Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, lors de l’examen de ce texte en première lecture, j’ai rappelé qu’il s’inscrivait dans une certaine continuité avec les travaux précédemment réalisés par notre assemblée.
Dans cet esprit, je tiens à souligner les avancées positives qu’il contient, qui m’ont d’ailleurs amenée à voter ce projet de loi en première lecture, et la majorité de mon groupe à s’abstenir. Sur l’égalité professionnelle, un faisceau de mesures va dans le bon sens : meilleure articulation des différentes négociations sur l’égalité et les salaires, meilleur accompagnement des retours de congé parental, renforcement des droits familiaux des professions libérales, possibilité d’utiliser une partie des droits du compte épargne-temps pour financer les frais de garde d’enfants.
Contre la précarité, l’expérimentation du versement en tiers payant de la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE, aux assistants maternels va faciliter l’accès aux différents modes de garde pour les familles modestes. Contre les violences faites aux femmes, la confirmation et le renforcement du dispositif de l’ordonnance de protection des femmes victimes de violences sont essentiels. Nous ne reviendrons d’ailleurs guère sur ces sujets, qui ont été, pour la plupart, adoptés conformes par nos collègues du Sénat.
Il reste malgré tout des articles sur lesquels nous avons quelques réserves, et qui feront l’objet des amendements que nous avons déposés. Ainsi, la réforme du congé parental, rebaptisé « prestation partagée d’éducation de l’enfant », ou PreParE, nécessite à mon sens d’être amendée. J’ai toujours défendu l’idée qu’une d’interruption professionnelle de trois ans était un handicap pour les femmes à leur retour au travail. Le principe d’un meilleur partage de cette période entre les deux parents va donc dans le bon sens. Mais, comme sur tous les sujets qui concernent l’égalité entre les hommes et les femmes, je ne crois pas que nous ferons évoluer les choses avec des mesures qui seront interprétées comme des contraintes familiales supplémentaires.
Nous devons introduire un peu de souplesse et nous adapter aux situations diverses des familles, au moins sur une période transitoire. Dans le même esprit, les entreprises doivent mesurer l’intérêt qu’elles ont à favoriser l’égalité entre les hommes et les femmes. Nous devons les y aider, plutôt que de les contraindre systématiquement. Nous savons tous qu’elles ont aujourd’hui de réelles difficultés à faire face à toutes les règles que la loi leur impose, dont la plupart sont interprétées comme des freins à leur activité. Je défends depuis longtemps le principe de l’égalité professionnelle, mais nous sommes dans une période difficile, et les signaux que nous allons envoyer ne seront pas bons s’ils sont perçus uniquement comme des contraintes supplémentaires.
Je pendrai deux exemples : l’interdiction de soumissionner aux marchés publics et le délai très court d’un mois pour annoncer la prise d’un congé parental à son employeur. Dans le premier cas, cette interdiction pour les entreprises qui ont été condamnées pour discrimination ou méconnaissance de la loi en matière d’égalité sera vécue comme une double peine. Dans le second, je pense à toutes les petites structures, commerçants, artisans, professions libérales, qui n’ont parfois qu’un ou deux salariés, et qui verront leur organisation profondément perturbée.
Une grossesse est suffisamment longue pour qu’il soit possible de prévoir avec un peu d’avance une interruption professionnelle… Nous allons imposer aux entreprises des mesures d’accompagnement pour assurer une meilleure réinsertion après ces périodes de congés. Il n’y a aucune raison pour que nous ne demandions pas également aux salariés de contribuer à mieux préparer leur départ. Cette approche, qui reconnaît des droits, mais aussi des devoirs, me semble essentielle pour faire avancer les mentalités.
Enfin, s’agissant de l’accès des femmes aux postes à responsabilités, je regrette que nous ne soyons pas allés encore un peu plus loin. En effet, le dispositif relatif à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration a été étendu à certains établissements publics, aux conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux, les CESER, aux fédérations sportives et aux instances représentatives professionnelles, comme les conseils de l’ordre des professions réglementées. Les dispositifs mis en place vont aussi pénaliser plus lourdement les partis politiques qui dérogeront au principe de parité. Mais les organisations syndicales et professionnelles ont été exclues du champ d’application de la loi, ce qui est dommage.
Je tiens, pour finir, à souligner la contradiction qui existe entre ce projet de loi et les nombreuses mesures prises par le Gouvernement qui pénalisent particulièrement les familles de la classe moyenne : abaissement du quotient familial, réduction des déductions fiscales sur les emplois familiaux, et même réforme des rythmes scolaires.
Toutes ces mesures vont fortement peser sur les familles. Elles entraînent des baisses de revenus, et elles vont contraindre naturellement de nombreuses femmes à ne plus travailler.
Le calcul sera vite fait, puisqu’il leur faudra payer encore davantage pour les frais de garde et de périscolaire. Nous savons tous aujourd’hui qu’ils seront mathématiquement augmentés dans de nombreuses communes. Et que dire du casse-tête pour de nombreux parents face aux horaires parfois ubuesques qui vont être mis en place !
Je prendrai un exemple concret, celui d’un enfant scolarisé dans une ville de plus de 100 000 habitants en maternelle. Il finira le matin à 11 heures 30, reprendra à 14 heures pour finir à 16 heures ! Bien évidemment, il y a le périscolaire, mais pour cette tranche d’âge, il est réduit à une unique garderie. Cette situation est pour moi une incitation déguisée qui conduira automatiquement des femmes à interrompre leur activité professionnelle. Ce ne sera pas un choix, mais une obligation.
Nous obtiendrons l’effet exactement inverse de ce que nous souhaitons tous : favoriser le travail des femmes, améliorer l’accès aux postes à responsabilité ou encore réduire les écarts de salaire !
Les grands principes d’égalité sont essentiels, et je crois que nous les partageons sur tous les bancs de cette assemblée. Mais notre responsabilité est avant tout de proposer des mesures qui répondent concrètement aux attentes de nos concitoyens.
C’est peut-être pour toutes ces raisons, hélas, que votre projet de loi semble aujourd’hui ne susciter que peu d’intérêt au sein de notre assemblée. Une fois de plus, son positionnement dans l’ordre du jour et le peu d’affluence dans l’hémicycle en sont une bien triste preuve !