus allant du SMIC à 1,13 SMIC. Mais pour les revenus supérieurs, c’est la catastrophe ! Vous allez à nouveau imposer un véritable coup de massue à ce que le président de la commission appelait fort justement la fourchette basse des classes moyennes, c’est-à-dire pour les revenus au-delà de 1,13 SMIC, voire au-delà de 1,3 SMIC puisque la baisse des charges sociales va commencer au début de l’année 2015.
Nous sommes intimement convaincus que le fameux solde structurel, que vous estimiez d’abord à 2,5 % et maintenant à 1,9 % – ce qui est quand même une hérésie – se situera sans doute aux alentours de 2,8 %, à cause de tout cela.
Nous avons donc prévu un lissage pour les revenus en deçà de 40 000 euros qui permettra à 14 millions de foyers de bénéficier d’une atténuation de la portée de cette augmentation extrêmement violente de l’impôt sur le revenu.
L’amendement que vous proposez tend à saupoudrer, monsieur Lamour, vu les seuils que vous proposez. Rappelons le rapport de notre collègue Dominique Lefebvre : le dernier décile commence à 49 000 euros. Vous proposez donc des mesures presque sans condition de ressources, ce qui fait que 90 % des ménages seraient concernés, mais par du saupoudrage.
C’est tout de même du gaspillage d’argent public. Pour cette raison, j’émets un avis défavorable. Je précise que les ménages modestes bénéficieraient d’un montant de réduction d’impôt nettement moindre avec votre mesure qu’avec ce qui est proposé par l’article 1er.
Le Gouvernement partage l’avis de la rapporteure générale. Cette mesure aurait un coût de l’ordre de 5 milliards d’euros, si nos calculs sont bons – mais je pense que ce chiffre n’est pas contesté. J’ai bien observé que les auteurs de l’amendement avaient quelques idées de financement, mais nous n’approuvons pas plus ces idées que la mesure elle-même.
La rapporteure générale a opportunément indiqué que la disposition proposée toucherait une très forte proportion de contribuables, pour un montant de franchise d’impôt finalement relativement faible pour certains bénéficiaires – beaucoup plus faible, en tout cas, que ce que propose le Gouvernement.
Aussi, cet amendement nous paraît manquer complètement la cible. Le Gouvernement souhaite préserver de l’impôt les personnes situées à la marge, sur le seuil ou parfois légèrement au-dessus du seuil de l’impôt sur le revenu : c’est l’objet de l’article 1er. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
Monsieur Lamour, au-delà des problèmes de coût budgétaire, cette proposition n’est pas adaptée pour résoudre les difficultés identifiées par le groupe de travail sur la fiscalité des ménages, qui les a principalement situées en bas du barème et à l’entrée de ce dernier.
On peut considérer qu’aujourd’hui, la fiscalité qui pèse sur les ménages est trop lourde. Cependant, il nous semble que toute réforme doit démarrer par le bas du barème. Dois-je vous rappeler qu’aujourd’hui, un célibataire devrait théoriquement payer l’impôt à partir d’un revenu de 6 085 euros par an ? Or, compte tenu de certaines mesures comme les décotes ou l’instauration d’un seuil de reversement, il commence à être imposé à partir de 12 000 euros. De même, un couple avec un enfant devrait commencer à payer l’impôt à partir d’un revenu annuel de 15 000 euros, mais il n’en paie en pratique qu’à partir de 25 000 euros. Voilà d’ailleurs ce que l’on peut répondre à ceux qui pensent que l’impôt sur le revenu ne touche pas suffisamment l’ensemble des Français, notamment les foyers modestes.
Pourtant, c’est pour les catégories de contribuables les plus modestes que le fait de devenir imposable entraîne souvent les conséquences les plus importantes, avec des taux de prélèvements implicites sociaux et fiscaux pouvant être élevés. Dans le rapport, nous avons évoqué des taux marginaux de l’ordre de 80 % : au niveau de 0,75 SMIC, une personne gagnant 100 euros supplémentaires ne conserve que 20 euros de revenu disponible, alors qu’au niveau de 1,75 SMIC, une augmentation de 100 euros permet d’accroître son revenu disponible de 60 euros.
