La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Je suis saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 5.
La parole est à M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire pour soutenir l’amendement no 119 .
Monsieur le ministre, cet amendement devrait vous faire plaisir, et si ce n’est à vous, en tout cas à votre administration, car il vise à bien orienter les dépenses des collectivités locales. Le secrétaire d’État au budget, lorsque nous l’avons reçu, a indiqué qu’il espérait que la baisse des dotations se traduirait par une baisse des dépenses de fonctionnement, et notamment de la masse salariale. Or il se trouve qu’un certain nombre de collectivités bénéficient d’attributions au titre du fonds de péréquation.
Cet amendement vise donc à affecter ces attributions nettes à la section d’investissement – car si certaines collectivités reçoivent et paient, d’autres reçoivent davantage qu’elles ne paient. Vous savez que nous courons un immense risque : que la baisse des dotations aux collectivités locales se traduise par une hausse de la fiscalité, mais surtout par un effondrement de l’investissement. Nous avons longuement débattu hier par exemple de la mise en place de l’écotaxe : nous devons tout faire, par toutes sortes de mécanismes, pour sauvegarder la capacité d’investissement des collectivités locales – et ce n’est pas Mme Pires Beaune qui me démentira. C’est donc là, monsieur le ministre, un amendement vertueux que je vous propose.
La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.
La commission a repoussé cet amendement, monsieur le président de la commission.
Nous partageons tous votre objectif de préserver l’investissement des collectivités locales…
Mais si, rassurez-vous. Pour ce qui est de votre amendement, vous l’avez corrigé et vous parlez bien à présent d’attribution nette.
Non, c’est très important, car ce petit détail pourrait avoir des conséquences négatives sur certaines communes. Mais le fait est que cet amendement aura davantage sa place dans le projet de loi de finances, puisque nous aurons alors une vision d’ensemble de toutes les péréquations horizontales et verticales existantes. Des propositions seront d’ailleurs faites pour soutenir l’investissement des collectivités locales et pour que les réductions de dotations n’entraînent pas une baisse de l’investissement. C’est pour ces raisons que la commission a repoussé votre amendement.
La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics, pour donner l’avis du Gouvernement.
Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, c’est un plaisir d’être avec vous cet après-midi en attendant que Christian Eckert, qui remplit en ce moment l’autre volet de sa fonction, la préparation du prochain budget, puisse nous rejoindre.
Monsieur le président Carrez, je comprends que vous puissiez espérer que je sois favorable à votre amendement. Mais j’ai été un élu local par le passé et je sais que la plus belle des responsabilités, c’est celle qui incombe à la collectivité elle-même, à son organe délibérant. Il est évident qu’elle veillera à ce que la section d’investissement reste à un haut niveau et qu’elle prendra, en toute liberté et conformément à nos principes constitutionnels, les décisions nécessaires pour ne pas diminuer son autofinancement.
Je voulais dire à peu près la même chose que M. le ministre. Je pense que cette mesure, dont on comprend l’objectif, est en réalité un artifice, parce que toutes celles et tous ceux qui ont géré des collectivités locales savent que l’on articule la section de fonctionnement et la section d’investissement à partir de l’épargne brute. Je conteste ce poncif selon lequel dès que l’on touche aux dotations des collectivités locales, leur investissement baisse automatiquement. Pour avoir dirigé une mairie pendant dix-huit ans, je sais que l’objectif est d’avoir une épargne brute importante pour investir, et qu’il importe donc de réorganiser, de réformer et de maîtriser les dépenses de fonctionnement. C’est cela qui donne de la marge.
La réalité, c’est qu’une collectivité qui ne veut pas, qui ne sait pas ou qui ne peut pas maîtriser ses dépenses de fonctionnement agira toujours de la même manière. Si on lui affecte des ressources en section d’investissement, elle baissera son épargne brute. Ce dispositif n’est donc que très modérément opérant, et on voit bien le signe politique qui est ainsi donné. En réalité, c’est la responsabilité des élus locaux qui est en question.
Je tiens à vous rassurer, monsieur Carrez : je partage votre objectif de préserver l’investissement des collectivités.
Je vous opposerai cependant plusieurs arguments. Premièrement, celui de la liberté de choix : faisons confiance aux élus ! Deuxièmement, il existe d’autres pistes pour préserver l’investissement. Le rapport de Martin Malvy et Alain Lambert en présente quelques-unes qui semblent intéressantes. Troisièmement, certaines communes qui sont malheureusement en difficulté aujourd’hui pourront effectivement préférer d’autres options.
Enfin, ce n’est pas par plaisir que l’on investit, monsieur Carrez, mais par nécessité. Lorsqu’on a besoin d’investir, on trouve d’autres solutions : les économies de fonctionnement en sont effectivement une, et la mutualisation des services me semble être une autre piste à privilégier.
L’amendement no 119 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 121 .
Cet amendement propose une harmonisation du versement transport sur l’ensemble du territoire de la région Île-de-France. À l’heure où l’on s’accorde sur la nécessité de renforcer les transports collectifs, et notamment de répondre aux besoins cruciaux de l’Île-de-France, dont les réseaux sont au bord de la saturation, cet amendement pose la question de la refonte et de l’harmonisation de ce versement transport sur l’ensemble de la région. En effet, le versement transport constitue aujourd’hui la principale source de financement des transports urbains. Son produit représente plus de 60 % des ressources du Syndicat des transports d’Île-de-France.
Aujourd’hui, dans le prolongement des inflexions engagées dans le dernier projet de loi de finances, nous proposons de lisser, sur le territoire de l’Île-de-France, cette contribution des entreprises dans le sens d’une plus grande équité entre les départements de la région et afin de répondre aux besoins de financement des transports en commun. Ce lissage sera compensé par une moindre contribution des employeurs au titre du remboursement des titres de transport de leurs salariés, qui baisse du fait de la nouvelle tarification régionale. Cette dernière a réduit le nombre de zones au bénéfice des usagers des départements de grande couronne et prépare une tarification unique qui bénéficiera en premier lieu à ces mêmes habitants de grande couronne.
Le financement des transports collectifs en Île-de-France est une urgence, qui ne peut reposer sur les seules contributions des usagers et des collectivités.
La commission a d’abord noté que les taux ont déjà été relevés en loi de finances pour 2013. Pour ce qui concerne la petite couronne autour de Paris, un étalement a été prévu, et tout le monde n’est pas encore arrivé au taux de 1,7 %. Or ce que vous proposez, c’est un lissage par le haut, avec un taux de 2,7 % pour tout le monde. Mais il faudra encore du temps pour monter progressivement à 1,7 % en petite couronne.
La commission a également remarqué que ces taux correspondent aussi à l’offre de transport, à la qualité des transports qui peuvent exister sur les différents territoires. Or il existe un différentiel entre Paris et d’autres communes. C’est pour ces deux raisons que notre commission a repoussé votre amendement.
Même avis, madame la présidente.
Il faut ne pas connaître l’Île-de-France, et notamment la grande couronne, pour déposer un tel amendement. Les conditions de transport en grande couronne sont difficiles ; aujourd’hui, les tarifs y sont différents, inférieurs. Nous avons besoin de mesures de modernisation, mais le différentiel de qualité d’offre de transport entre le centre de la métropole et la grande couronne justifie un écart de versement.
Je voudrais, à ce propos, appeler votre attention sur une évolution qui est à l’oeuvre : pour financer le Grand Paris Express, des dispositions financières notamment vont fortement pénaliser les entreprises en grande couronne. Or je vous rappelle que Roissy et Cergy Pontoise ne sont qu’à vingt kilomètres de régions voisines de l’Île-de-France. Les taxes qui sont en train d’être mises en place pour financer les réseaux de transport en grande couronne vont donc rapidement devenir insupportables pour ces communes et aboutir à des délocalisations d’entreprises. J’aimerais donc, si notre objectif est effectivement de financer les réseaux de transport, que l’on adapte les tarifications à la réalité de la situation des territoires.
Je pense, monsieur Lefebvre, que vous confondez tarification et financement de l’investissement. La question n’est pas d’adapter les tarifs, et vous savez d’ailleurs que l’un des objectifs poursuivis par la région Île-de-France est d’avoir un passe Navigo à tarif unique pour l’ensemble des habitants de la région. L’objectif est à la fois d’être inclusif et de ne pas faire payer plus cher les habitants de grande couronne, qui ont des modes de transport moins bons.
La question que vous posez peut se retourner, monsieur Lefebvre. Vous dites qu’il faut ne pas connaître la situation des transports en Île-de-France pour déposer cet amendement. Je peux vous assurer que vous avez devant vous des parlementaires franciliens qui non seulement connaissent parfaitement la situation des transports dans leur région, mais qui ont en outre l’immense privilège de les utiliser.
La vraie question est de savoir si nous avons ou non les moyens de financer un réseau de transport qui est aujourd’hui arrivé à saturation et qui plonge de ce fait un certain nombre de passagers dans un état de souffrance. Aujourd’hui, ce ne sont pas les entreprises qui se délocalisent mais les habitants qui s’éloignent de plus en plus pour essayer de trouver une conjonction entre les loyers, qui sont très élevés, et leurs lieux de travail. C’est pourquoi il faut, et je sais que le Gouvernement y est attaché, engager des investissements massifs en faveur des transports en commun. Et c’est évidemment sur la grande couronne que ces investissements doivent être les plus importants.
Le nouveau réseau de métro sera utile, car il permettra de désengorger une partie de la petite couronne, mais nous devons absolument améliorer l’offre de transport en commun en grande couronne. Et pour cela, il n’y a pas de solution magique : il faut financer cet investissement, que ce soit par l’argent public ou par le versement transport.
Je voudrais en profiter pour interroger le Gouvernement : quelle serait sa position sur le transfert de la fixation du versement transport à la région ? Puisque la région est la collectivité locale principalement en charge de l’organisation des transports, il paraît illogique que ce soit l’Assemblée nationale qui fixe les choix de financement de cet investissement ou la manière d’organiser le dialogue avec les entreprises sur cette nécessité que représente, pour leur compétitivité, pour le confort de leurs salariés et pour le bon fonctionnement économique de notre région, le fait d’avoir une offre de transports en commun efficace et confortable.
L’amendement no 121 n’est pas adopté.
Au vu des arguments qui viennent d’être développés par Mme la rapporteure générale, sans compter M. le ministre, qui a été particulièrement éloquent, je m’attends à des félicitations pour cet amendement de repli. Il ne s’agit plus de rendre le versement transport identique pour l’ensemble de la région : il reste différencié pour Paris, la petite couronne et la grande couronne. L’objet de cet amendement est de faire évoluer les plafonds de ces trois zones, de façon que le syndicat des transports d’Île-de-France puisse décider, s’il le souhaite – nous restons en cela dans l’esprit décentralisateur qui prévaut en matière de transports collectifs – d’accroître le versement transport de façon à améliorer les transports collectifs.
Chacun est bien conscient que dans la période où nous sommes, avec l’augmentation des tarifs des produits pétroliers, beaucoup de nos concitoyens voient aujourd’hui leur droit à la mobilité se réduire à mesure que le prix des carburants augmente. Notre responsabilité, en tant que politiques, est de faire en sorte que les gens conservent un droit à la mobilité. Cela nécessite de faire un effort en matière de transports collectifs, à la fois d’un point de vue tarifaire et en matière d’offre. Il s’agit donc, au travers de cet amendement, d’offrir au syndicat des transports d’Île-de-France les moyens d’apporter l’offre dont ont besoin nos concitoyens.
Une augmentation de 0,1 % des plafonds a déjà été adoptée dans les précédentes lois de finances, et son application n’est pas totalement finalisée. Nous vous proposons donc de débattre à nouveau de cette question à l’occasion du prochain projet de loi de finances, lorsque nous aurons un premier bilan de la mise en oeuvre de cette augmentation de 0,1 %.
Compte tenu de l’éloquence de la rapporteure générale, je n’aurai pas à en dire beaucoup plus. Une augmentation a déjà été votée, et les collectivités locales n’ont pas encore utilisé toutes les possibilités qui leur sont offertes. Je pense que la sagesse consiste à attendre qu’elles l’aient fait avant de progresser encore, si cela s’avérait nécessaire.
Dans le rapport que j’avais été conduit à rendre sur le financement des transports en Île-de-France en 2009…
…j’avais pris en compte non seulement l’investissement, mais aussi l’exploitation : il apparaissait à l’évidence que l’ouverture de nouvelles lignes allait conduire à une augmentation des dépenses d’exploitation, qui doit être prise en compte. Il était proposé de procéder à une première augmentation de 0,1 point en début de période. Cela a été fait par l’actuel gouvernement dans la loi de finances pour 2013, pour chacune des trois zones. Il sera nécessaire de procéder à une nouvelle augmentation probablement à l’horizon 2016-2017.
Plutôt que de procéder à des augmentations déconnectées des plans financiers d’évolution des besoins, il vaut mieux se caler sur l’évolution des dépenses et recettes d’exploitation. Sur l’orientation générale, les auteurs de cet amendement ont donc raison, nous aurons bien besoin de donner un coup de pouce supplémentaire au versement transport, mais nous n’en n’avons pas besoin dans l’immédiat.
Le problème du versement transport, c’est qu’il est assis sur les salaires. Personne ne conteste la nécessité d’un mode de financement quelconque, taxe ou redevance, en plus des subventions publiques et de la participation des usagers. Mais nous allons nous heurter constamment à la difficulté de concilier une politique générale de baisse des charges sociales et patronales et la nécessité d’augmenter le versement transport.
Cet amendement est nettement plus acceptable, dès lors qu’il maintient une tarification différenciée. Je répète à Cécile Duflot que lorsqu’on propose, comme dans l’amendement précédent, une augmentation de 50 % du versement transport, il faut rencontrer les chefs d’entreprise en grande couronne pour s’entendre demander ce dont ils vont bénéficier en échange. Et je répète que l’offre de transport en grande couronne, propre ou alors raccordée sur les tangentielles en direction de Paris, n’est absolument pas de même niveau que celle que l’on trouve au centre de Paris. Je ne vois pas pourquoi une entreprise de Cergy-Pontoise paierait autant qu’une entreprise du centre de Paris pour un service qui n’est pas le même.
En ce qui concerne la question de fond, nous avions proposé avec Olivier Faure et quelques autres une augmentation des plafonds qui avait d’ailleurs été votée à l’unanimité. Je crois qu’il faut continuer à avancer dans ce sens, mais qu’il y a un problème de méthode. À ma connaissance, le président Huchon mène déjà une concertation avec les acteurs économiques. Ceux-ci ont grand intérêt à l’amélioration du fonctionnement des transports en Île-de-France, car elle est extrêmement déterminante pour le bon fonctionnement des entreprises, ne serait-ce que pour que les salariés puissent arriver à l’heure, voire parfois même arriver tout simplement, ce qui n’est pas toujours le cas en grande couronne. Je préférerais donc que l’on aborde à nouveau la question à l’automne, une fois que le président Huchon aura fini sa concertation avec la chambre de commerce de Paris et les acteurs économiques, car nous avons plus à gagner à créer du consensus sur cette question qu’à l’imposer unilatéralement.
Nous aurons l’occasion d’évoquer plus tard l’amendement d’Olivier Faure pour contribuer au financement d’infrastructures spécifiques. L’idée que le financement d’infrastructures exceptionnelles ayant une finalité spécifique mobilise des financements particuliers peut être recevable. Mais dans le cas de cet amendement, que mes collègues m’excusent, car je ne suis pas un élu francilien, mais les choses ont un sens : une augmentation telle qu’elle est proposée du versement transport s’appelle bien une augmentation d’impôts, que cela soit écrit en petits ou en gros caractères.
Je peux vous apporter le code du travail suisse, monsieur le ministre, vous verrez que même écrit en gros caractères, il est très fin sur vos déclarations du matin !
Sur le sujet qui nous préoccupe, il faut tout de même être prudent : il n’est pas conforme à nos convictions, ni, me semble-t-il, à celles de la majorité, d’augmenter ainsi les charges salariales. Or, comme le président de la commission l’a rappelé, il s’agit clairement d’une charge salariale. C’est autre chose que d’appeler un financement exceptionnel pour financer des infrastructures fléchées.
L’amendement no 152 n’est pas adopté.
Monsieur le ministre, un amendement qui compte cinq vertus doit vous intéresser ! Sa première vertu est tout simplement de permettre au Gouvernement de respecter ses engagements. Vous avez signé, l’an dernier, un protocole d’accord avec la région Île-de-France aux termes duquel vous devez aider à financer les investissements exceptionnels prévus par le plan de mobilisation pour les transports. Deuxième vertu, monsieur le ministre : il s’agit, après quarante ans de désengagement de l’État dans les transports franciliens, de permettre de réaliser des infrastructures de transport nécessaires et qui nous manquent cruellement aujourd’hui.
La troisième vertu de cet amendement est d’aider le tourisme à mieux vivre, car contrairement à ce que l’on peut lire ici ou là, il y a un lien étroit entre le tourisme et les transports en Île-de-France. J’en veux pour preuve, dans mon département, le fait que lorsque le parc Disneyland Paris s’est installé en Seine-et-Marne, il a fallu prolonger la ligne A du RER et que cela a constitué une condition de son installation.
La quatrième vertu est, évidemment, la création d’emplois, puisque 200 000 emplois sont prévus pour réaliser le plan de mobilisation. Enfin la cinquième vertu, qui ne vous échappera pas, est que cet amendement est très consensuel. Au-delà de ses cosignataires sur les bancs socialistes, vous noterez que les écologistes présentent un amendement identique et que M. Mariton vient d’exprimer son quasi-soutien. En vérité, s’il fallait donner une paternité plus lointaine à cet amendement, il faudrait rappeler que notre président Carrez en avait lui-même soumis une mouture proche en 2009.à
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons instaurer une taxe de séjour de deux euros par nuitée et par personne dédiée à l’Île-de-France et fléchée sur les transports franciliens.
Je ne serai pas très long, puisqu’il s’agit d’un amendement identique et qui a déjà été présenté en commission des finances. Il tend à créer une taxe de séjour régionale, applicable notamment aux grands hôtels de luxe situés en Île-de-France. Cela permettra de dégager une recette supplémentaire de 140 millions d’euros par an pour la réalisation des projets de la région. En revanche, le groupe écologiste estime utile d’en exempter les auberges de jeunesse.
J’ai bien dit que la commission les a repoussés. Aujourd’hui, un prélèvement peut être opéré par les communes et par les départements. Vous proposez en plus que les communes puissent prélever au profit de la région. Hier soir, lors de nos débats, nous avons proposé d’attendre les conclusions du rapport Rabin-Woerth qui vont nous être soumises d’ici deux ou trois semaines sur cette taxe. C’est pour cette raison que notre commission a proposé de repousser ces amendements.
Ce sujet a déjà été abordé hier avec Christian Eckert, en réponse à des amendements présentés par Mme Mazetier sur le même sujet. Il nous paraît légitime de repenser non seulement le barème, mais aussi l’architecture de cette taxe de séjour. En adoptant les amendements de Mme Mazetier, mesdames et messieurs les députés, vous avez agi dans ce sens.
Ces deux amendements identiques tendent à créer une taxe additionnelle qui reviendrait à la région. Il ne paraît pas illégitime, dans le principe, que cette ressource puisse venir à l’appui des dépenses en faveur du tourisme portées par les régions. Mais, comme vient de le dire excellemment la rapporteure générale, la commission des finances travaille en ce moment sur le sujet. Une mission doit mener à bien la concertation aussi approfondie que possible qu’il est nécessaire de réaliser sur un tel sujet avec les professionnels du secteur. Pour autant, le Gouvernement entend les demandes et les arguments des auteurs de ces amendements et s’en remet donc à la sagesse de l’Assemblée.
« Ah ! » sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.
Je suis tout à fait favorable à ces amendements sur le principe, mais je me pose plusieurs questions techniques. Tout d’abord, l’Assemblée a voté la nuit dernière une augmentation du plafonnement de la taxe de séjour à huit euros. Sous ce plafond, il faut loger la taxe communale et, le cas échéant, la taxe départementale. Si le plafond est atteint par ces deux taxes, comment va s’insérer cette taxe régionale ?
Par ailleurs, comme l’a justement souligné Mme Rabin hier, il ne peut s’agir d’un taux forfaitaire, identique quel que soit le type de nuitée. Comme Pascal Cherki je crois le disait hier, quand on loge au Georges V ou dans des chambres à quelques milliers d’euros la nuit, deux euros de plus ne représentent rien. Mais quand on loge dans un Formule 1, deux euros par nuit, c’est beaucoup !
Une étude technique doit donc être conduite. Il serait peut-être préférable d’approfondir le travail sur la rédaction de ces amendements. Compte tenu de la position que le Gouvernement vient d’exprimer, peut-être pourrait-il s’engager clairement à aboutir à une proposition techniquement impeccable dans la loi de finances pour 2015 ?
Cela étant, si elle est fixée à un niveau raisonnable, une telle taxe spécifique à l’Île-de-France et dédiée aux travaux dans cette région – je le précise pour nos collègues de province – permettrait de générer une recette de l’ordre d’une cinquantaine de millions d’euros avec laquelle nous pourrions financer immédiatement 500 millions de travaux.
Pour terminer, il est vrai qu’existe une corrélation très étroite entre la qualité des transports et l’attractivité touristique de notre pays. Vous avez cité tout à l’heure la première destination touristique de notre pays : j’ai eu à m’en occuper dans le passé et jamais nous n’aurions pu faire cette opération sans l’engagement de l’État de prolonger le RER et de créer une gare d’interconnexion TGV. Il y a donc une relation très étroite, et il est très logique de lier une cotisation spécifique de taxe de séjour touristique et le financement des transports.
Vous voulez donc voter une hausse des impôts, comme le disait M. Mariton !
C’est avec beaucoup d’émotion que nous présentons cet amendement. Comme l’a rappelé Olivier Faure, des hommes et des femmes, des collectivités, des élus se battent depuis quarante ans, attendent des infrastructures qui sont aujourd’hui présentes dans le projet du nouveau Grand Paris. L’engagement a été rappelé précédemment dans nos discussions et nos débats. Ce sont 140 à 150 millions d’euros qui doivent être financés par une ressource nouvelle. Dans l’est parisien, cela concerne la ligne de tramway no 1 et le prolongement de la ligne 11. Je saisis cette occasion pour saluer l’ensemble des associations qui militent sur ces questions, notamment l’association montreuilloise des usagers de transports en commun.
Sur ce point, nous pouvons obtenir l’unanimité, notamment parce que nous nous inspirons de l’excellent rapport de M. Carrez sur le financement des infrastructures de transport. Et les questions qu’il soulève, notamment celle de l’hébergement chez l’habitant, et pas simplement celle de l’absence d’étoiles de l’hébergement, sont de l’ordre du réglementaire. Elles pourront donc être traitées par le règlement, ou en nouvelle lecture.
En tout état de cause, nous envoyons à ce jour un message à nos concitoyens d’Île-de-France : le financement du nouveau Grand Paris peut être assuré cet après-midi par le vote de cet amendement.
M. Hammadi a dit beaucoup de choses, je vais donc être bref. Il y a des différences entre la taxe que nous proposons et ce qui a été adopté hier soir. D’abord, il s’agit d’une taxe additionnelle : elle n’entre donc pas dans le plafond qui a été relevé hier à l’initiative de Mme Mazetier. Ensuite, il s’agit d’une taxe affectée, d’une taxe francilienne, qui poursuit un objectif très particulier : celui de financer un plan de mobilisation pour les transports du quotidien qui jusqu’à présent est resté non financé, d’autant que la suspension puis la définition d’un nouveau périmètre pour l’éco-redevance poids lourds ne permettent plus de trouver des ressources adaptées.
Nous savons que des efforts gigantesques devront être fournis au cours des prochaines années et que si nous ne les réalisons pas, nous irons au devant de graves ennuis. L’inaction nuirait notamment au tourisme, qui suppose de pouvoir accueillir dans de bonnes conditions celles et ceux qui viennent visiter notre pays. Et ce que nous souhaitons mettre en place pour l’Île-de-France aura des effets sur le reste du pays, puisque de nombreux touristes passent par les aéroports de Roissy et d’Orly avant de gagner les régions de France.
Je souhaiterais que l’on profite de la navette pour approfondir le sujet.
Cet amendement peut encore subir des évolutions, et nous sommes prêts à en discuter avec le Gouvernement.
C’est très sage !
Les évolutions préconisées par le président Carrez me paraissent de bon ton et de bon sens, mais je préférerais que nous adoptions cet amendement dès à présent afin de disposer d’une base solide et de ne pas remettre à nouveau au lendemain ce que nous pouvons faire aujourd’hui. La procrastination parlementaire n’est pas toujours la meilleure conseillère !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
À l’unanimité, l’Assemblée a voté une augmentation des impôts !
Je suis saisie de trois amendements, nos 311 , 341 rectifié et 233 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 311 et 341 rectifié sont identiques.
La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour soutenir l’amendement no 311 .
Le premier signataire en est mon collègue Paul Giacobbi, qui ne peut malheureusement pas être présent aujourd’hui.
Comme chacun le sait ici, la loi de finances pour 2014 prévoit une baisse de 184 millions d’euros de la dotation forfaitaire des régions au titre de leur contribution au redressement des finances publiques. Le montant de cette contribution est calculé par référence aux recettes fiscales dont bénéficie chaque région : les régions bénéficiant de recettes fiscales spécifiques subissent donc une majoration proportionnelle de leur contribution, sauf à bénéficier de modalités spécifiques.
C’est précisément ce que le comité des finances locales avait signalé dans son rapport visant à proposer des pistes d’économies au Gouvernement. Dans son relevé de conclusions, il souhaitait que « pour les régions, la baisse des dotations soit répartie au prorata des recettes réelles et que les spécificités des régions d’outre-mer et de la collectivité territoriale de Corse soient prises en compte ». Or, à ce stade, la spécificité de cette dernière n’est pas prise en compte, alors que celle des régions d’outre-mer l’est, légitimement – heureusement pour elles ! Comme beaucoup d’élus corses ou issus de la Corse, nous souhaitons donc que l’équité soit rétablie et que la collectivité territoriale de Corse puisse légitimement bénéficier de dispositions reconnaissant sa spécificité, afin d’assurer une véritable équité.
Cela n’a rien à voir, mais vous savez sûrement que Sénèque, qui avait été exilé politiquement en Corse dans les années 40 après Jésus-Christ, disait que l’équité est une vertu fondamentale. On ne peut pas contredire Sénèque ! Par conséquent, tant pour l’équité en elle-même que par respect pour ce stoïcien, il faut revenir sur l’omission dont pâtit la Corse.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 341 rectifié .
Nous nous trouvons là face à un paradoxe. La Corse est considérée par le code général des collectivités territoriales comme toutes les régions métropolitaines, mais, pour le calcul de ses dotations, elle doit être considérée comme les DOM-TOM, puisqu’elle perçoit des recettes spécifiques. Lorsque l’on a diminué la DGF, on a appliqué à la Corse la même règle qu’aux régions métropolitaines, alors que les DOM-TOM, dont la structure des recettes est identique à celle de la Corse, ont bénéficié d’une réfaction. Cette anomalie dans le CGCT est donc à l’origine de ce paradoxe que chaque contribuable corse supporte la baisse de la dotation à hauteur de 13 euros, alors que le contribuable métropolitain ne perd que 2 euros.
Les enjeux sont à la fois techniques et juridiques, puisqu’il faut modifier le CGCT. C’est ce que proposent ces amendements, qui visent à faire en sorte qu’au moins à l’avenir, les baisses de dotation soient appliquées d’une manière équitable, et non atypique et anormale.
La parole est à M. Camille de Rocca Serra, pour soutenir l’amendement no 233 .
De Sénèque à nos jours, on nous oppose souvent des principes. Or le comité des finances locales a proposé d’exclure les dotations spécifiques du calcul de la minoration de la dotation forfaitaire. La loi de finances pour 2014 a appliqué ce principe aux régions d’outre-mer, ce qui est normal. Mais s’il existe un principe, il doit être le même pour tous. N’oublions pas que la Corse a un statut particulier et perçoit des dotations spécifiques : je propose donc de reconnaître qu’elle doit bénéficier, comme l’outre-mer, de l’exclusion de ces dotations.
Nous sommes d’accord, il est indispensable que l’effort à réaliser soit collectif. Mais le même principe doit s’appliquer à l’outre-mer et à la Corse : je demande donc que l’on puisse rectifier l’anomalie introduite par la loi de finances pour 2014.
Afin de tenir compte de la spécificité des collectivités d’outre-mer, il existe effectivement un dispositif de péréquation verticale et horizontale prévoyant un mécanisme de quote-part spécifique et permettant à ces collectivités de bénéficier de minorations.
Ces trois amendements proposent d’intégrer la Corse au mécanisme de quote-part applicable aux régions d’outre-mer. Cependant, je citerai un autre indicateur que M. Pupponi, celui du PIB par habitant : il s’élève à 21 900 euros en Corse, alors qu’il est plutôt compris entre 13 000 et 17 000 euros dans les outre-mers. Pour cette raison, la commission a repoussé ces trois amendements.
Je suis heureux de donner l’avis du Gouvernement sur ces trois amendements aux noms chantants,
Sourires
qui expriment une préoccupation que je peux tout à fait comprendre. Ils trouvent leur origine dans une modification apportée par la loi de finances pour 2014. Je ne vais pas invoquer les grands principes, en tout cas pas ceux de Sénèque, mais un principe de pure réalité : les dotations pour 2014 ont déjà été non seulement calculées, mais également notifiées. Si ces amendements étaient adoptés aujourd’hui, il serait absolument impossible de les mettre en oeuvre, puisqu’il faudrait opérer des rectifications rétroactives extrêmement complexes. Je pense que chacun ici peut le comprendre. C’est la raison pour laquelle je leur donne un avis défavorable.
Cependant, le Gouvernement comprend tout à fait cette préoccupation et est très ouvert à la discussion sur une disposition de cette nature, mais qui serait introduite dans la loi de finances pour 2015. Elle rectifierait ainsi le dispositif légal au bon moment, avant que les bases soient déterminées et que la DGF et les autres dotations pour 2015 soient calculées. Voilà la raison pour laquelle je souhaiterais que ces amendements soient retirés, si cette argumentation pouvait être agréable aux oreilles de leurs auteurs.
Monsieur Pupponi, retirez-vous également l’amendement no 341 rectifié ?
Les amendements identiques nos 311 et 341 rectifié sont retirés.
Je ne vois pas comment on pourrait introduire un autre critère : il a été question du PIB, mais je ne pense pas que ce soit la bonne réponse au principe évoqué par le comité des finances locales, qui consiste à prendre en compte les dotations spécifiques dans le calcul de la minoration de la DGF.
J’apprécie la réponse du Gouvernement et je reconnais que la modification ne peut pas être adoptée aujourd’hui. Mais je compte bien qu’elle le soit dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015.
L’amendement no 233 est retiré.
Je propose de laisser Mme Pires Beaune défendre l’amendement no 295 , qui est identique.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l’amendement no 295 .
L’an dernier, l’article 45 de la loi de finances rectificative pour 2013 avait modifié l’attributaire de la part communale de la taxe sur la consommation finale d’électricité. Cet article prévoit qu’à compter du 1er janvier 2015, les communes de plus de 2 000 habitants ne seront plus les attributaires de plein droit de cette taxe : les bénéficiaires pourront être les EPCI, les syndicats intercommunaux ou même les départements qui exercent la compétence d’autorité organisatrice de distribution de l’électricité.
Dans le contexte actuel, on demande aux collectivités de participer au redressement des finances publiques alors même que les communes voient leur DGF diminuer significativement. Pour prendre quelques exemples, Aurillac et Alençon ont vu leur dotation baisser de 600 000 euros, soit environ 15 % de la DGF perçue. Bohain, une commune de 6 000 habitants, a perdu 90 000 euros, Riom, 19 000 habitants, 400 000 euros et Clermont-Ferrand 2,4 millions d’euros !
Il nous a donc semblé nécessaire de revenir sur cette décision, qui n’a pas encore trouvé à s’appliquer. Toutefois, l’amendement prévoit qu’une commune peut reverser tout ou partie de la taxe sur la consommation finale d’électricité aux EPCI ou aux syndicats intercommunaux. J’ajoute que si, l’an dernier, nous avions été un peu plus sages et écouté Jean Launay, nous n’aurions pas à délibérer aujourd’hui. Enfin, si cet amendement était voté, l’engagement des ministres Lebranchu et Escoffier serait tenu.
La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour soutenir l’amendement no 308 .
Cet amendement va dans le même sens. Il s’agit de supprimer le système automatique instauré par des dispositions législatives adoptées peut-être un peu rapidement l’année dernière et de permettre aux communes de continuer à bénéficier d’une recette pouvant être très importante, surtout dans le contexte actuel très difficile.
Le groupe RDSE du Sénat a déposé une proposition de loi sur ce thème. Nous essayons d’en reprendre l’essentiel par la voie d’un amendement. Il s’agit donc de revenir à la situation antérieure : le syndicat intercommunal ou le département exerçant la compétence d’autorité organisatrice de la distribution publique d’électricité percevront la taxe en lieu et place des communes de moins de 2 000 habitants. Pour les autres communes, en revanche, comme l’a dit Mme Pires Beaune, ils ne la percevront qu’en cas de délibérations concordantes de leur part et de celle de la commune.
Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?
L’amendement no 201 a été adopté à l’unanimité de notre commission, moins une voix. Je reprends l’argument de Mme Pires Beaune : il vise à corriger une disposition qui n’est pas encore mise en oeuvre, mais le sera à compter du 1er janvier 2015, et à faire en sorte que les communes puissent s’organiser de la meilleure façon qui soit.
Cet amendement a été adopté par la commission avec enthousiasme, à l’exception d’une voix !
En effet, la disposition que nous avions examinée nuitamment en décembre dernier, à trois heures du matin,…
Sourires.
…avait été votée de façon intempestive et nous nous sommes immédiatement rendu compte de tous ses méfaits. Je remercie Mme Pires Beaune de les corriger.
Ce que vous nous expliquez, monsieur le président de la commission, c’est qu’il ne faut pas siéger jusqu’à trois heures du matin ! Chacun doit donc savoir qu’il reste 160 amendements en discussion sur le présent projet de loi…
Sourires.
Le Gouvernement donne un avis favorable à ces amendements identiques. L’élu de la ville d’Argenton-sur-Creuse que je suis les regarde même avec un oeil tout à fait bienveillant.
Sourires.
Je ne serai pas très long, car les choses prennent une bonne tournure. J’étais moi-même intervenu assez vivement dans le débat, et je me félicite de cette correction. L’adoption de l’article 45 de la loi de finances rectificative pour 2013 annonçait de grandes difficultés pour les communes, d’autant que certaines menaient grâce aux revenus de la taxe sur la consommation finale d’électricité des politiques très ambitieuses. Les villes ont souvent été les fers de lance des politiques énergétiques, qu’elles menaient grâce aux recettes de cette taxe. Je ne veux pas mépriser le travail effectué par les syndicats intercommunaux ou les départements, mais les communes avaient indéniablement une longueur d’avance. Il aurait donc été dommage de ne pas revenir sur la disposition adoptée l’an dernier, qui aurait entraîné une régression des politiques énergétiques. Je suis ravi du consensus qui s’est exprimé sur ce sujet.
Je tiens au préalable à vous dire que Christophe Léonard, qui a déposé cet amendement, est retenu dans sa circonscription pour la passation du commandement du troisième régiment du génie de Charleville-Mézières. Il se doit d’être aux côtés de nos soldats et vous prie d’excuser son absence.
Le présent amendement, donc, vise à renforcer la politique du Gouvernement, monsieur le ministre des finances…
Quand ça commence ainsi, je me méfie ! (Sourires.)
…en matière de redressement des comptes publics de la France au service de l’intérêt général et de la création d’emplois, objectif que nous pouvons que partager.
Il a pour objectif de réduire, et je sais que vous y êtes attentif monsieur le ministre, les effets d’aubaine induits par les zones franches urbaines, conformément au principe selon lequel une bonne dépense est une dépense juste – voilà qui devrait vous plaire davantage encore, monsieur le ministre ! Dans les cinq dernières années, les exemples sont nombreux, tout particulièrement dans les Ardennes, Christophe Léonard insiste sur ce point, de transferts massifs d’activités en zones franches urbaines, à des fins malheureusement exclusivement d’optimisation fiscale, sans que cela crée le moindre emploi. Vous qui avez été ministre du travail avant d’être ministre des finances ne pouvez qu’être sensible à cet argument.
Pour mémoire, les zones franches urbaines sont destinées à relancer l’activité économique et à favoriser l’insertion sociale et professionnelle dans des quartiers sensibles caractérisés notamment par un taux de chômage important, une population jeune, malheureusement pauvre, le plus souvent peu qualifiée et sans emploi, avec un potentiel fiscal particulièrement faible.
Cet amendement a donc pour unique objet de revenir à l’esprit pionnier du dispositif des zones franches urbaines, qui a été hélas parfois dévoyé. Il vise de fait à rendre inopérants les transferts d’activités de quelques centaines de mètres sans création d’emplois par la détermination d’un périmètre d’exclusion de vingt kilomètres depuis longtemps en vigueur dans notre législation fiscale en ce qui concerne l’imposition des travailleurs frontaliers.
Il subordonne l’éligibilité aux dispositions fiscales des zones franches urbaines à un impératif de création d’emplois. On ne peut en effet accepter que les activités non sédentaires ne soient conçues que comme de simples boîtes aux lettres ayant pour seul objet de bénéficier de dispositions fiscales attractives participant à l’appauvrissement général au bénéfice d’un enrichissement particulier.
Enfin, il propose d’en revenir au montant historique du bénéfice exonéré par contribuable sur douze mois de 61 000 euros, contre 100 000 euros actuellement, et parallèlement d’inciter à la création d’emploi par une augmentation de 7 000 euros au lieu de 5 000 du bonus de majoration du bénéfice exonéré par nouveau salarié embauché et domicilié en zone franche urbaine ou en zone urbaine sensible à taux plein pendant une période d’au moins six mois.
C’est avec confiance que je vous présente cet amendement, monsieur le ministre. Je ne doute pas que vous aurez à coeur, vu votre grande expérience en matière d’emploi et de finances, de lui donner une suite favorable.
Vous en faites trop !
Sourires.
Merci, monsieur Cherki, de toutes ces précisions et de votre souhait de voir chaque euro utilement dépensé. Nous partageons tous cet objectif !
Notre commission n’a examiné cet amendement que dans le cadre d’une réunion au titre de l’article 88, où la discussion est un peu plus rapide. Mais le dispositif dont vous parlez s’éteindra en décembre 2014, c’est-à-dire dans six mois. Nous proposons donc de ne pas y toucher. Introduire une modification qui ne serait valable au mieux que trois ou quatre mois paraît un peu compliqué et irait à l’encontre de l’objectif de simplification du Gouvernement. C’est pour cette raison que la commission a repoussé votre amendement.
Je répondrai de la même manière. Monsieur Cherki, vous avez défendu avec beaucoup d’éloquence cet amendement. Comme vous avez également une bonne connaissance des dispositions législatives applicables, vous savez que le dispositif vient en extinction à la fin de cette année. Je comprends que l’urgence soit telle que vous vouliez le modifier en cours d’année, mais cela ne me paraît pas de bonne méthode législative.
Attendons que le dispositif tombe de lui-même, si je puis dire, à la fin de cette année. Travaillons ensemble de manière à éviter des situations comme celle que vous avez décrite, monsieur Cherki, et qui peuvent être préjudiciables. Cela sera une meilleure manière de travailler. Et vous pourrez dire à M. Léonard que, comme j’ai été très sensible à son argumentation, il le sera à la mienne et m’en sera redevable !
Sourires.
La loi Lamy, votée il y a quelques mois, a prévu que le Gouvernement remette durant l’été un rapport précisant les mesures fiscales et sociales qui permettront la mise en oeuvre d’activités économiques et de développement de l’emploi dans ces quartiers. Les zones franches sont concernées, comme d’autres dispositifs. Attendons ce rapport pour voir ce qu’il convient de prendre dans le cadre du PLF pour 2015 comme mesures incitatives de création d’emplois et d’activités dans ces territoires défavorisés.
L’amendement no 291 n’est pas adopté.
Ces amendements reprennent la proposition no 2 d’un rapport de la mission d’information sur l’optimisation fiscale des grands groupes, mission présidée par Éric Woerth et dont j’étais le rapporteur.
Cette proposition corrige ce qui est en fait une incongruité de l’article 57 du code des impôts. Cet article, qui concerne les prix de transferts, permet à l’administration fiscale de réintégrer des montants qui auraient été soustraits par une entreprise à l’imposition en France par la manipulation de ces prix de transferts. Mais pour cela, l’administration doit faire la preuve de la dépendance entre l’entreprise française et l’entreprise étrangère. Sauf que cette condition de dépendance n’est pas exigée lorsque l’entreprise étrangère est établie dans un État ou territoire à fiscalité privilégiée, c’est-à-dire dont le taux d’imposition est deux fois plus faible que le taux français.
Voilà le paradoxe : le traitement est différent pour les États et territoires non coopératifs, c’est-à-dire les vrais paradis fiscaux qui ne se conforment pas aux standards de transparence. Pour eux, la preuve de la dépendance reste exigée. Ceci avait été corrigé par l’article 106 de la loi de finances pour 2014, qui réécrivait complètement le dispositif. Mais il se trouve que cet article a été censuré par le Conseil constitutionnel, non en raison de ce changement, mais du fait que le business restructuring n’était pas suffisamment bien défini. Aussi, la censure a fait tomber cette mesure de bon sens qui avait été heureusement introduite dans le projet de loi de finances.
Par conséquent, ces amendements ne font que rétablir une correction légitime. Il est évident qu’on ne peut pas être exigeant s’agissant d’États à fiscalité privilégiée et ne pas l’être au moins autant s’agissant de vrais paradis fiscaux.
La commission a évidemment donné un avis favorable à cette proposition, qui a suscité un très large écho positif en son sein. Elle est le résultat d’un rapport parlementaire regroupant l’ensemble des sensibilités, et qui a fait un certain nombre de propositions. L’objectif de la commission, partagé par le Gouvernement, est de mettre en oeuvre au cours des prochaines années l’ensemble des recommandations qui ont été soutenues par Éric Woerth en tant que président et Pierre-Alain Muet en tant que rapporteur.
Même avis. Le Gouvernement partage totalement votre point de vue, monsieur Muet. Il avait du reste rédigé des dispositions semblables, qui ont hélas subi un accident constitutionnel, si je puis dire : même si elles n’étaient pas visées en tant que telles, la censure du Conseil a emporté l’ensemble du dispositif. Or il s’agit d’un bon dispositif de lutte contre l’optimisation, et parfois la fraude fiscale. Vous connaissez mon attachement tout particulier à cette problématique. Je n’ai pas besoin de vous dire où je me trouvais hier après-midi pour peaufiner les dispositifs de lutte contre la fraude fiscale ! Le Gouvernement soutient donc activement ces amendements.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
C’est le premier d’un groupe de trois amendements qui visent à renforcer le caractère intégré du futur groupe public ferroviaire prévu par le projet de loi portant réforme ferroviaire.
Cet amendement no 358 permettra que l’impôt sur les sociétés du groupe soit calculé sur la base des résultats consolidés des trois établissements le constituant, notamment SNCF Mobilités et SNCF Réseau ainsi que de leurs filiales. C’est un signe fort d’intégration économique et sociale du futur groupe public. Pour ce faire, une adaptation du droit fiscal est nécessaire puisque le régime du groupe suppose de détenir une participation en capital dans les filiales à hauteur de 95 %. Les EPIC n’ont pas de capital et ne peuvent intégrer un groupe en tant que filiale.
Par ailleurs, il faut assurer le maintien de la neutralisation de certaines opérations antérieures à la constitution de la nouvelle intégration fiscale. L’amendement no 357 qui vous sera présenté plus tard tirera les conséquences de la constitution de ce nouveau groupe. Enfin, l’amendement no 367 permettra de neutraliser les effets de la réforme en matière de fiscalité locale.
Avis favorable. La commission a examiné ces amendements dans le cadre d’une réunion au titre de l’article 88. Ils visent à compléter la loi actuellement en discussion sur la réforme ferroviaire.
L’amendement no 358 , auquel nous avons donné un avis favorable, vise à faire en sorte que le régime fiscal de groupe puisse être appliqué à l’EPIC holding de la SNCF. Le no 357 vise à prolonger le sursis d’imposition des plus-values : lorsque l’on change de structure, capitalistique ou de groupe, il doit y avoir une réalisation des plus ou des moins-values. C’est ce sursis qui est proposé par les dispositions proposées par le Gouvernement. L’amendement no 367 porte sur la prise en compte de la valeur brute pour la détermination de la valeur locative des immobilisations industrielles de la SNCF. Ces trois amendements visent à faire en sorte que la création des trois EPIC pour la SNCF puisse être reflétée dans la structure capitalistique et la structure fiscale qui s’applique.
Je remercie le Gouvernement et la commission pour ces amendements, qui s’inscrivent dans le prolongement de la loi ferroviaire que nous avons votée la semaine dernière. Ils traduisent le fait que nous tenons nos engagements en matière d’intégration de ce groupe. Une polémique publique très forte s’était développée selon laquelle on désintégrerait la SNCF. La preuve est faite qu’il n’en est rien.
Il s’agit d’une intégration fiscale : ainsi, l’impôt sur les sociétés ne sera pas calculé pour chacun des trois EPIC. En raison d’un problème juridique, nous avons en effet préféré des EPIC à des sociétés anonymes. Avec des sociétés anonymes, l’intégration fiscale découlait d’elle-même. Mais nous avons souhaité faire en sorte que ce groupe soit public, un groupe de service public qui dispose des institutions d’un groupe de service public. Avec trois EPIC, il n’était pas facile de faire l’intégration fiscale et par ces amendements, nous y parvenons, ce dont je me félicite. Nous envoyons ainsi un message très fort, M. le ministre l’a dit, à tous ceux qui s’inquiétaient d’une éventuelle désintégration du groupe ferroviaire. Nous faisons tout l’inverse !
L’amendement no 358 est adopté.
Cet amendement, élaboré par Nathalie Chabanne, retenue par des obligations dans sa circonscription, porte sur un sujet cher à nombre de parlementaires sur nos bancs, à savoir la taxation des transactions financières et les leviers dont nous disposons au niveau national pour agir en ce domaine.
Il a pour objet d’élargir le champ de la taxe sur les transactions financières aux transactions dites intraday, qui sont dénouées au cours d’une seule et même journée. Cette taxation participerait au renforcement du produit de la taxe, dont le rendement, désormais estimé à 0,6 milliard d’euros, est nettement inférieur à la prévision de 1,6 milliard d’euros. Elle contribuerait également à limiter ces transactions particulièrement déstabilisatrices, qui accentuent la volatilité du marché en en réduisant l’intérêt financier.
Je n’ai pas d’arguments à ajouter. Je regrette simplement que M. le secrétaire d’État au budget ne soit pas là pour en discuter avec nous car je sais que cet amendement, que nous avons déjà présenté, lui est cher.
La commission est bien évidemment favorable à une taxe sur les transactions financières mais elle est défavorable à la taxation des transactions intraday, qui vise un horizon réduit. Elle préfère s’inscrire dans le cadre des discussions qui ont actuellement lieu avec onze de nos partenaires européens à propos d’un élargissement de l’espace auquel s’appliquerait la taxe sur les transactions financières et des produits visés. Par ailleurs, elle entend poursuivre l’action déjà engagée avec la taxation des actions.
J’aimerais consacrer quelques instants à ces amendements car je considère que le débat qu’ils soulèvent est l’un des plus importants que nous puissions avoir, en dehors de toute considération sur l’efficacité des dispositions qu’ils proposent. J’ai participé aux dernières réunions avec les ministres des finances des pays européens qui portent ce projet de coopération renforcée – le seul en ce domaine – mis en place au sein de l’Eurogroupe. À nouveau au nombre de douze depuis le retour de la Slovénie, nous avançons extrêmement bien. Nous avons décidé que, le 1er janvier 2016, la nouvelle taxe sur les transactions financières serait mise en oeuvre dans ces douze pays. Je n’ai pas besoin d’insister devant vous sur le fait que pour être efficace, une telle taxe ne doit pas être appliquée dans un seul pays mais dans un nombre de pays suffisamment important pour couvrir un marché significatif. C’est précisément ce que nous voulons.
Je ne reviendrai pas sur des débats techniques extrêmement délicats. Je dirai seulement que nous souhaitons que les actions puissent entrer dans le champ couvert par cette taxe ainsi que d’autres produits, comme les produits dérivés, qui ont montré par le passé leur nocivité.
Nous avançons, fermement. La France a pris toute sa place dans ce processus. Je suis bien placé pour savoir qu’il faut être moteur, qu’il faut éviter que chacun se renvoie la balle en disant « quand tu le feras, je le ferai » : dans ces conditions, on ne s’en sort jamais !
Je souhaiterais donc que ces amendements soient retirés, car ils proposent une application au niveau national pour le 1er janvier 2015, alors le dispositif sur lequel nous sommes en train de travailler sera applicable à l’échelon européen au 1er janvier 2016. Je m’engage en revanche à tenir la commission des finances et l’ensemble du Parlement précisément informés du déroulement des négociations afin que vous puissiez non seulement participer aux débats mais prendre en considération ces éléments dans vos propres décisions.
Je suis consterné. De loi de finances en loi de finances en passant par la loi bancaire et les lois de finances rectificatives, nous tournons en rond. À chaque fois, on nous dit d’attendre, d’attendre une taxe, d’attendre une taxe au niveau européen… Et nous attendons toujours ! On nous dit qu’une coopération européenne renforcée est en train d’être mise en place alors qu’on nous disait qu’il fallait instaurer un dispositif français… Votre prédécesseur nous disait même que nous serions en avance ! En réalité, nous faisons du surplace.
Ces amendements visent à corriger une anomalie : les ventes réalisées au cours d’une journée n’étant pas considérées comme des ventes, elles ne se voient pas appliquer de taxation. Le dispositif qu’ils proposent, déjà présenté dans le cadre de la loi de finances initiale et de la loi bancaire, monsieur le ministre, constitue à nos yeux un progrès. Je reviendrai sur les produits dérivés dans l’amendement suivant mais d’ores et déjà, il serait bon d’étendre la taxation. La nouvelle majorité, qui depuis son arrivée au pouvoir cherche à progresser en ce domaine, doit montrer qu’ elle avance enfin un peu.
Le verre est-il à moitié vide ou à moitié plein ? C’est toujours une question délicate. Dans la mesure où nous ne partons de rien, nous pouvons considérer que ce premier pas est décisif puisque douze pays coopèrent – et ce n’est pas rien que de faire converger tous ces pays. D’un autre côté, le produit de cette taxe ne serait que de 5 milliards d’euros, l’assiette envisagée étant extrêmement réduite. C’est peu comparé aux objectifs visés à l’origine, soit 50 milliards. Je ne trancherai donc pas, car je considère qu’il faut se donner de l’élan plutôt que se décourager à chaque fois que des propositions ne vont pas aussi loin que ce que l’on souhaiterait.
Nous savons très bien pourquoi nous n’avançons pas plus vite : il faudrait que la totalité des pays participent à cet élan, afin qu’il n’y ait pas de concurrence déloyale. Je pense en particulier aux rapports entre la place de Londres et la place de Paris. Pourriez-vous nous éclairer sur ce point, monsieur le ministre ? Le fait que la place de Londres et d’autres places financières ne participent pas à ce projet freine-t-il l’évolution de cette taxation, en particulier pour ce qui est de l’intraday ?
On me demande ce qu’il y a de nouveau. Ce qu’il y a de nouveau par rapport aux débats qui ont eu lieu ces dernières années, c’est qu’une date a été fixée. D’ici à la fin de cette année, la Commission élaborera une nouvelle directive pour appliquer au 1er janvier 2016 une taxation dans les douze pays du groupe participant au projet de coopération renforcée. C’est la première fois que nous « crantons », comme on dit dans le jargon de Bercy, une décision de ce type. C’est une avancée réelle par rapport à tous les débats que nous avons pu avoir. Ce n’est plus « on verra », une date est fixée : au 1er janvier 2016, une taxe sur les transactions financières verra le jour dans les mêmes conditions dans douze pays, à partir de bases élaborées en France, puis peaufinées et améliorées.
La deuxième question posée est de savoir s’il y a unanimité. Non, sinon nous ne serions pas que douze pays ! Y a-t-il un enthousiasme perceptible dans d’autres pays ? Certains voient le bénéfice qu’ils pourraient retirer de la mise en place de cette taxe en dehors de leur pays, et nous devons être attentifs à cet aspect. D’autres peuvent craindre la mise en oeuvre d’une telle dynamique, et je constate que beaucoup de pays n’ayant pas souhaité participer à la coopération renforcée commencent à réfléchir à une taxation de cette nature.
Mais nous, nous avons décidé de ne plus attendre. Nous avançons. Au 1er janvier 2016, une taxe sur les transactions financières s’appliquera dans douze pays de l’Union européenne – et pas n’importe lesquels : l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, la Belgique, les Pays-Bas entre autres !
La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement no 286 .
En l’absence de taxe européenne sur les transactions financières, la taxe nationale reste le seul instrument de taxation des transactions financières. Son taux a été doublé en 2012 mais son assiette reste limitée au seul marché des actions. Les débats sur la loi de séparation bancaire ont permis d’éclairer partiellement les activités de « tenue de marché ». Dans son rapport de 2012, le groupe d’experts européens dirigé par M. Liikanen a établi qu’au sein de la « tenue de marché », il est impossible de distinguer la finance spéculative des transactions utiles au financement de l’économie réelle. Dès lors, il convient de réintégrer ces transactions dans l’assiette de la taxe sur les transactions financières. C’est l’objet de cet amendement présenté par les députés du MRC.
Il y a environ deux mois, la commission des affaires européennes a organisé une table ronde qui visait à cerner trois sujets : les sous-jacents et les produits – doit-on inclure les produits dérivés dans la taxe sur les transactions financières ? ; le périmètre d’émission ou d’origine – doit-on prendre en compte le lieu où est enregistrée la transaction ou les acteurs qui en sont à l’origine ? ; et la nature des acteurs assujettis. Cette table ronde avait en outre pour but d’informer les parlementaires de l’avancée des négociations auxquelles M. le ministre vient de faire référence.
Il en ressort certaines prises de position concernant les produits. Certains d’entre eux bloquent encore la discussion, et ceux que vous citez en font partie. M. le ministre nous en dira peut-être un peu plus à ce sujet. Notre commission veut attendre de voir comment se positionne le groupe de réflexion des douze pour éventuellement se prononcer, sachant que l’idéal serait une application la plus large possible géographiquement, car nous savons très bien que les pays qui n’appliqueraient pas la taxe à certains produits siphonneraient lesdites transactions, créant des distorsions de concurrence.
C’est dans cet esprit que les négociations sont menées par les douze pays, qu’il s’agisse des marchés, des produits ou des acteurs.
Je veux appuyer les propos de Mme la rapporteure. C’est un sujet auquel, par principe, j’attache une importance toute particulière. Nous ne devons pas oublier les raisons pour lesquelles la grande crise de 2008-2009 s’est produite. Il faut savoir aller jusqu’au bout des régulations nécessaires : il ne suffit pas seulement de viser une croissance supplémentaire, même si elle est nécessaire, il importe d’éviter que l’origine des catastrophes qui nous sont tombées dessus, avec toutes leurs conséquences aujourd’hui, ne produise les mêmes effets.
Je ne veux pas revenir sur tout ce que j’ai dit. Nous avons beaucoup avancé : nous travaillons aujourd’hui non seulement aux actions mais à la mise en oeuvre au 1er juillet 2016 d’une taxation sur « certains produits dérivés », pour reprendre les termes du texte qui nous lie à douze, ainsi que sur la définition de ces produits dérivés.
Je prends l’engagement devant vous de vous informer régulièrement de l’avancement de ces négociations, pour vous permettre non seulement d’en suivre le déroulement mais également de peser dans cette négociation, notamment par le débat public. Voilà les raisons pour lesquelles, si cet amendement était maintenu, je ne pourrais que donner un avis défavorable à son adoption.
L’amendement no 286 n’est pas adopté.
Nous débattons régulièrement dans cette assemblée des aides aux entreprises, dont nous connaissons les motivations, tant dans le cadre du pacte de responsabilité que du crédit d’impôt compétitivité emploi. Selon les règles du CICE élaborées en décembre 2012, les bénéfices apportés par ces aides aux entreprises ne doivent servir ni à nourrir les dividendes, ni à alimenter les salaires élevés, notamment ceux des dirigeants.
Les amendements nos 256 et 257 ont tous deux pour objet la transparence, le premier s’agissant des salaires dans l’entreprise et le deuxième des dividendes. Une façon de mesurer l’évolution des salaires serait de comparer dans le temps, d’année en année, l’évolution des salaires cumulés des 5 % des personnes les mieux rémunérées dans l’entreprise et des 10 % les moins bien payées. Pour les dividendes, la comparaison porterait sur des éléments tels que le chiffre d’affaires ou le montant des investissements. Nous sommes donc bien en phase avec ce qui a été défini dans le CICE.
Je sais que Mme la rapporteure générale va m’expliquer une nouvelle fois, avec raison, que le CICE est en cours d’évaluation et que tout cela sera pris en compte le moment venu. Vous voyez, je fais les questions et les réponses ! Mais sachez que j’ai d’ores et déjà déposé ces mêmes amendements pour le projet de loi de financement rectificatif de la Sécurité sociale, s’agissant cette fois-ci de la contribution sociale de solidarité des entreprises, la C3S. La même question se pose en effet pour l’ensemble des avantages accordés aux entreprises pour améliorer leur compétitivité : ils sont légitimes, mais elles doivent obligatoirement nous donner les informations nécessaires.
M. Alauzet a raison de penser que je vais lui rappeler l’existence d’une mission d’information sur le CICE qui va rendre ses conclusions en septembre – mission à laquelle il appartient !
Puisqu’il en fait partie, j’imagine qu’il aura l’occasion de développer à nouveau ses arguments et de convaincre ses vingt-neuf collègues !
Plus sérieusement, concernant la transmission de ces informations, nous nous interrogeons sur le levier que vous souhaitez créer et sur les conséquences que cela peut avoir. Une fois que l’administration fiscale disposera de l’ensemble des ratios, que souhaitez-vous qu’elle en fasse ? Quelle application concrète doit-elle en faire ? Cela va donc un peu plus loin que votre idée, mais je suis sûre que vous aborderez activement cette question avec nos vingt-neuf autres collègues de la mission. Avis défavorable.
Même avis pour les mêmes raisons.
Nous abordons une série d’amendements concernant le crédit d’impôt compétitivité emploi. Au-delà de l’argument développé par la rapporteure générale sur l’absence de conséquences des dispositions proposées, je voudrais à nouveau alerter nos collègues sur deux points. Tout d’abord, les risques d’effet de bord ou de détournement du crédit d’impôt compétitivité emploi : il en existe, il serait d’ailleurs inconséquent de ne pas y penser, toute la question étant de savoir s’ils seront d’ampleur ou pas. Ensuite, le dispositif tel que nous l’avons adopté prévoit des comités de suivi à différents niveaux et impose que les conditions dans lesquelles le chef d’entreprise utilise la marge de manoeuvre ouverte par le CICE soient débattues : il existe donc déjà une forme de transparence, et je sais d’ailleurs que la CGT, la CFDT et FO, quelle que soit leur position de départ sur cet outil, le mettent en place et mobilisent leurs camarades. De ce point de vue, la vertu de ce dispositif est d’être un outil important de dialogue social dans l’entreprise.
Enfin, je ne souhaite pas que l’on entre dans une logique de punition collective de l’ensemble de nos entreprises alors que seules quelques-unes n’agissent pas dans le sens de l’intérêt général : ce serait profondément injuste. Je souhaite donc que celles et ceux qui défendent ces amendements disent très clairement qu’ils ne font pas de procès d’intention a priori aux chefs d’entreprise et aux entrepreneurs de ce pays. Je souligne que la défiance appelle la défiance. Des inquiétudes existent aujourd’hui dans le monde économique, notamment sur l’instabilité fiscale ou sur ce qui attend demain les entreprises. C’est pour cela que les engagements pris doivent être tenus dans la durée, ainsi que je l’ai rappelé mardi soir. Si nous voulons réellement recréer de l’emploi et de la croissance, il faut que les entrepreneurs s’engagent, que les entreprises investissent, qu’elles reçoivent des messages clairs ; et le premier message clair qu’on peut leur apporter est un message de confiance.
Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 245 rectifié , 282 rectifié et 337 , deuxième rectification.
La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement no 245 rectifié .
Toujours dans le même esprit d’encadrement et de ciblage des aides aux entreprises pour une meilleure efficacité de la dépense publique, le présent amendement propose de lister une série de dépenses précises liées à la compétitivité et favorables à l’emploi qui pourraient être visées par le CICE. Elles ouvriront droit à un crédit d’impôt avec un taux différent selon le montant de la dépense : 10 % pour un montant inférieur à 100 millions d’euros et 5 % au-dessus. Ces dépenses sont strictement ciblées sur la formation, la robotisation, l’exportation, l’innovation, la recherche et développement, la protection des brevets et certificats, la normalisation et les trente-quatre plans industriels prioritaires.
La parole est à M. Pouria Amirshahi, pour soutenir l’amendement no 282 rectifié .
Lors du premier débat sur le crédit d’impôt compétitivité emploi, comme l’a rappelé Dominique Lefebvre, nous avons été un certain nombre de parlementaires à pointer les risques de dévoiement de cette aide fiscale à des fins pouvant poser problème, notamment pour des surrémunérations de dividendes ou pour une augmentation des revenus. Cela pose évidemment divers problèmes, notamment de moralité, compte tenu de la crise et des efforts demandés parallèlement aux Français.
Cet amendement n’avait pas été retenu mais nous en présentons d’autres qui, au-delà des principes qui avaient été définis lors du premier débat, se fixent des objectifs de clarté, de transparence, de moralité, de respect de ce qui est exigé des Français ainsi que d’efficacité. Il s’agit, comme l’a indiqué Eva Sas, non pas d’une aide calculée en fonction de la masse salariale des entreprises, c’est-à-dire une aide à l’aveugle, indifférenciée, mais d’un fléchage précis correspondant à des politiques concrètes de réindustrialisation et de renforcement de notre appareil productif. Cela concerne notamment la modernisation des machines-outils, les dépenses d’innovation, de recherche et de développement, l’accompagnement de nos entreprises à l’exportation, notamment celles qui sont soumises à la concurrence internationale, ou les dépenses liées à la protection des brevets.
Enfin, j’insisterai sur un dernier point : la cohérence avec la politique gouvernementale. Le Gouvernement a décidé, à juste titre, d’insister dans sa stratégie de réindustrialisation sur trente-quatre filières industrielles prioritaires. Il serait utile d’intégrer cette dimension dans toutes les aides que nous apportons à nos entreprises, afin que celles qui relèvent de ces priorités industrielles affichées puissent bénéficier des accompagnements correspondants.
Trois aspects doivent donc être pris en compte dans ce débat : la moralité et la généralisation des devoirs attendus de n’importe quel acteur de la société, qu’il soit un individu ou une entreprise, l’efficacité et enfin la cohérence.
La parole est à M. Jean-Marc Germain, pour soutenir l’amendement no 337 , deuxième rectification.
Cet amendement vise le même objectif. Pour rassurer mon collègue, je pense que, pour tous ceux qui sont présents dans l’hémicycle – j’observe d’ailleurs que c’est principalement la gauche qui s’intéresse à l’industrie française et à la réussite économique de notre pays car, en dehors de Mme la présidente, la droite est absente de ce débat fondamental ! –la confiance aux entreprises est essentielle pour la réussite de notre pays.
Concernant le crédit d’impôt compétitivité emploi, la question qui se pose, et qui a justifié la création d’une mission d’information, est la suivante : comment aider les entreprises qui en ont besoin et pas les autres ? Voilà le problème que nous tentons de résoudre avec ces amendements. Nous souhaiterions tous pouvoir aider au maximum celles qui sont exposées à la concurrence internationale. Mais sur ce point, je ne partage pas l’avis de Christophe Caresche : dans une situation de rareté des moyens publics, mieux vaut éviter de financer la grande distribution, la banque, la finance ou l’assurance. Non que cela ne puisse produire quelques effets, mais on peut convenir que ce n’est pas la priorité !
La difficulté est de savoir comment faire, dans le prolongement de ce qui a déjà été réalisé, car il ne s’agit pas de faire table rase du passé, le crédit d’impôt n’ayant été créé qu’il y a deux ans. Il nous semble, compte tenu des retours de terrain et des différents rapports qui ont été rédigés sur ce sujet, que l’outil le plus efficace est le crédit d’impôt recherche. Cet amendement a donc pour objet, plutôt que d’ouvrir largement la mesure à toutes les dépenses, de cibler les dépenses des entreprises exposées à la concurrence internationale – je vous renvoie à la liste qui a été établie. Il permettrait, en préservant l’esprit du dispositif, de renforcer son efficacité et de créer plus d’emplois en dépensant moins.
Permettez-moi, monsieur Germain, de vous rappeler que la présidence n’est ni de droite, ni de gauche !
Sourires.
Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?
Ces trois amendements se réfèrent au I de l’article qui crée le CICE. Or la définition de l’assiette du CICE se trouve au II. Les trois amendements que vous présentez, dans leur rédaction actuelle, ne changent donc rien à la définition des dépenses que vous rendez éligibles au CICE.
Je vous renvoie donc à double titre à la mission d’information sur le CICE, laquelle pourra envisager, si vous le souhaitez, une modification de l’assiette. Mais en l’état, avis défavorable.
Madame la présidente, vous êtes au-dessus, ni à droite, ni à gauche !
Sourires.
De longs débats ont eu lieu sur le CICE depuis hier, et tous les arguments ont été avancés par chacun. Je m’en remets donc à ce qui vient d’être dit par Mme la rapporteure générale : d’une part, ces amendements comportent quelques imperfections techniques, même si nous ne sommes pas là pour faire uniquement de la technique, et d’autre part il y a cette mission qui dressera un bilan complet de l’application du CICE. Attendons avant de le faire évoluer. Je souhaite donc évidemment que ces amendements soient rejetés par votre assemblée.
Je souhaite m’exprimer très brièvement sur les interventions précédentes. Et la preuve que la présidence présidence n’est ni de gauche, ni de droite, c’est que nous pouvons débattre entre nous, camarades !
Il n’est pas question ici de procès d’intention contre les entrepreneurs de ce pays ou les entreprises : ce n’est pas l’objectif. Mais ce n’est pas parce qu’il y a une demande d’évaluation ou de contrôle qu’elle est synonyme de procès d’intention ou qu’elle vise à culpabiliser à outrance la grande majorité des entrepreneurs de ce pays, désireux d’investir et d’améliorer leurs marges. Par exemple, les bénéficiaires du RSA sont bien soumis à des contrôles, à des contreparties et à des obligations !
L’Assemblée nationale a créé une mission d’information sur la mise en oeuvre du CICE. Respecter le Parlement, c’est aussi faire en sorte qu’il puisse aller au bout de cette mission et qu’il présente les mesures nécessaires au recalibrage du dispositif pour atteindre de la meilleure façon possible les objectifs que le Gouvernement lui-même a érigés comme prioritaires.
Ce n’est pas parce que je suis contre ces amendements que la question de l’évaluation et du contrôle du CICE ne se posera pas, comme l’a dit hier soir Mme la rapporteure générale.
La question du CICE a déjà été largement débattue, c’est vrai, et elle le sera encore dans le cadre de la mission d’information.
Ces amendements aboutiraient à exclure un certain nombre de secteurs d’activité du bénéfice du CICE, comme la grande distribution ou le logement. Or ce sont précisément des secteurs qui peuvent engendrer très rapidement des effets positifs en termes d’emplois, voire en termes de pouvoir d’achat, avec des augmentations de salaires. Une des critiques que Pierre-Alain Muet porte sur le CICE est qu’il n’aura des résultats que dans la durée. Or, ces amendements excluent précisément des secteurs d’activité qui peuvent répondre à sa préoccupation, c’est-à-dire obtenir des résultats le plus rapidement possible en termes d’emplois et de pouvoir d’achat et, dans le long terme, soutenir la compétitivité d’un certain nombre d’entreprises, notamment celles qui sont exposées à la concurrence internationale. J’ai le sentiment que ces amendements contredisent les critiques mêmes que vous nous adressez.
Ce matin, la mission d’information sur le CICE procédait à trois auditions. Sur trente membres, il n’y avait que cinq à sept députés présents. Je rappelle à mes collègues qu’il serait bon qu’ils assistent à ces auditions : cela permettrait de perdre un peu moins de temps dans cet hémicycle.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Je ne veux pas prolonger les débats, d’autant que je ne confonds pas l’hémicycle avec la salle Colbert, mais je tiens à appeler l’attention de mes collègues sur des éléments de sémantique qui s’enchaînent mais qui, à mon avis, n’ont pas nécessairement de justification.
À partir de ces dispositifs, qui sont présentés comme des aides, le glissement se fait rapidement vers des cadeaux. Mais cela supposerait que le niveau des prélèvements obligatoires – et ce raisonnement vaut pour les ménages comme pour les entreprises – serait le niveau adéquat. Or si l’on reprend l’historique de l’évolution des prélèvements obligatoires sur les ménages, l’on constate qu’ils ont augmenté, parfois pour de bonnes raisons, parfois aussi pour de moins bonnes, par exemple des éléments de crise que nous ne contestons pas mais aussi l’absence de maîtrise de la dépense publique. Du coup, on a dû prélever beaucoup d’impôts pour une dépense publique qui n’est pas toujours efficace en termes de protection sociale.
En réalité, le fond du débat, c’est la politique économique, envisagée en termes tant de macroéconomie que de microéconomie. Il s’agit de savoir si aujourd’hui le coût du travail et les termes de la fiscalité sur les entreprises sont correctement positionnés pour permettre à nos entreprises de se développer en France et à l’international. J’appelle votre attention sur le fait que l’objectif ultime du prélèvement, c’est de poursuivre des politiques publiques. De ce point de vue, il vaut mieux avoir des assiettes larges et des taux faibles que l’inverse. C’est bien le retour de la croissance qui fera progresser la masse salariale, qui aidera mécaniquement au rééquilibrage des comptes sociaux qui constituent la première de nos urgences.
Je voudrais que l’on sorte de cette idée préconçue qu’il y aurait un bon niveau de prélèvements obligatoires et que si on le baisse on fait des cadeaux, soit aux ménages, soit aux entreprises. Non, un niveau de prélèvements obligatoires renvoie à un niveau de socialisation dans notre société, à un niveau de dépenses publiques que l’on doit atteindre et je pense qu’il faut au moins vérifier autant l’efficience de la dépense publique que l’efficience d’une baisse de charges.
Je voudrais, du fonds de ma circonscription, apporter mon témoignage sur le CICE. Il y a peut-être une ambiguïté fondatrice. Ce dispositif a été mis en place sous le couvert de la compétitivité. En réalité, c’est une mesure générale de baisse du coût du travail qui épargne le financement de la Sécurité sociale, c’est-à-dire les charges sociales. C’est ce qu’a choisi le Gouvernement.
Au-delà des critiques que l’on peut faire sur l’évaluation, qui est légitime, il faut laisser à la mesure le temps de faire ses preuves. Alors que les premiers entrepreneurs commencent à peine à découvrir ce dispositif et ses bienfaits, on nous propose déjà des effets de yo-yo absolument délétères pour la confiance que notre économie met dans ce Gouvernement. Il faut donner du temps au temps et ne pas céder à la politique de l’immédiateté et du spectacle permanent. C’est trop important par rapport aux défis que nous devons relever aujourd’hui dans le monde et en Europe.
Mes chers collègues, nous avons déjà passé de longs moments sur le CICE. Je passe au vote sur les amendements.
Les amendements identiques nos 245 rectifié , 282 rectifié et 337 , deuxième rectification ne sont pas adoptés.
La parole est à M. Jean-Marc Germain, pour soutenir l’amendement no 317 rectifié .
Madame la présidente, je vous prie de bien vouloir m’excuser d’avoir mentionné votre appartenance politique qui, je l’espère, demeure, même si votre présidence est impartiale…
Et très efficace !
Sourires.
À travers cette maladresse, je ne voulais pas être désobligeant à l’égard de vos collègues de droite, qui étaient totalement absents.
Cet amendement est une position de repli par rapport à celui que nous venons d’examiner. La loi énumère ce que l’on entend par compétitivité : elle indique clairement que le CICE doit servir à améliorer la compétitivité de l’entreprise, à travers « notamment » des efforts en matière de recherche, d’innovation et autres.
Nous pouvons convenir qu’il y a deux ou trois ans, il était utile d’arroser large parce que les entreprises étaient confrontées à des difficultés de toute nature. Mais dans une période où les crédits, où les moyens publics sont rares – quelle que soit la façon dont on les appelle, dépenses publiques ou dépenses fiscales – il faut mieux cibler les choses. Je propose donc de supprimer le mot « notamment » afin de rendre la liste exhaustive.
Madame la rapporteure générale, vous avez évoqué le II de l’article, qui définit l’assiette, c’est-à-dire le montant global que peut représenter le crédit d’impôt. Mais on peut considérer que lorsque l’on fait des chèques aux entreprises, celles-ci doivent fournir des factures, c’est-à-dire des listes de dépenses limitatives et que dès lors que le taux de 6 % n’est pas atteint, le crédit effectivement perçu est inférieur.
Notre assemblée a déjà examiné ce type d’amendement après l’article 1er. La seule différence est que vous rajoutez une date, le 1er janvier 2015. La commission a rejeté cet amendement.
On dit que le vocabulaire pourrait prêter à confusion. Mais on ne peut pas centrer toute une politique sur la baisse permanente du coût du travail, car il s’agit de gens, de salariés, de travailleurs, d’ingénieurs, de techniciens. On ne peut pas dire simplement qu’ils coûtent cher et qu’ils sont un poids pour la société.
Si l’on veut rechercher les meilleurs facteurs de compétitivité, il faut sans doute, à défaut de poser des exigences, notamment de remboursement en cas de mauvaise utilisation de l’aide publique, au moins en amont organiser un fléchage explicite pour que les entreprises, qui ont besoin de visibilité, sachent exactement pour quel type de stratégie industrielle elles seront aidées. Cela éviterait des distorsions de concurrence, y compris entre des entreprises d’un même secteur, certaines bénéficiant du CICE alors qu’elles n’en ont pas forcément besoin tandis que d’autres, qui sont beaucoup plus fragilisées, en étant réduites à l’utiliser simplement à travers leur fonds de roulement pour réorganiser leur trésorerie.
Je pense que ce sont des aspects de rationalité, qu’une économie a besoin parfois de critères et qu’elle ne peut pas simplement fonctionner sur des aides accordées à l’aveugle sans un minimum de conditions. Ce ne sont pas des amendements qui coûtent plus cher. Au contraire, ils mettent de la clarté dans l’efficacité de la politique.
Madame la présidente, c’est l’excellente intervention de Dominique Lefebvre qui me fait réagir. Nous avons eu droit à une intervention très structurée sur la baisse du coût du travail, la politique de l’offre… Bref, des termes qui, il y a quelque temps, nous auraient fait réagir en tant que députés socialistes. Mais je veux lui apporter une bonne nouvelle : une étude faite par un maître de conférences de l’université de Nanterre et qui sera publiée dans le magazine Capital montre que sur les cent Français les plus riches, 85 % ont vu, entre le printemps 2013 et 2014, leur patrimoine augmenter en moyenne de 10 %. Leurs gains cumulés annuels sont de 257 milliards d’euros. Vous devriez être content, persévérez, vous êtes sur la bonne voie !
L’amendement no 317 rectifié n’est pas adopté.
L’amendement no 273 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Marc Germain, pour soutenir l’amendement no 285 rectifié .
Nous souhaitons tous trouver les meilleures façons d’aider les entreprises de notre pays, et de la manière la plus économe possible.
Cet argent doit-il servir à baisser le coût du travail et donc les prix, ou à être investi dans la recherche, l’innovation, la production ? Le débat n’est pas tranché, mais si nous défendons ces amendements c’est que nous estimons qu’il n’y a pas de solution pour baisser le coût du travail. Même 20 milliards, au regard de ce que représente la masse salariale, cela ne représenterait qu’une baisse des prix de production de 1 ou 2 % : ce n’est pas comme cela que l’on va produire en France ! Mais investir dans la recherche et l’innovation, passer à une part de 3 % du PIB, cela nous hisserait au premier rang européen.
Cet amendement, comme le no 273 rectifié, visent à améliorer les choses. On voit bien qu’il ne s’agit plus maintenant, dans la plupart des cas, d’améliorer la situation de la trésorerie : c’est pour cela que nous proposons de le faire à titre exceptionnel.
Enfin, j’associe à ces arguments Patrice Prat, qui a beaucoup travaillé sur ces amendements mais qui ne pouvait pas être présent aujourd’hui.
Cet amendement pose un problème de secret fiscal, ce qui dépasse largement le cadre de notre débat d’aujourd’hui. Actuellement, les données individuelles de la fiscalité des entreprises sont soumises au secret fiscal. Pour cette raison, la commission a rejeté votre amendement.
C’est un vrai plaisir que de pouvoir débattre avec Jean-Marc Germain et d’autres collègues sur le CICE, qui décidément fait couler beaucoup d’encre.
Comme l’a dit Gilles Savary, cela fait maintenant un an et demi que nous avons voté le CICE, mais il n’est appliqué dans les entreprises que depuis quelques semaines à peine. Nous sommes en train de dresser le bilan, de faire la critique d’un dispositif qui n’a pas encore fait ses preuves !
Peut-être, monsieur Mariton, mais vous, vous n’avez rien fait du tout !
Sourires.
Monsieur Mariton, n’attirez pas les foudres de vos collègues !
Je comprends les objectifs poursuivis par les amendements nos 273 rectifié et 285 rectifié .
Sur l’amendement précédent, la question portait sur le mot « notamment », c’est-à-dire sur la nécessité de fixer ou non une liste limitative des facteurs de compétitivité. Je voudrais simplement faire part d’une expérience récente, puisqu’elle date de ce matin. J’ai rencontré des responsables de PME : pour ces entreprises modestes, le CICE peut permettre d’améliorer leur fonds de roulement. Il ne faut donc pas fixer de liste limitative, mais laisser à chaque entreprise la possibilité de définir ce que sont les conditions de sa propre compétitivité.
Il faut aussi faire confiance au dialogue social. Dès que les salariés auront connaissance de ce qui va être perçu par leur entreprise, ils pourront négocier sur cette base-là, ce qui constitue un levier extraordinaire. Cela permet aussi aux entreprises de partager un projet en exposant leur stratégie.
L’amendement no 285 rectifié n’est pas adopté.
La parole est à M. Daniel Goldberg, pour soutenir l’amendement no 292 rectifié .
Cet amendement vise à profiter de la montée en puissance du CICE pour faire en sorte que les entreprises soient encore mieux insérées dans leur tissu local, à travers le logement de leurs propres salariés.
Nous avons en France un dispositif original et toujours innovant qui est le dispositif dit « du 1 % logement », d’Action Logement. L’idée est de profiter de la montée en puissance du CICE pour qu’une part de cette aide aux entreprises puisse retourner directement au logement des salariés, pour une meilleure compétitivité et un meilleur retour sur investissement. Chacun le sait ici, il y a eu des ponctions successives sur le logement social depuis plusieurs années. Sous la droite – mais M. Mariton est parti – il y a eu le prélèvement sur le potentiel fiscal des organismes HLM et aussi sur le dispositif d’Action Logement. Profiter de la montée en puissance du CICE pour abonder volontairement les organismes de logements sociaux, qu’ils soient publics ou privés, serait sans doute une bonne action, profitable à tous, gagnant-gagnant. C’est l’objectif de cet amendement.
L’amendement no 292 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Marc Germain, pour soutenir l’amendement no 272 rectifié .
C’est un amendement que mon collègue Faure va pouvoir soutenir, puisqu’il vise à faire en sorte que les inspecteurs des impôts puissent se faire communiquer les procès-verbaux des réunions consacrées à la manière d’employer le produit du CICE.
Selon les syndicats que nous avons consultés, dans la loi de sécurisation de l’emploi est prévu un dispositif qui leur donne beaucoup de moyens pour suivre ce qui se passe dans les entreprises. Ils peuvent même obtenir le cofinancement de consultants pour une expertise. En même temps, ils nous disent être assez démunis, pour deux raisons : d’une part, nous avons eu ce débat lundi, il n’y a pas de restitution prévue si le CICE n’est pas utilisé en faveur de l’emploi et de la compétitivité ; d’autre part, les inspecteurs des impôts ne disposent pas de certaines informations. Cet amendement vise donc à régler la deuxième partie du problème.
Comme l’a dit mon collègue Faure, même si un rapport d’évaluation est prévu, ce que nous pouvons régler tout de suite, réglons-le.
L’amendement no 272 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement no 139 rectifié .
Notre amendement vise à créer une incitation fiscale en faveur des distributeurs de livres numériques, afin de respecter davantage les lecteurs de ces livres.
Lorsque vous achetez un livre imprimé, vous en êtes le propriétaire : vous pouvez le lire, le prêter, le revendre, bref, la loi vous permet d’en disposer à votre guise.
Il en va différemment de la majorité des livres numériques. La lecture des contrats de vente des principaux distributeurs de ce secteur est d’ailleurs édifiante. Les clients achètent des licences de lecture et non des livres à proprement parler. Concrètement, ces licences de lecture ont une première conséquence sérieuse : le lecteur est enfermé dans un écosystème. Si vous achetez votre livre numérique chez Amazon, vous ne pouvez le lire que sur un appareil numérique autorisé par l’entreprise Amazon. Si vous achetez votre livre numérique chez Apple, vous ne pouvez le lire que sur un appareil Apple. C’est pour cette raison que l’Union européenne considère que les livres électroniques ne sont pas des produits méritant une TVA réduite, mais des services taxés à taux plein. Il y a d’ailleurs un conflit sur ce point entre la France et l’Union européenne.
Nous proposons de valoriser ce produit. Il existe des distributeurs et des éditeurs qui utilisent un autre modèle commercial, consistant à vendre des fichiers sans verrou numérique. Cela fonctionne : nous avons des entreprises leaders sur ce marché en France. De très nombreux acteurs de la chaîne du livre demandent cette évolution, que ce soit les auteurs, les éditeurs ou les bibliothécaires. Tous ces acteurs subissent les systèmes fermés des grands distributeurs numériques, tous américains.
Nous proposons donc de maintenir la TVA réduite pour les livres numériques vendus en fichiers sans verrou et en format ouvert, et de soumettre au taux de TVA normal les écosystèmes fermés.
Vous avez raison, madame Massonneau, de soulever le problème de l’interopérabilité des livres numériques, que vous avez parfaitement décrit dans votre exposé. Cette question nous paraît devoir être traitée d’abord en liaison avec le ministère de la culture car, même si elle a une conséquence fiscale, elle ne relève pas du seul champ fiscal. C’est pourquoi la commission a donné un avis défavorable à votre amendement.
L’amendement no 139 rectifié n’est pas adopté.
La parole est à M. Dominique Baert, pour soutenir l’amendement no 135 .
Monsieur le ministre, des amendements comme celui-ci, vous n’en avez pas connu beaucoup dans cette première lecture, puisque loin de coûter, il peut rapporter 5 milliards.
C’est un amendement qui vise en effet à interpeller, pour chercher à réduire, voire à annihiler, cette fraude à la TVA sur les relations commerciales intracommunautaires communément appelée « carrousel ».
La Commission européenne estime que par ce mécanisme, passent entre les mailles du filet entre 4 et 6 % du produit attendu de TVA net, soit pour la France les 5 milliards que j’évoquais.
De quoi s’agit-il ? Dans la proposition qui vous est faite, tout en respectant les directives européennes, il s’agit de créer une déclaration électronique spéciale des achats par les assujettis à la TVA, assortie d’une télétransmission à l’administration.
Cette déclaration n’est pas une charge nouvelle pour l’entreprise, car elle est tout à fait compatible avec les logiciels actuels de traitement et d’enregistrement comptable des entreprises. En revanche, compte tenu des informations dont elle dispose par ailleurs, elle permettrait à l’administration fiscale d’identifier, de suivre et de mieux contrôler les flux intracommunautaires, à commencer par les plus volumineux, donc les plus intéressants à taxer.
Dans la lutte contre la fraude fiscale, le plus fondamental n’est pas le recouvrement, mais l’identification de la matière taxable. Vos propres services, monsieur le ministre, travaillent sur ce sujet et mon amendement est sans doute perfectible. Je pense en particulier à l’auto-liquidation de la TVA à l’import, qui pourrait utilement compléter ma rédaction, ainsi qu’une harmonisation des taux de pénalité existant en matière de TVA. Et sans doute faudra-t-il prévoir un délai d’application différé, par exemple à la mi-2015. Mais sincèrement, la lutte contre la fraude à la TVA est un sujet essentiel et l’adoption de cet amendement nous donnerait un instrument puissant.
La commission a émis un avis défavorable. Tout le monde est d’accord pour lutter contre la fraude à la TVA, mais il ne faut pas ajouter de contraintes supplémentaires, surtout quand on lance un « choc de simplification ». Les artisans et petits commerçants font des commandes d’un petit montant. Et surtout, votre amendement ne comporte pas de date : si nous l’adoptions aujourd’hui, il devrait être mis en oeuvre dès l’adoption finale de ce texte, ce qui serait sans doute un peu compliqué.
L’auteur de l’amendement a parfaitement qualifié celui-ci : il est « perfectible »,
Sourires
et je souhaite lui laisser le temps de le perfectionner. La préoccupation qui est la sienne, on ne peut que la partager : il faut lutter contre les fraudes à la TVA, cela fait partie de nos préoccupations, pour de nombreuses raisons, morales et financières, pour ne pas dire budgétaires. Mais, techniquement, la rédaction de l’amendement présente beaucoup d’inconvénients. Je souhaiterais donc que son auteur puisse le retirer, pour lui permettre de le perfectionner.
J’ai écouté le ministre avec attention et je veux lui dire la volonté d’avancer qui est celle, je le crois, de toute la majorité, et en tout cas du groupe SRC. Cette fraude est particulièrement pernicieuse, puisque les entreprises qui aujourd’hui mettent en place des systèmes de fraude à la TVA sont rarement retrouvées. Tout un mécanisme en cascade leur permet de s’échapper, de se recréer : il y a donc une dilution de l’esprit civique qui devrait accompagner cet impôt.
Je prends la réponse du ministre comme une incitation à travailler de façon plus fine, mais nous souhaitons véritablement être accompagnés par le Gouvernement, dès maintenant, pour lutter efficacement contre la fraude à la TVA qui, Dominique Baert l’a dit, est estimée à plusieurs milliards d’euros, 4 à 5 au minimum. Ce serait bénéfique à l’esprit civique comme à nos finances publiques.
Je suis un député de la majorité, sensible aux remarques constructives et au soutien de mon président de groupe, comme à la demande du Gouvernement que par ailleurs je soutiens. Cet amendement est donc retiré, mais c’est un sujet qui doit pouvoir nous réunir en effet, parce que l’idée d’une déclaration en amont plutôt qu’une liquidation en aval me paraît féconde en matière de perception de taxe.
L’amendement no 135 est retiré.
Il s’agit de rétablir la procédure d’agrément préalable à l’aide médicale d’État. La majorité a supprimé cet agrément et c’est une évolution qui nous paraît négative. L’amendement vise également à réinstaurer un droit annuel forfaitaire dont le montant serait fixé par décret.
L’amendement no 31 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 168 rectifié et 345 rectifié .
La parole est à M. Daniel Goldberg, pour soutenir l’amendement no 168 rectifié .
Au nom de mes collègues Jean-Louis Dumont et Marcel Rogemont qui ne peuvent pas être parmi nous cet après-midi, je défends cet amendement qui a trait à l’exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties dont bénéficient les organismes de logements sociaux depuis 2004, le dispositif devant prendre fin à l’issue de cette année civile.
Je ne serais pas surpris d’une réponse m’invitant à évoquer plutôt ce sujet dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015, mais généralement ce texte est adopté tout à la fin de l’année. Or, en matière de logement, entre le moment de la décision et celui de la réalisation, il se passe plusieurs mois.
Dès lors, si la reconduction de ce dispositif n’était pas annoncée suffisamment tôt, des opérations pourraient être bloquées.
Hier, le Gouvernement a détaillé un plan tout à fait utile pour la relance de la construction de logements. Sans doute serait-il également opportun d’annoncer dès à présent le maintien de l’exonération.
Si tel ne devait pas être le cas, la décision prise par cette majorité de faire baisser la TVA sur la construction et la rénovation de logements sociaux de 7 % à 5,5 % serait annihilée puisque tout gain serait perdu.
Cet amendement vise donc à proroger l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties au profit des logements sociaux.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 345 rectifié .
Il s’agit donc également de proroger cette indispensable exonération afin que les bailleurs puissent continuer à faire du bon travail dans ces quartiers.
J’attire toutefois l’attention de M. le ministre sur un sujet particulier.
Lorsque certaines personnes sont exonérées d’impôts locaux, une compensation est symboliquement supposée ; or, dans les faits, celle-ci n’est pas totale, les collectivités locales ne bénéficiant pas d’une compensation à 100 %.
Cela soulève un véritable problème car les personnes qui vivent dans des quartiers défavorisés, là où les bailleurs bénéficient d’un plus grand nombre d’exonérations, vivent aussi dans les communes les plus pauvres.
Ainsi, nous aidons les habitants des quartiers les plus défavorisés en permettant aux bailleurs de réaliser des travaux – plus qu’ailleurs – mais, sans la compensation intégrale de la perte de recettes, nous pénalisons les communes concernées.
Je propose donc que la compensation soit totale pour les 150 premières communes bénéficiant de la dotation urbaine de solidarité, la DSU, qui sont les plus pauvres de France.
Avis défavorable.
Même sans cet amendement, avec le dispositif existant, l’exonération porte tout de même sur quinze ans.
Même si le terme de la prolongation a été ramené à la fin de cette année, l’exonération ne continue pas moins de porter sur quinze ans.
La commission a donc émis un avis défavorable à l’adoption de cet amendement.
J’entends bien votre argument, madame la rapporteure générale, de même que celui qui aurait pu être développé par le ministre.
Néanmoins, si ce dispositif n’est pas prorogé, le gain réalisé en termes de TVA par le passage d’un taux de 7 % à 5,5 % – qui a été décidé dans le cadre des ajustements de TVA liés au CICE – serait complètement annihilé.
Si telle est la décision qui a été prise, il faut l’annoncer tout de suite. Cela ne changera rien, en effet, pour les opérations qui bénéficient aujourd’hui du dispositif mais cela modifiera les plans de financements des constructions de logements sociaux qui doivent être arrêtés dès à présent, puis, à partir de 2015.
Comme je l’ai dit hier à propos d’une autre question, je suggère qu’en matière de logements nous annoncions les décisions prises suffisamment tôt.
Si le message qui ressort de notre assemblée, en l’occurrence, est que l’on se dirige vers la non-reconduction du dispositif d’exonération portant sur vingt-cinq ans dans le domaine du logement social, les acteurs de ce secteur en tiendront compte dans l’élaboration de leurs plans de financement.
En outre, le logement intermédiaire, nouveau dispositif très utile que nous mettons en place à partir de cette année, bénéficie quant à lui d’une exonération de taxe sur le foncier bâti portant sur vingt ans.
Permettez-moi, madame la rapporteure générale, monsieur le ministre, d’être un peu étonné de votre réponse et de votre refus de cet amendement.
Nous sommes dans une période très particulière : il faut relancer le secteur du logement dans notre pays. Le Premier ministre a d’ailleurs fait des annonces hier à ce propos. Dans un communiqué de presse essentiel, il a notamment assuré que la Caisse des dépôts et consignations débloquerait des fonds importants afin de relancer la construction de logements intermédiaires.
Parallèlement, la ministre de la ville a donné la semaine dernière la liste des nouveaux quartiers prioritaires qui bénéficieront d’importantes aides de la part de l’État, des régions, des départements et des collectivités locales pour que les moyens dédiés à ces quartiers-là soient suffisants.
Alors que, tous ensemble, nous nous efforçons de relancer la construction dans un certain nombre de quartiers, il serait paradoxal qu’un dispositif qui fonctionne bien et qui est considéré comme utile puisse s’arrêter.
Je pensais que l’on nous demanderait de retirer nos amendements afin d’en rediscuter dans le PLF mais, que vous émettiez un avis défavorable et appeliez à ce que nous soyons battus en séance publique sur un sujet aussi sensible et politique, j’avoue que cela pose un problème.
Je ne voudrais pas que le débat tourne de la sorte, monsieur Pupponi.
Je ne reviens pas sur la question de la construction : elle est décisive, nous le savons. Si les constructions se situaient aujourd’hui à peu près au même niveau qu’il y a deux ans, la croissance serait supérieure de 0,4 %.
Le secteur du logement rencontre des difficultés, qu’il s’agisse du logement social, du logement intermédiaire ou du parc privé plus généralement. C’est pourquoi le Gouvernement – vous y avez fait allusion – a annoncé hier un certain nombre de mesures dont nous devrons discuter avec vous dans le cadre de la loi de finances pour 2015.
Quelle que soit la qualité des arguments des uns et des autres, il ne serait pas de bonne politique de « picorer » telle ou telle mesure ici ou là : la cohérence s’impose.
Je vous propose donc de retirer ces amendements afin que nous puissions discuter de l’ensemble des aides au logement, qu’elles soient budgétaires – sous forme de subventions – ou fiscales, et mener une politique cohérente et, j’ose à peine le dire, enfin efficace.
Les amendements identiques nos 168 rectifié et 345 rectifié sont retirés.
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 167 rectifié et 344 rectifié .
La parole est à M. Daniel Goldberg, pour soutenir l’amendement no 167 rectifié .
Un peu beaucoup !
Il s’agit toujours de la prorogation d’un abattement sur la taxe foncière qui, en l’occurrence, se termine à la fin de l’année.
J’entends que le Gouvernement est ouvert à la discussion, néanmoins, je répète qu’il ne sera pas possible d’attendre l’issue de la discussion budgétaire à l’automne pour relancer un dispositif qui devrait continuer à être appliqué au 1er janvier 2015, d’autant plus que cet amendement traduit également la volonté exprimée par le comité interministériel des villes qui s’est déroulé au mois de février 2013.
Je souhaite que l’ouverture à la discussion demeure mais, encore une fois, il conviendrait que le pouvoir exécutif annonce ses intentions bien avant le débat budgétaire.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 344 rectifié .
Ces amendements sont complémentaires de ceux que nous venons de défendre.
Certes, le problème lié à l’exonération se pose mais il faut également officialiser le fait que les collectivités locales – en particulier, les communes – doivent être associées à la signature de la convention déterminant les travaux réalisés par les bailleurs en fonction de l’exonération dont ils bénéficient.
Il est en effet paradoxal que l’accord soit aujourd’hui passé entre l’État et les bailleurs mais que la commune participe aux financements sans être associée aux choix des travaux qui doivent être réalisés.
Le dispositif proposé par ces amendements va dans le sens de ce qui a été voté dans le cadre de la loi Lamy : l’application de contrats de ville dont chaque cosignataire s’engage à mener des actions cohérentes au sein de ces quartiers.
Je le répète : il importe que les collectivités locales soient enfin associées aux bénéfices liés à cette exonération afin de déterminer les travaux qui doivent être réalisés dans ces communes.
Nous avions en effet voté l’an dernier une prolongation de l’abattement de 30 % sur la taxe foncière due par les bailleurs sociaux au titre des logements situés en zone urbaine sensible, pour un coût de 89 millions.
Comme M. le ministre vient de le dire, nous proposons également de rediscuter de cette question dans le cadre du PLF.
Avis défavorable.
Même ouverture, même demande de retrait !
Un problème juridique et législatif se pose.
La loi Lamy dispose que les contrats de ville doivent être signés avant le 31 décembre 2014. Nous proposons quant à nous que les bailleurs et les collectivités locales s’engagent s’agissant de l’utilisation de l’exonération. Si la loi ne les y oblige pas, ils ne seront en rien tenus de procéder ainsi. Je le répète : si nous reportons l’examen de cette question à la discussion du PLF, les bailleurs ne seront pas obligés de s’engager avec les communes dans le cadre des contrats de ville.
Un problème juridique se pose donc entre la loi Lamy, ce PLFR et le projet de loi de finances qui sera votée à l’automne.
Nous travaillons à la définition exacte des quartiers dans lesquels ce type d’obligation sera nécessaire. Il est donc un peu tôt pour prendre une décision trop générale.
Je serais heureux si vous retiriez votre amendement, monsieur Pupponi.
Les amendements identiques nos 167 rectifié et 344 rectifié sont retirés.
Il a déjà été présenté.
L’amendement no 367 , accepté par la commission, est adopté.
La parole est à M. Guillaume Bachelay, pour soutenir l’amendement no 297 .
Nous le savons, le développement de l’échange automatique d’informations est la clé de voûte de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. Dans ce combat, la France est aux avant-postes tant sur le plan européen que multilatéral.
Des avancées importantes ont eu lieu dans le cadre du G20 afin que l’échange international automatique d’informations sur les comptes bancaires à l’étranger devienne la norme.
Au début de l’année, l’OCDE elle-même a fait des propositions afin d’élaborer un nouveau standard mondial et vous-même, monsieur le ministre, vous êtes retrouvé à Paris avec vos homologues allemand, britannique, espagnol, italien à la fin du mois d’avril pour lancer notamment la signature des conventions internationales nécessaires, d’autres pays étant désormais prêts à rejoindre ce mouvement.
La France entraîne, parce qu’elle s’engage. Elle l’a fait dès 2013 dans la loi de séparation et de régulation des activités bancaires grâce à laquelle nous avons changé de logique puisque l’administration fiscale peut désormais bénéficier d’informations indispensables et, si nécessaire, prendre des sanctions et combattre ainsi plus efficacement.
Cet arsenal législatif renforcé a d’ailleurs donné des résultats ces derniers mois, comme nous l’avons dit dans le cadre de nos débats.
Par cet amendement, avec mon collègue Dominique Lefebvre, nous proposons de compléter l’article du code général des impôts relatif à l’échange automatique d’informations en créant une nouvelle obligation déclarative faite aux institutions financières.
Il s’agit, tout d’abord, de permettre aux institutions financières françaises de s’appuyer sur un fondement légal afin de réaliser les diligences d’identification des contribuables concernés et des comptes qu’ils détiennent, notamment en opérant des traitements automatisés.
Ensuite, il s’agit de corriger le support déclaratif en précisant les sanctions auxquelles lesdites institutions seront exposées en cas d’omission ou d’insuffisance de déclaration.
Bref, cet amendement constitue un pas supplémentaire dans une démarche extrêmement importante afin de maîtriser le capitalisme financier, de faire respecter le principe du consentement à l’impôt et de consolider le rétablissement des comptes publics.
M. Bachelay a proposé un très bon amendement que notre commission n’a pas examiné en tant que tel mais qui l’a été au titre de l’article 88.
Nous avons débattu, notamment, de la question des sanctions. Vous proposez une amende fiscale de 200 euros par compte. Il existe également des montants par flux dans le cadre d’autres processus extraterritoriaux réalisés, notamment, par les États-Unis. Il n’est évidemment pas possible de comparer un nombre de comptes et les flux qui circulent – à hauteur de 30 % – mais notre commission a jugé que cet amendement participe d’une très bonne démarche. Avis favorable.
J’accueille très favorablement cet amendement, monsieur le député, qui permettra à la France et à ses institutions financières de répondre aux exigences posées par les clauses d’échange automatique d’informations.
Nous travaillons beaucoup ensemble, entre collègues européens, au niveau de l’Union européenne et du Groupe des Cinq. J’étais hier en Suisse afin, précisément, que soit mis en oeuvre le plus rapidement possible ce système d’échange automatique d’informations.
Votre amendement est donc parfaitement bienvenu et je souhaite qu’il soit adopté.
L’amendement no 297 est adopté.
L’amendement no 312 propose de réviser la sanction, extrêmement faible, en cas de refus de présentation de la comptabilité sous forme dématérialisée lors de contrôles.
Il tient compte des observations du Conseil constitutionnel, et propose de porter la sanction forfaitaire de 1 500 euros à 5 000 euros, voire à une majoration de 10 % sur les droits rappelés si le montant de la sanction est supérieur.
L’amendement no 318 tient également compte des observations qui nous avaient été faites par le Conseil constitutionnel sur les sanctions prévues en cas de défaut de présentation, dans le cadre d’une procédure de vérification de la comptabilité analytique ou de la comptabilité consolidée. Aujourd’hui, la seule sanction applicable est de 1 500 euros, ce qui n’est guère dissuasif pour des grands groupes. Nous proposons donc d’établir une sanction proportionnée à leur taille qui sera de nature à les inciter à se soumettre au droit en la matière, soit 20 000 euros. Cette sanction est proportionnée puisqu’elle ne sera applicable qu’aux entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires excédant 152,4 millions d’euros pour celles dont le commerce principal est de vendre des marchandises à consommer ou à emporter sur place – je pense par exemple à des cafés –, et supérieur à 76,2 millions d’euros pour les autres entreprises.
Il ne s’agit donc pas de PME. L’objectif est de dissuader certains grands groupes, qui usent de toutes les astuces pour n’être imposés nulle part, de pratiquer l’optimisation fiscale.
L’avis est favorable aux deux amendements puisqu’il faut en effet revoir le niveau de sanctions après la censure du Conseil constitutionnel.
Avis favorable. Excellent travail !
La modification législative proposée par cet amendement a déjà été adoptée à plusieurs reprises, mais elle n’a malheureusement pas passé la barre du Conseil constitutionnel, ce qui paraît au groupe écologiste particulièrement étonnant. Nous souhaitons donc rappeler combien il est important d’élargir la notion d’abus de droit, toujours dans le but de combattre les schémas d’optimisation fiscale agressifs des entreprises. Nous avons bien entendu que Pierre-Alain Muet, le rapporteur de la mission d’information sur l’optimisation fiscale, souhaitait reprendre ce sujet à l’automne. Nous nous inscrivons dans cette démarche, mais nous voulions marquer notre étonnement devant le refus par le Conseil constitutionnel que la notion d’abus de droit soit étendue par la substitution au mot « exclusivement » du mot « principalement », et exprimer le souhait de reprendre, dans le cadre de la LFI, la thématique de l’élargissement de l’abus de droit à l’automne. Cependant, pour faire avancer le débat, je retire l’amendement.
L’amendement no 177 est retiré.
La parole est à M. le président de la commission des finances, pour soutenir l’amendement no 96 .
Cet amendement vise à prolonger jusqu’en 2016 l’exonération de la redevance pour création de bureaux en Île-de-France, qui facilite des opérations de restructuration de bureaux. Un certain nombre d’opérations de démolition-reconstruction ne peuvent pas avoir lieu aujourd’hui en raison d’une particularité de cette région, à savoir l’existence de cette redevance à chaque fois qu’on crée une surface de bureaux. Or, elle a atteint des montants très importants, notamment dans le cadre du financement du Grand Paris – j’en suis un peu responsable puisque c’est moi qui en avais proposé la forte majoration – qui peuvent être équivalents, monsieur le secrétaire d’État, à la charge foncière elle-même. En conséquence, des opérations ne se font pas.
La commission a repoussé cet amendement, monsieur le président de la commission des finances.
La ministre du logement et de l’égalité des territoires a mandaté le préfet de région d’Île-de-France pour évaluer l’impact de la redevance perçue pour création de bureaux. Je vous sais prudent vous aussi, et je pense qu’il vaut mieux attendre les conclusions de ce rapport pour décider s’il est pertinent de réactiver le dispositif d’exonération des opérations de reconstruction d’immeuble. Mon propos n’est pas dilatoire : le rapport sera remis suffisamment tôt pour en tirer des conséquences dans la préparation de la loi de finances pour 2015. C’est la raison pour laquelle je vous propose de retirer votre amendement.
Je le retire. Mais j’ai la ferme intention de le représenter pour l’examen de la LFI.
Éclairé par le rapport !
L’amendement no 96 est retiré.
Il s’agit d’augmenter la taxe sur les surfaces commerciales – la TASCOM. Les premières données sur les bénéficiaires du crédit d’impôt compétitivité emploi montrent en effet que les grandes surfaces en bénéficient très largement, à hauteur de 18 % des sommes ainsi distribuées, alors que, par nature, elles ne sont pas menacées par la concurrence internationale. En contrepartie de cet avantage, nous proposons donc de relever cette taxe, ce qui permettra de rééquilibrer la fiscalité de la grande distribution mais aussi de lutter contre l’artificialisation des sols, un sujet cher aux écologistes.
Je rappelle que la TASCOM a déjà fait l’objet d’une majoration en 2013, quand notre assemblée a modifié ses modalités de calcul en cas de changement de surface en cours d’année. C’est pourquoi notre commission a repoussé cet amendement.
L’amendement no 154 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel, pour soutenir l’amendement no 265 .
Cet amendement porte sur le CICE – j’en suis désolée pour ceux qui peuvent se lasser de voir revenir de façon récurrente le sujet. Les entreprises de la grande distribution bénéficient largement du CICE en raison des conditions d’emploi de leurs salariés, dont les rémunérations entrent largement dans le champ d’application de cette mesure. Contrairement à ce que soutenait mon collègue Caresche tout à l’heure, il n’est pas démontré que leur effort en matière d’emploi soit flagrant. J’ajoute que le « E » de CICE, pour « emploi », ne doit tout de même pas induire en erreur : il s’agit d’un dispositif de compétitivité vis-à-vis de l’extérieur. Or ces entreprises ne se trouvent pas en compétition économique avec des entreprises étrangères et ont une clientèle de proximité. De plus, elles doivent obtenir des autorisations administratives d’ouverture qui les place de fait, lorsqu’elles les ont obtenues, dans une situation de quasi-monopole local. Elles bénéficient donc déjà d’un très gros avantage. En outre, elles bénéficient généralement d’infrastructures mises à disposition dans de bonnes conditions économiques et financières par les collectivités locales.
Il serait donc justifié de prendre en compte cette situation spécifique en revoyant les conditions dans lesquelles les entreprises de la grande distribution sont assujetties à la taxe sur les surfaces commerciales, prévue à l’origine par la loi du 13 juillet 1972, qui prévoit un barème différencié selon la surface des magasins de commerce et le chiffre d’affaires de l’entreprise.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget, pour donner l’avis du Gouvernement.
Je vous salue, madame la présidente. Même avis.
J’ai rappelé que la TASCOM a été majorée en 2013. C’est pour cette raison que la commission a repoussé ces deux amendements.
L’amendement no 265 n’est pas adopté.
Cet amendement a également trait à la TASCOM, mais son objet est bien différent de celui du précédent amendement puisque nous visons ici à l’étendre à la vente à distance. Depuis plusieurs années, ce secteur se développe très fortement en France, notamment à travers des sites de commerce en ligne comme Amazon. Ce développement, non anticipé par les textes, entraîne deux effets pervers : d’une part, les surfaces de stockage et de logistique ont tendance à se multiplier et à s’étendre, induisant un accroissement de l’artificialisation des sols ; d’autre part, certaines entreprises de vente à distance profitent de l’inadaptation des textes au nouveau contexte pour pratiquer une concurrence déloyale du fait qu’elles échappent à cette taxe. Le présent amendement propose d’y remédier partiellement en intégrant la vente à distance dans l’assiette de la taxe sur les surfaces commerciales.
Notre commission a pris très au sérieux ce problème soulevé par Mme Sas car ce champ qui n’est pas couvert par la TASCOM mériterait de l’être, même si ce ne sera sans doute pas dans le cadre de ce PLFR. En tout cas, le sujet mérite discussion, d’autant qu’il soulève d’autres questions – je pense entre autres au CFE. Il serait important de traiter le problème dans sa globalité. C’est pourquoi notre commission a émis à ce stade un avis défavorable, mais je crois que M. le secrétaire d’État a des éléments à nous apporter.
Les arguments de Mme la rapporteure générale sont tout à fait pertinents. Je vais ajouter un argument de fond supplémentaire, madame Sas : une réflexion est menée actuellement sur le secteur du numérique, lui-même fortement lié à la vente à distance. Ne nous cachons pas qu’il y a là risque de délocalisation d’une partie de l’activité. De plus, votre amendement est mal rédigé et se révélerait inapplicable car il s’appuie sur la TASCOM alors que les textes précisent que celle-ci est assise sur « les espaces affectés à la circulation de la clientèle pour effectuer ses achats ». Je vous propose donc de retirer votre amendement, dans l’attente de l’aboutissement de l’important travail en cours sur le numérique.
Je vais le retirer parce que j’entends les arguments de Mme la rapporteure générale et de M. le secrétaire d’État, surtout celui portant sur la rédaction, laquelle me paraît en effet inappropriée. Mais j’espère vraiment qu’à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances, il y aura des avancées sur la question de la taxation de la vente à distance dans son ensemble, je pense à la CFE mais également à la TASCOM.
L’amendement no 157 est retiré.
La parole est à M. Jean-François Lamour, pour soutenir l’amendement no 30 .
C’est un amendement assez important, chacun en conviendra, puisque nous proposons non seulement de revenir sur l’abrogation du jour de carence décidée par le Gouvernement, mais d’instituer trois jours de carence. Nous avons estimé que c’était nécessaire parce que cette mesure a une dimension symbolique en ce qu’elle ferait converger secteur privé et secteur public. Je pense que ce serait un signe important puisque cette convergence permettrait de démontrer que les efforts demandés aux Français sont par eux effectués quel que soit le statut, celui de la fonction publique ou du secteur privé.
Second élément : on s’est aperçu, en particulier dans le secteur hospitalier – où l’absentéisme avait baissé d’au moins 7 % –, que le jour de carence permettait de mieux gérer un service public dont on sait qu’il souffre beaucoup de l’instauration des 35 heures.
Il est par conséquent utile, à la fois symboliquement et en termes d’efficacité des services publics, de réintroduire le délai de carence et de le porter à trois journées.
Le débat est connu. Vous évoquez la convergence privé-public, monsieur le député : les situations sont en effet complètement différentes, mais pas dans le sens où vous le soulignez. Vous savez que dans le secteur privé, 75 % des salariés ne paient pas le jour de carence car ils sont couverts par une assurance complémentaire, assurance pour laquelle leurs cotisations sont, je le rappelle au passage, déductibles de l’assiette de l’impôt sur le revenu.
Il y a donc bien distorsion, mais ce n’est pas du tout celle que vous évoquez. En outre, un large débat a déjà eu lieu sur ce sujet, ainsi qu’une discussion avec les organisations syndicales. Le Gouvernement n’entend donc pas y revenir. Avis défavorable.
Les députés du groupe UMP, qui avaient déjà proposé, dans le cadre d’une proposition de loi, le rétablissement du délai de carence dans la fonction publique, veulent maintenant le porter à trois jours. Mais, comme le secrétaire d’État l’a rappelé, les trois quarts des salariés du secteur privé ne sont pas, en réalité, privés d’indemnités journalières au début de leur arrêt maladie. Et dans les hôpitaux, la situation est beaucoup plus complexe que celle décrite par l’exposé sommaire de l’amendement. Qu’il s’agisse de la fonction publique hospitalière ou territoriale, les arguments des défenseurs du délai de carence se réfèrent à une seule étude, laquelle n’a aucune valeur de preuve car elle ne porte que sur une année.
L’amendement no 30 n’est pas adopté.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 196 .
Cet amendement, initialement présenté par le président de la commission et par Mme Dalloz, fixe au 30 septembre de chaque année – après avoir retenu le 30 juin dans une première version – la date à laquelle le Gouvernement doit remettre au Parlement un rapport sur l’évolution des départs et retours des contribuables français, afin que la représentation nationale puisse disposer de ces informations avant l’examen du projet de loi de finances.
Avis favorable : préciser la date à laquelle doit être remis le rapport ne peut que clarifier les choses. Le Gouvernement s’efforcera de le remettre au plus tôt, et même avant le 30 septembre, sous réserve que les informations concernant l’exit tax lui soient transmises à temps.
L’amendement no 196 est adopté.
La parole est à M. Jean-François Lamour, pour soutenir l’amendement no 130 .
Nous proposons de corriger un effet pervers de l’abaissement de 2 000 à 1 500 euros du plafond du quotient familial.
Prenons l’exemple d’un contribuable ayant trois enfants et qui a effectué un rachat sur son assurance-vie au printemps 2013 : ayant normalement un taux marginal d’imposition de 14 %, ce contribuable a logiquement opté pour l’intégration de ses intérêts dans ses revenus, le prélèvement libératoire à 15 % lui étant moins favorable.
Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui, car son taux marginal d’imposition est passé brutalement à 30 % du fait de l’abaissement du plafond du quotient familial. Il devra donc payer autant d’impôts sur les intérêts de son assurance-vie, alors qu’il lui aurait été préférable d’arbitrer en faveur du prélèvement forfaitaire. Un tel effet rétroactif est regrettable, et c’est pour y répondre que nous proposons d’appliquer aux revenus de 2014 le nouvel abaissement du plafond du quotient familial.
Nous avons déjà beaucoup débattu de ce sujet. Rappelons que l’abaissement du seuil du quotient familial n’a un effet, pour un couple avec trois enfants, que si les revenus dépassent six fois le SMIC.
De même qu’elle avait rejeté des propositions similaires, la commission s’est prononcée contre le report de cette disposition.
L’amendement no 130 n’est pas adopté.
Cet amendement a pour objet de décaler à l’imposition des revenus 2014 la suppression de l’exonération fiscale de la participation de l’employeur aux contrats collectifs de complémentaire santé, afin de limiter l’effet rétroactif de cette mesure votée en loi de finances pour 2014 et de soulager le pouvoir d’achat des salariés concernés.
L’amendement no 3 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Jean-François Lamour, pour soutenir l’amendement no 2 .
Là encore, il s’agit d’ôter tout caractère rétroactif à la décision, prise dans le cadre de la loi de finances rectificative de décembre 2013, de fiscaliser la majoration de 10 % dont bénéficient, pour leur pension, les parents ayant eu trois enfants ou plus. L’adoption de cet amendement permettrait aux retraités de mieux anticiper l’augmentation brutale de leurs impôts. Il est en effet d’autant plus nécessaire de préserver leur pouvoir d’achat qu’ils disposent de revenus stables et n’ont pas la possibilité de les améliorer.
L’amendement no 2 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’amendement no 357 , accepté par la commission, est adopté.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 376 rectifié .
Cet amendement répond à l’engagement du Gouvernement de prolonger l’application du taux réduit de TVA à certaines opérations de construction réalisées dans des quartiers faisant l’objet d’une convention de l’Agence nationale de rénovation urbaine venant à échéance en 2014, de sorte que la nouvelle cartographie de la politique de la ville n’ait pas pour effet d’entraver les opérations en cours d’achèvement.
L’amendement no 376 rectifié est adopté.
Les personnes âgées de plus de soixante ans ou veuves dont le revenu fiscal de référence est inférieur à un certain montant – actuellement fixé à 10 633 euros – bénéficient d’une exonération de la taxe d’habitation et d’un dégrèvement de la contribution à l’audiovisuel public. Or deux mesures récentes, l’une prise par la précédente majorité, l’autre par l’actuelle, peuvent les conduire à perdre cet avantage : la première est la suppression progressive de la demi-part fiscale profitant aux veufs et veuves, qui achève cette année de produire tous ses effets, et la deuxième, l’intégration dans le revenu fiscal de la majoration de 10 % des pensions accordée aux retraités ayant élevé trois enfants ou plus. Cette dernière mesure est certes justifiée, mais elle conduit également à modifier l’application du barème d’imposition, et c’est d’ailleurs pourquoi l’article 1er prévoit une réduction exceptionnelle d’impôt sur le revenu en faveur des ménages modestes.
Or même si elles bénéficient de cette réduction, les personnes devenues imposables en raison de l’application de ces deux mesures vont devoir s’acquitter de la taxe d’habitation, dont le montant peut être important. C’est pourquoi, dans l’attente d’une réflexion plus large sur le sujet et d’une remise à plat du barème, il est proposé d’accorder l’exonération de la taxe d’habitation et le dégrèvement de la contribution à l’audiovisuel public aux personnes qui en bénéficiaient en 2013 en raison du montant de leurs revenus de 2012.
Le coût pour l’État de ces amendements – théorique, puisqu’il s’agit en fait d’une perte de recettes – est de 45 millions d’euros, sachant qu’il ne modifie pas les mécanismes de compensation aux collectivités locales.
Puis-je considérer, monsieur Lefebvre, que vous avez également défendu l’amendement no 293 , qui est identique.
La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour soutenir l’amendement no 310 .
Notre amendement est identique : il consiste à maintenir le bénéfice de l’exonération de la taxe d’habitation et du dégrèvement de la contribution à l’audiovisuel public pour les personnes qui en bénéficiaient déjà en 2013.
D’une façon générale, la taxe d’habitation est source de nombreuses injustices, faute d’une révision efficace des bases cadastrales, et aussi, sans doute, d’une prise en compte des revenus de l’occupant.
Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?
Avis favorable. Ces amendements répondent aux préoccupations exprimées par la majorité comme par l’opposition s’agissant de la situation des retraités.
Je remercie les auteurs de ces amendements d’avoir voulu prendre en compte les effets, chez certaines catégories de population, de l’augmentation du revenu fiscal de référence. Le Gouvernement accepte ces amendements et en profite pour dire trois choses.
Tout d’abord, et comme nous en sommes convenus lors de l’examen de l’article 1er, il est souhaitable de travailler, d’ici à la loi de finances initiale, à une mesure plus durable que la simple prolongation pendant un an d’une exonération et d’un dégrèvement.
Ensuite, la perte de recettes induite par ces amendements est inférieure à la marge d’erreur, si bien que nous ne serons pas obligés de modifier l’article d’équilibre.
Enfin, comme l’a dit à juste titre M. Schwartzenberg, il est nécessaire de revoir les bases d’imposition locale. Vous avez d’ailleurs adopté, en loi de finances initiale pour 2014, un amendement destiné à lancer, à titre expérimental, ce chantier dans cinq départements, à l’instar de ce qui a été décidé pour les locaux professionnels. Il reste que la diversité des façons dont sont appréciées les valeurs locatives des logements est un problème qui ne sera résolu que dans un long délai, à l’issue d’un travail très important de la part de l’administration.
La parole est à M. Jean-François Lamour, pour soutenir l’amendement no 126 .
Nous avons eu un très long et intéressant débat autour des fameuses prévisions, le structurel et le conjoncturel. Nous avons vu ce que cela a donné au travers du vote d’un amendement, dont nous ne savons pas encore très bien comment vous allez gérer les conséquences. Je pense, monsieur le secrétaire d’État, que vous trouverez une solution, mais nous voyons bien qu’en matière de prévisions, nous sommes loin du compte et que vous leur faites bien dire ce que vous voulez.
Le Parlement se trouve aujourd’hui totalement dépendant de l’exécutif, qui réajuste de manière discrétionnaire et parcellaire ses prévisions de recettes au gré des communications, sans aucune portée en droit national. Il nous semble dès lors important de créer un comité d’alerte non permanent sur l’évolution des recettes fiscales de l’État.
Monsieur Lamour, cet amendement avait été présenté à l’origine par le président de la commission des finances qui, suite à nos arguments, avait renoncé à le défendre à nouveau. Je vois que vous avez saisi la balle au bond et que vous l’avez repris à votre compte.
Rappelons les statistiques déjà évoquées en commission : depuis le début de l’année, nous avons reçu à six reprises M. Didier Migaud, soit en qualité de président de la Cour des comptes, soit en celle de président du Haut conseil des finances publiques. Nous pouvons demander à la Cour des comptes toutes les évaluations que nous souhaitons en vertu de l’article 58-2 de la LOLF. Nous recevons les ministres autant que nécessaire et les pouvoirs que j’ai l’honneur de partager avec M. Gilles Carrez nous permettent d’obtenir des informations quant aux éventuels écarts. Vous avez pu vous rendre compte que nous avons usé de ces pouvoirs.
Un nouveau rapport ne serait pas nécessaire aujourd’hui car nous disposons de toutes les informations dont nous avons besoin pour mener les travaux de notre commission.
L’amendement no 126 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Jean-François Lamour, pour soutenir l’amendement no 117 .
L’amendement no 117 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Cet amendement concerne le CICE. Beaucoup l’on dit ici, il est normal que les entreprises soient aidées, notamment pour combattre le chômage et développer l’emploi. Les allégements de charges nous paraissent, à ce titre, légitimes. Cela étant, cette aide doit correspondre à la poursuite de certains objectifs, décrits dans les dispositions législatives qui s’y rapportent.
Ce dispositif doit comporter des engagements réciproques, tel un contrat synallagmatique, contrairement au contrat unilatéral. Le Président de la République, dans sa dernière conférence de presse du 14 janvier dernier, a déclaré, à propos des « contreparties », qu’elles devaient « être définies au plan national et déclinées par branche professionnelle. Elles porteront sur les objectifs chiffrés d’embauche, d’insertion des jeunes, de travail des seniors, de qualité de l’emploi, de formation, d’ouvertures de négociations sur les rémunérations et la modernisation du dialogue social. Un "Observatoire des contreparties" sera mis en place et le Parlement y sera associé ».
Ces deux structures seront en effet fort utiles. Certes, le comité de suivi déjà existant réalise un travail intéressant mais plutôt d’ordre méthodologique et théorique, pour le moment du moins. Il présente beaucoup d’avantages mais aussi un inconvénient puisqu’il est composé pour moitié de représentants des partenaires sociaux et pour l’autre moitié de représentants des administrations compétentes, sans que le Parlement soit associé à ce processus. Il n’y a pas, en effet, de représentant du Parlement. Or, celui-ci doit pouvoir être informé de l’usage qui est fait de l’argent public. Le consentement à l’impôt, dans son histoire, est à l’origine de ses pouvoirs.
Par ailleurs, l’Assemblée nationale a créé une mission d’information sur le CICE, mais elle cesse ses travaux en septembre prochain car, par définition, elle ne peut revêtir qu’un caractère temporaire. Or, il serait utile de disposer d’un organisme pérenne, dont la composition doit être pluraliste. Les propos du Président de la République nous invitent en tout cas à aller dans le sens des déclarations qu’il a tenues lors de sa dernière conférence de presse.
Le Gouvernement sera favorable à l’amendement no 306 à condition que l’Assemblée adopte le sous-amendement du Gouvernement tendant à reporter la date de remise du rapport. Vous le savez, beaucoup de travaux sont en cours sur le sujet, notamment ceux de l’Assemblée nationale, qui ont été souvent cités au cours de nos débats, et le Gouvernement est disposé à faire preuve de la plus grande transparence sur tous les points que le président Schwartzenberg a opportunément soulevés.
Notre commission a longuement débattu de cet amendement, qui a trait non seulement au CICE mais également aux contreparties accordées dans le cadre du pacte de responsabilité. Elle avait à l’origine rendu un avis défavorable mais, puisque le sous-amendement gouvernemental vise à reporter la date de remise du rapport du 1er novembre 2014, trop proche de celle de la fin de la mission CICE, au 1er mars 2015, j’émettrai à titre personnel un avis favorable.
Je remercie le secrétaire d’État et la rapporteure générale. En effet, la date du 1er novembre est trop proche de celle des travaux réalisés par d’autres instances qui rendront leurs conclusions, du moins pour la mission d’information, en septembre.
Le Gouvernement a choisi de retenir une date plus éloignée, ce que j’approuve.
Le sous-amendement no 408 est adopté.
L’amendement no 306 , sous-amendé, est adopté.
La parole est à M. Jean-François Lamour, pour soutenir l’amendement no 124 .
L’amendement no 124 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour soutenir l’amendement no 313 .
Cet amendement tend à ce que le quotient familial soit qualifié de dépense fiscale, afin de pouvoir disposer de davantage d’informations qu’aujourd’hui. En effet, les informations liées aux dépenses fiscales sont plus denses et plus nombreuses.
D’ailleurs, la commission des finances, sur proposition du rapporteur général en loi de règlement du budget de l’année 2012, s’était prononcée en ce sens. Le Parlement ne doit pas être dépourvu de toute information quant au coût passé et prévisionnel du quotient familial. La qualification de ce dispositif en dépense fiscale conduirait le Gouvernement à publier ce coût dans le tome II de l’évaluation des voies et moyens annexé au projet de loi de finances de l’année.
L’amendement no 313 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 407 .
Le Gouvernement a souhaité reprendre un amendement que votre collègue Régis Juanico n’a pas pu défendre tout à l’heure mais qu’il serait souhaitable d’adopter. Il vise à rectifier l’assiette du prélèvement destiné à alimenter le fonds de solidarité en faveur des départements, créé en 2014.
Cet amendement de précision vise à corriger une erreur matérielle. Je garantis au Parlement que la répartition des droits de mutation à titre onéreux telle qu’elle résulte de l’adoption de cet amendement sera parfaitement conforme au tableau de répartition qui lui a été communiqué. Je remercie M. Régis Juanico, qui n’a malheureusement pas pu se joindre à nous, d’avoir porté cet amendement.
La commission n’a pas examiné cet amendement mais j’y suis favorable à titre personnel.
Cet amendement n’affectera pas le budget de l’État. Il s’agit simplement de sécuriser la répartition du fonds de solidarité 2014 afin qu’elle reflète fidèlement les simulations qui nous ont été fournies lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2014. La répartition de ce fonds devant intervenir dans les prochaines semaines, il serait souhaitable d’adopter cet amendement aujourd’hui.
L’amendement no 407 est adopté.
Nous abordons un débat très important qui se poursuivra à l’occasion du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, celui du gel des prestations. Ces gels, que le Gouvernement a prévus pour des raisons que l’on peut comprendre, posent d’abord un problème d’ordre économique. En effet, la situation que nous traversons, illustrée par les chiffres du chômage récemment publiés et le ralentissement de la croissance, commande, certes, d’aider les entreprises, mais aussi de soutenir la demande, le pouvoir d’achat des ménages, les commandes publiques, les emplois aidés.
Dans ce contexte, le gel de ces prestations tel qu’il a été prévu ne me paraît pas souhaitable. C’est pourquoi il convient de supprimer les dispositions de ce texte relatives au gel des allocations logement, et de poursuivre cette discussion sur les retraites, la famille, le logement, les pensions d’invalidité et d’accidents du travail et maladies professionnelles, dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale. Je crois – du moins, j’espère – que nous pourrons trouver un accord avec le Gouvernement sur ce point.
J’irai dans le même sens que M. Germain. Étant donné le nombre d’amendements de suppression du présent article qui ont été déposés, je pense que cet avis est partagé par nombre de nos collègues.
Chacun connaît le débat sur les aides au logement. Il y a presque 6,5 millions de ménages qui en bénéficient, pour un coût total de 17 milliards d’euros, dont 5 milliards pèsent sur le budget de l’État. Le montant de ces aides progresse, chaque année, de manière dynamique.
Comme toute politique, pour bien fonctionner, la politique du logement doit marcher sur deux jambes : l’offre et la demande. L’offre, c’est la production de logement, et la demande, ce sont les aides à la personne.
Je commencerai par rappeler que ceux qui perçoivent ces aides ne sont pas des fraudeurs ; il ne faut pas considérer qu’ils sont fautifs de percevoir ces aides, y compris lorsqu’elles progressent de manière dynamique. Je tenais à faire cette mise au point, car je ne voudrais pas que l’on conclue hâtivement de nos débats que notre seule préoccupation est de réduire les charges budgétaires.
Pour être tout à fait honnête, il faut aussi reconnaître que les effets négatifs du mécanisme actuel des aides au logement sont avérés. Il contribue en effet à la hausse des loyers dans certains secteurs. Nous savons aussi que des marchands de sommeil peu scrupuleux se rendent coupables d’abus : ils exigent un loyer plus élevé que le prix du marché à des familles percevant au maximum ces aides au logement.
Néanmoins, le gel des aides au logement proposé par ce projet de loi de finances rectificative pose plusieurs problèmes. Le premier est de savoir sur qui pèsera la plus grande partie de l’effort. En effet, le dispositif proposé ferait porter l’effort en majorité sur ceux qui ont le moins de revenus, c’est-à-dire les familles les plus modestes. Le deuxième concerne l’accord trouvé au Parlement entre la majorité et le Gouvernement dans le cadre du bouclage du budget du logement pour l’année 2014. Il avait alors été décidé de décaler la date de revalorisation de ces aides du 1er janvier au 1er octobre 2014. Le projet de loi de finances rectificative que nous examinons aujourd’hui propose de repousser une nouvelle fois la date de revalorisation au 1er octobre 2015, ce qui reviendrait à presque deux ans de gel.
Cela reviendrait aussi à rompre l’accord qui avait été trouvé en loi de finances initiale.
Sur la question des aides au logement, j’appelle à mener une réflexion d’ensemble sur ce mécanisme de revalorisation. Il conviendrait sans doute de mener une réforme plus profonde, à la fois pour que ces aides soient soutenables pour le budget de l’État, mais aussi pour construire plus de logements sociaux, voire très sociaux. Une autre question se pose, en effet : de nombreuses familles ne peuvent accéder à un logement, à cause du niveau des loyers, et n’ont pas non plus accès aux logements sociaux.
Nous en arrivons aux amendements de suppression de l’article 6.
La parole est à M. Dominique Lefebvre, pour soutenir l’amendement no 203 de la commission des finances.
Cet amendement tend à supprimer cet article pour ne pas appliquer à ces deux aides au logement, qui sont inscrites au budget de l’État, la procédure de stabilisation prévue pour l’ensemble des prestations sociales. Je fais cette proposition au nom du groupe socialiste.
Je ferai deux commentaires.
Premièrement, la décision de ne pas appliquer cette procédure de stabilisation aux aides au logement ne doit pas évacuer le débat sur cette dépense budgétaire qui ne cesse de croître tout en étant de moins en moins efficiente. En effet, malgré la progression sensible de cette dépense budgétaire, un certain nombre de ménages ont toujours autant de difficultés à faire face à leurs dépenses de logement. Il est par ailleurs vrai que ces aides représentent le facteur de redistribution le plus important pour les ménages modestes. Il faudra donc, le plus rapidement possible, mener une vraie réflexion de fond sur les aides au logement.
Un deuxième élément se trouve au coeur de ce débat : c’est la question de la stabilisation des prestations sociales. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire en commission des finances, à l’occasion de la présentation du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, c’est probablement la pire des mesures, à l’exclusion de toutes les autres.
C’est en effet une mesure temporaire, qui intervient dans une période d’inflation basse. Il est vrai qu’elle touche tous les bénéficiaires de ces prestations. Mais il faut aussi tenir compte de la règle de substitution des économies : si nous supprimons cet article, nous devrons, évidemment, compenser la perte pour le budget de l’État. Or ces mesures de substitution seraient beaucoup plus brutales et aboutiraient à remettre en cause des prestations. Nous ne pouvons pas, comme au jeu du mistigri, nous débarrasser de cette économie : si nous la supprimons, nous devrons en trouver une autre. Or j’appelle l’attention de nos collègues sur le fait qu’une mesure temporaire de ce type, en période de basse inflation, a un effet limité.
Dernier point : comme j’ai eu l’occasion de le dire à l’occasion de la discussion de l’article 1er, il faut considérer la question du pouvoir d’achat des ménages les plus modestes dans sa globalité. Pour cela, je souhaite que mes camarades socialistes qui interviennent sur ce point se rappellent l’ensemble des mesures prises pour soutenir leur pouvoir d’achat. Ces mesures seront exposées dans le rapport pour avis que je déposerai au nom de la commission des finances sur le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale. Lorsque l’on additionne toutes ces mesures, on s’aperçoit que le pouvoir d’achat des ménages les plus modestes progresse, ce qui permettra de soutenir la consommation.
La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement no 131 .
L’adoption de l’article 6 conduirait au gel de deux aides au logement : l’aide personnalisée au logement, APL, et l’allocation de logement social, ALS. Six millions de ménages appartenant aux 30 % des Français les plus modestes subiraient cette diminution alors qu’ils connaissent des difficultés importantes pour conserver ou trouver un logement décent. Il est important de noter que les aides personnelles au logement constituent, avec les minima sociaux, les prestations sociales les plus redistributives. De plus, la majorité des bénéficiaires de ces aides ne payent pas l’impôt sur le revenu : ils ne profiteront donc pas de la réduction exceptionnelle d’impôt sur le revenu prévue par ce projet de loi finances rectificative.
C’est donc dans un souci de solidarité et de responsabilité que nous proposons de supprimer le présent article et de maintenir la revalorisation des aides au logement pour les plus modestes.
Je crois bien que tout le monde s’est rallié à l’idée de supprimer cet article. Je remercie à cet égard Dominique Lefebvre d’avoir précisé que le groupe SRC était tout à fait favorable à cette suppression.
Daniel Goldberg et moi avions, dès l’an dernier, essayé d’infléchir la volonté du Gouvernement sur les APL. La question de l’ALF, l’allocation de logement familiale, a également été abordée dans le cadre de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Cela concerne des millions de gens. L’argument initialement utilisé consistait à dire que, puisque l’indice de revalorisation des loyers était très bas, cela ne représenterait que quelques euros par bénéficiaire. À mon avis, cet argument est fallacieux : il faut entendre ces familles, dont la plupart sont modestes. À mon sens, cette aide au pouvoir d’achat est nécessaire aujourd’hui ; je me félicite donc que nous nous apprêtions à supprimer cet article.
La parole est à M. Guillaume Bachelay, pour soutenir l’amendement no 296 .
Il est vrai que logement, avec l’emploi, l’école, la sécurité et la santé, est une préoccupation quotidienne pour nos concitoyens. C’est une priorité pour le Gouvernement : les mesures qui ont été annoncées hier pour la relance de la construction en témoignent, de même que la nouvelle carte de la politique de la ville dévoilée la semaine dernière. Ces mesures s’ajoutent à l’arsenal que la majorité a constitué depuis deux ans pour aider les Français à mieux se loger. Les aides personnelles au logement, qui sont attribuées sous condition de ressources, contribuent aussi à cette tâche, au bénéfice de plus de six millions de personnes aux revenus modestes.
CoMme cela a été dit, il est nécessaire de mener une réflexion sur l’économie générale des aides au logement – subventions, fiscalité. M. le ministre des finances l’a d’ailleurs rappelé tout à l’heure, et le rapport intitulé « Quelle France dans dix ans ? » qu’a présenté hier par Jean Pisani-Ferry évoque ce point. À son tour, Daniel Goldberg a dit tout à l’heure des choses très justes et très complètes à ce sujet.
Notre collègue Dominique Lefebvre rappelait à l’instant que nous sommes dans une période d’inflation basse. Dans ce contexte, stabiliser certains dispositifs peut répondre à un souci d’économie, afin d’éviter leur remise en cause. Il est vrai néanmoins que les aides personnelles au logement bénéficient pour 80 % à des personnes dont les revenus sont inférieurs au SMIC – Mme la rapporteure générale l’avait rappelé lors des débats en commission. Le logement constitue un poste très important dans le budget mensuel de ces personnes, de ces familles, parfois même le premier ! C’est pourquoi notre groupe propose de revenir sur la mesure de gel des aides au logement. Ainsi, monsieur le secrétaire d’État, cet amendement vise à prolonger les mesures en faveur du pouvoir d’achat des plus modestes prévues dans ce projet de loi de finances rectificative.
Nous espérons vivement, monsieur le secrétaire d’État, que le Gouvernement partage notre analyse, et sera de ce fait d’accord avec notre demande.
Avis favorable à ces amendements identiques.
Je remercie mes collègues d’avoir rappelé l’importance du logement pour notre économie, et son poids dans le budget des ménages. Même si nous sommes dans une période d’inflation faible, le gel d’une allocation reste problématique, surtout pour des budgets peu élevés. Pour toutes ces raisons, la commission est favorable à ces amendements identiques.
Madame la présidente, permettez-moi de m’exprimer quelques minutes sur cette série d’amendements de suppression.
Je prends bonne note des points de vue exposés par les uns et les autres. D’après ce que j’ai entendu, même ceux qui soutiennent la suppression de cet article 6 comprennent les raisons qui le motivent. Oui, le Gouvernement veut réaliser un programme d’économies – il y est tenu. Pardonnez-moi de le répéter : tout le monde accepte la nécessité des économies, tout le monde dit : « Il faut en faire », mais personne ne veut jamais que ces économies touchent son secteur d’activité, sa zone géographique. En clair : oui aux économies, tant qu’elles touchent le budget du voisin !
L’ensemble des aides au logement représente 15 milliards d’euros. Les moyens financiers mis en place en France pour soutenir le secteur du logement comptent probablement parmi les plus élevés au monde. Parallèlement, le coût du logement en France – que ce soit pour l’accession à la propriété ou pour la location – est l’un des plus élevés au monde, ce qui, plusieurs d’entre vous l’ont dit, pose un problème de compétitivité. Troisième élément : la France se classe parmi les premiers pays d’Europe – voire du monde – pour ce qui est du patrimoine immobilier, individuel ou collectif. Il y a donc un problème : plusieurs d’entre vous l’ont fait remarquer.
C’est pourquoi je pense qu’il faut travailler sur cette question. Le Gouvernement a modestement proposé, au moyen de l’article 6 de ce projet de loi, de réduire de 18 millions d’euros ces aides. Je vous invite tous à mesurer ce que représente une baisse de 18 millions d’euros sur une enveloppe de 15 milliards d’euros !
Plusieurs d’entre vous ont aussi souligné la faiblesse de l’inflation, et le grand nombre de foyers qui seraient touchés par cette mesure. Vous avez tous reconnu que cela concernerait beaucoup de monde. Cette économie de 18 millions d’euros serait ainsi répartie sur un grand nombre de foyers : pour les individus concernés, la somme en jeu serait donc faible. Je remarque d’ailleurs que le mot « faible » n’a pas le même sens pour tout le monde – y compris entre nous.
Bien entendu, le Gouvernement a discuté avec les groupes de la majorité. Si, comme je crois le deviner, l’Assemblée adopte ces amendements de suppression, le Gouvernement vous proposera une contrepartie financière, car il ne faut pas dégrader le solde budgétaire. Il s’agira d’une réduction proportionnelle de l’ensemble des budgets d’un montant total de 18 millions d’euros, pour compenser le coût de la suppression de l’article 6. Le coût de cette suppression serait en effet de 18 millions d’euros, uniquement pour 2014.
Pour des raisons de cohérence, des mesures de coordination seront prises, probablement dans le cadre du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale. En effet, une partie des prestations logement est payée par le budget de l’État, une autre par le budget des caisses d’allocation familiale – ces fonds transitant par des canaux divers et variés. Il faudra donc veiller à la coordination de ces prestations, sans quoi il y aurait une inégalité insupportable entre allocataires.
Voilà ce que je tenais à dire. Compte tenu de tous ces éléments, et en rappelant que le budget devra respecter l’équilibre qui a été fixé, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.
Nous en venons aux amendements portant articles additionnels après l’article 6.
La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement no 230 rectifié .
Le présent amendement reprend un amendement adopté par la commission des lois lors de l’examen du projet de loi sur l’économie sociale et solidaire. Il s’agit d’établir une mesure compensatoire pour les entreprises relevant de l’économie sociale et solidaire, au titre de la loi du même nom, et ne pouvant pas bénéficier du CICE. Nous proposons de porter l’abattement existant à 30 000 euros.
Défavorable. Cet abattement a déjà été porté de 6 000 à 20 000 euros, ce qui représente une augmentation substantielle.
Cette augmentation est tellement substantielle qu’elle représente un coût supérieur à 300 millions d’euros pour le budget de l’État. Je rappelle opportunément cette disposition, qui figure dans le projet de loi de finances initiale pour 2014.
J’ajoute que l’Assemblée nationale a adopté tout à l’heure un certain nombre de dispositions concernant le versement transport dans le secteur de l’économie sociale et solidaire. Pour l’heure, le Gouvernement souhaite s’en tenir à cela. Avis défavorable, si l’amendement n’est pas retiré.
Dans la perspective de l’examen en deuxième lecture du projet de loi sur l’économie sociale et solidaire, je profite de la présence du secrétaire d’État chargé du budget pour l’interroger sur le sujet, évoqué aujourd’hui par la Fédération des églises protestantes, de la suppression de la possibilité de legs aux associations cultuelles relevant de la loi de 1905.
C’est un choix d’une extrême gravité, qui porte atteinte au principe de liberté des cultes. Il est important que le Gouvernement s’exprime sur les modifications apportées au texte. Est-ce une stratégie volontaire ou une conséquence malheureuse de ce projet de loi ? Au demeurant, cette question concerne aussi le secrétaire d’État chargé du budget.
Le secrétaire d’État chargé du budget plaide coupable : pour l’heure, il n’a aucune idée de ce dont vous lui parlez. Il s’excuse de n’avoir pas instantanément réponse à tout.
Le seul engagement que je puisse prendre, monsieur le député, c’est de répondre par écrit à votre question, qui est tout à fait respectable.
L’amendement no 230 rectifié n’est pas adopté.
Il tire les conséquences d’arrêts récents de la Cour de justice de l’Union européenne et du Conseil d’État concernant l’allocation temporaire d’attente, l’ATA, versée aux demandeurs d’asile. Le bénéfice de cette allocation doit être étendu aux demandeurs d’asile placés en procédure prioritaire et à ceux dont l’examen de la demande relève d’un État tiers – procédure « Dublin ». En conséquence, ces demandeurs bénéficieront de l’ATA tant qu’ils disposent du droit de se maintenir sur le territoire français.
Le présent amendement vise, d’une part, à modifier deux articles du code du travail et un article du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le CESEDA. D’autre part, il tend à transposer partiellement l’article 20 de la directive 201333CE du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013.
Le présent amendement est financièrement équilibré et permet de se conformer au droit. Je vous suggère donc de l’adopter.
Je suis saisie de deux sous-amendements identiques, nos 375 et 404 , à l’amendement no 330 rectifié .
La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir le sous-amendement no 375 .
Je vais défendre les sous-amendements nos 375 et 374 . L’amendement no 374 vise à mettre notre législation en conformité avec les différents arrêts qui nous imposent de modifier l’ATA, afin de pouvoir en faire bénéficier les demandeurs d’asile placés en procédure prioritaire dite « Dublin ». Il vise également à transposer partiellement l’article 20 d’une directive européenne qui autorise les états membres à retirer le bénéfice de l’ATA lorsque le demandeur d’asile ne coopère pas ou qu’il est en fuite.
Le sous-amendement no 375 vise à préciser que le retrait ne peut-être fait que si la non-coopération de l’allocataire est systématique et intentionnelle. Nous reprenons ainsi les termes de la jurisprudence du Conseil d’État. L’amendement no 374 vise à prendre en compte la situation familiale des réfugiés, notamment leur nombre d’enfants, dans le montant de l’ATA, qui est fixé par le Gouvernement.
Cette préconisation, qui figure dans le rapport de Valérie Létard et Jean-Louis Touraine sur le droit d’asile, est rendue obligatoire par un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir le sous-amendement no 404 , à l’amendement no 330 rectifié .
Je vais présenter les amendements nos 404 et 406 , qui sont similaires à ceux défendus à l’instant par Mme Massonneau. L’allocation temporaire d’attente s’élève aujourd’hui à 11,35 euros par adulte majeur. Elle est liée au statut et ne prend pas en compte la composition familiale.
Paradoxalement, pour examiner l’éligibilité d’un demandeur, il est tenu compte des ressources de la famille : le plafond est différent selon que le demandeur est en couple ou a des enfants.
Ce système nous semble complètement inique, car un adulte seul peut recevoir la même somme qu’un couple avec des enfants. Cela tient au fait que la majorité des demandeurs ont historiquement été des adultes seuls.
De surcroît, notre système ne répond pas à l’interprétation jurisprudentielle de la directive « accueil » de 2003, comme cela a été rappelé à l’instant.
Pour des raisons de mise en conformité avec le droit européen, et surtout au nom de valeurs républicaines, nous ne pouvons pas, au XXIe siècle, maintenir un tel système. Quelle famille avec enfant peut vivre aujourd’hui avec 11,35 euros par jour ?
Les sous-amendements nos 374 et 406 sont donc défendus.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir le sous-amendement no 403 à l’amendement no 330 rectifié .
Il s’agit d’un sous-amendement de repli. Il vise à demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport présentant les possibilités de modulation de l’ATA en fonction des charges de famille, dans la perspective du prochain projet de loi sur le droit d’asile.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement no 330 et les sous-amendements.
Avis favorable à l’amendement, car il vise à conformer le droit national aux règles européennes encadrant le versement de l’ATA. Quant aux sous-amendements, ils n’ont pas été examinés par la commission : à titre personnel, sagesse.
J’ai bien entendu les propositions d’aménagement de l’ATA, qui sont fondées. J’indique, rapidement mais solennellement, que le Gouvernement s’apprête à soumettre à votre examen un projet de loi sur le droit d’asile. Il est quasiment prêt mais ne vous sera soumis qu’à l’automne, compte tenu de l’encombrement de l’ordre du jour du Parlement – c’est un constat, non un reproche.
Ce projet de loi, préparé par le ministère de l’intérieur, en lien avec les autres ministères, prévoit une réforme complète de l’ATA. L’objectif est de traiter plus rapidement les dossiers des demandeurs d’asile, de façon à remédier aux travers actuels, parfaitement détaillés dans le rapport de Mme Létard et M. Touraine. Le Gouvernement reprendra un certain nombre de ses préconisations. Pour l’heure, le Gouvernement ne souhaite pas modifier le système actuel.
Je vous propose donc de retirer ces sous-amendements. À défaut, avis défavorable.
Je crois qu’il est effectivement plus sage d’attendre, mais nous aimerions que vous nous disiez, monsieur le secrétaire d’État, si la familialisation de l’ATA est envisageable. Le groupe SRC s’était exprimé en ce sens lors de la présentation par Mme Dubié et M. Richard du rapport du comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale.
Pardon de vous faire deux fois cette réponse, en si peu de temps : le secrétaire d’État chargé du budget est dans l’incapacité de dire si le projet de loi, qui n’a d’ailleurs pas encore été présenté en Conseil des ministres, prévoit une telle évolution. J’invite le président de la commission des lois, ou tout autre parlementaire, à prendre contact avec le ministre de l’intérieur pour obtenir une réponse. Cela fait deux fois en moins d’une heure que je m’estime incompétent pour vous répondre.
Au vu de ce que vient de nous dire le secrétaire d’État, je maintiens le sous-amendement no 403 , qui demeure pertinent, puisqu’il s’agit de demander un rapport au Gouvernement.
Je crains que le rapport demandé ne se résume à l’exposé des motifs du projet de loi. Je ne pourrais donc que me montrer défavorable à ce sous-amendement, s’il était maintenu.
Le sous-amendement no 403 est retiré.
L’amendement no 330 rectifié est adopté.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 332 .
Il vise à permettre aux communes ou, le cas échéant, aux établissements publics de coopération intercommunale de percevoir les aides du fonds d’amorçage pour la réforme des rythmes scolaires, plus connu sous le nom de FARRS, dans le cas où la totalité ou une partie seulement de leurs écoles publiques mettrait en place à titre expérimental des organisations du temps scolaire dérogeant aux neuf demi-journées d’enseignement hebdomadaire. Ces expérimentations seront autorisées par l’autorité académique.
Il s’agit de se mettre en conformité avec les annonces du ministre de l’éducation nationale sur le FARRS et l’adaptation de la réforme des rythmes scolaires.
Avis favorable. Je saisis cette occasion pour saluer le soutien du Gouvernement à l’adaptation de la réforme des rythmes scolaires, soutien qui s’est traduit par la création de ce fonds, dont la dotation a été augmentée.
L’amendement no 332 est adopté.
Nous avons achevé la discussion des articles du projet de loi de finances rectificative pour 2014. Cependant, vingt-sept amendements seront soumis à une seconde délibération.
Je vous demande une suspension de séance pour préparer cette seconde délibération, madame la présidente.
Après l’article 6
La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-huit heures cinquante-trois.
Mes chers collègues, en application de l’article 119, alinéa 6 du règlement, le Gouvernement demande qu’il soit procédé à une seconde délibération de l’article 4 et de l’état B annexé.
La seconde délibération est de droit.
Vous avez la parole, monsieur le secrétaire d’État, pour soutenir vos amendements, nos 1 , 2 , 3 , 4 , 5 , 6 , 7 , 8 , 9 , 10 , 11 , 12 , 13 , 14 , 15 , 16 , 17 , 18 , 19 , 20 , 21 , 22 , 23 , 24 , 25 , 26 et 27 .
Cette seconde délibération a deux objets : il s’agit, d’une part, de tirer les conséquences budgétaires des votes de votre assemblée et, d’autre part, d’en neutraliser l’impact sur le solde budgétaire de l’État. Nous devrions pouvoir nous accorder sur ce point et poursuivre la discussion de ce projet de loi, qui est tout entier guidé par la mise en oeuvre du pacte de responsabilité et de solidarité souhaité par le Gouvernement au service de la croissance et de l’emploi. Je présenterai donc conjointement ces amendements.
En premier lieu, le Gouvernement souhaite tirer les conséquences des votes de votre assemblée sur l’article 4 et l’état B annexé du projet de loi de finances rectificative. Il s’agit d’amendements de coordination.
L’amendement no 203 de la commission des finances a supprimé la mesure de désindexation des paramètres représentatifs de la dépense de logement pour les aides personnelles au logement. Cette décision a un coût direct pour le budget général. Pour une raison de sincérité, il est donc nécessaire de majorer de 18 millions d’euros les crédits de la mission Égalité des territoires, logement et ville, en crédits de paiement et en autorisations d’engagement. L’amendement no 11 du Gouvernement permet cette ouverture de crédit.
En second lieu, le Gouvernement souhaite que les conséquences sur le solde budgétaire de l’État de la suppression de l’article 6 soient neutralisées. Le Gouvernement s’étant engagé à réaliser 4 milliards d’économie dès cette année dans le champ des administrations publiques, c’est un gage de sa crédibilité et de son sérieux budgétaire. Il est donc proposé de répartir 18 millions d’euros d’annulations supplémentaires de crédits entre les vingt-sept missions du budget général déjà mentionnées à l’état B du présent projet de loi de finances rectificative.
Les dépenses de personnel et les dépenses de guichet, sur lesquelles les ministères disposent de peu de marge pour procéder à des redéploiements, ont été préservées. L’effort est réparti de façon équitable. Cette répartition est assurée par les amendements no 1 à 27 du Gouvernement.
Mesdames, messieurs les députés, l’ensemble de ces amendements de seconde délibération a un impact limité, mais nécessaire, sur l’équilibre de ce projet de loi.
Je souhaiterais rappeler que nous avons eu un débat, au début de l’examen du texte, sur l’article liminaire du projet de loi de finances rectificative. Sur l’initiative de la commission des finances, un amendement a été adopté qui modifie le niveau du déficit structurel et celui du déficit conjoncturel. L’article liminaire que vous proposait le Gouvernement a été validé par le Haut conseil des finances publiques. Il était cohérent avec la prévision de solde nominal et l’hypothèse de croissance potentielle fixée par la loi de programmation des finances publiques.
L’article liminaire qui découle de l’amendement de la commission des finances n’est plus cohérent avec l’hypothèse de croissance potentielle de la loi de programmation. Il a pour effet de réduire le déficit structurel sans justification technique et en méconnaissance de la loi de programmation des finances publiques. Ce point a été beaucoup discuté lors du débat, je n’y reviendrai pas.
En conséquence, il existe des risques d’insincérité de l’article liminaire. Dès lors que toute loi de finances doit obligatoirement prévoir un article liminaire, le Conseil constitutionnel pourrait être conduit à censurer l’ensemble du projet de loi s’il censurait l’article liminaire. Le Gouvernement estime donc nécessaire de rétablir l’article liminaire dans sa rédaction initiale pour garantir la conformité du texte au principe de sincérité. En effet, en cas de censure, aucune disposition du texte n’entrerait en vigueur. En particulier, la mesure d’allégement d’impôt sur le revenu au bénéfice des ménages modestes ne pourrait être appliquée.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement déposera en nouvelle lecture un amendement visant à rétablir l’article liminaire dans sa rédaction initiale.
Comme vous le savez, le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale prévoit également un article liminaire, qui doit être identique à celui du projet de loi de finances rectificative ; le Gouvernement s’opposera donc à tout amendement sur cet article du PLFRSS, en cohérence avec son souhait de revenir à la rédaction initiale de l’article liminaire du projet de loi de finances rectificative.
Par définition, la commission ne s’est pas réunie pour l’examen de ces amendements. Mais ils sont une conséquence directe de l’amendement de suppression du gel des allocations logement que nous avons voté. À titre personnel, et la répartition de l’effort ayant été faite, aux dires du secrétaire d’État, de manière équitable, j’émets donc un avis favorable.
Le secrétaire d’État a rappelé les lourdes conséquences de l’amendement qui avait été présenté par Karine Berger et adopté par la commission, qui avait pour objet de réviser le solde structurel et le solde conjoncturel de manière aussi volontariste qu’artificielle. Il présente en effet, vous l’avez dit, des risques d’inconstitutionnalité. Vous auriez pu ajouter, monsieur le secrétaire d’État, que la construction qui a conduit à cet amendement est extrêmement fragile.
Pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous n’en proposez pas la correction dès à présent ? Vous avez exposé votre raisonnement de manière exhaustive et avec honnêteté. Alors que celui-ci est prêt et que l’amendement qui en découle n’est pas très compliqué à rédiger, vous préférez pourtant attendre la suite de la navette et ne pas présenter un tel amendement.
En la matière, nous sommes devant un cas inédit puisque la présence de l’article liminaire a été imposée par une loi organique qui connaît ici sa première application. Il n’y a donc aucune jurisprudence sur cet article liminaire, et nous ignorons si celui-ci est juridiquement attaché à la première partie, ou à l’ensemble du texte… Face à cette incertitude, le Gouvernement a fait le choix de procéder à la correction qu’il souhaite lors de la deuxième lecture, qui est probable.
L’article 4 et l’état B annexé modifiés par les amendements nos 1 à 27 sont adoptés.
Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur le projet de loi de finances rectificative pour 2014 auront lieu le mardi 1er juillet après les questions au Gouvernement.
Nous avons achevé l’examen de ce texte.
Seconde délibération
La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à dix-neuf heures cinq.
Avant que je donne la parole à Mme la ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports pour présenter le projet de loi, Mme Marie-George Buffet demande la parole pour un rappel au règlement.
En première lecture déjà, la loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes a vu son planning bousculé, y compris pour faire passer une loi de lobbying sur les moniteurs de ski. Cela recommence aujourd’hui. Nous nous retrouvons à siéger en fin d’après-midi et ce soir, ce qui ne permet pas à davantage de nos collègues de participer à ce débat, pourtant très important, dans un contexte de poussée des idées conservatrices contre l’égalité des femmes et des hommes. Je tiens donc à exprimer le mécontentement du groupe GDR, et je souhaite que nous soyons écoutés par la présidence.
J’écoute et je transmettrai. Je vous dirai qu’il se trouvait jusqu’à présent dans l’hémicycle un certain nombre de nos collègues.
La parole est à présent à Mme la ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, il y a un peu moins de six mois, nous achevions ensemble dans cet hémicycle l’examen en première lecture de ce projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Il nous faut en convenir entre nous, l’agenda chargé du Parlement nous a fait prendre un peu de retard dans l’examen de ce texte, et je serai conduite en conséquence à vous proposer tout à l’heure quelques amendements techniques pour adapter le calendrier de son application.
Pour autant, et j’y insiste, nous n’avons pris aucun retard sur l’ambition de ce texte. Bien au contraire, nous avons au cours de la navette enrichi ses dispositions, en écho à la conviction partagée, ici comme au Sénat, qu’il était temps pour notre République de ne plus laisser les femmes dans le simple espoir de l’égalité mais de passer à l’étape de l’égalité effective, celle qui est vécue au quotidien.
J’ai noté que votre commission des lois partageait pleinement cette ambition, au point d’ailleurs de réinscrire dans le titre du projet de loi l’adjectif « réelle », qui en avait disparu. Vous le savez, cette égalité réelle, je l’ai intégrée comme une exigence prioritaire de l’action publique que je conduis depuis deux ans, et les nouvelles fonctions ministérielles dont j’ai pris la responsabilité au mois d’avril sont un atout supplémentaire indispensable dans ce combat contre les inégalités.
Cela vaut pour le sport, au sujet duquel vous nous rappelez régulièrement, chère Sylvie Tolmont, l’urgence qu’il se décline au féminin comme au masculin. Eh bien, nous sommes sur le bon chemin : à notre demande expresse, ce sont déjà soixante-neuf fédérations sportives qui nous ont adressé des plans de féminisation enfin ambitieux. Nous les avons toutes réunies récemment pour échanger et mutualiser les bonnes pratiques et accorder collectivement à cette dimension l’importance qu’elle requiert.
Cela vaut aussi dans nos quartiers de la politique de la ville, où les inégalités entre les femmes et les hommes n’ont cessé de croître et ont atteint un niveau inacceptable, comme l’a relevé le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, dans le rapport qu’il m’a remis il y a quelques jours. Avec la nouvelle politique de la ville que je suis en train de mettre en place, l’égalité entre les sexes deviendra un principe fondamental, décliné notamment dans chacun des futurs contrats de ville.
Les avancées que cette loi permettra d’accomplir sont tout entières destinées à notre jeunesse. C’est pour elle qu’il nous faut construire ensemble ce que nous avons appelé la troisième génération des droits des femmes. La force de ce texte, c’est qu’il est global, qu’il aborde toutes les problématiques de l’égalité femmes-hommes et que l’effet d’accélération qu’il produira peut s’appuyer sur une dynamique réelle. Vous avez avec moi construit ce texte pour rendre les lois effectives et surtout pour créer de nouveaux droits dans chacun de grands champs qui structurent l’action publique pour l’égalité.
Il s’agit tout d’abord du défi de l’égalité professionnelle. Le projet de loi le relève avec la réforme du congé parental. Cette réforme, c’est un progrès pour un partage plus équilibré des responsabilités parentales, garant de l’égalité dans les parcours professionnels. Je me réjouis que votre commission ait souhaité maintenir les facilités qui seront reconnues aux pères pour se rendre aux trois examens médicaux obligatoires durant la grossesse. Cela va évidemment dans le bon sens.
Avec la réforme du congé parental et les mesures qui l’accompagnent, nous adaptons enfin nos outils publics d’aide aux parents, à tous les parents : je pense évidemment à l’effort inédit que nous avons engagé sur l’augmentation en quantité et qualité des solutions de garde pour les enfants, mais je pense aussi à l’expérimentation d’un congé optionnel plus court et mieux rémunéré, que nous devrons ensuite évaluer précisément. Je pense en troisième lieu à la prise en compte dans la nouvelle PreParE – c’est ainsi que s’appelle le congé parental rénové – de la situation des parents de jumeaux et de triplés, un élément issu du travail de vos assemblées. Je pense, enfin, à la mise en place du tiers payant pour le complément de mode de garde à destination des parents modestes, que nous préfigurons grâce à cette loi avant de le généraliser.
La réforme du congé parental concerne tous les parents ; elle doit donc concerner toutes les professions et je m’opposerai aux volontés qui se sont manifestées ici ou là de réduire la portée de cette réforme, car l’ambition est d’agir progressivement et de façon large sur les comportements.
Cette réforme du congé parental est un progrès pour l’emploi des femmes. L’emploi des femmes, les conclusions du Conseil de l’Union européenne de juin dernier nous l’ont encore rappelé, est une urgence. Pour parvenir à augmenter le taux d’emploi des femmes, nous mettrons en place à la rentrée, pour celles qui, après avoir arrêté de travailler pour s’occuper de leurs enfants, n’ont pas de perspective immédiate de retour à l’emploi, un dispositif d’orientation et d’accompagnement renforcé. Pôle emploi et la CNAF ont mis au point avec moi une nouvelle offre de formation et d’accompagnement vers l’emploi, qui sera généralisée sur tout le territoire d’ici à dix-huit mois et pourra concerner jusqu’à 10 000 femmes par an. Elle permettra aux femmes de s’engager dans la préparation de leur retour à l’emploi un an avant la fin de leurs droits au congé parental, en bénéficiant d’un bilan de compétence et surtout de formations sur mesure.
Le défi de l’égalité professionnelle se joue bien entendu aussi dans les entreprises, au travers de la négociation sur l’égalité professionnelle et salariale, que, grâce à ce texte, vous rendrez plus efficace. Une négociation qui sera mieux préparée grâce à des améliorations à l’échelle de l’entreprise, avec un rapport de situation comparée réformé, ou à l’échelle des branches, lors des négociations sur les classifications professionnelles. Sur ce sujet, j’approuve les amendements de clarification proposés par votre rapporteur.
Le texte que nous avons construit ensemble est porté par un vrai changement sur le terrain. J’y insiste : nous ne sommes pas seulement dans le discours, la théorie ou le simple fait de légiférer, mais dans un changement de pratiques que nous constatons déjà, qui se fait jour peu à peu, depuis qu’à l’automne 2012, par exemple, nous avons mis en place les neuf territoires d’excellence, neuf régions dans lesquelles nous avons particulièrement travaillé sur ce sujet de l’égalité professionnelle. La dynamique porte ses fruits.
Les premiers retours que j’ai montrent que les actions conduites dans ces régions ont touché près de 170 000 bénéficiaires et concerné près de 7 400 entreprises. Ces actions de promotion de l’égalité professionnelle et d’accompagnement ont favorisé dans les entreprises la rédaction d’accords, qui nous ont été transmis comme nous l’avions demandé. Nous en avons déjà enregistré 5 300 et le rythme de progression est constant. Un changement s’opère aussi dans le contrôle des entreprises, puisque désormais, et contrairement au passé, lorsque l’on ne respecte pas la loi en matière d’égalité professionnelle, on est sanctionné : plus de 700 entreprises ont été mises en demeure et vingt ont été sanctionnées. La stratégie de contrôle monte en puissance et surtout gagne en efficacité : 91 % des mises en demeure sont suivies d’effets – je rappelle que les entreprises ont six mois, après une mise en demeure, pour se mettre en conformité avec la loi.
Si, parmi vos amendements, certains tendent à supprimer la mesure d’interdiction d’accès aux marchés publics pour les entreprises qui méconnaissent les lois sur l’égalité professionnelle, d’autres visent à l’inverse à renforcer les sanctions pour les entreprises qui ne respectent pas les prescriptions en matière d’égalité. J’estime pour ma part que le texte issu de la Haute assemblée a atteint un équilibre satisfaisant et qu’en combinant le dispositif de contrôle actuel, renforcé par la mesure d’interdiction d’accès à la commande publique, et les mécanismes d’accompagnement expérimentés dans les neuf territoires d’excellence, nous pourrons vraiment avancer dans le domaine de l’égalité professionnelle et salariale.
Au-delà de l’égalité professionnelle, il y a, pour les plus fragiles, je pense en particulier aux familles monoparentales, la lutte contre la précarité. Ce combat pour les familles monoparentales, qui sont surtout composées par des mères isolées et leurs enfants, nous avons décidé de le mener partout et, en particulier, dans les territoires qui sont souvent ceux de la politique de la ville, où les familles monoparentales vivent deux fois plus souvent sous le seuil de pauvreté que celles qui vivent ailleurs. Nous mènerons ce combat grâce notamment à la création d’une garantie contre les impayés de pensions alimentaires. Une vingtaine de caisses d’allocations familiales et de caisses de MSA sont déjà mobilisées pour proposer dès la rentrée ce dispositif novateur et très attendu. Je me réjouis à cet égard que votre commission ait décidé de rétablir la faculté qu’elle avait prévue en première lecture d’un versement des pensions alimentaires par virement bancaire. Aujourd’hui même, avec le soutien de ma collègue Christiane Taubira, un décret a été publié au Journal officiel pour dispenser les victimes d’impayés de pensions alimentaires du versement d’une provision aux huissiers. C’est une mesure très concrète qui bénéficiera à beaucoup de ces mamans solos dont on sait le quotidien si difficile.
J’en viens au troisième axe de ce projet de loi-cadre : la lutte contre les violences faites aux femmes. Tout ce volet de la loi met en oeuvre la convention du Conseil de l’Europe, dite convention d’Istanbul, que la France a ratifiée et qui entrera en vigueur au 1er octobre. Il est évidemment aussi articulé avec le quatrième plan de lutte contre les violences faites aux femmes. Nous changeons d’échelle dans cette lutte : le 39 19, que vous connaissez tous, est désormais disponible pour toutes les femmes victimes de violences, accessible sept jours sur sept et gratuit depuis les portables comme depuis les téléphones fixes. Depuis le début de l’année, ce numéro a reçu 3 000 appels supplémentaires chaque mois. Lorsque nous donnons aux femmes les moyens pour sortir du silence, elles s’en saisissent. Avec la garde des sceaux, nous engagerons, dès que la loi aura été votée, le déploiement des téléphones portables grand danger et le marché national sera notifié dans les prochains jours. Nous lancerons également à la rentrée scolaire les stages de responsabilisation que vous avez adoptés.
Avec la ministre des affaires sociales et de la santé, nous achevons le processus de prise en compte de la question des violences faites aux femmes dans la formation des professionnels de santé et des travailleurs sociaux. Avec mon collègue Jean-Yves Le Drian, nous construisons sur ce même sujet un plan de formation pour les personnels de l’armée, comme il l’a annoncé en avril dernier. Le texte que nous examinons ce soir en deuxième lecture a connu des enrichissements importants, dans la lutte contre le harcèlement sexuel et dans la prise en compte de la nécessaire protection des enfants menacés par les violences au sein du couple. Quelques ajustements me semblent encore nécessaires, pour que la protection des victimes de harcèlement sexuel à l’université soit renforcée comme vous nous y aviez invités lors de nos débats en janvier dernier.
Certains de vos amendements révèlent une attention forte portée à la protection des femmes étrangères victimes de violences. La navette a permis, et je m’en félicite, d’apporter une réponse à beaucoup de situations ambiguës rencontrées par ces femmes. Ce volet du texte donne lieu à de nombreux amendements : certains veulent lier l’administration plus qu’il n’est nécessaire, tandis que d’autres anticipent l’examen à venir d’un projet de loi sur l’immigration. Je ne pourrai donc pas les soutenir. Si nous voulons lutter efficacement contre les violences, il faut, vous le savez, élever notre niveau d’intolérance aux images dégradantes des femmes, aux stéréotypes sexistes et diffuser une vraie culture de l’égalité. Cela vaut à l’école, où nous voulons avec Benoît Hamon inscrire la transmission d’une culture de l’égalité dans la durée. Nous ne céderons rien sur l’enseignement de l’égalité filles-garçons à l’école. Je ne suis pas prête non plus à céder sur la définition d’une règle sur internet pour permettre aux internautes de signaler aux hébergeurs les propos homophobes, handiphobes ou sexistes et rendre obligatoire leur suppression.
Enfin, le dernier volet du texte concernant la parité est un volet important. Soixante-dix ans après le droit de vote et d’éligibilité des femmes, il est temps d’accélérer le rythme des progrès. Cela vaut en France, mais cela vaut aussi en Europe et, avec d’autres ministres européens, nous l’avons demandé à tous les candidats aux instances européennes. Je note d’ailleurs que certains députés européens nouvellement élus ont répondu à cet appel. J’assume ce parti pris paritaire, ambitieux et réaliste, car la parité ce n’est pas un coup : je veux l’inscrire dans la durée, parce que c’est une question de justice et que c’est un vecteur de renouvellement des décideurs et de changement des comportements. Pourtant, j’ai relevé plusieurs amendements de nature à poser une difficulté. Je veux aller le plus loin possible, mais avec le souci de la sécurité juridique et de l’opérationnalité. C’est le sens des positions que j’adopterai sur les propositions qui ont été faites concernant les pénalités en cas de non respect de la parité dans les candidatures aux élections législatives et locales et la féminisation dans les conseils d’administration des entreprises.
Je crois, mesdames et messieurs les députés, dans la force de ce texte, parce qu’il est porté par la dynamique que nous avons enclenchée il y a deux ans et qu’il est d’abord conçu pour être applicable et appliqué. C’est ce qui en fait la nouveauté et cela nous permettra avec votre soutien et votre vote de changer véritablement la donne et de parvenir à l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.
La parole est à M. Sébastien Denaja, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, si nombreux ce soir, je suis heureux de m’exprimer à cette tribune, alors que nous engageons ensemble la deuxième lecture du projet de loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. C’est un moment important, parce que la loi Vallaud-Belkacem constituera une avancée significative sur le chemin de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. Elle marquera de son empreinte, au-delà de cette législature, l’histoire des droits des femmes et du combat pour l’égalité. Cette égalité réelle, nous ne la devons pas à nos concitoyens d’un côté et à nos concitoyennes de l’autre, mais à la société française considérée dans son unité, parce que c’est bien pour la société tout entière que nous travaillons ce soir.
Trop de plafonds de verre méritent encore d’être brisés. Trop de chaînes doivent être rompues, et d’abord celles qui nous relient encore, à l’aube du XXIe siècle, à un modèle qu’il faut bien qualifier de « patriarcal » et qui reste fondé, dans bien des domaines, sur le principe de la domination ; un modèle solidement ancré dans les têtes et archaïquement préservé, pour ne pas dire encouragé, par notre arsenal juridique. Trop de femmes sont encore quotidiennement harcelées, humiliées ou violentées. Trop de femmes sont encore précarisées parce qu’elles assument seules les responsabilités familiales. Trop de femmes sont encore injustement sous-payées, honteusement cantonnées à des tâches subalternes, abusivement empêchées d’accéder aux sphères dirigeantes politiques, administratives, économiques et sociales. De même, trop d’hommes se voient encore empêchés d’assumer pleinement leur paternité ou d’assumer une plus grande part des responsabilités familiales, parce qu’ils restent victimes eux aussi – mais dans des proportions moindres – ou prisonniers de stéréotypes et de préjugés d’un autre âge.
C’est à ces plafonds de verre, à ces chaînes, à ces carcans, à ces stéréotypes et disons-le à ce système que ce projet de loi entend s’attaquer. En cela, il s’agit tout autant d’un texte pour l’égalité que d’un texte pour la liberté, pour la libération des femmes et des hommes enfermés dans des cadres anciens que la société française aspire aujourd’hui à dépasser. Ce texte a été très substantiellement enrichi au cours de la navette parlementaire, sans que ses priorités soient remises en cause, bien au contraire : l’égalité professionnelle, la lutte contre la précarité, la protection des femmes contre les violences et les atteintes à leur dignité et enfin la promotion de l’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions et aux mandats électifs, ainsi qu’aux responsabilités sociales et professionnelles.
Quarante-huit articles restent aujourd’hui en discussion, puisque le Sénat en a adopté quarante conformes et qu’il a approuvé la suppression de seize articles par notre assemblée.
Le Sénat a surtout confirmé des apports importants de l’Assemblée nationale. Je pense en particulier aux dispositions concernant l’IVG, démontrant par là une convergence certaine entre les deux assemblées sur de nombreux sujets, parfois sensibles pourtant. À son tour, la commission des lois a approuvé un grand nombre de modifications opérées par le Sénat en deuxième lecture, lesquelles améliorent le texte. Je pense ici à l’ajout opéré à l’article 12 bis B, à l’initiative du Gouvernement, visant à inscrire l’interdiction du harcèlement moral ou sexuel dans le code de la défense. Bien évidemment, le harcèlement moral ou sexuel était déjà pénalement sanctionnable lorsqu’il était commis dans les armées, mais sa prohibition n’était pas inscrite formellement dans le code de la défense comme elle l’est dans le code du travail et dans la loi de 1983 sur les droits des fonctionnaires. Désormais, il sera prévu très clairement dans la loi que ces comportements ne sont pas tolérables dans nos armées et qu’ils constituent des fautes disciplinaires. Les victimes de ces faits bénéficieront également de la protection fonctionnelle de l’État, qui comprend une assistance juridique en cours de procédure et la prise en charge des frais de justice et des honoraires d’avocats. Il s’agit d’une avancée très importante qui souligne à nouveau, après la loi du 6 août 2012 sur le harcèlement sexuel, la détermination du Gouvernement, de la majorité et même au-delà, à combattre toutes les formes de harcèlement.
Sur certains points, la commission a cependant estimé nécessaire soit de rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, soit de rétablir l’article supprimé ou modifié, mais dans une rédaction alternative tenant compte des critiques exprimées par le Sénat. La commission des lois a notamment rétabli dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale en première lecture les dispositions qui visent à permettre au futur père salarié d’assister aux trois examens médicaux prénataux de sa compagne. Cela est important si l’on souhaite que les pères s’investissent le plus tôt possible dans la vie de leur enfant. La commission a aussi rétabli l’article qui tend à remplacer l’utilisation de l’expression obsolète et sexiste « en bon père de famille » dans différents codes par l’adverbe « raisonnablement ». Il était temps ! Elle a rétabli l’article 6 bis A qui prévoit explicitement de permettre le versement de la pension alimentaire par virement bancaire, ce qui sera utile aux victimes de violences, conjugales notamment. Elle a rétabli également l’article 17, relatif au signalement de contenus illicites sur internet. La commission a cependant limité l’extension du champ d’application des obligations des opérateurs à l’incitation à la haine en raison du sexe, de l’orientation sexuelle ou du handicap, en supprimant à nouveau l’extension à la diffusion d’images de violences adoptée par le Sénat.
Nous avons aussi rétabli l’article 17 quinquies, qui vise à mettre réellement fin aux pratiques administratives illégales consistant à désigner, sans qu’elles l’aient pourtant demandé, les femmes mariées par le nom de leur époux. Je pense aussi à l’article 20 bis, qui a pour objet d’accélérer le calendrier prévu pour la féminisation des conseils d’administration ou de surveillance des sociétés non cotées, auquel le Sénat s’est étonnamment opposé.
Je pense enfin à l’article 23, que notre commission avait modifié : alors qu’il était initialement prévu que le Gouvernement serait habilité à adopter par ordonnance les mesures nécessaires pour favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux autorités administratives indépendantes et à plus de cinq cents commissions et instances consultatives, notre commission a préféré un dispositif général encadrant les nominations effectuées au sein de ces organismes, conformément aux recommandations du Conseil d’État.
La commission a également rétabli, dans une rédaction alternative, l’article relatif à la procédure disciplinaire à l’université, applicable notamment en cas de harcèlement, pour réintroduire la possibilité de faire appel, pour la récusation des membres de l’instance ou le dépaysement, au médiateur académique.
Enfin, la commission a rétabli le titre que l’Assemblée nationale avait donné au projet de loi en première lecture, « Projet de loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes », qui résume parfaitement, à mon sens, l’ambition forte de ce texte, notre ambition, votre ambition, madame la ministre : passer enfin d’une égalité formelle entre les femmes et les hommes, simplement proclamée en droit, à une égalité réelle, effective et concrète dans tous les domaines.
Plusieurs des amendements déposés en séance publique vont par ailleurs nous conduire à débattre d’autres points de divergence avec le Sénat. Je pense en particulier à l’article 19 bis, relatif à la féminisation de l’Institut de France et des cinq académies qui le composent, et que le Sénat a supprimé. Je vous proposerai de rétablir cet article, car les chiffres parlent d’eux-mêmes : l’Académie française ne compte que six femmes sur trente-neuf académiciens, soit 15,4 % de femmes. Au cours de son histoire, elle n’a accueilli que sept femmes sur sept cent vingt-sept immortels ! Pour quelle raison pourrait-on encore, sans honte, tolérer et laisser perdurer cette indigne sous-représentation des femmes au sein de ces prestigieuses institutions, au motif qu’il faudrait respecter l’indépendance des académiciens ? Comment pourrait-on, en 2014, sanctuariser ce qui s’apparente bien à de la misogynie institutionnalisée ?
Un amendement présenté par le président Bruno Le Roux nous amènera également à débattre du relèvement de 150 à 200 % du taux de retenue financière applicable à la première fraction de l’aide publique attribuée aux partis politiques qui ne respectent pas la parité. Je ne doute pas que nous aurons des débats nourris sur ce sujet. Je songe également à l’article 20 ter, que le Sénat a supprimé, et qui visait à ce que les nominations dans l’encadrement supérieur de la fonction publique intervenues en violation de l’obligation de nominations équilibrées issue de la loi du 12 mars 2012 soient frappées de nullité. Sur ce sujet aussi, nos débats nous permettront d’avancer, j’en suis certain, en trouvant un équilibre entre les risques d’ordre constitutionnel et notre capacité à faire preuve d’audace.
Pour toutes ces raisons, au nom de la commission des lois, je vous demanderai d’adopter ce projet de loi ambitieux, qui vise à combattre les inégalités entre les sexes dans toutes leurs dimensions, pour concrétiser la promesse d’égalité inscrite à l’article 1er de notre Constitution. Soixante-dix ans après l’ordonnance du 21 avril 1944 qui a accordé le droit de vote et d’éligibilité aux femmes, la loi que nous examinons aujourd’hui consolidera une nouvelle génération de droits pour les femmes, qui permettra, espérons-le, de passer enfin d’une égalité proclamée à une égalité vécue dans les faits.
Ce soir, mes chers collègues, je crois que nous allons faire oeuvre utile en débattant et en adoptant une loi de progrès.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le préambule de la Constitution de 1946, lui-même évoqué dans le préambule de notre Constitution, affirme que : « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme. » Bien que, en deux générations, deux séries de droits aient été successivement conquises, d’abord les droits civils et politiques, puis la liberté de disposer de son corps et le droit à l’égalité professionnelle, ces droits sont toujours à défendre et l’égalité n’est toujours pas réelle – et c’est pourquoi le rapporteur a rétabli le titre du projet de loi, qui fait précisément référence à l’« égalité réelle ».
L’égalité entre les femmes et les hommes ne peut rester un principe éthéré, passant au second plan dans les préoccupations des responsables politiques. La promesse républicaine d’égalité entre les sexes concerne chacune et chacun d’entre nous, dans toutes les dimensions de nos vies, sociale, professionnelle et personnelle. Je salue, à cet égard, la démarche exemplaire qui a été la vôtre, madame la ministre, et celle du Gouvernement auquel vous appartenez, qui révolutionne, par une approche intégrée de l’égalité, nos modes d’action publique. Sans exclure, au besoin, la possibilité de lois spécifiques, vous nous avez proposé une approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes, qui ne sépare pas la question de la violence, de celles de l’égalité professionnelle, de la représentation politique et de la parité.
Il m’est impossible de revenir en cinq minutes sur l’ensemble des nombreux progrès prévus par cette loi-cadre ambitieuse, mais laissez-moi insister sur deux thèmes : l’égalité professionnelle et la lutte contre la précarité des femmes.
On nous disait qu’en France, les femmes étaient de plus en plus présentes sur le marché du travail, mais cette progression de l’activité féminine a toutefois connu un ralentissement depuis le milieu des années 1990, avec la persistance d’interruptions d’activité liées à la maternité et à la répartition inégalitaire des tâches domestiques. Ainsi, ce sont 40 % des mères qui changent de situation professionnelle à la naissance d’un enfant, contre 6 % seulement des pères. Les mères de trois enfants ou plus ne sont plus actives que pour 36 % d’entre elles, alors qu’un père de trois enfants a toutes les chances de demeurer actif. Le taux d’activité des femmes s’effondre avec la maternité. Par ailleurs, alors que les hommes en couple continuent, dans 90 % des cas, à travailler à temps plein, quel que soit le nombre de leurs enfants, les femmes ne sont plus que 68 % à travailler à temps complet avec un enfant, et seulement 39 % avec plusieurs enfants.
Or ce retrait, partiel ou complet, temporaire ou définitif, de la vie professionnelle, a de lourdes conséquences, en matière de pouvoir d’achat, mais aussi de progression de carrière, et finalement de retraite. C’est à ces inégalités en chaîne que ce texte entend s’attaquer, à travers différentes mesures telles que l’incitation au partage entre père et mère du congé parental, l’accès prioritaire aux places de crèche pour les femmes qui souhaitent interrompre leur congé parental, l’accompagnement renforcé du retour à l’emploi pour les parents inactifs, mais aussi les négociations annuelles sur l’égalité professionnelle dans les entreprises ou les négociations de branche sur la classification des emplois. Il s’agit là de sujets extrêmement importants.
Toutes ces dispositions visent non seulement l’égalité professionnelle, mais également, à travers elle, la lutte contre la précarité que les femmes subissent de plein fouet. Au XIXe siècle, certains ont pu considérer que la femme était le prolétaire de l’homme. Les femmes sont, au XXIe siècle, les précaires des précaires, les précaires de la société contemporaine.
Les femmes qui élèvent seules leurs enfants dans les quartiers prioritaires ciblés par la politique de la ville, que vous connaissez bien, madame la ministre, puisque vous en avez désormais la responsabilité, sont l’incarnation parfaite de cette situation. Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a rappelé, dans son rapport EGAliTER qu’une famille sur quatre est concernée, et que le nombre de familles monoparentales vivant sous le seuil de pauvreté est deux fois plus important dans ces quartiers.
Toutes les mesures contenues dans ce projet de loi, qu’elles soient réaffirmées en seconde lecture, qu’elles aient été rétablies en commission des lois à l’Assemblée nationale, ou qu’elles soient sur le point d’être introduites par nos amendements, visent à s’attaquer aux racines de ces inégalités, dont seul un effet de système permet d’expliquer la persistance, alors même que des lois existent depuis de nombreuses années pour lutter contre elles.
Aujourd’hui nous est proposée une loi-cadre de progrès pour les femmes et pour les hommes, qui vise à corriger ces inégalités persistantes. C’est un cadre et une méthodologie que vous nous proposez là, pour toutes nos actions à venir. Et nous considérons que, loin d’être un aboutissement, il ne s’agit là que d’un début.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, lors de l’examen de ce texte en première lecture, j’ai rappelé qu’il s’inscrivait dans une certaine continuité avec les travaux précédemment réalisés par notre assemblée.
Dans cet esprit, je tiens à souligner les avancées positives qu’il contient, qui m’ont d’ailleurs amenée à voter ce projet de loi en première lecture, et la majorité de mon groupe à s’abstenir. Sur l’égalité professionnelle, un faisceau de mesures va dans le bon sens : meilleure articulation des différentes négociations sur l’égalité et les salaires, meilleur accompagnement des retours de congé parental, renforcement des droits familiaux des professions libérales, possibilité d’utiliser une partie des droits du compte épargne-temps pour financer les frais de garde d’enfants.
Contre la précarité, l’expérimentation du versement en tiers payant de la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE, aux assistants maternels va faciliter l’accès aux différents modes de garde pour les familles modestes. Contre les violences faites aux femmes, la confirmation et le renforcement du dispositif de l’ordonnance de protection des femmes victimes de violences sont essentiels. Nous ne reviendrons d’ailleurs guère sur ces sujets, qui ont été, pour la plupart, adoptés conformes par nos collègues du Sénat.
Il reste malgré tout des articles sur lesquels nous avons quelques réserves, et qui feront l’objet des amendements que nous avons déposés. Ainsi, la réforme du congé parental, rebaptisé « prestation partagée d’éducation de l’enfant », ou PreParE, nécessite à mon sens d’être amendée. J’ai toujours défendu l’idée qu’une d’interruption professionnelle de trois ans était un handicap pour les femmes à leur retour au travail. Le principe d’un meilleur partage de cette période entre les deux parents va donc dans le bon sens. Mais, comme sur tous les sujets qui concernent l’égalité entre les hommes et les femmes, je ne crois pas que nous ferons évoluer les choses avec des mesures qui seront interprétées comme des contraintes familiales supplémentaires.
Nous devons introduire un peu de souplesse et nous adapter aux situations diverses des familles, au moins sur une période transitoire. Dans le même esprit, les entreprises doivent mesurer l’intérêt qu’elles ont à favoriser l’égalité entre les hommes et les femmes. Nous devons les y aider, plutôt que de les contraindre systématiquement. Nous savons tous qu’elles ont aujourd’hui de réelles difficultés à faire face à toutes les règles que la loi leur impose, dont la plupart sont interprétées comme des freins à leur activité. Je défends depuis longtemps le principe de l’égalité professionnelle, mais nous sommes dans une période difficile, et les signaux que nous allons envoyer ne seront pas bons s’ils sont perçus uniquement comme des contraintes supplémentaires.
Je pendrai deux exemples : l’interdiction de soumissionner aux marchés publics et le délai très court d’un mois pour annoncer la prise d’un congé parental à son employeur. Dans le premier cas, cette interdiction pour les entreprises qui ont été condamnées pour discrimination ou méconnaissance de la loi en matière d’égalité sera vécue comme une double peine. Dans le second, je pense à toutes les petites structures, commerçants, artisans, professions libérales, qui n’ont parfois qu’un ou deux salariés, et qui verront leur organisation profondément perturbée.
Une grossesse est suffisamment longue pour qu’il soit possible de prévoir avec un peu d’avance une interruption professionnelle… Nous allons imposer aux entreprises des mesures d’accompagnement pour assurer une meilleure réinsertion après ces périodes de congés. Il n’y a aucune raison pour que nous ne demandions pas également aux salariés de contribuer à mieux préparer leur départ. Cette approche, qui reconnaît des droits, mais aussi des devoirs, me semble essentielle pour faire avancer les mentalités.
Enfin, s’agissant de l’accès des femmes aux postes à responsabilités, je regrette que nous ne soyons pas allés encore un peu plus loin. En effet, le dispositif relatif à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration a été étendu à certains établissements publics, aux conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux, les CESER, aux fédérations sportives et aux instances représentatives professionnelles, comme les conseils de l’ordre des professions réglementées. Les dispositifs mis en place vont aussi pénaliser plus lourdement les partis politiques qui dérogeront au principe de parité. Mais les organisations syndicales et professionnelles ont été exclues du champ d’application de la loi, ce qui est dommage.
Je tiens, pour finir, à souligner la contradiction qui existe entre ce projet de loi et les nombreuses mesures prises par le Gouvernement qui pénalisent particulièrement les familles de la classe moyenne : abaissement du quotient familial, réduction des déductions fiscales sur les emplois familiaux, et même réforme des rythmes scolaires.
Toutes ces mesures vont fortement peser sur les familles. Elles entraînent des baisses de revenus, et elles vont contraindre naturellement de nombreuses femmes à ne plus travailler.
Le calcul sera vite fait, puisqu’il leur faudra payer encore davantage pour les frais de garde et de périscolaire. Nous savons tous aujourd’hui qu’ils seront mathématiquement augmentés dans de nombreuses communes. Et que dire du casse-tête pour de nombreux parents face aux horaires parfois ubuesques qui vont être mis en place !
Je prendrai un exemple concret, celui d’un enfant scolarisé dans une ville de plus de 100 000 habitants en maternelle. Il finira le matin à 11 heures 30, reprendra à 14 heures pour finir à 16 heures ! Bien évidemment, il y a le périscolaire, mais pour cette tranche d’âge, il est réduit à une unique garderie. Cette situation est pour moi une incitation déguisée qui conduira automatiquement des femmes à interrompre leur activité professionnelle. Ce ne sera pas un choix, mais une obligation.
Nous obtiendrons l’effet exactement inverse de ce que nous souhaitons tous : favoriser le travail des femmes, améliorer l’accès aux postes à responsabilité ou encore réduire les écarts de salaire !
Les grands principes d’égalité sont essentiels, et je crois que nous les partageons sur tous les bancs de cette assemblée. Mais notre responsabilité est avant tout de proposer des mesures qui répondent concrètement aux attentes de nos concitoyens.
C’est peut-être pour toutes ces raisons, hélas, que votre projet de loi semble aujourd’hui ne susciter que peu d’intérêt au sein de notre assemblée. Une fois de plus, son positionnement dans l’ordre du jour et le peu d’affluence dans l’hémicycle en sont une bien triste preuve !
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la vie parlementaire connaît suffisamment d’épisodes de confrontations, de tensions et d’oppositions pour que nous puissions aussi apprécier, lorsqu’ils se présentent, les moments de consensus et de rassemblement tel que celui qui, je l’espère, débute à présent.
Le projet de loi pour l’égalité entre les hommes et les femmes dont nous reprenons aujourd’hui l’examen en seconde lecture constitue en effet un texte doublement important.
Important, il l’est d’abord par les dispositions qu’il contient et qui permettront demain à la société française de continuer son chemin vers l’égalité réelle, c’est-à-dire concrète, pleine et entière entre les hommes et les femmes de ce pays. Mais il l’est aussi, et peut-être plus encore, par le haut niveau de consensus qui a jusqu’à présent présidé à sa discussion devant le Parlement et qui démontre, si besoin en était, qu’il n’y a pas, sur un tel sujet, de majorité ou d’opposition qui tienne.
L’égalité, c’est une promesse, c’est sans doute même la promesse républicaine par excellence, car la République sans l’égalité, c’est un projet politique qui est d’avance voué à l’échec. Au cours de nos débats, nous avons chacun de notre place pu donner corps à cette idée à la fois simple et essentielle selon laquelle parler des droits des femmes n’est pas, comme on l’entend encore parfois, porter un ensemble de revendications catégorielles.
Lutter contre les violences domestiques, c’est en réalité protéger les familles. Garantir le paiement des pensions alimentaires, c’est en réalité offrir plus de sécurité économique aux mères comme à leurs enfants. Défendre le principe de l’égalité salariale, c’est faire reculer l’arbitraire dans le monde du travail. Défendre les droits des femmes, c’est en réalité vouloir une société plus ouverte et plus juste envers l’ensemble de ses membres et pas seulement envers les femmes. Enfin, parler des droits des femmes, c’est porter un projet pour la société tout entière.
Soixante-dix ans après l’ordonnance du gouvernement provisoire qui, le 21 avril 1944, reconnut pour la première fois l’égalité politique entre les hommes et les femmes, quarante ans après la loi Veil par laquelle les femmes sont enfin devenues actrices de leur propre vie, il s’agit aujourd’hui, et dans le prolongement des initiatives qui avaient été prises lors de la précédente législature, de franchir un nouveau cap pour ancrer cette exigence d’égalité entre hommes et femmes dans la réalité qui est celle de la France de 2014.
Il y a certes les avancées d’hier dont nous sommes dans cet hémicycle les héritières et les héritiers et qu’il nous appartient à ce titre de défendre avec la plus grande détermination, car, comme nous l’avons vu récemment de l’autre côté des Pyrénées, rien n’est jamais totalement acquis lorsque faiblit la volonté politique.
Mais il y a aussi, mes chers collègues, les défis de notre temps auxquels ce projet de loi a l’ambition de répondre. C’est l’égalité professionnelle et salariale d’abord, cela a été dit mais je veux à mon tour le rappeler : on ne peut accepter qu’à compétence égale une femme gagne jusqu’à 28 % de moins qu’un d’homme. C’est aussi la lutte contre les discriminations qui, de fait, privent certaines femmes d’une partie de leurs droits. C’est la lutte contre la précarité qui frappe aujourd’hui d’abord les femmes. C’est, enfin et surtout, la lutte contre les violences faites aux femmes.
Dans ce débat, comme il l’a fait en première lecture, le groupe UDI entend donc prendre ses responsabilités. Passé à la faveur de son examen par le Sénat puis par notre assemblée de vingt-cinq à plus de cent articles, ce projet de loi est riche d’initiatives de toute nature dont la plupart méritent d’être saluées.
Souvent pourtant une question demeure, celle de savoir si par-delà les mots, le dispositif proposé répond réellement aux enjeux. Car telle est bien au fond, la seule véritable question. Je veux d’abord évoquer la question des violences dont sont spécifiquement victimes les femmes.
C’est un sujet de préoccupation au plan national, mais je voudrais saisir l’occasion de cette discussion pour dire – et je pèse mes mots – l’urgence à laquelle nous faisons face en la matière dans les collectivités d’outre-mer, et tout particulièrement en Nouvelle-Calédonie où, comme vous le savez car je n’ai cessé de le répéter dans cet hémicycle, près d’une femme sur quatre a été, est ou sera, en 2014, victime de violences au sein même de son foyer. Notre priorité absolue doit donc aller à l’accueil et à l’accompagnement de ces femmes, pour qu’elles soient encore plus nombreuses à trouver le courage de porter plainte.
Je veux saluer, madame la ministre, le dispositif de l’ordonnance de protection tel qu’il figure dans ce projet de loi, et le groupe UDI proposera de le compléter à la marge, en prévoyant de rendre systématique l’obligation pour le conjoint violent de quitter le domicile commun. Au-delà, madame la ministre, c’est bien un cri d’alarme que je veux lancer car, en Nouvelle-Calédonie comme dans la plupart des outremers, c’est à une véritable question de société que nous faisons face désormais.
En matière de lutte contre les formes de précarité qui frappent spécifiquement les femmes, ce projet de loi a été enrichi d’initiatives bienvenues en ce qui concerne notamment le problème des pensions alimentaires impayées, qui s’apparente aujourd’hui pour de nombreuses femmes à un aller simple vers la pauvreté, quand ce n’est pas la grande pauvreté. Pour aller plus loin, le groupe UDI propose d’étudier l’opportunité de créer un organisme indépendant dont la mission serait précisément de garantir le versement de ces pensions, au besoin en se substituant au parent débiteur lorsque celui-ci se révèle insolvable.
Je veux enfin revenir sur le problème de l’égalité salariale. En la matière, ce projet de loi a le mérite d’ouvrir une nouvelle voie en mobilisant le levier de la commande publique pour inciter les entreprises à s’engager vis-à-vis de leurs salariés pour une égalité pleine et entière en matière de rémunérations entre les hommes et les femmes. C’est incontestablement une avancée que je tiens à saluer. Pour autant, je maintiensn comme je l’avais fait en première lecture, que dans son état actuel ce dispositif me semble incomplet dans la mesure, et c’est là une évidence, où toutes les entreprises ne candidatent pas aux marchés publics. Dans cette perspective, le groupe UDI vous propose donc de mobiliser le seul levier à même de permettre sur ce point un changement réel de la société française : celui des exonérations fiscales dont bénéficient ces entreprises.
C’est là, mes chers collègues, un point décisif. L’égalité salariale est loin d’être un sujet neuf, et je rappelle ici que son principe a même été gravé dans la loi de la République le 22 décembre 1972, soit voici déjà tout de même plus de quarante ans !
Depuis cette date, les initiatives se sont succédé, qu’elles qu’aient été les majorités, et si les résultats ont parfois été au rendez-vous, il demeure néanmoins qu’une femme ne peut toujours pas aujourd’hui prétendre gagner autant qu’un homme.
Aller plus loin n’est pas une simple option, c’est une véritable exigence, sans quoi le constat restera encore longtemps le même, et c’est à un autre gouvernement et à une autre assemblée qu’il reviendra de prendre les initiatives qui s’imposent.
Madame la ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, cette seconde lecture constitue à nos yeux un débat important. C’est l’occasion, loin des jeux partisans qui occupent si souvent notre hémicycle, de changer notre société et de la rendre plus juste.
Pour conclure, je tiens à réaffirmer que l’égalité homme-femme ne doit en aucun cas être l’objet de politique politicienne. Que les femmes ne doivent plus, dans cet hémicycle comme ailleurs, faire l’objet de comportements déplacés. Si bien du chemin reste à faire, nous en avons conscience, alors ne laissons pas passer cette belle occasion de faire progresser ensemble la cause des femmes.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, chers collègues, le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes qui nous est soumis aujourd’hui en seconde lecture dans l’hémicycle fait consensus, et ce dès le début de son examen.
Ce consensus tient à plusieurs raisons. D’une part, il faut le souligner, nous assistons à une prise de conscience des inégalités persistantes entre les hommes et les femmes et de leur caractère scandaleux, inégalités que la crise économique que nous vivons tend à aggraver, notamment dans le domaine de l’emploi. Cette prise de conscience pourrait être contredite par la faible affluence au débat qui nous occupe aujourd’hui, mais je ne veux en rien le croire.
Ce qui pouvait être considéré comme allant de soi, normal ou simplement comme un moindre mal n’est plus tolérable, n’est plus toléré, et cela marque un changement des mentalités à la fois de la société et de la représentation nationale.
Les inégalités de salaire à travail et à compétences égaux, la plus grande précarité des femmes sur le marché du travail, victimes de contrats précaires et du temps partiel subi, la charge de travail assumée par les femmes dans l’espace domestique, les violences dont elles sont les principales victimes, leur faible place dans la représentation politique et les instances de décision des entreprises sont autant de réalités qui heurtent à juste titre, et qu’il nous faut désormais changer.
Ce texte fait l’objet d’un large consensus aussi parce qu’il s’inscrit dans une longue lignée de textes législatifs en faveur de l’égalité, pilier d’une société plus juste. Il est dans la continuité de toutes les lois votées depuis des dizaines d’années. Et si la gauche a souvent été moteur, dans la rue et au Parlement, des évolutions nécessaires de la législation, il serait manichéen, abusif et surtout faux historiquement de considérer qu’elle a été seule à mener ce combat.
L’égalité entre les femmes et les hommes demeure un combat, un dur et un long combat, qui doit nous réunir. Balayer quelques dates permet de prendre conscience des archaïsmes qui ont si longtemps perduré dans notre société.
Il a fallu attendre 1965 pour que les femmes mariées puissent exercer une profession sans l’autorisation de leur mari. Ce n’est qu’en 1967 que la loi permet aux femmes de commencer à décider de leur maternité avec l’autorisation de la contraception. Ce n’est qu’en 1970 que l’autorité parentale remplace la puissance paternelle. En 1972, le principe : « travail égal, salaire égal » est reconnu sans pour autant que cela devienne une réalité. L’interruption volontaire de grossesse n’est votée qu’en 1975. Elle ne sera prise en charge par la Sécurité sociale qu’en 1982, et il s’est encore trouvé des parlementaires, aujourd’hui, pour proposer au cours de nos débats que ce droit ne soit plus pris en charge : je vous rappelle que c’est un amendement qui a été déposé par des collègues de l’opposition. Cette prise en charge a eu lieu grâce à l’action d’Yvette Roudy qui, dans la foulée, pose le principe de l’égalité professionnelle entre femmes et hommes et ouvre le congé parental.
Un pas important est franchi en 2000 par le gouvernement de Lionel Jospin avec la loi sur la parité. À partir de 2004, le législateur s’attaque aux violences. La loi de 2010 vient confirmer cette volonté. Notre collègue Marie-Jo Zimmermann, qui a été à l’origine de la loi de janvier 2011 pour une meilleure représentation des femmes dans les conseils d’administration des sociétés cotées, est un exemple de cette détermination durable dont il faut faire preuve pour faire avancer l’égalité dans les textes législatifs.
Le texte que vous présentez, madame la ministre, s’inscrit dans cette prise de conscience progressive des inégalités entre les genres par les responsables politiques. C’est un pas supplémentaire que je tiens à saluer, et qui devra être suivi d’autres pas encore nécessaires.
Le consensus s’explique aussi par les avancées contenues dans ce texte, que l’on pourrait finalement qualifier de très pragmatiques.
Les moyens que l’État consacre aux politiques publiques sont aujourd’hui limités, et même si le texte introduit des dispositions tout à fait novatrices comme celle sur le congé parental, il est à craindre que la modestie des moyens budgétaires alloués n’en limite considérablement la portée, comme cela a été souligné. En effet, il me semble erroné de penser que l’élément financier serait mineur lorsque le bénéficiaire du congé parental prend sa décision ; je crois, au contraire, que cet élément est déterminant dans un couple. Tant que les inégalités de salaires perdureront, les couples auront, à juste titre, des scrupules à sacrifier la principale ressource du ménage à l’heure des choix.
Je salue néanmoins la volonté du Gouvernement de faire de l’égalité entre les femmes et les hommes une priorité de son action, même si légiférer à nouveau n’est pas nécessairement une bonne nouvelle, vous en conviendrez : cela signifie qu’il reste encore beaucoup à faire en matière d’égalité. Le meilleur exemple, déjà cité en commission, est l’examen de l’article 20 bis par le Sénat. En effet, ce dernier a considéré d’autorité que l’intention du législateur était que les obligations prévues par la loi du 27 janvier 2011 relatives à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance, ainsi que celles relatives à l’égalité professionnelle dans les sociétés non cotées, s’appliqueraient en 2020, alors même que l’intention du législateur a toujours été parfaitement claire : ces obligations doivent s’appliquer en 2017. Sur ce point comme sur d’autres, la représentation nationale peut parfois céder très facilement aux pressions et aux lobbies, ou avoir la tentation de renvoyer toujours à plus tard les changements nécessaires.
Le rapporteur l’a souligné : le texte a été enrichi au cours de la navette parlementaire, passant de 25 articles dans la version initiale présentée par le Gouvernement à 105 articles après la deuxième lecture au Sénat. Parmi ces articles, 47 restent ici en discussion ; le Sénat a adopté 40 articles conformes et approuvé la suppression de 17 articles par notre assemblée. Le groupe écologiste se félicite que des modifications importantes introduites par la commission des lois de l’Assemblée nationale aient été conservées par nos collègues sénateurs. Je pense par exemple aux dispositions touchant à l’interruption volontaire de grossesse : la suppression, dans le code de la santé publique, de la notion de « situation de détresse » pour les femmes enceintes demandant à un médecin l’interruption de leur grossesse est une sage décision.
L’interruption volontaire de grossesse est désormais consacrée comme un droit plein et entier. De même, les dispositions adoptées au Sénat sur le harcèlement au sein de l’armée constituent une avancée positive.
Les propositions formulées en commission par notre rapporteur vont également dans le bon sens, notamment celle concernant l’amendement de notre collègue Zimmermann, ou celle relative à la procédure disciplinaire à l’université, qui réintroduit la possibilité pour le médiateur académique de demander la récusation d’un membre d’une section disciplinaire ou le dépaysement de l’affaire.
Le groupe écologiste, qui soutient le texte, a déposé un certain nombre d’amendements visant à sécuriser les victimes étrangères en cas de violences familiales. Je crois que ma collègue Marie-George Buffet a fait de même, comme en première lecture.
Je regrette, madame la ministre, que vous préfériez renvoyer à plus tard ces changements plus que nécessaires. Sur la question des femmes étrangères, je ne crois pas qu’il faille encore attendre. Nous avons déjà eu l’occasion de débattre de ce sujet lors de la discussion de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel : il est des urgences qu’il ne faut jamais remettre à plus tard.
S’agissant de l’article 18 et de la question du pourcentage de réduction, en cas de non-respect des règles relatives à la parité, de la première fraction de l’aide publique attribuée aux partis politiques, j’ai déjà exprimé en commission les réserves de notre groupe quant à une nouvelle extension. Si nous sommes favorables à ce principe, il ne faudrait pas que le dispositif s’effondre suite à une question prioritaire de constitutionnalité, par exemple. Nous souhaitons surtout que le législateur s’attaque aussi à la deuxième tranche du financement public, ce qui nous semble plus pertinent. Ainsi, on ne s’attaquerait pas simplement aux candidatures, mais également aux résultats de la parité : on passerait de l’égalité d’intention à l’égalité réelle et effective. Sur ce point, des questions de constitutionnalité se posent, certes, mais pourquoi de telles dispositions ne poseraient-elles aucun problème sur la première fraction alors qu’elles poseraient des problèmes insurmontables sur la deuxième fraction ? Je n’ai pas compris pourquoi le Gouvernement et le rapporteur n’ont pas décidé d’aller dans ce sens.
Néanmoins, je ne doute pas que le consensus qui a accompagné l’étude de ce texte soit à nouveau au rendez-vous lors du vote final – en tout cas, je l’espère, et c’est la volonté des écologistes. Nous sommes toutes et tous conscients que la bataille pour l’égalité se mène ici, dans l’hémicycle : il faut en effet donner corps à l’égalité par la loi, mais aussi dans la société par un travail pédagogique, par une démarche de conviction qui ne doit pas souffrir d’hésitations ni d’atermoiements.
Parallèlement au travail législatif, le Gouvernement a engagé avec conviction un travail pédagogique en faveur de la déconstruction des stéréotypes de genre : je veux faire référence ici à l’avenir des « ABCD de l’égalité ». Tout à l’heure, madame la ministre, je n’étais pas dans l’hémicycle mais je vous écoutais depuis mon bureau, sur le circuit interne de la télévision. Pour dire les choses très franchement, je n’ai pas très bien compris la réponse que vous avez faite à la tribune : j’espère donc que vous apporterez au cours de nos débats une réponse plus claire sur l’avenir de cette expérimentation, pour rassurer celles et ceux qui s’inquiètent de la volonté gouvernementale sur ce sujet.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron