Intervention de Najat Vallaud-Belkacem

Séance en hémicycle du 26 juin 2014 à 21h30
Égalité entre les femmes et les hommes — Article 20

Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports :

Ces deux amendements sont différents. J’irai donc à l’essentiel. Le Gouvernement est favorable à l’amendement no 23 , lequel inscrit le raccourcissement du délai que l’État se laisse pour parvenir aux 40 % de féminisation des emplois de la fonction publique. Avant de vous expliquer pourquoi je suis défavorable à l’amendement no 22 rectifié , je reviendrai, parce que c’est essentiel, sur les évolutions de ces deux dernières années s’agissant du rééquilibrage des cadres dirigeants de la fonction publique.

Nous sommes parvenus, pour la première fois, le 8 mars 2013, à un accord sur l’égalité professionnelle dans la fonction publique permettant de lever les verrous qui tiennent, en effet, encore lieu de plafond de verre. Ce n’est pas moi qui vous dirai le contraire. Nous progressons dans la transparence puisque le Conseil commun de la fonction publique a examiné hier, en présence de Marylise Lebranchu, le premier rapport annuel sur l’égalité professionnelle dans l’ensemble de la fonction publique dans ses trois versants. Ce rapport comprend pour la première fois toutes les données permettant de comparer les situations des femmes et des hommes. Il sera d’ailleurs transmis au Parlement dès cet été.

Deuxièmement, les nominations en conseil des ministres seront désormais systématiquement précédées d’une procédure de présentation de trois candidatures dans lesquelles on compte au moins une femme. Cela permet davantage d’automatisme dans la sélection de femmes.

Troisièmement, nous avons fait le choix de la transparence en communiquant sur les chiffres que je vous rappelle. En 2013, 202 femmes ont été nommées à des emplois supérieurs de l’État, ce qui ne s’était jamais produit auparavant. Le taux de féminisation pour les primo- nominations a été fixé à 32 %, alors qu’il était de 27 % en 2012. Nous nous situons au-dessus de l’obligation fixée par la loi Sauvadet. Tout n’est pas pour autant réglé.

Les efforts doivent évidemment être poursuivis. Chaque ministre en est d’autant plus conscient que je m’apprête, comme je m’y suis engagée – et je respecte généralement mes engagements – à rendre pour la première fois public cet automne un palmarès des administrations, en termes de féminisation, comme je l’ai fait l’année dernière à la même époque pour les entreprises du SBF 120. Dans ce contexte, nous devons prendre conscience du fait que la sanction financière dont nous parlons depuis tout à l’heure est certes une stimulation, mais somme toute assez limitée. La parité au Gouvernement ne s’est pas établie sous la menace d’une quelconque sanction.

Marylise Lebranchu et moi avons dit que nous ne tolérerons pas qu’une pénalité financière soit payée par l’administration. Ce n’est pas, pour moi, le principal levier. Vous nous proposez, dans l’amendement no 22 rectifié , d’opter pour un mécanisme de nullité des nominations. Cela peut s’entendre, mais l’Assemblée doit aussi écouter les arguments que le rapporteur a rappelés. Le dispositif risque d’être déclaré inconstitutionnel au regard de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme, qui impose qu’il ne soit tenu compte, pour les recrutements aux emplois publics, que de la capacité, des vertus et des talents. En l’état, cet article s’oppose clairement à un mécanisme de blocage des nominations en considération du sexe, ce qui serait le cas si votre amendement était adopté. Le risque de censure est donc grand.

J’insisterai, plus encore, sur l’opérationnalité du dispositif. Votre proposition tend à mettre en place un mécanisme automatique dès la deuxième nomination. Dès cet instant, les autorités seraient privées de toute marge de manoeuvre dans le choix des cadres dirigeants.

Cela nous éloigne assez d’une gestion moderne, souple, dynamique de l’encadrement dirigeant dans la fonction publique, et je vais vous en donner deux exemples pour que vous compreniez ce que je veux dire.

D’abord, l’on risque d’avoir du retard et des blocages dans les processus de nomination. D’ores et déjà, un certain nombre de postes de directeur, de secrétaire général, de secrétaire général adjoint de ministère sont restés vacants pendant de très longs mois parce que l’on n’avait pas de candidature féminine ou de volontaire pour le poste alors même que l’autorité de nomination souhaitait trouver une femme. Dans ce genre de situation, il faudrait donc tout bloquer, mais jusqu’où exactement ? Il y a déjà des retards aujourd’hui. Je crains que votre disposition ne nous complique encore la tâche.

Il faut reconnaître aussi que certains postes, comme celui de dirigeant en outre-mer, sont plus difficiles à pourvoir et les profils, féminins ou masculins d’ailleurs, ne se trouvent pas à profusion. Il y a donc des moments où l’on n’a pas autant le choix que ce que l’on peut penser.

Ces exemples montrent la difficulté de l’exercice de nomination. Ce qui est important, c’est ce que nous avons entrepris pour avoir des viviers diversifiés de compétences, masculines et féminines, dans tous les domaines plutôt que des mécanismes automatiques de blocage, qui risquent finalement de créer davantage de contraintes et de difficultés, voire de se révéler contre-productifs.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement. Sinon, j’y serai défavorable.

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