Il y a donc bien une réflexion d’ensemble à mener sur la fiscalité. Mais cela ne peut se faire que dans le cadre d’une stratégie résolue de baisse des prélèvements obligatoires sur les ménages, en commençant probablement par des mesures de bas de barème, car c’est sans doute à ce niveau que la complexité et les effets de seuil très importants sont les plus néfastes et expliquent l’incompréhension de nos concitoyens devant l’impôt.
L’amendement no 113 n’est pas adopté.
La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour soutenir l’amendement no 302 .
Comme je l’ai dit tout à l’heure, nous approuvons la réduction exceptionnelle d’impôt sur le revenu proposée par le Gouvernement, mais nous avons le souci d’y ajouter quelque chose afin d’améliorer encore la justice fiscale et sociale.
Le mode de calcul du quotient familial demeure peu clair, et il n’a pas été réformé. Il est donc proposé d’instaurer une plus grande équité entre le bas et le haut du barème de la réduction d’impôt sur le revenu 2014 dont l’article 1er permet de bénéficier au titre de parents.
En effet, le mode de calcul du quotient familial bénéficiera à plein, au titre des revenus de 2013, aux ménages aux plus forts revenus, à hauteur d’un crédit d’impôt maximum de 1 500 euros. Or les ménages concernés par l’article 1er ne bénéficieront de cette mesure qu’à la marge. Afin de compenser en partie cette situation de fait, il est proposé d’augmenter sensiblement le seuil de revenus par demi-part du dispositif de réduction exceptionnelle d’impôt sur le revenu en faveur des ménages modestes prévu par l’article 1er et plafonné à 700 euros par couple. Actuellement fixé par le Gouvernement à 3 536 euros, nous souhaitons porter ce seuil à 4 000 euros.
La mesure proposée par le Gouvernement contient d’ores et déjà une part de familialisation dans le mode de définition du plafond. À titre d’exemples, un célibataire bénéficie de cette mesure pour des revenus compris entre 0,96 et 1,13 fois le SMIC, tandis qu’un couple avec trois enfants est concerné pour des revenus entre 2,4 et 3,4 fois le SMIC. Dans ce dernier cas, l’amendement no 302 aurait pour effet de porter le plafond de 3,4 à 3,53 fois le SMIC : il y a donc un petit décalage. Aussi, par rapport à l’effort budgétaire déjà proposé par le Gouvernement, cette extension de la mesure entraînerait un coût supplémentaire relativement significatif. Par ailleurs, les tranches de revenus et donc les foyers concernés seraient assez proches.
La commission souhaite en rester à la mesure proposée par le Gouvernement et donne donc un avis défavorable à cet amendement.
Le Gouvernement partage l’avis de la commission. Le coût de l’amendement est de l’ordre de 100 millions d’euros ; or nous avons déjà élaboré une mesure dont le coût budgétaire s’élève à 1,1 milliard d’euros.
Par ailleurs, comme l’a indiqué la rapporteure générale, la mesure proposée par le Gouvernement prend en compte la situation familiale à travers le revenu fiscal de référence et le quotient familial. Il ne nous semble donc pas opportun d’aller au-delà.
Mesdames et messieurs les députés, j’aurai probablement l’occasion de le redire à d’autres reprises lors de ce débat : l’adoption d’un tel amendement accroîtrait le déficit et dégraderait le solde budgétaire. Certes, j’ai bien vu que l’amendement prévoyait un gage, mais ce dernier est relativement traditionnel.
Je comprends les arguments de la rapporteure générale et du secrétaire d’État, sans les partager totalement. Le secrétaire d’État a évoqué avec exactitude un coût de 100 millions d’euros. Cette somme peut apparaître considérable – elle l’est, d’ailleurs –, mais je rappelais tout à l’heure que des entreprises de la grande distribution comme Casino ou Carrefour ont perçu respectivement 70 et 80 millions d’euros au titre du CICE en 2013. Aussi, pour une mesure de justice plus générale concernant des contribuables au niveau de vie modeste ou moyen, une dépense de 100 millions d’euros serait tout à fait légitime.
L’amendement no 302 n’est pas adopté.
Sur l’article 1er, je suis saisie par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. le président de la commission des finances, pour soutenir l’amendement no 112 .
Cet amendement vise à souligner les problèmes d’effets de seuil suscités par la mesure proposée par le Gouvernement. Le Conseil d’État a demandé à juste titre au Gouvernement, comme nous l’avions fait auparavant, d’opérer un minimum de lissage. Comme le secrétaire d’État chargé du budget est un adepte des mathématiques, il a proposé d’arrêter le dispositif au niveau de revenu en deçà duquel il restait impossible de payer, pour un euro de revenu supplémentaire, plus d’un euro d’impôt – c’est en tout cas ce que j’ai compris en commission –, soit 1,13 SMIC. Or ce dispositif, basé sur un raisonnement assez difficile à appréhender, maintient tout de même des effets de seuil.
Je répète la préoccupation que j’ai déjà exprimée à de nombreuses reprises : une baisse des cotisations salariales qui jouera jusqu’à 1,3 SMIC va être engagée l’année prochaine. Entre le dispositif fiscal concernant l’impôt sur le revenu et le dispositif relatif aux cotisations sociales salariales, nous risquerons de mettre en place une véritable trappe à bas revenus. Il faut donc être très vigilants quant aux effets de seuil.
L’amendement no 112 propose d’attribuer aux contribuables dont les revenus sont compris entre 1,1 et 1,2 SMIC la moitié de la réduction d’impôt, soit 175 euros pour un célibataire et 350 euros pour un couple. Ce système est très simple : jusqu’à 1,1 SMIC, un célibataire toucherait une réduction d’impôt de 350 euros ; entre 1,1 et 1,2 SMIC, il percevrait 175 euros.
Monsieur le président de la commission, vous proposez en somme d’accepter l’article 1er présenté par le Gouvernement et de faire en sorte que tous les autres ménages bénéficient de la moitié de cette réduction d’impôt, soit 175 euros pour un contribuable célibataire et 350 euros pour un couple.
Je me fie toujours à l’écrit, monsieur le président.
Votre amendement prévoit donc un saupoudrage maximal,…
…qui coûterait beaucoup d’argent public. Et comme je sais que vous êtes très soucieux de la bonne utilisation de l’argent public, surtout en période de déficit, je donne un avis défavorable à votre amendement.
Je suis très étonné que le président de la commission corrige oralement un amendement, qui prévoit en réalité beaucoup plus que ce qu’il a dit.
Je connais votre souci de la précision, monsieur le président : nous avons longtemps travaillé ensemble, et nous continuons. Je suis très surpris : en proposant à l’ensemble des ménages, y compris les plus aisés, de profiter d’une part d’une réduction d’impôt que nous souhaitions concentrer sur les ménages les plus modestes, vous avez défendu un amendement à plus de 4 milliards d’euros.
Nous avons déjà eu ce débat à l’occasion de l’examen de l’amendement précédent, mais je tiens à défendre le lissage que nous avons mis en place, car l’effet de seuil n’était pas opportun. D’ailleurs, dans le calibrage du lissage, nous avons choisi l’option la plus favorable aux contribuables, car nous aurions pu décaler vers la gauche la pente du graphique. Ce choix a donné lieu à une dépense légèrement supérieure à celle qui était prévue à l’origine : à cause de ce lissage, la mesure, initialement calibrée à 1 milliard d’euros, coûte désormais 1,1 milliard.
Le Gouvernement est défavorable à l’amendement no 112 .
Le président Carrez a raison de poser la question des effets de seuil, même si nous pouvons discuter des modalités de son amendement.
Le rapport du groupe de travail sur la fiscalité des ménages coprésidé par notre collègue Dominique Lefebvre nous a permis de découvrir des trappes extraordinaires. Savez-vous, mes chers collègues, ce qui est prélevé sous forme d’augmentation d’impôt ou de réduction de prestations à un célibataire dont le revenu est compris entre 0,5 et 0,8 SMIC et qui gagnerait 100 ou 200 euros supplémentaires ? 77 % de son revenu marginal, soit un taux supérieur à celui existant au sommet de la pyramide des revenus. Le même problème se pose pour un couple gagnant entre 1 et 1,3 SMIC.
Ainsi, l’article 1er peut être critiqué dans la mesure où il va accentuer les trappes à pauvreté autour du SMIC. C’est ce problème que le président de la commission essayait de résoudre. Certains chefs d’entreprise commencent à caler leur politique salariale sur ces dispositifs : imaginez les conséquences !
Bref, on continue à bricoler. Tant que l’on n’aura pas le courage – ce que nous avons essayé de faire au sein de la commission coprésidée par notre collègue Lefebvre –, de tout refonder, on ne fera qu’accentuer le mal.
L’amendement no 112 n’est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 56 Nombre de suffrages exprimés: 54 Majorité absolue: 28 Pour l’adoption: 53 contre: 1 (L’article 1er est adopté.)
Je suis saisie de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 1er.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 35 .
Il s’agit de remédier à une distorsion. Les sociétés civiles qui réalisent des opérations de nature commerciale sont soumises à l’impôt sur les sociétés sur l’ensemble de leurs bénéfices.
Par exception, celles qui exercent une activité agricole ne relèvent pas de l’impôt sur les sociétés, lorsque leurs recettes commerciales accessoires n’excèdent pas les seuils fixés par les articles 75 et 75A du code général des impôts. L’interprétation donnée par le Conseil d’État dans l’arrêt rendu le 1er juillet 2009 pénalise un certain nombre de ces structures, cette jurisprudence focalisant l’appréciation des seuils de rattachement au niveau de chacun des membres du groupement et non au niveau de la société elle-même. Cette jurisprudence place en effet les associés de GAEC dans une situation moins favorable que celle des exploitants individuels.
L’amendement propose de mettre en concordance le principe de transparence des GAEC, qui prévoit que leurs associés ne doivent pas être placés dans une situation moins favorable que les exploitants individuels, avec les dispositions des articles 75 et 75 A du code général des impôts.
Par le biais de cet amendement, vous proposez d’étendre la possibilité, pour les groupements agricoles d’exploitation en commun – les GAEC –, de bénéficier du régime d’imposition forfaitaire des bénéfices agricoles dont ils bénéficient aujourd’hui. Vous proposez d’étendre les activités accessoires d’un exploitant agricole qui bénéficie normalement des bénéfices industriels et commerciaux et des bénéfices non commerciaux, et de les prendre en compte au titre des trois années précédentes, pourvu que la moyenne annuelle des recettes accessoires n’excède ni 30 % de la moyenne annuelle des recettes tirées de l’activité agricole ni 50 000 euros.
Lorsque les exploitants sont membres d’un GAEC, les plafonds sont aujourd’hui appréciés au niveau du groupement. Vous proposez qu’ils soient désormais appréciés à titre individuel, exploitant par exploitant.
Je me permets de rappeler que le régime d’un GAEC est relativement favorable. Alors que les sociétés agricoles sont créées depuis 1997, elles ne peuvent plus bénéficier du régime forfaitaire désormais réservé aux seuls exploitants individuels, mais les GAEC continuent de pouvoir bénéficier de ce régime à condition de respecter les limites du chiffre d’affaires.
En fait, vous proposez de multiplier les avantages d’appréciation qui pourraient exister et qui feraient en sorte que le régime fiscal soit doublement favorable. L’amendement a été rejeté par la commission, il avait déjà été présenté à plusieurs reprises et avait connu le même sort.
Avis défavorable, donc.
Le Gouvernement partage l’avis de la commission, même s’il reconnaît que le problème soulevé mérite que l’on s’interroge. Je ne reprends pas l’intéressante explication de Mme la rapporteure générale.
L’ennui, madame Dalloz, c’est que votre amendement n’apporte pas de bonne solution, car vous n’expliquez pas comment sont appréciés les seuils de 50 000 et de 100 000 euros. Or c’est le coeur de la problématique posée par la jurisprudence.
Votre amendement propose une solution qui ne fonctionne pas et qui ne précise pas le rattachement des revenus accessoires aux bénéfices agricoles, lequel doit satisfaire un deuxième seuil exprimé dans une proportion des bénéfices agricoles, 30 ou 50 %. Là aussi, votre amendement ne précise pas comment ce second seuil est apprécié.
Faute d’une expertise préalable plus approfondie ou de l’obtention d’une solution satisfaisante, votre amendement ne peut être retenu en l’état. Si vous ne le retiriez pas, je demanderais à l’Assemblée de le repousser.
L’amendement no 35 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 34 .
Toujours dans le but de conforter l’agriculture de groupe, le présent amendement propose de permettre la multiplication réelle du plafond de déduction commun à la DPI et à la DPA dans les GAEC comme dans les EARL par le nombre d’associés exploitants dans la limite de trois.
On multiplie le plafond individuel par trois pour bénéficier des déductions dans le cadre de la DPI et de la DPA.
Cet amendement a été rejeté par la commission la semaine dernière. L’administration fiscale refuse la multiplication que vous proposez sur l’appréciation du plafonnement qui est cumulé dans le temps. L’article 71 prévoit que les plafonds prévus à l’article 72 D ter sont multipliés par le nombre d’associés dans la limite de trois, la loi est très claire à ce sujet. Aux termes de l’article 72 D ter, ce n’est pas le montant de 150 000 euros qui constitue un plafond, mais la différence positive entre la somme de 150 000 euros et le montant des déductions pratiquées et non encore rapportées au résultat. C’est donc bien la différence qui doit être multipliée par trois pour les GAEC comptant au moins trois associés, et non les 150 000 euros.
Si nous adoptions votre amendement, cela aurait pour effet d’accroître l’avantage fiscal qui est procuré aux GAEC et non de corriger une mauvaise interprétation de la loi par l’administration. Par ailleurs, le coût budgétaire serait relativement important. Pour toutes ces raisons, avis défavorable.
Avis conforme à celui de la rapporteure. Défavorable.
L’amendement no 34 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 36 rectifié .
La commission a rejeté cet amendement. Dans le cadre de la fiscalité, il est possible d’opérer sur les bénéfices agricoles une déduction pour investissement qui doit être utilisée au cours des cinq exercices qui suivent celui de sa réalisation. C’est pour l’acquisition et la production de stocks de produits ou animaux, ou sur l’acquisition de parts sociales.
Votre amendement propose d’ajouter à cette liste l’acquisition ou la production de stocks de fourrage dans les limites que vous fixez. À ce stade, j’émets un avis défavorable.
L’article 27 de la troisième loi de finances rectificative pour 2012 a réformé la déduction pour investissement et la déduction pour aléas afin de mettre à la disposition des agriculteurs des outils efficaces de lissage de l’imposition de leurs revenus. À titre liminaire, puisque cet amendement est le premier d’une longue liste sur le sujet, je vous indique qu’il serait préjudiciable de modifier cette réforme de façon aussi substantielle si peu de temps après sa mise en oeuvre.
Parmi les nombreux aménagements favorables, il a été prévu d’encourager les agriculteurs à acquérir des stocks de précaution de fourrage pour faire face aux périodes de sécheresse et leur permettre d’employer la déduction pour aléas pour l’acquisition de fourrage dans les six mois qui suivent ou précèdent la reconnaissance de l’état de calamité agricole.
Votre amendement a pour objet de prévoir que cette déduction pourrait être utilisée pour toutes les acquisitions de fourrage. Le Gouvernement n’y est pas favorable car cet amendement aurait des conséquences qui vont au-delà de l’objectif. Ensuite, parce que vous rendez l’avantage ainsi octroyé définitif alors qu’il n’est que temporaire dans le cadre du dispositif de la déduction pour aléas. Votre amendement fragilise le dispositif de la déduction pour aléas modifié l’année dernière, notamment son volet préventif. En outre, le mécanisme de limitation des abus que vous proposez s’avérera extrêmement complexe sinon impossible à gérer et à contrôler.
Par conséquent, je vous demande de retirer votre amendement. À défaut, il recueillerait de ma part un avis défavorable.
L’amendement no 36 rectifié n’est pas adopté.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 37 rectifié .
En 2013, vous avez fait le choix de réformer en profondeur la DPI en supprimant son affectation à l’achat de matériels agricoles. Or, s’agissant des problèmes de modernisation et de mise aux normes des bâtiments d’élevage, les investissements sont coûteux et le plan de modernisation des bâtiments d’élevage est souvent insuffisant. Aussi, le présent amendement propose d’utiliser la DPI pour l’acquisition ou la création de bâtiments agricoles strictement nécessaires à l’activité professionnelle, dont les bâtiments d’élevage, et cela afin d’encourager la mise aux normes techniques des bâtiments qui, dans certains secteurs, sont nécessaires et très coûteuses pour répondre à des normes dont l’évolution va croissant.
La commission a rejeté votre amendement, madame Dalloz. Vous proposez d’ajouter aux dépenses éligibles à la DPI un certain nombre d’immobilisations amortissables qui seraient vertueuses au plan écologique. Mais dans votre rédaction la définition de ce qui est vertueux au plan écologique n’est pas très précise. Par ricochet, le coût ne peut être évalué de manière précise. J’émets donc un avis défavorable.
Le Gouvernement est défavorable à l’amendement no 37 rectifié , par lequel vous proposez d’autoriser les exploitants agricoles à utiliser la DPI pour financer l’acquisition ou la création d’immobilisations nécessaires à l’activité, qui s’incorporent à des installations qui doivent, elles-mêmes, satisfaire à une obligation de mise aux normes.
Le Gouvernement y est défavorable pour trois raisons. Tout d’abord, la réforme adoptée l’an dernier a eu pour but, s’agissant de la déduction pour investissement, de supprimer la possibilité de l’utiliser pour l’acquisition d’immobilisations. Il n’est donc pas envisageable de réintroduire cette modalité d’utilisation moins d’un an après.
Ensuite, cela risque de susciter des demandes similaires pour d’autres types d’investissements qui constituent des obligations réglementaires. Aujourd’hui, la mise aux normes des bâtiments d’élevage, demain, certainement la mise aux normes des matériels. Cela inciterait d’autres secteurs à solliciter des mesures en faveur de la mise aux normes de leurs locaux.
Enfin, il est un peu curieux d’instaurer une sorte de récompense fiscale là où existe une obligation réglementaire. Cela n’a pas de sens. Par conséquent, je vous demande de retirer cet amendement. Faute de quoi, je proposerai à l’Assemblée de le rejeter.
L’amendement no 37 rectifié n’est pas adopté.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 38 .
Avec constance et détermination, je poursuis la défense de ces amendements.
En l’absence d’utilisation de la DPA, celle-ci est rapportée au résultat du septième exercice suivant l’exercice de sa déduction. Le taux d’intérêt légal annuel est de 4,80 % en intérêt de retard.
Mais si on fait le calcul sur sept ans, le taux d’intérêt atteint 33,6 %, soit le même que celui appliqué en cas d’utilisation non conforme des sommes déduites. Si l’intérêt au taux légal est justifié dans ce dernier cas, il ne l’est pas au terme des sept ans en l’absence de survenance d’aléas. Le comportement vertueux de l’exploitant consistant à épargner pour se prévenir de risques ne se trouve aucunement récompensé puisqu’un taux d’intérêt de 33,6 % au bout de sept ans pourrait être considéré comme usuraire.
Avis défavorable car elle estime que le délai de sept ans est suffisamment long pour permettre à l’exploitant d’organiser sa gestion des risques.
Madame Dalloz, vous proposez de supprimer, en l’absence d’aléas, l’application de l’intérêt de retard à l’issue du septième exercice qui suit celui au cours duquel la DPA a été instaurée et que les sommes déduites soient rapportés au résultat. Cela remettrait en cause, ici encore, l’équilibre de la réforme de la DPI et de la déduction pour aléas votée à la fin de l’année dernière et qui a consisté à améliorer le fonctionnement du dispositif. L’intérêt de retard trouve sa justification en ce qu’il permet de prévenir toute déduction pour aléas abusive, d’autant plus que la condition, maintes fois critiquée, de blocage de l’intégralité d’une somme sur un compte bancaire a été supprimée. En outre, vous reconnaîtrez que les cas d’utilisation de la déduction sont suffisamment nombreux pour que le risque qu’elle n’ait pas été utilisée à l’issue des sept années soit relativement faible. Pour toutes ces raisons, l’avis du Gouvernement est défavorable.
L’amendement no 38 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 39 .
On propose de modifier la fin du premier alinéa de l’article 72 D du code général des impôts car le montant global de 27 000 euros est trop faible eu égard aux plafonds cumulés actuels de la DPI et de la DPA. Il serait à la fois très judicieux et juste pour le monde agricole de le faire passer à 30 000 euros.
Je reconnais la constance de Mme Dalloz.
Elle propose ici de porter de 27 000 euros à 30 000 euros le plafond commun des déductions au titre de la DPI et de la DPA. Ce point a déjà été largement débattu. Le plafond actuel me semble suffisamment élevé pour répondre à l’ensemble de vos préoccupations, madame la députée. Le Gouvernement ne souhaite pas revenir sur cette réforme car celle-ci met à la disposition des agriculteurs de bons outils de lissage. Il propose donc de rejeter cet amendement.
L’amendement no 39 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 40 rectifié .
Dans un souci de simplification et d’égalité de traitement des agriculteurs – comme pour le premier amendement de la série que j’ai défendu tout à l’heure –, nous proposons que les seuils de rattachement au bénéfice agricole des activités commerciales et non commerciales – 50 000 € et 30 % – et ceux permettant le rattachement des activités de production d’électricité éolienne ou photovoltaïque – 100 000 € et 50 % – puissent être fusionnés. Pourquoi ne pas vouloir aujourd’hui que l’agriculture contribue, elle aussi, au développement écologique ?
Pour éviter toute distorsion de concurrence, l’application des dispositifs fiscaux propres à l’activité agricole – les déductions pour investissements, pour aléas et les règles d’imputation des déficits – serait corrélativement limitée à la fraction du résultat correspondant à l’activité agricole par nature.
Enfin, en matière de TVA, rappelons que l’exploitant agricole doit en principe constituer deux secteurs d’activités distincts, l’un pour les activités non agricoles – règles de droit commun –, l’autre pour les opérations agricoles relevant du régime simplifié de l’agriculture – le RSA. Pour simplifier la gestion des contribuables, la loi prévoit notamment que les activités non agricoles considérées comme accessoires, commerciales ou non, peuvent être imposées selon le RSA sous réserve du respect des seuils prévus aux articles 75 et 75 A du code général des impôts.
Proposant la fusion des articles 75 et 75 A du code général des impôts, le présent amendement vise en conséquence à modifier les textes applicables en matière de TVA agricole pour y intégrer le seuil de rattachement des recettes accessoires.
Cet amendement propose d’assouplir les conditions d’éligibilité des bénéfices agricoles. Il s’agirait d’étendre les plafonds existants – par exemple 100 000 euros et 50 % pour la production d’électricité solaire ou éolienne – à l’ensemble des autres activités annexes susceptibles d’être menées sur une exploitation agricole, telles que la vente de produits à la ferme. Cette mesure aboutirait tout de même à diluer la spécificité et la légitimité du régime fiscal actuel, alors que celui-ci est plus favorable que le droit commun parce qu’il vise à prendre en compte les particularités des activités agricoles. Or il faut que celles-ci demeurent prédominantes pour que la différence de traitement avec les autres contribuables soit justifiée. C’est pour cette raison que la commission a repoussé l’amendement.
Le Gouvernement partage l’avis de la commission et, pour les mêmes raisons, ne souhaite pas remettre en cause le dispositif actuel, d’autant plus que votre proposition, madame Dalloz, aboutirait à un régime moins favorable aux exploitants agricoles, puisqu’elle conduirait à interdire d’y intégrer tous les revenus accessoires, donc au-delà des revenus liés à la production électrique, ainsi que les divers avantages propres au bénéfice agricole. En plus, elle reviendrait à contraindre les exploitants à être assujettis à un régime spécifique aux revenus accessoires alors que ceux-ci sont aujourd’hui complètement intégrés dans le régime du bénéfice agricole. Votre proposition n’est donc pas équilibrée et elle va même pour partie à l’encontre des arguments que vous avez exposés.
L’amendement no 40 rectifié n’est pas adopté.
Le Gouvernement souhaiterait que la séance soit levée.
Prochaine séance, à neuf heures trente :
Questions orales sans débat.
La séance est levée.
La séance est levée, le mardi 24 juin 2014 à zéro heure dix.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron