La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Cet après-midi, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
La parole est à Mme Marie-George Buffet.
Madame la présidente, madame la ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous voici en deuxième lecture d’une loi qui touche à une question fondamentale du présent et du devenir de notre société, je veux parler de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Tout droit nouveau acquis par et pour les femmes contribue à un recul des dominations, à un pas vers une avancée de civilisation. Nos récents débats, ici, montrent combien ce sujet est malheureusement d’une actualité brûlante. Nous avons pu constater, en effet, combien les mentalités reléguant les femmes au foyer ou à leur rôle de génitrice n’avaient, malheureusement, pas encore disparu ! Rappelons-nous le débat, ici même, sur le droit à l’IVG et la contestation par certains extrémistes, en France et en Europe, d’une conquête des femmes dont nous devrions célébrer l’an prochain le quarantenaire.
À l’heure où une pression idéologique conservatrice se fait de plus en forte, il importe de réaffirmer que toute avancée progressiste de notre société passe par une avancée de l’égalité entre les femmes et les hommes. Et je suis de celles et ceux qui pensent que le féminisme est un formidable vecteur d’émancipation pour toute la société.
C’est pourquoi nous ne pouvons que nous réjouir de pouvoir disposer d’une nouvelle loi pour faire avancer l’égalité et les droits des femmes. Nous devons rester mobilisés pour qu’à l’école, par exemple, cette éducation à l’égalité puisse se poursuivre et avancer. Vous allez, je l’espère, madame la ministre, nous rassurer sur les suites données à l’ABCD de l’égalité.
Nous savons que la loi ne fait pas tout, mais nous savons aussi qu’elle permet aux individus, à la société d’acter des droits nouveaux, de notifier des acquis, de conquérir de nouvelles libertés. Si cela est vrai pour toute la société, je pense que cela est encore plus vrai pour libérer les femmes du carcan que font peser sur elles les dominations patriarcales ancestrales.
Il faut donc saluer une loi-cadre qui porte sur tous les domaines de la vie des femmes.
Toutefois, j’avais déjà fait part, en première lecture, des attentes des femmes et des associations féministes envers une telle loi, et donc témoigné aussi de la déception sur un certain nombre de questions à l’égard de la loi adoptée en première lecture.
À mes yeux en effet, nous n’avions pas pu nous doter d’une loi suffisamment ambitieuse et permettant réellement des avancées tangibles pour la vie et les droits des femmes sur un certain nombre de problématiques. Nous nous souvenons des conditions chaotiques dans lesquelles nous avons eu à en débattre. Cela nous a certainement privés du temps nécessaire et de la sérénité indispensables au débat de fond sur certaines questions.
C’est particulièrement vrai à propos du travail et de l’égalité salariale. Nous avions la possibilité, sur ce sujet, de prendre enfin des décisions pour que la force de la loi prévale sur le laisser-faire et le libéralisme. Nous avons tous et toutes été d’accord pour constater la persistance des inégalités professionnelles. D’accord aussi pour dire qu’elles étaient liées aux affres des dominations patriarcales à l’oeuvre dans la société et au rôle assigné à la femme dans ce cadre. Par contre, je déplore que nous n’ayons pas été suivis sur les mesures efficaces à prendre pour y remédier.
Pour gagner l’égalité salariale, il faut nous donner les moyens d’agir vraiment, au sein des entreprises, sur ce qui produit de l’inégalité. Et le temps partiel en est une des dimensions essentielles. Les femmes constituent 82 % des salariés à temps partiel et l’on sait que désormais, nombre d’employeurs ne leur proposent que cela. Il faut donc agir à la source, en pénalisant vraiment ceux qui y recourent systématiquement. C’est pourquoi je souhaite que cette deuxième lecture nous permette d’adopter des dispositions allant dans ce sens. Madame la ministre, il est de notre devoir de responsables politiques de dire par la loi que la règle n’est pas de proposer des emplois à temps partiel aux femmes, les obligeant à n’avoir que des salaires partiels avec des vies partielles et des retraites partielles. Temps partiel et précarité, voilà le lot de nombreuses femmes dans le travail. Or elles veulent vivre de leur métier pour garantir leur indépendance.
C’est pourquoi madame la ministre, je profite de l’occasion pour vous interpeller sur la situation des artistes et professionnelles du spectacle qui sont en lutte. Car si elles sont des intermittentes au regard de leur contrat de travail, c’est bien en permanence que la vie culturelle de notre pays a besoin d’elles pour exister. Et c’est pourquoi il faut faire reconnaître aux intermittentes leur droit à la maternité et donc à un congé maternité rémunéré. J’espère qu’une nouvelle négociation le permettra.
Deuxième axe sur lequel le projet doit être amélioré : la situation des femmes étrangères. Là aussi, nous avons une responsabilité. Nous ne pouvons pas céder aux discours d’exclusion à leur égard, en nous éloignant toujours davantage des valeurs qui fondent notre République : liberté, égalité, fraternité.
Ces femmes attendent de nous une protection, le respect de leur accès aux droits pour exister en tant qu’individus à part entière, pour vivre librement et être reconnues dans leur dignité d’être humain. Je recevais récemment à ma permanence une jeune femme d’origine étrangère. Elle est venue rejoindre un compagnon en France et est tombée enceinte. Celui-ci l’a répudiée, sa famille à l’étranger l’a rejetée parce que non mariée et enceinte. Elle est aujourd’hui sans papiers et n’a aucune possibilité de travailler, ni de se loger. Ce sont de tels cas qu’il faut traiter dans cette loi, en assurant à ces femmes une carte de séjour leur ouvrant le droit au travail. Ne nous arrêtons pas au milieu du gué.
Depuis notre première lecture, nos collègues du Sénat ont apporté quelques améliorations concernant les indemnisations chômage ou la lutte contre les violences. Par contre, ils ont supprimé un certain nombre de dispositions que notre commission des lois a heureusement rétablies. Je regrette toutefois que la disposition que nous avions introduite en faveur du droit au logement des femmes victimes de violences, supprimé par nos collègues, n’ait pas été rétablie. Vous dites, monsieur le rapporteur, qu’elle est satisfaite par la loi ALUR. Je vous demande vraiment de vérifier ce point.
De même, alors que nous allons débattre du financement de la protection sociale, vous me permettrez d’appeler votre attention sur une omission de cette loi : je veux parler de la santé des femmes. Car votre gouvernement propose de réduire encore les ressources de la Sécurité sociale avec de nouvelles exonérations de cotisations alors que déjà les moyens manquent pour répondre aux besoins de santé de ce pays. Comment, dans ces conditions, obtenir l’assurance de la poursuite de l’activité des maternités de proximité et des centres IVG, je pense notamment à la maternité des Lilas ? Vous savez que nous sommes nombreuses et nombreux à demander à Mme la ministre Touraine de réunir une table ronde pour discuter de l’avenir de cette maternité.
Enfin, je souhaiterais que nous puissions aussi faire avancer l’action contre le système prostitutionnel, comme nous l’avions décidé avec la loi que nous avions adoptée, mais qui n’est toujours pas inscrite à l’ordre du jour du Sénat.
C’est en effet une violence à l’encontre des femmes, qui, nous le savons, constituent plus de 85 % des personnes prostituées. Une loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes ne peut ignorer cette violence relevant du système patriarcal, domination reléguant les femmes au rôle de « maman et de putain » comme nous l’a enseigné Simone de Beauvoir. N’avons-nous pas le devoir, en tant que responsables politiques, de dire à la société, par les lois que nous adoptons, que les responsables du système prostitutionnel ne sont pas les personnes prostituées, mais bien les « clients », qui à 99 % sont des hommes.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Sans client, il n’y a pas de prostitution. Sans demande, pas besoin d’organiser le commerce humain.
Agir contre le système prostitutionnel est bien à mes yeux un vecteur de libération des femmes et des hommes des stéréotypes dans lesquels on veut les enserrer à propos de la sexualité. Cela mérite que l’on puisse modifier la loi dans ce sens et surtout, mais je sais que vous y travaillez, madame la ministre, que la loi qui porte sur ce sujet soit inscrite à l’ordre du jour du Sénat et revienne à l’Assemblée nationale.
Madame la ministre, pour conclure, je veux vous dire à nouveau ma satisfaction de voir adopter une nouvelle loi sur l’égalité entre les hommes et les femmes. Je souhaite que nous puissions encore l’améliorer avant son adoption définitive. C’est ce à quoi je souhaite pour ma part travailler.
Je veux enfin, au moment où nous débattons de l’égalité entre les hommes et les femmes, avoir une pensée pour les femmes qui, dans le monde, sont victimes des discriminations les plus violentes. Je veux surtout avoir une pensée ce soir pour les filles et les femmes du Nigeria enlevées par le groupe extrémiste Boko Haram. En votant cette loi ce soir, d’une certaine façon, nous exprimons notre solidarité avec ces femmes.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, il reste beaucoup à faire pour que l’idéal d’égalité devienne une concrète réalité. Pour qu’elle ne soit plus un sujet sur lequel nous devons sans cesse nous battre. Et tous les jours, elle est un sujet. Pour notre société, d’abord. Quand des agresseurs sexuels sont relaxés, quand des femmes s’indignent du harcèlement de rue, tentant de mobiliser la société française avec elles, quand la presse fait de femmes tuées par leur conjoint de simples victimes de problèmes conjugaux.
Tous les jours, elle est un sujet. Pour les femmes, évidemment, à l’horizon rétréci parce que cantonnées à quelques métiers, presque toujours en dessous d’un certain plafond hiérarchique, assignées dans des rôles prédéterminés, et si minoritaires dans les lieux de décision.
Mais elle l’est d’autant plus pour certaines. Le Haut conseil à l’égalité vient de vous remettre, madame la ministre, un important rapport pour l’égalité femmes-hommes dans les quartiers « politique de la ville » et en zones rurales. Oui, si les inégalités se retrouvent aux quatre coins de la France et dans tous les milieux sociaux, elles sont particulières dans ces territoires, souvent par leur intensité, parfois par leurs spécificités.
Et cela, entre autres choses, parce que la pauvreté y est concentrée, induite notamment par des inégalités aiguës en matière d’emploi, souvent précaire. Un quart des femmes sont en situation de pauvreté dans les zones urbaines sensibles. Parmi elles, un tiers des familles monoparentales – pour 90 %, des mères seules – vivent sous le seuil de pauvreté ; 47 % d’être elles sont en situation d’inactivité. Si l’on est jeune, chef de famille monoparentale, migrante ou issue de l’immigration, les difficultés en matière d’emploi, de pauvreté, d’accès aux services se poseront avec encore plus d’acuité.
C’est ce que montre ce rapport qui a produit de nombreuses recommandations pour y remédier, et, pour emprunter les mots de sa présidente Danielle Bousquet, pour « renforcer le pouvoir d’agir des femmes ».
Le projet de loi, par plusieurs de ses mesures, va constituer un levier important pour réduire les inégalités et répondre aux problématiques des femmes les plus précaires, notamment celles des mères isolées. Plusieurs mesures viennent ainsi lutter contre les impayés de pension alimentaire : 40 % des pensions sont concernées, illustration de l’importance de cet enjeu qui met des familles entières dans une précarité insupportable parce que certains n’assument pas leurs responsabilités.
Ainsi, le projet de loi permet l’expérimentation d’un nouveau dispositif global, faisant notamment des caisses d’allocations familiales des intermédiaires de premier ordre et mettant les familles à l’abri des impayés. De même, en rétablissant la possibilité pour le juge de prévoir le versement de la pension alimentaire par virement sur compte bancaire, notre assemblée propose une solution, loin d’être anodine, pour les femmes victimes de violences et sur qui l’auteur des violences, ex-conjoint, conserve une emprise via le paiement ou le non-paiement des pensions.
Autre enjeu crucial de la lutte contre la précarité des femmes : celui de l’égalité professionnelle, évidemment. En prévoyant que les négociations de branche annuelles sur les salaires prennent en compte l’objectif d’égalité entre les femmes et les hommes, on fait en sorte que les négociations portent également sur les mesures permettant de l’atteindre.
Cet article vient compléter l’action engagée par Mme la ministre des droits des femmes pour sanctionner les entreprises qui ne respectent pas les lois d’égalité professionnelle. Les modifications réglementaires apportées et la stratégie de contrôle mise en place rendent enfin effectives les obligations du code du travail ; ainsi, depuis 2012, 5 300 accords sur l’égalité professionnelle ont été signés, 700 entreprises mises en demeure et 20 sanctionnées pour non-respect de l’obligation de négociation en matière d’égalité professionnelle.
Cela vient également en complément des dispositions adoptées dans la loi de sécurisation de l’emploi pour encadrer les conditions d’exercice du temps partiel de courte durée.
Il est de notre responsabilité de législateurs de protéger ceux et celles que la vie met en difficulté, et c’est le cas des femmes en situation de précarité, parce qu’elles n’ont ni les moyens financiers, ni le temps de se constituer en lobby pour nous mettre face à leur réalité. Elles ne font pas de coup d’éclat. Elles ne montent pas sur les grues.
La loi ne peut être la réponse à tout. Et il y a de nombreuses initiatives locales qui portent leurs fruits et qu’il faut encourager. Les articles de ce projet de loi contraignant les collectivités territoriales à mettre l’égalité femmes-hommes à l’ordre du jour de leurs assemblées y contribueront, la parité dans les assemblées élues et non élues également.
Ce projet de loi est un acte majeur et un marqueur du quinquennat. Je veux simplement conclure en rappelant que le vote de ce texte ne fermera pas le livre de nos travaux sur l’égalité femmes-hommes. C’est dans la transversalité que notre action en la matière est efficace et doit se poursuivre, à travers chaque projet et proposition de loi. Et je sais que la ministre des droits des femmes et Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes, y veilleront.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’égalité n’est pas un mot, un concept ou une théorie. L’égalité est un gage de construction d’une société libre et épanouie ; elle est la condition à l’affranchissement de notre peuple et à l’affirmation des principes qui le définissent ; elle est la promesse de l’émancipation des générations présentes et futures, des femmes et de la société tout entière ; elle est au coeur de notre République, le ciment de ses valeurs, symboliquement placée au centre de notre devise nationale. L’égalité est ainsi une grande cause à défendre, sans relâche et sans détour, par tous et partout. Elle est l’un des piliers de notre vivre-ensemble, qui ne doit jamais vaciller et qui doit trouver son application concrète dans la loi.
C’est cet objectif que s’est fixé le Gouvernement à travers ce projet de loi, auquel j’apporte mon vif soutien.
Si la nécessité d’établir l’égalité semble faire l’unanimité, dans les faits, force est de constater que l’égalité réelle n’est pas acquise. Malgré de véritables progrès qu’il nous faut saluer, la persistance d’inégalités entre femmes et hommes donne tout son sens à ce projet de loi qui marque l’engagement décisif du Gouvernement dans ce combat exigeant. À ce titre, je veux de nouveau signifier ma reconnaissance pour le travail accompli par Mme la ministre des droits des femmes et ma fierté d’y avoir été associée.
Avec volontarisme et conviction, avec hauteur et dignité, vous avez porté, madame la ministre, ce projet de loi et les messages qu’il incarne, faisant émerger l’idée d’une lutte globale à mener de manière transversale, mobilisant le Gouvernement et la majorité dans le long combat de la gauche en faveur des droits des femmes et de l’égalité, soutenu aujourd’hui avec force par le Président de la République.
Lors de la première lecture de ce projet de loi dans notre assemblée, la commission des affaires culturelles et de l’éducation, dont j’étais rapporteure pour avis, s’est particulièrement intéressée aux domaines de la culture, des médias et du sport.
Sur la question des médias, je me réjouis de l’adoption conforme au Sénat de l’article 16, qui assure le respect des droits des femmes dans la communication audiovisuelle. Ainsi, l’audiovisuel public diffusera des programmes contribuant à la lutte contre les préjugés et les violences faites aux femmes. Par ailleurs, la mission de contrôle du CSA est renforcée afin de lutter notamment contre les stéréotypes sexistes.
Dans le domaine culturel, je regrette la suppression au Sénat des articles 16 bis et 18 B, qui avaient été introduits dans le but, notamment, d’intégrer dans les écoles de journalisme un enseignement spécifique sur l’égalité entre femmes et hommes et la lutte contre les préjugés. Il nous a été reproché la dimension « ingérante » de cette démarche. Si je comprends les raisons de cette interprétation, j’en réfute le fondement. L’amendement que j’avais défendu n’avait en aucun cas pour lecture possible l’atteinte à la liberté de la presse, à laquelle nous sommes profondément attachés. Il s’agissait de pointer du doigt, bilan à l’appui, le fait bien réel que chaque jour une dimension sexiste persiste dans les médias. Il nous paraissait essentiel que le secteur des médias s’empare aussi de cette cause.
Ayant entendu les arguments exposés, nous ne présenterons pas à nouveau ces dispositions. Pour autant, nous nous félicitons que le débat autour de ces questions ait eu lieu et, à ce titre, nous tenons à manifester toute notre confiance envers les professionnels du journalisme, dont nous connaissons l’intime sensibilité à l’égalité, pour ériger cette question en priorité et pour en assurer le propre contrôle.
Nous avons également pris note de la suppression par le Sénat de l’article relatif à l’observatoire de l’égalité dans la culture et la communication. Bien entendu, cet observatoire, créé en dehors de la loi, poursuivra ses activités : son sens et sa légitimité sont indiscutables. Cet article visait la reconnaissance de sa nécessité. Les débats parlementaires, qui ont unanimement salué son existence et son travail, ont été, sur ce sujet, rassurants. Aussi, je ne peux imaginer que sa mission soit remise en cause et j’en appelle à la création d’outils similaires dans d’autres domaines.
Enfin, il me faut revenir sur l’abrogation au Sénat de l’objectif de parité dans les instances dirigeantes des fédérations sportives, au profit du rabais à un seuil arbitraire de 40 %. Sur cet objectif de parité, je ne peux que m’étonner des argumentations avancées. Le quota de 40 % à la place du taux de 50 %, chiffre de l’égalité réelle, n’est pas satisfaisant. L’obligation de démocratiser et de valoriser le sport féminin est cruciale : toutes les énergies doivent être mobilisées au service de cet engagement. C’est à ce titre que le rôle des fédérations sportives sur ce sujet est majeur et c’est dans cette perspective que je souhaitais conférer davantage de place aux femmes dans les instances dirigeantes de ces fédérations, convaincue de l’influence positive de cette mesure au service de la promotion et du développement du sport féminin. Au nom de mon attachement à servir le plus efficacement possible notre ambition, je proposerai à nouveau cet amendement ce soir.
C’est donc avec sérénité et détermination que le groupe SRC aborde cette deuxième lecture, convaincu d’être à l’origine d’un projet de loi essentiel et attendu, dans la lignée des combats menés par la gauche au nom de l’égalité.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées n’ont pu parvenir à un texte identique.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, bien qu’elle soit acquise en droit et garantie par notre Constitution depuis l’adoption de la Constitution de la IVe République, l’égalité entre les femmes et les hommes a du mal à se matérialiser aussi vite qu’elle le devrait.
Si, aux termes de l’article 3 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, « la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme », il est patent que notre pays a encore du mal à traduire ces grands et beaux principes dans les faits.
Certains, au cours des débats précédents, notamment au Sénat, ont reproché à cet article son caractère trop général. Mais ces grandes orientations visent précisément à poser un cadre pour assurer dans différents champs d’action l’effectivité de ces droits. Pour s’en assurer, il confie explicitement la responsabilité de la mise en oeuvre de cette politique à l’État. Nous occupons le champ symbolique pour mieux investir le terrain.
Comment ne pas se féliciter que la prévention des stéréotypes sexistes, la protection contre les atteintes à la dignité ou contre les violences faites aux femmes, ou encore l’égalité professionnelle et salariale, la mixité dans les métiers, une meilleure articulation des temps de vie et un partage équilibré des responsabilités parentales soient enfin reconnus comme des objectifs à valeur législative ? Ces orientations forment un bloc cohérent dont personne n’a à rougir. Elles viennent imprimer une orientation aussi précise que bienvenue dans un champ où l’on s’est longtemps contenté de pétitions de principe.
L’égalité réelle est en marche et cet article 1er en trace la voie. Pour toutes ces raisons, chers collègues, je vous invite à le voter.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l’amendement no 53 .
Loin d’être le plus vieux « métier » du monde, la prostitution est une violence qui touche d’abord les femmes : elles représentent plus de 85 % des personnes prostituées.
Cette traite des êtres humains est aujourd’hui un trafic mondial lucratif pour les réseaux qui l’organisent, aussi important que celui des armes. L’OIT estimait, dans un rapport de 2008, que ce commerce des corps générait un profit annuel de 32 milliards d’euros, qu’une personne prostituée pouvait « rapporter » entre 100 000 à 150 000 euros par an, et que la prostitution en France générerait un « chiffre d’affaires » annuel de 3 milliards d’euros. Face à cette situation, il y a donc tout lieu de renforcer la position abolitionniste de la France adoptée en 1960 par la ratification de la convention des Nations unies pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui en n’omettant pas de notifier cette violence dans la loi.
Ce faisant, nous disons à nos collègues sénateurs et sénatrices qu’il est urgent que soit inscrit à l’ordre du jour du Sénat la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale le 4 décembre 2013 et que ce texte termine enfin son cheminement, revienne à l’Assemblée nationale et soit définitivement adopté. Ce serait pour notre assemblée un grand honneur de légiférer en ce sens.
La parole est à M. Sébastien Denaja, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.
Sur le fond, cet amendement me semble bienvenu. Sur la forme, on pourrait juger discutable son insertion juste après le 1° de l’article 1er, d’autant que nous avions fait des efforts en commission, en première lecture, pour essayer de hiérarchiser autrement les objectifs énoncés à cet article. Mais la tonalité de votre propos et le contexte même invitent vraiment à ajouter ce 1° bis, même si l’on pouvait penser que le 1° comprenait forcément des actions de lutte contre le système prostitutionnel puisqu’il s’agit bien de violences faites aux femmes et d’atteintes à leur dignité. Il n’est pas inutile que le législateur le précise.
Dans le cadre de la politique en faveur de l’égalité et des actions visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel, il est évident que la première chose à faire, ce serait que le Sénat, qui bénéficie encore d’une majorité dite progressiste, s’honore en inscrivant à son ordre du jour avant la fin de ses travaux la discussion de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel. Cela serait une initiative d’autant mieux venue que ce matin, le Sénat a pris une décision qui va a priori dégager du temps dans son ordre du jour puisqu’il n’aura finalement pas à débattre de la réforme territoriale. Eh bien, je leur dis : chiche, messieurs les sénateurs, inscrivez la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel pour mardi matin !
La parole est à Mme la ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports, pour donner l’avis du Gouvernement.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, je ne compléterai que d’un mot ce que vient de dire M. le rapporteur en disant : chiche, mesdames et messieurs les sénateurs, car il y a aussi des femmes élues au Sénat.
Sourires.
Vous le savez, madame Buffet, je suis la première à considérer que la prostitution est une violence et que notre pays s’honorerait à tenir une position ferme contre le système prostitutionnel. Je suis également la première à appeler de mes voeux l’inscription rapide à l’ordre du jour du Sénat de cette proposition de loi.
Pour finir, je vous précise que je serai favorable à votre amendement : cette loi est aussi l’occasion de rappeler ces quelques vérités.
La parole est à Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Merci, madame Buffet, pour cet amendement et merci, madame la ministre, pour votre réponse. Nous attendions cette prise de position très officielle, même si nous ne doutons pas de votre volonté. Nous souhaiterions vraiment que Mmes et MM. les sénateurs puissent entendre nos propos. Ce texte n’est d’ailleurs pas lié à une majorité politique donnée : il avait été adopté par une très grande majorité de cette assemblée.
Il ne faut pas manquer cette occasion. Je vous rappelle, mes chers collègues, que l’Europe a pris une délibération en ce sens, demandant aux États membres d’harmoniser leur législation et d’adopter une position abolitionniste. Le Canada est en train d’adopter une loi abolitionniste très importante. Il serait bon que la France poursuive dans la voie dans laquelle elle s’est engagée.
Pour l’heure, c’est une très bonne chose de rappeler l’importance de cette lutte à l’article 1er. Maud Olivier et moi-même, au nom de la délégation, invitons nos collègues à voter cet amendement.
Je me félicite également que le 10 ° ait pu être rétabli.
Les études de genre – il faut les appeler par leur nom – et la recherche française en matière d’égalité entre femmes et hommes doivent être mieux connues et mieux diffusées et servir à cette égalité réelle que nous appelons tous de nos voeux. Nous avons besoin de la recherche dans ces domaines-là.
L’amendement no 53 est adopté.
L’article 1er, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l’amendement no 54 .
Il s’agit, par cet amendement, de faire le constat que de très nombreuses lois ont été adoptées pour lutter contre les inégalités salariales, que souvent ces lois étaient simplement incitatives et qu’aujourd’hui, les inégalités salariales demeurent, avec un écart de plus de 27 %.
Cet amendement a pour objet de supprimer la réduction générale de cotisations patronales lorsque l’employeur ne s’engage pas à supprimer les écarts de salaire entre les femmes et les hommes ; j’ai entendu Mme Lagarde tout à l’heure à la tribune, qui partageait ce point de vue. Il faut en finir avec cette inégalité salariale et il faut que le législateur s’exprime d’une voix forte pour dire que si les entreprises n’appliquent pas l’égalité, elles seront sanctionnées.
Le décret du 18 décembre 2012 relatif à la mise en oeuvre des obligations des entreprises pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes prévoit déjà des sanctions financières, lesquelles peuvent être parfois très lourdes – jusqu’à 1 % de la masse salariale. La priorité est donc d’abord d’appliquer effectivement ces sanctions. Près de 700 entreprises ont déjà été mises en demeure de respecter leurs obligations depuis le 1er janvier – ce chiffre est en lui-même significatif – et une vingtaine ont été sanctionnées ; le système monte donc en charge rapidement. Mais je voudrais surtout m’exprimer d’un point de vue juridique : le fait de cumuler la sanction que vous proposez avec celle existant déjà soulèverait très certainement des difficultés au regard du principe de proportionnalité et pourrait même encourir une censure. C’est donc pour ces raisons principalement juridiques que je vous suggère plutôt de retirer votre amendement. Dans l’attente des arguments du Gouvernement, je vous indique que la commission a émis un avis défavorable.
Je n’ajouterai qu’une chose aux propos du rapporteur : au-delà des procédures de contrôle et de sanction que nous avons enfin mises en place, qui commencent à porter leurs fruits et pour lesquelles je vous demande simplement de nous permettre de continuer le travail sans changer trop souvent les règles, j’ajouterai que, dans le projet de loi que nous sommes en train d’adopter, nous avons fait le choix, collectivement, de donner plus d’efficacité à la négociation, de conditionner l’accès aux marchés publics des entreprises au respect de l’égalité professionnelle et, enfin, de créer une négociation unique et globale sur l’égalité professionnelle qui devra définir les mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes.
Nous avons là un dispositif – coercition quand il le faut, accompagnement quand il le faut – qui atteint enfin un équilibre que je vous invite à conserver en l’état : nous courrons en effet le risque, si nous allons plus loin, d’une disproportionnalité des sanctions, notamment si nous remettons en cause les allégements de charges en plus du contrôle et des sanctions.
La parole est à Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes.
Rassurez-vous, je ne vais pas m’exprimer sur tous les amendements, mais je voulais souligner ceci, madame la ministre : la réponse est tout à fait satisfaisante et commence à porter ses fruits, on l’entend dans les entreprises, mais nous allons aborder la semaine prochaine le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, lequel prévoit des allégements de charges allant jusqu’à 1,3 SMIC. Selon la délégation aux droits des femmes, de telles mesures sont souvent des trappes à précarité ou à maintien dans les bas salaires, parce que ce sont les femmes qui touchent souvent – toujours ! – les plus bas salaires, qui travaillent au SMIC. Quand elles atteignent 1,3 SMIC, alors les charges des entreprises augmentent fortement et nous avons de nombreux témoignages de salariées éternellement maintenues en dessous de ces seuils. J’entends la politique, j’entends les raisons pour lesquelles on allège les charges des entreprises, mais l’effet de seuil est souvent pénalisant pour les femmes ; je tenais à le souligner au nom de la délégation.
Dans le même esprit que Mme la présidente à la délégation aux droits des femmes, je souligne que les allégements de cotisations patronales, que je conteste, visent selon le Gouvernement à créer de l’emploi. Or dans « créer de l’emploi », il y a « créer de l’emploi au féminin », créer de l’emploi stable, non précaire, non partiel, au féminin. Si les entreprises continuent à maintenir ces écarts de salaires, et je le répéterai tout à l’heure pour le temps partiel, il faut les sanctionner, précisément en les touchant sur ces allégements de cotisations sociales.
L’amendement no 54 n’est pas adopté.
L’article 2 E est adopté.
L’article 2 G est adopté.
La parole est à M. Sébastien Denaja, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 31 .
L’amendement no 31 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 2 I, amendé, est adopté.
L’amendement no 32 présenté par M. Sébastien Denaja, rapporteur, est rédactionnel.
L’amendement no 32 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement no 14 .
Contrairement à une idée reçue, le code du travail ne protège pas spécifiquement les personnes en congé parental comme il protège les femmes en période de grossesse ou de congé maternité. Il s’agit donc d’étendre cette protection au congé parental et notamment celui indemnisé par la prestation partagée d’éducation de l’enfant. Cet amendement protégera donc à la fois les femmes et les hommes qui utilisent ce congé parental afin de leur garantir qu’ils retrouveront leur emploi à la fin de leur congé.
Le but de cette protection spécifique prévue par le code du travail est de protéger les salariées en état de fragilité, du moins relativement à leur état de grossesse. La salariée ne peut d’ailleurs pas se soustraire à ce congé maternité, qui est une obligation pour des raisons de santé publique, et non simplement une autorisation d’absence comme nous l’avons prévue pour les pères : c’est une interdiction de travailler et de se rendre au travail, interdiction qui vaut aussi pour l’employeur, lequel doit veiller à son respect. Les salariés qui sont en congé parental, et non en congé maternité, sont dans une situation très différente : le congé parental d’éducation relève de l’arbitrage personnel des parents, qui peuvent décider ou non d’en bénéficier – c’est la première différence – ; il profite tout à la fois au père ou à la mère ; enfin, sa durée n’est pas du tout comparable à celle du congé maternité puisqu’il peut durer trois ans. En tout état de cause, le salarié en congé parental bénéficie déjà d’une protection renforcée contre les licenciements puisque l’employeur doit toujours démontrer l’existence d’une cause réelle et sérieuse. Pour toutes ces raisons, je vous propose de retirer votre amendement ; à défaut, je vous indique que la commission a repoussé votre amendement.
Avec les mêmes arguments, même avis du Gouvernement : nous vous demandons de bien vouloir retirer votre amendement.
L’amendement no 14 est retiré.
C’est un simple amendement de coordination, comme je vous l’indiquais dans mon introduction : compte tenu du temps que nécessite notre texte pour être définitivement adopté, un certain nombre de mesures, plutôt que d’entrer en vigueur comme prévu au 1er juillet 2014, s’agissant de la réforme du complément de libre choix d’activité, le CLCA, entreront en vigueur, si vous en êtes d’accord, au 1er octobre 2014. Ce décalage relativement léger nous laissera le temps d’établir les textes d’application et laissera le temps à la Caisse nationale d’allocations familiales de mettre en oeuvre les traitements informatiques nécessaires au versement de la nouvelle prestation que nous introduisons.
Comme vous vous en doutez, nous avons eu des échanges très fructueux avec vos services et votre cabinet, madame la ministre : je vous suggère donc de rectifier votre amendement pour proposer le mois d’octobre, et non le mois de décembre !
Mme la ministre, acceptez-vous de rectifier l’amendement no 49 en remplaçant le mot « décembre » par le mot « octobre » ?
Oui, bien sûr : vous aurez compris qu’il s’agit d’une erreur matérielle !
L’amendement no 49 rectifié est adopté.
La parole est à Mme Françoise Guégot, pour soutenir l’amendement no 51 .
J’ai déjà abordé ce sujet lors de la discussion générale. Cet amendement a pour objet d’allonger le délai de prévenance de l’employeur d’un à trois mois pour la prise du congé parental. Notre rapporteur m’a rappelé à plusieurs reprises que cet amendement avait été défendu par une instance qu’il a probablement du mal à accepter ; mais je voudrais vraiment revenir sur le fond, parce que je crois très sincèrement que les petites structures ont besoin de cette disposition. Pour une personne travaillant dans un petit commerce ou exerçant une profession libérale, avec une ou deux personnes qui travaillent avec elle, la limitation à un mois de ce délai de prévenance est vraiment très courte, d’autant plus que cette possibilité va être offerte plus largement aux hommes qui, à l’évidence, ne sont pas concernés par l’annonce de la prolongation d’un congé de maternité. Le projet de ce congé parental peut tout à fait être préparé de telle manière qu’on augmente ce délai à trois mois.
Madame Guégot, vous ne serez pas surprise parce que c’est la troisième fois que je vous dis la même chose : cet amendement a déjà été rejeté en première lecture par la commission. Vous mettez un point d’honneur à relayer cette proposition qui avait été formulée par le MEDEF en son temps. Dans le cadre de la négociation de l’accord national interprofessionnel, l’ANI, les partenaires sociaux ne se sont pas accordés sur ce point. Pour ces raisons, il ne nous semble pas devoir nous substituer à la négociation des partenaires sociaux en la matière.
Par ailleurs, même si je n’en suis pas certain car je ne suis qu’un homme, si je ne me trompe pas, votre amendement impliquerait de prévenir son employeur avant même que la mère de l’enfant ait accouché !
Je dirai en complément que je ne suis pas sûre qu’une telle disposition protégerait vraiment le ou la salariée en question, ou plutôt je suis sûre du contraire, puisque cela signifierait que cette personne doit prendre ses dispositions très en avance. Imaginez que, au dernier moment, elle ait finalement la possibilité de faire garder son enfant : ce dont elle aurait convenu avec son employeur ne pourrait pas si facilement être remis en question. Pour le ou la salariée, ce serait plus un source de difficultés qu’une aide matérielle : j’y suis donc défavorable.
Vous avez tout à fait raison : vous pensez aux salariés. Avec cet amendement, on peut aussi penser au fonctionnement et à l’organisation des entreprises. Dans les professions libérales notamment, puisque ce sont des cas qui m’ont été soumis dans ma propre circonscription, il y a des gens qui travaillent, qui ont des organisations à faire tourner : c’est effectivement à eux que je pense au travers de cet amendement et pas uniquement aux salariés.
L’amendement no 51 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Françoise Guégot, pour soutenir l’amendement no 12 .
Cet amendement a pour objet de mettre en place une disposition dérogatoire supplémentaire, comme vous l’avez fait pour les familles monoparentales. Même si le sujet n’est pas tout à fait le même, il s’agit d’éviter une contrainte systématique, au moins pour une période transitoire. Le modèle qui est proposé aujourd’hui dans le cadre de la prestation partagée d’éducation de l’enfant, la PreParE, est conçu pour des parents qui seraient tous les deux salariés : ce partage de la prestation d’éducation de l’enfant peut poser un certain nombre de problèmes pour des familles dans lesquelles les différences de salaires et d’organisation familiale sont importantes. Pour nous faire gagner du temps, puisqu’il s’agit du même principe appliqué à des catégories socio-professionnelles particulières, les arguments seront exactement les mêmes en faveur de l’amendement suivant.
Trois remarques sur cet amendement : je rappelle d’abord que, sur le principe, le dispositif mis en place n’est pas une obligation, mais une faculté offerte au second parent, qui peut décider de ne pas s’arrêter et d’opter plutôt pour un mode de garde, lequel va se développer très fortement puisque le Gouvernement s’est engagé à un plan de 300 000 places d’accueil diverses et variées – crèches et tout autre mode de garde et d’accueil pour les enfants. J’insiste sur ce point car, lors des débats en première lecture, votre groupe avait parlé d’un « carcan » dans lequel s’inscrivait la réforme du congé parental ; or, cette réforme apporte au contraire beaucoup de souplesse.
Deuxièmement, votre amendement pose un problème d’évaluation. À partir de quel niveau de baisse des revenus faudrait-il déroger à l’obligation de partage ?
Troisièmement, comme je l’ai dit en commission, la disposition que vous proposez pourrait entraîner une rupture d’égalité entre les couples.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.
Même avis.
J’ai bien compris l’objet de la répartition possible de la PreParE. Quand je parle d’affichage et de signal envoyé aux familles, on est bien d’accord qu’il n’y a aucune obligation. Mais nous allons passer de trente-six à trente mois. J’ai toujours défendu l’idée qu’il fallait réduire la durée, mais vous le faites du jour au lendemain et de manière systématique. Je le répète, on aurait pu mettre en place, de manière transitoire, certaines exceptions.
La parole est à Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes.
Il s’agit là d’un sujet fondamental de la loi, qui commence à marquer les esprits. L’une des inégalités majeures est liée au non-partage des tâches et de la vie familiale, en tout cas à un partage très inégal. Aujourd’hui, on voit que des jeunes pères, de jeunes salariés essaient de s’investir.
Actuellement, il y a discrimination à l’embauche des jeunes femmes, les entreprises estimant qu’elles vont s’arrêter pour congé maternité. Or, dorénavant, les entreprises pourront se dire que les pères risquent eux aussi de s’arrêter. De sorte qu’il n’y aura pas lieu de discriminer les jeunes femmes comme elles le sont actuellement quand elles autour de la trentaine. Nous donnons là un signal très fort aux entreprises.
Cette mesure emblématique de la loi commence à faire évoluer les mentalités. On commence à en entendre parler. Ce que nous voulons, c’est un changement de comportements, de choix de vie, que les couples partagent également les tâches et que la carrière soit la même pour la femme et pour l’homme.
L’amendement no 12 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Françoise Guégot, pour soutenir l’amendement no 11 .
Même avis.
L’amendement no 11 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Françoise Guégot, pour soutenir l’amendement no 10 .
Cet amendement propose la remise d’un rapport, afin de contourner la censure de l’article 40 de la Constitution et de pouvoir ouvrir le débat sur la possibilité d’un fractionnement de la prestation au-delà des trois premières années de l’enfant.
Nous savons que la capacité des familles et des parents à pouvoir se rendre disponibles à d’autres moments clé de la vie de leur enfant est absolument essentielle. Pouvoir fractionner les droits à la PreParE au-delà de l’âge de trois ans nous semble intéressant.
Ce rapport nous permettrait de voir comment nous pourrions envisager de fractionner la PreParE afin de permettre aux parents d’accompagner leurs enfants, parfois à l’adolescence, dans des moments importants.
Depuis deux ans, j’ai l’honneur de présider, au nom du président de l’Assemblée nationale, le jury du prix de thèse de notre assemblée. Pour les étudiants qui s’intéresseront à l’histoire parlementaire, je veux juste populariser ici la jurisprudence Urvoas, celle du président de la commission des lois, qui considère que le Parlement doit pouvoir user de toutes ses compétences, et notamment de sa mission de contrôle de l’action du Gouvernement, de sorte qu’il ne lui appartient pas d’anticiper les rapports qu’il demande au Gouvernement.
Pour cette raison et pour une application stricte de la jurisprudence Urvoas, j’émets, au nom de la commission des lois, un avis défavorable.
Même avis.
J’ai bien compris la réponse du rapporteur, qui est une manière de botter en touche, mais j’aurais souhaité qu’il me réponde, sur le fond, sur le principe du fractionnement de la PreParE.
Nous pouvons en effet, comme vous nous y inviter, madame Guégot, revenir sur le fond. Je pense qu’il ne faut pas dévoyer le principe même du congé parental, qui vise à permettre aux parents de faire face à une situation dont la durée est limitée dans le temps et qui vise à accueillir des enfants en bas âge.
Vous proposez de permettre aux parents salariés de pouvoir prendre du temps lorsque leur enfant est plus âgé. C’est une vraie question, qui ne se résout pas en étendant ou en fractionnant le congé parental, mais par l’implication des entreprises dans l’équilibre des temps de vie de leurs salariés. C’est la raison pour laquelle vous avez noté la démarche que nous avons lancée : près d’une cinquantaine d’entreprises ont déjà accepté de signer la charte des temps de vie que nous leur avons proposée et qui comporte quinze points. Elle les incite à permettre à leurs salariés de concilier vie familiale et vie personnelle.
Les contraintes ne sont pas les mêmes suivant l’âge de l’enfant. Un adolescent scolarisé ne réclame pas le même temps de présence d’un parent qu’un enfant de trois ans.
L’amendement no 10 n’est pas adopté.
L’article 2, amendé, est adopté.
L’article 2 bis A est adopté.
Favorable.
L’amendement no 33 est adopté.
La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l’amendement no 56 .
Le temps partiel, on le sait, est la source principale des inégalités salariales entre les hommes et les femmes. On sait aussi que c’est la cause des difficultés pour les femmes au moment de leur retraite.
L’obligation d’une durée minimale de travail de vingt-quatre heures par semaine pour les contrats à temps partiel était présentée comme une avancée majeure de l’ANI du 11 janvier 2013 et de la loi de sécurisation de l’emploi qui le transcrit, notamment pour les travailleurs et travailleuses pour qui le temps partiel est subi etou inférieur à ce seuil.
Les dérogations prévues par la loi de sécurisation de l’emploi – la disposition ne concerne pas les étudiants de moins de vingt-six ans, les particuliers employeurs, les intérimaires, les salariés qui atteignent vingt-quatre heures avec plusieurs employeurs ni les salariés qui demandent à travailler moins de vingt-quatre heures – et la possibilité de négocier des accords dérogatoires au niveau des branches compromettent l’application effective de cette mesure. Ce plancher de vingt-quatre heures ne bénéficiera in fine qu’à un nombre très limité de salariés à temps partiel.
Ces dispositions ne permettront pas de lutter efficacement contre le temps partiel, qui maintient plus de 4 millions de salariés dans une précarité laborieuse. C’est pourquoi les auteurs du présent amendement proposent d’assortir ces dispositions d’une mesure propre à décourager le recours massif de certains employeurs au temps partiel et à inciter à l’accroissement de la durée d’activité en majorant de 10 % les cotisations sociales patronales des entreprises de plus de vingt salariés comptant dans leur effectif, par catégorie d’emplois, plus de quinze salariés à temps partiel.
Madame Buffet, je ne suis pas sûre que vous ayez défendu l’amendement no 56 que j’avais appelé.
Vous avez raison, madame la présidente. C’est une étourderie : je viens de défendre l’amendement no 55 et je vous prie de bien vouloir m’excuser.
L’amendement no 56 concerne la situation des salariés qui sont licenciés, souvent pour des motifs discriminatoires, en raison de leur sexe ou de leur état de grossesse, et qui gagnent aux prud’hommes. Il vous est proposé que les salaires qui leur étaient dus dans la période qui s’est écoulée entre leur licenciement abusif et le jugement qui leur donne droit leur soit payé par l’employeur.
Cet amendement vise à améliorer l’indemnisation des salariés qui ont été licenciés pour motif discriminatoire et qui ne demanderaient pas la poursuite de leur contrat de travail ou lorsque leur réintégration est impossible.
Je veux d’abord souligner que grâce au projet de loi, ces salariés ont le droit, en cas de nullité du licenciement, à une indemnité de licenciement ainsi qu’à une indemnité qui est à la charge de l’employeur et est égale à au moins douze mois de salaire, contre six mois en cas de licenciement nul de droit commun. C’est donc un progrès notable.
Cet amendement propose d’ajouter à cela le versement des salaires dus entre le licenciement et l’exécution de la décision de justice reconnaissant la nullité du licenciement. À titre personnel, je trouve cet amendement très intéressant et pertinent, mais je veux évoquer les quelques arguments juridiques qui pourraient être évoqués à son encontre.
Il reviendrait à conférer à ces salariés une indemnité qui, aujourd’hui, ne trouve pas à s’appliquer pour tous les cas où le salarié n’est pas réintégré. Il ne s’applique que dans un cas très précis où trois conditions sont réunies : premièrement, l’absence de réintégration du salarié ; deuxièmement, la demande par le salarié de la réintégration ; troisièmement, un refus injustifié opposé par l’employeur.
En fait, vous proposez de calquer ce qui est prévu pour le licenciement déclaré nul d’une femme en état de grossesse et de l’étendre à tous les licenciements pour motif discriminatoire. La commission a repoussé votre amendement, mais peut-être faut-il s’en remettre à la sagesse de l’Assemblée.
Mon argumentation sera la même que celle du rapporteur.
Madame la députée, nous avons obtenu une avancée importante au Sénat, et il faut s’en réjouir, puisqu’il y a désormais harmonisation des conséquences pécuniaires des différents cas de licenciements.
La situation que vous évoquez, c’est-à-dire l’absence de réintégration du salarié, la demande par le salarié de sa réintégration et un refus injustifié par l’employeur est en effet un cas particulier dont il ne convient pas de faire un cas général. Or c’est ce à quoi aboutirait l’amendement puisqu’il reviendrait à ajouter systématiquement salaires et indemnités en cas de nullité du licenciement alors que les trois conditions ne sont pas remplies.
Pour ces motifs, j’émets un avis défavorable.
L’amendement no 56 est adopté.
L’article 2 bis BA, amendé, est adopté.
L’article 2 bis B est adopté.
Cet amendement poursuit trois objectifs.
Premièrement, il prend acte du fait que de nombreuses études ont démontré que la participation accrue des femmes à l’économie permettait d’augmenter significativement la croissance. Par ailleurs, le rapport de l’OCDE intitulé Inégalités hommes-femmes : il est temps d’agir démontrait que les entreprises détenues par des femmes créent davantage d’emplois que celles qui sont détenues par des hommes. Cet amendement propose d’inscrire parmi les actions prioritaires de la Banque publique d’investissement le soutien à l’entreprenariat féminin.
Le deuxième objectif de cet amendement est d’introduire la possibilité pour la BPI de déployer des mesures spécifiques en faveur des femmes entrepreneurs et de leur accès au crédit.
Le troisième objectif, c’est d’instaurer, dans les rapports annuels qui sont réalisés par les comités régionaux d’orientation pour rendre compte des orientations mises en oeuvre par la BPI, un indicateur permettant d’apprécier l’évolution des crédits et des soutiens aux entreprises détenues par des femmes.
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir le sous-amendement no 66 et pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement.
Madame la députée, je suis évidemment d’accord sur le principe de votre amendement : cela ne vous surprendra pas. Je veux bien l’accepter, mais je vous demanderais bien de le sous-amender, car le 3° pose un certain nombre de difficultés pratiques.
Bien sûr que la BPI devra suivre les données sexuées sur le flux des nouveaux dossiers, pour atteindre l’objectif que vous fixez. Par contre, s’agissant du stock, obtenir cette analyse sexuée paraît plus compliqué, parce que les informations n’existent pas dans la base de données de la BPI. Par ailleurs, il existe un certain nombre de garanties bancaires offertes par la BPI dont le montant est très peu élevé et pour lesquelles les données disponibles sont minimales, dans le but d’accélérer ces engagements au profit des entrepreneurs. Sur ces garanties à faible montant, nous n’avons vraiment aucune donnée sexuée. Il serait difficile d’adopter un texte qui, de fait, ne serait pas applicable.
Considérant que la BPI représente 5 % du marché du financement, 95 % étant assurés par les banques privées, je vous propose qu’avec mon collègue en charge de l’économie, qui en est d’accord, nous puissions aborder plus largement avec les représentants du secteur bancaire cette question des indicateurs sexués, en vue de disposer d’un cadre.
Si vous le voulez bien, je vous propose un sous-amendement no 66 qui permettra de travailler en ce sens avec la BPI et avec les autres partenaires pour consolider ces données sexuées sur l’entrepreneuriat féminin.
J’accepte tout à fait ce sous-amendement. Il est quand même intéressant de voir que la BPI proposait au départ que l’encouragement à l’entrepreneuriat féminin soit en sous-catégorie d’action, avec le développement durable par exemple. Nous avons réussi à le faire remonter parmi les actions prioritaires. C’est grâce à votre action, madame la ministre, bien avant le dépôt de cet amendement du groupe socialiste.
Par ailleurs, il faut insister pour qu’existent des indicateurs permettant de mesurer les progrès réalisés : pas seulement à la BPI qui, vous avez raison de le rappeler, ne représente que 5 % de l’activité, mais dans l’ensemble du secteur bancaire et assuranciel et pour tous les intervenants qui peuvent, d’une manière ou d’une autre, financer l’activité économique dans ce pays.
Je souscris donc pleinement à la suppression du 3° de cet amendement.
Je veux d’abord rappeler que cet amendement reprend la philosophie de celui qui avait été présenté par notre collègue Axelle Lemaire, devenue entre-temps secrétaire d’État au numérique. Nous la saluons, puisqu’elle est forcément devant une tablette où, depuis New York, elle nous regarde.
Sourires.
Il n’est d’ailleurs pas inintéressant de noter qu’elle est maintenant placée auprès du ministre de l’économie et donc intéressée par tout ce qui peut concerner la BPI. Elle pourra suivre ce dossier d’encore plus près que prévu initialement.
Au-delà de ces remarques amicales, il me semble important de préciser que, parmi les actions prioritaires de la BPI, figure justement le soutien à l’entrepreneuriat féminin. Comme je l’avais déjà dit en première lecture, je pense utile de permettre à la BPI d’instaurer des aides spécifiques en faveur des femmes, pour promouvoir la création ou la reprise d’entreprise par celles-ci. Cela reste conforme aux exigences du droit communautaire.
Enfin, le 3° prévoit l’introduction d’un indicateur qui permettrait d’avoir une vision plus claire de la répartition par sexe des aides accordées par la BPI – ce qui existe dans d’autres pays européens, au sein de l’OCDE, y compris dans le secteur bancaire. Mais il serait utile d’étendre cette disposition à l’ensemble du secteur, au lieu de la limiter à la BPI. Je suis donc favorable au sous-amendement comme à l’amendement.
Je partage votre objectif sur cet amendement et je voudrais simplement revenir sur un point. Dans le cadre du travail que j’avais fait en 2012 sur l’égalité professionnelle dans la fonction publique et dans les grandes administrations, j’avais pu constater que de grandes entreprises françaises, voire internationales, avaient déjà mis en place de nombreux indicateurs pour pouvoir répondre aux contraintes d’objectifs, s’agissant en particulier de la parité dans les conseils d’administration.
Je pense qu’il est absolument essentiel qu’un travail soit fait de manière assez systématique pour que ces éléments statistiques entrent dans les procédures, nous permettant ainsi de renforcer l’égalité professionnelle et l’entrepreneuriat féminin.
Je suis heureuse de voir que ce travail et les conclusions de l’OCDE, que j’avais d’ailleurs commentées en leur temps, nous permettent d’avancer. L’amendement porte sur la BPI, mais je crois que l’on peut en effet généraliser le principe de ces indicateurs. Je parlais tout à l’heure des contraintes d’objectifs et de la nécessité d’accompagner les entreprises : ce sont tous ces outils qui permettront de démontrer que l’égalité professionnelle est l’affaire de tous.
Le sous-amendement no 66 est adopté.
L’amendement no 17 , sous-amendé, est adopté et l’article 2 bis D est ainsi rétabli.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l’amendement no 52 .
C’est un amendement de notre collègue questeur Marie-Françoise Clergeau, qui n’a pu être parmi nous ce soir mais qui l’est de tout coeur, je le sais. Cet amendement vise à permettre que l’expérimentation de l’ouverture de la prestation partagée d’éducation de l’enfant majorée aux familles de rang 2 ne soit pas seulement possible à l’échelle des départements, mais aussi à l’échelle infra-départementale, c’est-à-dire à l’échelle des territoires, qui paraît plus pertinente.
La notion de « territoire », comme disent certains juristes, a une « faible juridicité », mais enfin elle n’est pas inconnue de notre droit. D’autres lois comportant des dispositions expérimentales avaient prévu cette échelle infra-départementale : je pense notamment à la loi du 21 août 2007 sur le RSA. Pour ces raisons, la commission n’a pas émis de réserves et approuve donc l’amendement qui nous est présenté, mais je veux tout de même mettre en garde le Gouvernement au sujet de l’utilisation de ce genre de dispositifs. Une expérimentation, c’est toujours une rupture d’égalité. La faire entre plusieurs départements, c’est une chose ; à l’intérieur d’un même département, cela peut causer un certain nombre de difficultés. Je lui demande donc d’utiliser cette possibilité que nous lui ouvririons si l’amendement était adopté avec beaucoup de clairvoyance et de précautions.
Les propos du rapporteur sont bien pris en note, qu’il soit rassuré. Nous entendons bien la nécessité de ne pas rompre l’égalité devant la loi. En même temps, cette expérimentation COLCA permet de tester un dispositif nouveau, dont nous voudrions évaluer précisément les effets, notamment pour éviter qu’il ait un effet négatif sur l’emploi des femmes, ce qui serait contre-productif. C’est pour cela que je rappelle le choix d’une expérimentation.
Je trouve que le niveau infra-départemental est assez pertinent. L’expérimentation permettra ainsi de comparer des territoires aux caractéristiques socio-économiques similaires, ce qui est très important, alors qu’en faisant des comparaisons entre départements dont la réalité diffère, on peut aboutir à des résultats qui ne sont pas forcément fiables. Bref, je suis favorable à l’amendement.
L’amendement no 52 est adopté.
La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement no 15 .
Notre amendement vise à étendre l’expérimentation COLCA pour envisager l’hypothèse d’un congé parental mieux rémunéré et plus court : un an pour chaque parent.
Pour mémoire, l’expérimentation de la pré-part majorée au second enfant, c’est nous. Nous pouvons déjà nous en féliciter. Il faut que le Gouvernement attende les résultats. Nous savons maintenant que cette expérimentation sera faite avec beaucoup de finesse et de précision, ce qui nous encourage encore plus à attendre des résultats qui viendront vite, puisque, à notre initiative conjointe, nous avons réduit les délais d’expérimentation, madame Massonneau. Avant 2017, nous verrons se généraliser un très bon dispositif, j’en suis sûr.
Même avis.
L’amendement no 15 n’est pas adopté.
L’article 2 bis E, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Françoise Guégot, pour soutenir l’amendement no 13 .
Je reviens sur cette disposition qui consiste à interdire aux entreprises déjà sous le coup d’une condamnation, qu’elle soit pénale ou qu’elle fasse suite à une méconnaissance du code du travail, de soumissionner à la commande publique.
Nous considérons que cette disposition risque d’avoir des conséquences massives sur les entreprises et donc sur l’emploi. Ses conséquences sont d’autant plus lourdes que le texte étend la sanction à une interdiction de soumission aux contrats de partenariat et aux délégations de service public.
Je rappelle que la commande publique a représenté en 2012, d’après les éléments fournis par le rapporteur lui-même, près de 75 milliards d’euros : son poids économique est considérable. C’est pourquoi nous pensons que cette interdiction sera une double peine et demandons la suppression de cet article.
L’article 3 est central dans ce projet de loi. C’est pour nous un puissant levier, d’autant plus qu’à notre initiative, l’article a été étendu à l’ensemble des contrats publics : marchés publics, mais aussi contrats de partenariat et délégations de service public. Je rappelle l’objectif et la philosophie de cette disposition : il ne s’agit pas d’une démarche punitive, mais d’une démarche dissuasive. C’est une arme nucléaire, qu’on ne souhaite pas utiliser.
En outre, pour répondre à des préoccupations qui, je le sais, madame la députée, taraudent les membres de votre groupe, les formalités à remplir sont extrêmement pratiques, il faut le dire aux chefs d’entreprises, puisqu’il suffira de cocher une croix.
Pour mémoire, je rappelle que nous avons auditionné l’ensemble des partenaires, notamment les chefs de petites ou de moyennes entreprises puisque ce sont celles qui emploient plus de cinquante salariés qui sont concernées. Ils savent qu’en première lecture nous avons ajouté dans le texte la possibilité de régulariser la situation.
Il faudrait donc vraiment que les entreprises soient peu motivées en matière d’égalité entre les femmes et les hommes. Nous ne voulons pas croire que cela soit possible, parce que nous faisons confiance aux entreprises de France.
Madame la députée, votre amendement me donne l’occasion de réaffirmer avec force mon attachement à cet article, qui constituera, je le crois vraiment, l’un des points essentiels du projet de loi dont nous discutons. Il témoigne de notre capacité à nous, acheteurs publics, de pratiquer un achat responsable. L’achat responsable, c’est aussi faire respecter une loi sur l’égalité professionnelle qui existe depuis des décennies, ce qui me semble pour le moins naturel.
Je rappelle que les dispositions que nous défendons visent simplement à faire en sorte que les acheteurs publics vérifient, lorsque les entreprises soumissionnent, qu’elles n’ont pas été condamnées pour un délit grave comme, par exemple, la discrimination, et qu’elles ont bien engagé la négociation annuelle sur l’égalité professionnelle que la loi prévoit depuis plusieurs années maintenant.
Personne ne sera surpris : nous avons prévu que chaque entreprise pourra régulariser sa situation en engageant la négociation en question après l’avis d’appel à la concurrence et avant de remettre son offre. Il s’agit donc d’une incitation très positive faite aux entreprises souhaitant candidater à des marchés publics.
Enfin, l’amendement no 48 qui va être discuté donne le temps de s’organiser aux différents acteurs, acheteurs publics et entreprises. Nous travaillerons avec leurs représentants respectifs pour apporter toutes les informations utiles sur cette nouvelle disposition, notamment, sur le site d’information que nous avons mis en place, egapro.fr. Personne ne pourra donc prétendre avoir été pris par surprise par cette disposition, qui me semble majeure.
Avis défavorable.
L’amendement no 13 n’est pas adopté.
Je l’ai déjà partiellement exposé mais je précise que, compte tenu du calendrier d’examen de notre texte et de ce que la loi sera probablement publiée au coeur de l’été, nous nous donnons le temps d’informer les différents acteurs – acheteurs publics et entreprises – des incidences de ce texte et de cette disposition sur les marchés publics.
Celle-ci sera applicable aux contrats conclus à partir du 1er décembre 2014.
Comme je l’ai dit, nous accroîtrons notre offre d’accompagnements à travers de nouveaux outils « prêts à l’emploi » pour informer parfaitement les acteurs en question.
Un dernier mot, pour que tout le monde ait les idées claires sur cette disposition : sachez qu’elle s’appliquera quelle que soit la forme du contrat et sa procédure – marchés publics, donc, mais aussi contrats de partenariats ou délégations de service public.
L’amendement no 48 , accepté par la commission, est adopté.
L’article 3, amendé, est adopté.
Article 3
L’article 4 est adopté.
L’article 5 a été adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées. Il fait l’objet d’un amendement no 28 , déposé par le Gouvernement pour coordination.
La parole est à Mme la ministre, pour le soutenir.
Comme celui qui a été discuté tout à l’heure, cet amendement de coordination tend à reporter la date butoir de la mise en oeuvre de l’expérimentation sur le compte épargne temps au 1er octobre.
L’amendement no 28 , accepté par la commission, est adopté.
L’article 5, amendé, est adopté.
Les articles 5 ter et 5 sexies A sont successivement adoptés.
L’article 6 a été adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées. Il fait l’objet d’un amendement no 29 , déposé par le Gouvernement pour coordination.
La parole est à Mme la ministre, pour le soutenir.
Cet amendement de coordination répond à la même logique que celui déposé sur l’article 5.
L’amendement no 29 , accepté par la commission, est adopté.
L’article 6, amendé, est adopté.
L’article 6 bis A est adopté.
L’article 6 septies a été adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées. Il fait l’objet d’un amendement no 30 , déposé par le Gouvernement pour coordination.
La parole est à Mme la ministre, pour le soutenir.
Amendement de coordination concernant à nouveau le calendrier.
L’amendement no 30 , accepté par la commission, est adopté.
L’article 6 septies, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l’amendement no 57 .
J’ai défendu cet amendement en première lecture parce que la formulation « dans les meilleurs délais », à laquelle je préfère « immédiatement », nous met en retrait par rapport à la loi contre toutes les violences faites aux femmes que nous avons adoptée à l’unanimité de l’Assemblée, et dans laquelle figure cet adverbe.
Je comprends l’objectif de votre amendement mais, contrairement à ce que vous venez de dire, il me semble que la loi contre les violences faites aux femmes ne contient pas cet adverbe.
Quand bien même tel serait le cas, nous devrions résoudre une difficulté parce que, au regard du principe du contradictoire, il convient de permettre de convoquer à l’audience les parties, et notamment le défendeur – dans le cas contraire, nous serions en contradiction avec ledit principe.
Or, l’expression « dans les meilleurs délais » laisse justement le temps au défendeur d’être convoqué alors que le terme « immédiatement » interdirait de répondre aux exigences du principe du contradictoire, ce qui serait contraire à notre Constitution.
C’est pour cette raison que la commission a repoussé cet amendement.
Même argument, même avis.
L’amendement no 57 n’est pas adopté.
L’article 7 est adopté.
L’article 8 bis est adopté.
Les articles 11, 11 bis A et 12 bis B sont successivement adoptés.
L’article 14 est adopté.
Article 14
Tout à l’heure, j’ai fait état d’une situation douloureuse à laquelle de très nombreuses femmes sont confrontées.
En effet, des femmes viennent en France en raison du regroupement familial ou d’une promesse de mariage et, au final, rien n’arrive. Elles se retrouvent alors seules, dans une situation de dénuement effroyable : sans papiers, sans lieu de vie, sans possibilité de travailler, parfois avec un premier enfant sans qu’elles soient mariées, leurs familles ne les acceptant pas alors dans leur pays d’origine.
Nous connaissons ces situations qui nous sont exposées dans nos permanences, je n’en rajoute pas.
Aucun doute ne devrait être permis sur le fait que ces femmes, victimes de violences, devraient bénéficier de plein droit d’une carte de résident leur permettant de s’en sortir, tout simplement.
Je n’ai rien d’autre à ajouter sur cette question dont la résolution ne pourra pas éternellement être renvoyée à une loi à venir. Nous devons vraiment accorder maintenant ce droit à ces femmes parce que nous sommes face à une détresse à laquelle nous ne répondrons pas si nous ne résolvons pas le problème des papiers.
Il est toujours difficile de s’en tenir à des considérations juridiques, mais ces amendements soulèvent deux difficultés.
Leur adoption placerait les préfets dans une situation de compétences liées alors même qu’il ne s’agit que de plaintes – lesquelles pourraient s’avérer, in fine, infondées – ou même de simples signalements avec, éventuellement, la même difficulté.
Par principe, il n’est donc pas possible de prévoir une délivrance automatique d’un titre de séjour. C’est pour cette raison majeure que votre amendement n’a pas été accepté par la commission.
En outre, beaucoup pensent que l’extension de la délivrance d’une carte de séjour temporaire aux étrangers qui auraient effectué un simple signalement aux services de police ou de gendarmerie affaiblirait l’efficacité de la lutte contre les réseaux de proxénétisme et de traite des êtres humains.
Enfin, ce serait faire un mauvais procès à ce gouvernement que de prétendre qu’il ne tient pas compte des problématiques que vous avez évoquées. Nous avons beaucoup fait pour les femmes étrangères, victimes de la traite, du proxénétisme et du système prostitutionnel, même si nombre de situations ne peuvent malheureusement pas être réglées.
La commission a repoussé ces amendements sur la base de ces arguments juridiques.
Madame la députée, si nous ne voulons pas supprimer la marge d’appréciation des préfets, ce n’est pas pour leur permettre d’agir à leur guise. Lorsqu’aucune plainte n’a été déposée ou que la véracité des faits n’est pas acquise, il n’est pas possible de délivrer automatiquement une carte de résident. Au minimum, les faits doivent être vérifiés et avérés avant d’ouvrir une telle possibilité.
Cela n’interdit pas aux préfets, en l’état actuel du droit – nous le rappellerons s’il le faut à travers une circulaire – d’offrir une telle protection à une femme qui serait dans l’impossibilité objective d’ester en justice.
Plus précisément, en ce qui concerne votre second amendement, nous prévoyons, dans le cadre du plan de lutte contre la traite des êtres humains que j’ai présenté en conseil des ministres le 14 mai dernier, de protéger les victimes, y compris lorsqu’elles ne peuvent pas contribuer au bon déroulement de l’enquête sans se mettre elles-mêmes en danger.
Soyez-en convaincue : nous mettons entre les mains des préfets toutes les dispositions juridiques utiles pour pouvoir protéger ces personnes, y compris lorsqu’elles ne portent pas plainte. Mais l’automaticité de ce type de mesure n’est pas possible car la procédure pourrait être dévoyée si les faits n’étaient pas avérés.
Pour toutes ces raisons, l’avis du Gouvernement est défavorable.
Nous ne voterons pas les deux amendements présentés par Mme Buffet mais leur discussion permet de rappeler que, dès la première lecture de ce texte, des articles de la loi ont permis de protéger des femmes étrangères, y compris lorsqu’elles sont en situation irrégulière.
Je rappelle en particulier que l’article 14 et les suivants apportent des avancées notables, qui étaient réclamées depuis longtemps. Je ne voudrais pas non plus que l’on oublie l’ordonnance de protection, qui s’adresse à toutes les femmes étrangères, qu’elles soient mariées, pacsées, en concubinage, en situation régulière ou irrégulière. Je ne voudrais pas que l’on oublie ces grandes avancées.
Je conviens parfaitement que l’article 14 bis est un progrès dans la version adoptée par le Sénat et corrigée par la commission des lois, mais je ne pense pas qu’il faille aller aussi vite en besogne en disant, comme le rapporteur, que tout a été prévu en faveur des victimes de la traite. En effet, la rédaction choisie par la commission n’est pas totalement rassurante car elle ne tient pas compte d’une réalité : celle des très nombreux classements sans suite des plaintes déposées par les personnes victimes de la traite. On sait, depuis les débats que nous avons eus sur la prostitution, qu’un certain nombre de procédures n’aboutissent jamais alors même que les personnes qui décident de porter plainte prennent des risques, parfois extrêmement graves, pour elles-mêmes et pour leur entourage. On peut être d’accord sur le fait qu’il faut refuser l’automaticité ; nous avions eu une discussion assez riche à ce sujet lors du débat sur la proposition de loi présentée par Maud Olivier, et il nous avait été rétorqué à Marie-George Buffet et à moi-même qu’il ne fallait pas aller vers l’automaticité de la délivrance d’une carte de résident parce que ce serait une façon de contribuer à « l’appel d’air » – je laisserai à celle qui avait proféré ce type d’argument la responsabilité de ses propos ; je ne m’attendais pas, à l’époque, à entendre un tel langage de la part d’une parlementaire de gauche, mais il est vrai qu’on n’en est plus là… Il serait souhaitable que Mme la ministre nous informe de l’avenir de cette proposition de loi qui avait provoqué tant de débats à l’Assemblée et dans la société.
Je propose que l’on intègre dans le texte la possibilité – et non l’obligation – pour le préfet d’apprécier, même si la procédure n’a pas abouti, la situation et de décider d’octroyer une carte de résident. Cela me paraît un bon compromis puisque vous avez refusé les amendements de Mme Buffet.
Tout d’abord, je suis heureux que vous ayez vous-même rappelé, monsieur Coronado, que l’article 14 bis constitue un réel progrès pour les victimes de la traite des êtres humains, les victimes du proxénétisme.
Je n’ai jamais dit que tout avait été fait en la matière, mais que beaucoup a été fait, et que beaucoup est fait quotidiennement, par la ministre des droits des femmes et par l’ensemble du Gouvernement. Néanmoins, cela rappelle qu’il y a urgence, eu égard aux victimes du système prostitutionnel et du proxénétisme, à ce que le Sénat inscrive à son ordre du jour la proposition de loi de Maud Olivier car nous avons alors voté un dispositif qui prévoit une protection particulière pour celles qui voudraient dénoncer leur proxénète.
J’en viens à votre amendement : vous allez beaucoup plus loin que ce qui est prévu – et qui est déjà un progrès –, puisque l’on pourrait délivrer une carte de résident même s’il y a, in fine, un non-lieu ou un classement sans suite, y compris lorsque la plainte était dénuée de tout fondement. Certes, vous prévoyez que ce ne serait pas automatique, mais ce serait tout de même très différent de ce qui est exigé de tous les autres étrangers pour se voir délivrer une carte de séjour. La commission a retenu l’idée qu’en l’absence de toute condamnation définitive qui démontre la véracité des faits, c’est le droit commun qui doit s’appliquer.
Je tiens à rappeler que si la procédure pénale n’aboutit pas à une condamnation, les préfets peuvent toujours délivrer une carte de séjour temporaire sur les fondements de l’article L. 313-11 du CESEDA, c’est-à-dire pour des motifs tenant à la vie privée ou familiale, ou de l’article L. 313-14 du même code, pour des raisons exceptionnelles ou humanitaires. Ces termes montrent que ce que vous proposez est, en fait, déjà prévu. Votre amendement est satisfait par le droit en vigueur.
Je tiens à préciser qu’aujourd’hui, lorsque la victime de traite des êtres humains qui a déposé plainte obtient la condamnation définitive du proxénète, les préfets lui délivrent une carte de résident. Aller plus loin sur ce plan signifierait délivrer un titre de séjour même à une personne qui en accuserait une autre de façon fantaisiste d’avoir été proxénète. C’est la raison pour laquelle je suis défavorable à votre amendement, monsieur le député.
En revanche, je note avec intérêt que votre voix vient s’ajouter aux nombreuses autres qui se sont exprimées ce soir pour réclamer que le Sénat inscrive rapidement à son ordre du jour l’examen de la proposition de loi de lutte contre le système prostitutionnel, et vous avez raison parce que c’est dans ce cadre que nous pourrons aller plus loin encore pour protéger les victimes de la traite.
Je pensais, madame la ministre, que le Gouvernement avait la capacité de l’inscrire à l’ordre du jour s’il le souhaitait, mais vous vous en remettez à la sagesse du Sénat. C’est une réponse tout à fait étonnante de la part d’un membre du Gouvernement, mais je prends acte que celui-ci laisse désormais le Parlement décider pleinement et en totale liberté de son ordre du jour.
Mais c’est une proposition de loi !
Mais c’est une proposition de loi !
Je trouve que cette attitude change par rapport au débat budgétaire que nous venons de vivre, au cours duquel le Gouvernement a été extrêmement directif et beaucoup plus présent que vous ne semblez l’être sur cet autre front.
S’agissant de mon amendement, je vous rappelle, monsieur le rapporteur, que vous aviez déjà utilisé les mêmes arguments – la capacité du préfet à apprécier la situation et la nécessité de s’en tenir au droit commun – pour le refuser en première lecture avant qu’un amendement identique ne soit adopté au Sénat. La Haute Assemblée a dû trouver que l’argumentation de Mme Benbassa était sans doute défendue avec beaucoup plus de brio – ce qui ne m’étonne pas de sa part –, mais vous avez décidé de ne pas conserver son amendement en commission.
La capacité du préfet à apprécier, je ne la remets pas en cause, puisque, à partir du moment où on laisse l’option ouverte, elle reste la même, avec l’amendement que je propose comme dans le texte adopté par le Sénat. Cela répond à votre argument, que vous avez également opposé à l’automaticité proposée par Marie-George Buffet.
Pourquoi dites-vous, madame la ministre, que les victimes de traite vont accuser par bon plaisir, pour occuper la galerie ? Le préfet aura la capacité à apprécier la gravité des accusations portées.
En outre, vous savez aussi bien que moi, puisque ce point a été abordé au moment de l’examen de la proposition de loi de Maud Olivier, combien il y a de condamnations pour proxénétisme ou pour traite… C’est extrêmement faible. Vous prétendez que le Gouvernement agit : je ne le conteste pas mais, au final, le résultat est assez anecdotique en termes de condamnations pour raisons de proxénétisme ou de traite. Vous ne pouvez pas le nier. Un tel résultat est dû aux classements sans suite des plaintes. C’est pourquoi je propose que le préfet puisse apprécier les risques encourus par ces femmes et décider en conséquence de leur octroyer un titre de résident. Pas plus, mais pas moins.
L’amendement no 3 n’est pas adopté.
L’article 14 bis est adopté.
Cet amendement tend à élargir aux violences familiales la protection prévue pour les femmes victimes de violences conjugales. Une récente décision de la cour administrative d’appel de Nancy montre les difficultés soulevées par l’exclusion des violences familiales dans l’examen de la demande de titre de séjour. Une femme s’est vue refuser son renouvellement de titre de séjour au motif que les violences familiales ne constituaient pas un cas prévu par la loi : « Si Mme B… soutient avoir subi le 18 juin 2011 des violences physiques et psychologiques de la part de sa belle-mère et d’une de ses belles-soeurs, et si elle apporte des éléments à l’appui de ses affirmations, de telles circonstances ne constituent pas des violences conjugales au sens des dispositions précitées du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. »
Il s’agit donc de clarifier la situation. On sait que dans certaines familles, les violences conjugales ne sont pas les seules mais qu’il y a aussi des violences de la part d’autres membres de la famille. Je pense donc que vous pourriez tout à fait intégrer cet amendement, monsieur le rapporteur, madame la ministre, puisque vous vous dites tout à fait attachés à la défense des femmes et à la lutte contre les violences.
M. Coronado pose une vraie question, qui mérite donc une réponse détaillée. Son amendement vise à modifier le CESEDA en réponse à un arrêt du 18 février 2014 de la cour administrative d’appel de Nancy par lequel celle-ci a rejeté un recours contre le refus de renouvellement d’un titre de séjour au motif qu’aucune violence conjugale n’avait été établie par la requérante parce que seules des violences subies de la part de sa belle-mère et de sa belle-soeur avaient été démontrées. Il ne s’agissait donc pas de violences exercées par le conjoint, de violences conjugales au sens strict du terme. Le débat juridique est tout à fait sérieux puisqu’il y a bien ici une exclusion de la prise en compte d’une partie des violences intrafamiliales, ce qui pose une vraie question.
Mais la question posée à la commission des lois, c’est de savoir s’il serait bon de légiférer à partir d’un arrêt de cour administrative d’appel, bref sur une jurisprudence non stabilisée, avant que la cour suprême de l’ordre juridictionnel administratif, le Conseil d’État, ait statué. Ce ne serait sans doute pas de bonne politique que de légiférer avant même que celui-ci ne se soit prononcé.
De toute façon, l’adoption de l’amendement soulèverait une autre difficulté. Vous savez qu’à propos des victimes d’inceste, la notion de famille est difficile à préciser. Je pense notamment à une décision du Conseil constitutionnel qui a montré la difficulté d’identifier le périmètre même de la famille et donc des violences familiales. Où s’arrête-t-on ? Aux cousins germains ? Aux autres cousins ? Et jusqu’à quel degré ?
Votre amendement soulève quantité de questions et la commission a jugé plus sage d’attendre une décision du Conseil d’État en la matière. Je nous invite tous à la plus grande vigilance car nous serons peut-être amenés à légiférer alors pour répondre aux difficultés soulevées par la jurisprudence administrative. L’avis est donc défavorable.
Monsieur le député, je comprends absolument l’esprit dans lequel vous avez rédigé votre amendement. Moi aussi, je serais tentée d’être la plus bienveillante possible avec les femmes qui se trouvent dans ce type de situation et de ne pas restreindre les possibilités qui s’offrent à elles d’être juridiquement protégées. Mais il faut, à un moment donné, comprendre quel est le sens des dispositions CESEDA en question : lorsque les victimes n’ont pas d’autre alternative que de rester chez elles avec un mari violent parce que si elles le quittent, elles seront en situation irrégulière, nous devons alors intervenir pour les protéger, pour leur offrir la possibilité de partir sans être insécurisées.
Mais si vous élargissez le cas des auteurs de violences à des personnes qui ont un autre lien juridique que le lien marital, on est dans autre chose. La disposition protectrice du CESEDA ne se justifierait plus, en réalité, puisque rien ne retient la femme victime de violences auprès de sa belle-mère, de sa cousine ou de sa belle-soeur. C’est là que se situe la différence entre les violences conjugales et d’autres types de violences. Cela étant, en m’étant plongée dans la jurisprudence à laquelle vous faisiez allusion et en vous écoutant, je crois qu’il faut bien avoir à l’esprit que les violences, ce ne sont pas seulement les violences physiques. Ce sont aussi des violences psychologiques. Une femme qui serait, au sein de sa famille élargie, victime de violences de la part de sa belle-mère, et qui serait dans l’incapacité de s’en ouvrir à son mari parce que celui-ci les cautionnerait, pourrait très bien arguer du fait qu’elle est elle-même victime de violences psychologiques de la part de ce dernier. Il y a donc d’autres voies de droit à utiliser pour tirer des conséquences positives de la décision de la cour administrative d’appel de Nancy et sans remettre en cause l’essence même de cette disposition CESEDA qui, je le répète, est fondée sur le lien conjugal.
L’amendement no 26 n’est pas adopté.
Cet amendement vise à élargir les situations maritales concernées par la protection prévue aux articles L 313-12 et L 431-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Actuellement, en effet, la protection sur le renouvellement des titres, en cas de séparation due à des violences, ne concerne que les personnes étrangères mariées. Sont exclues, de fait, les personnes qui vivent en concubinage ou qui sont pacsées.
Le concubinage et le PACS sont pourtant des éléments qui permettent la délivrance d’un titre de séjour mention « vie privée et familiale ». C’est ce qui ressort de plusieurs circulaires, de la jurisprudence et des listes de pièces établies par certaines préfectures pour la constitution des dossiers. Il n’est donc pas logique de faire une exception pour ces formes d’union.
La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l’amendement no 62 .
De précédents débats l’ont montré : nous sommes désormais prêts à reconnaître, dans la législation, que la famille n’est plus seulement synonyme de mariage, mais qu’elle recouvre aussi d’autres situations : concubinage, PACS, familles recomposées, sans parler du mariage pour tous dont nous avons défendu l’idée. Or cela n’est pas seulement vrai pour les hommes et les femmes de nationalité française. L’anecdote que je citais tout à l’heure concernait d’ailleurs une femme non pas mariée, mais qui vivait en concubinage depuis un peu plus d’un an avec l’individu dont elle subissait les violences. Une femme dans cette situation doit bénéficier des mêmes dispositions protectrices qu’une épouse victime de violences.
Les amendements visent à étendre aux concubins et aux partenaires liés par un PACS la protection accordée par le deuxième alinéa de l’article L. 313-12 et le dernier alinéa de l’article L. 431-2 du CESEDA au conjoint étranger d’un ressortissant français lorsque le premier a subi des violences conjugales de la part du second et que la communauté de vie a été rompue.
Or le deuxième alinéa de l’article L. 313-12 porte sur le retrait et le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l’article L. 313-11 du même code, qui ne concerne que le conjoint, et non le concubin ou le partenaire, d’un ressortissant français. Les amendements conduiraient donc à encadrer le retrait et le renouvellement d’une carte de séjour temporaire qui n’a pas pu être délivrée.
De toute façon, en application de l’article L. 316-3 du CESEDA, tout étranger victime de violences commises par son conjoint, son partenaire de PACS ou son concubin, lorsqu’il bénéficie d’une ordonnance de protection, a automatiquement droit à un titre de séjour ou à son renouvellement – sauf, bien sûr, en cas de menace à l’ordre public. Les concubins et les personnes liées par un PACS n’ont donc pas à pâtir d’un vide juridique, et c’est pourquoi j’invite les auteurs des amendements à les retirer.
On pourrait toutefois réclamer au Gouvernement de s’engager à mieux préciser, dans une circulaire, ce que peuvent faire les préfets dans ce domaine.
« Très bien ! sur quelques bancs du groupe SRC.
Je l’ai dit, les dispositions du CESEDA dont nous parlons ont une finalité simple : permettre aux femmes étrangères dont le droit au séjour dépend de leur vie commune avec leur agresseur d’échapper aux violences sans risquer l’expulsion. C’est le cas des femmes étrangères mariées, mais non de celles qui se sont pacsées ou vivent en concubinage, car la sécurité juridique de leur présence sur le territoire ne dépend alors nullement de leur compagnon. La protection est prévue pour permettre à une personne dont le droit au séjour est directement lié à la poursuite d’une communauté de vie avec son conjoint de quitter ce dernier ; l’étendre aux pacsés ou aux concubins n’a donc pas de sens.
Il convient d’éviter toute interprétation du texte tendant à priver les femmes victimes de violences de la protection prévue par les articles L.313-12 et L. 431-2 du CESEDA lorsqu’elles ne sont pas elles-mêmes à l’initiative de la rupture. Ce serait pour elles une véritable double peine, puisqu’elles devraient subir à la fois les effets de la séparation et ceux d’une remise en question de leur droit au séjour. Les associations qui accompagnent les migrantes nous ont fait part à plusieurs reprises de leurs craintes à ce sujet.
La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l’amendement no 61 .
Ces amendements sont satisfaits par la rédaction de l’article 14 ter A, lui-même issu d’un amendement déposé par la présidente de la délégation aux droits des femmes et adopté par l’Assemblée en première lecture. L’objet de cette disposition est précisément d’éviter que la protection accordée par les articles L. 313-12 et L. 431-2 du CESEDA soit réservée aux situations dans lesquelles l’initiative de rompre la vie commune est prise par la victime. Les auteurs des amendements peuvent donc les retirer en toute tranquillité, Mme Coutelle ayant anticipé leur souhait.
Je profite de ces amendements pour saluer à nouveau la qualité du travail parlementaire qui nous a permis d’enrichir considérablement ce texte. Je me réjouis de l’ajout de cet article 14 ter A et de la mise en échec d’une certaine jurisprudence qui tend à conditionner la protection juridique offerte aux femmes étrangères victimes de violences au fait d’avoir pris l’initiative de la rupture. Il était très important d’apporter cette précision, mais vos amendements sont déjà satisfaits.
Je vais retirer mon amendement, mais je profite de l’occasion pour saluer le travail formidable effectué par la délégation aux droits des femmes sous l’impulsion de Mme Coutelle.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
Même s’il reste trop souvent discret, c’est en effet grâce à ce travail que les textes législatifs portent le sceau des droits des femmes.
La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l’amendement no 63 .
L’amendement no 63 est retiré.
La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l’amendement no 64 .
Comme l’indique le rapport du 20 février 2014 intitulé : « l’Égalité pour les femmes migrantes », qui s’appuyait sur les recommandations du rapport du député Matthias Fekl, il est nécessaire de délivrer un titre pluriannuel aux personnes dont la vie commune a été rompue suite à des violences au sein du couple, afin de laisser aux victimes étrangères de violences conjugales, une fois en sécurité, le temps de se rétablir puis de se reconstruire.
Lors de l’examen de la loi contre toutes les violences faites aux femmes, nous avions d’ailleurs beaucoup insisté sur la nécessité de laisser aux femmes concernées, une fois passées les étapes du dépôt de plainte et de la rupture, le temps de souffler et de se reconstruire. Or ce qui est vrai pour une femme de nationalité française l’est aussi pour une femme étrangère.
À titre personnel, je suis très favorable à la quasi-généralisation des titres de séjour pluriannuels, dont le champ d’application devrait être le plus large possible, comme l’a très justement recommandé notre collègue Matthias Fekl dans le rapport qu’il a remis au ministre de l’intérieur. La réserve que j’exprimerai ne concerne donc pas le fond de l’amendement, mais le moment de son examen : la modification que vous proposez devrait être prise en compte dans le cadre d’une réforme globale, afin de préserver la cohérence du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Or un projet de loi portant une telle réforme est justement annoncé par le Gouvernement.
J’en profite, monsieur Coronado, pour disculper ce dernier : dans la mesure où il s’agit d’une proposition de loi, c’est bien aux sénateurs qu’il appartient d’inscrire l’examen du texte relatif à la lutte contre le système prostitutionnel à l’ordre du jour de la Haute assemblée.
Encore faudrait-il que le Gouvernement libère une partie de l’ordre du jour !
En tout état de cause, un projet de loi sur l’asile et l’immigration va venir en examen dans les prochains mois. Vous aurez d’autant plus de chances d’être satisfaite à cette occasion, madame Buffet, que de nombreux députés de la majorité sont favorables à la disposition que vous préconisez.
Comme le rapporteur, je doute de l’opportunité d’adopter un tel amendement dans le cadre de cet examen, d’autant que le projet de loi sur le droit des étrangers sera présenté au Conseil des ministres dès le mois prochain. Il ne s’agit donc que de reporter la discussion de quelques semaines.
Je comprends vos arguments, mais depuis deux ans, il est arrivé à plusieurs reprises – notamment au sujet de la proposition de loi sur la famille,dont nous allons reprendre l’examen demain – que l’on dise à propos de l’un de mes amendements : « Il sera adopté dans la prochaine loi. » Soyez donc assurés que je déposerai à nouveau celui-ci lorsque nous examinerons le texte sur le droit des étrangers.
L’amendement no 64 est retiré.
L’article 14 ter A est adopté.
Cet amendement, dont je vous ai parlé tout à l’heure dans mon propos introductif, ²vise à améliorer encore la protection apportée dans le cadre d’une procédure intentée à la suite de faits de harcèlement commis à l’université.
Vous le savez, l’article 15 quinquies dispose que l’examen des poursuites peut être attribué à la section disciplinaire d’un autre établissement supérieure s’il existe une raison objective de mettre en cause l’impartialité de la section de l’établissement dans lequel on se trouve. L’amendement vise à s’assurer, lorsque ce cas survient, de la présence des témoins convoqués par le président de la section disciplinaire de l’établissement dans lequel la procédure a été instruite. Concrètement, il est prévu que l’établissement d’origine prenne en charge le financement des transports et de l’hébergement des témoins. Cette mesure répond très clairement à la volonté d’accompagner toujours mieux la victime et de permettre de sortir d’un certain nombre de situations que beaucoup, sur tous les bancs de cette assemblée d’ailleurs, ont dénoncées.
Cet amendement ne devrait pas vous poser de difficultés. Sachez qu’avec ma collègue Geneviève Fioraso, chargée de l’enseignement supérieur, nous allons prendre, dès la prochaine rentrée scolaire, d’autres initiatives pour renforcer la lutte contre le harcèlement sexuel. J’espère donc que vous approuverez cet amendement.
Vous voyez, madame Buffet, cet amendement m’encourage à faire confiance au Gouvernement, parce que je vois se concrétiser des préconisations que j’avais pu faire au nom de la délégation aux droits des femmes, à laquelle j’appartiens également. Un rapport d’information sur l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’enseignement supérieur fait dans la perspective de l’examen du projet de loi relatif à l’enseignement supérieur comportait de nombreuses recommandations à propos de la problématique, lourde, du harcèlement sexuel dans le monde universitaire et de la recherche. Finalement, tout n’avait pas pu être réglé dans la loi sur l’enseignement supérieur, mais certaines dispositions se retrouvent finalement, aujourd’hui, dans ce texte. Il faut parfois du temps, mais une partie des revendications des associations qui militent sur ces questions sont aujourd’hui satisfaites. J’en suis heureux. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
L’amendement no 50 est adopté.
L’article 15 quinquies A, amendé, est adopté.
L’article 15 septies a été ajouté par votre assemblée en première lecture pour mettre en oeuvre l’une des propositions faites par la CNCDH afin de mieux lutter contre les mariages forcés, puis il a été modifié par le Sénat. Je vous propose simplement de le préciser, car nous devons bien nous entendre sur le fait qu’il s’agit de protéger les femmes qui ont été mariées dans des pays qui n’ont pas la même appréciation que nous du consentement au mariage. Nous pensons à ceux dans lesquels la seule présence d’une femme, même muette, à une cérémonie suffit à permettre de constater son prétendu consentement.
Le Gouvernement souhaite apporter une précision rédactionnelle à l’article 15 septies afin qu’il soit bien clair que le consentement dont il est question doit s’apprécier au sens du premier alinéa de l’article 180 du code civil. Ce n’est pas la même chose que l’erreur sur la personne ou sur les qualités essentielles de la personne qui permet à un époux de demander la nullité du mariage, et qui figure aujourd’hui au second alinéa du même article.
L’amendement n’a pas été soumis à la commission, mais, à titre personnel, j’y suis favorable.
L’amendement no 67 est adopté.
L’article 15 septies, amendé, est adopté.
Depuis 2012, la loi de 2004 sur l’économie numérique n’a cessé d’être complétée, modifiée, souvent de façon contradictoire. Je ne rappellerai pas les débats que nous avons eus sur le fameux article de la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel. Il y a eu, ensuite, le débat sur la loi de programmation militaire. Mme Fleur Pellerin, puis d’autres voix autorisées ont laissé entendre qu’il y aurait « un habeas corpus numérique », qu’un projet de loi sur ce sujet serait débattu à l’Assemblée nationale. Le Parlement a d’ailleurs été saisi de la question, puisque le président Claude Bartolone a mis en place une commission parlementaire sur les libertés numériques.
Celle-ci a commencé à se réunir et elle entend des personnalités qualifiées. Un calendrier a été arrêté, des objectifs très précis sont définis. Des rapports doivent être rendus ; des groupes de travail sont constitués. Il est donc malvenu de modifier par petites touches la loi de 2004 sur l’économie numérique dont tout le monde s’accorde à dire qu’elle est bancale – par exemple, elle ne fait pas le distinguo entre hébergeurs et fournisseurs d’accès à internet. Telle est la raison pour laquelle je vous propose de supprimer l’article 17.
Nous avions abondamment discuté de cet article 17 en première lecture, que ce soit en commission ou en séance. J’avais moi-même, en tant que rapporteur, longuement auditionné une grande variété d’acteurs du secteur. Les auditions ont parfois été plutôt animées parce qu’effectivement le contexte était assez particulier. En effet, des dispositions de la loi de programmation militaire agitaient aussi le secteur concerné. J’entends tout à fait ce que vous dites, monsieur Coronado, sur le fait que les acteurs en question voient d’un mauvais oeil le fait que le législateur touche, par touches successives, justement, à cette loi.
N’exagérons pas l’impact qu’aura cet article 17. Celui-ci ne modifiera pas substantiellement l’économie générale et les équilibres de loi de 2004. Il s’agit simplement de signaler des contenus illicites en ce qu’ils incitent à la haine à l’égard de personnes « à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle ou de leur handicap ». Sont donc concernés des contenus très faciles à identifier, et très limités. Ceux se contentant de se moquer de quelqu’un à raison de son sexe ou de son orientation sexuelle, que l’on ne peut par ailleurs approuver, ne seraient pas concernés. Ce n’est pas une société de censure qui s’instaurera si nous adoptons l’article 17.
En revanche, des problèmes se seraient posés si nous avions adopté cet article en première lecture dans le texte du Gouvernement. C’est pourquoi la commission des lois a demandé la suppression de l’alinéa 4 de l’article 17. C’est donc une rédaction de compromis qui nous est soumise.
Telle est la raison pour laquelle la commission est défavorable à cet amendement.
Même avis.
Le Conseil constitutionnel a souligné que la caractérisation d’un message illicite pouvait se révéler délicate, même pour un juriste. Mon propos n’est pas d’ignorer les dérapages que l’on peut constater sur internet – comme vous, il m’arrive d’être choqué, voire scandalisé – mais je rappelle qu’en 2012 la plateforme du ministère de l’intérieur a recueilli 120 000 signalements. Selon les chiffres fournis par cet office, seulement 1 329 ont été transmis pour enquête à la police nationale ou à la gendarmerie. Une autre voie pourrait donc être privilégiée : la saisine directe des services de police par la plateforme Pharos.
Il sera d’ailleurs peu efficace d’engager la responsabilité des FAI et des hébergeurs, car les plus litigieux d’entre eux ne sont pas en France. C’est le même cas sur les questions de terrorisme. Nous avons eu le même débat lorsque nous avons examiné la proposition de loi Larrivé sur le terrorisme et internet.
J’invite donc le législateur à penser à l’efficacité des textes qu’il vote plutôt qu’à s’en tenir à des positions idéologique ou de principe.
L’amendement no 1 n’est pas adopté.
L’article 17 est adopté.
Article 17
L’article 17 quinquies est adopté.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l’amendement no 18 .
Cet amendement a été accepté par la commission malgré les réserves importantes qu’il a suscitées chez un nombre important de nos collègues au cours de la réunion précédant celle tenue en vertu de l’article 88 du règlement de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
Je serai plus explicite que le rapporteur : j’ai les plus extrêmes réserves sur la constitutionnalité de cet amendement. Comme le dit Voltaire, le mieux est l’ennemi du bien. Pour pénaliser ceux qui ne respectent pas la parité, il nous est proposé de porter le taux de la modulation financière de 75 % à 200 %. Mais si le Conseil constitutionnel censure une telle disposition, nous retomberons à 75 %. Il serait donc de l’intérêt de l’Assemblée de maintenir les 150 % du Gouvernement. Dans l’intérêt du combat que nous poursuivons ici, je souhaite le rejet de cet amendement.
Merci, monsieur le président de la commission des lois, d’avoir rappelé que ce n’est pas un petit saut de puce que nous faisons faire à la parité, puisque nous faisons passer le taux en question de 75 % à 150 %. Je vous rappelle que la dernière fois que celui-ci a été modifié, il a été porté de 50 % à 75 %. Nous réalisons donc une avancée très importante et il serait vraiment dommage de courir le risque bien réel d’une inconstitutionnalité en voulant aller jusqu’à 200 %, d’autant que les effets d’un taux à 150 % se feront sentir rapidement et de façon magistrale.
Je vous rappelle que la commission Jospin qui a travaillé en profondeur sur cette question il y a quelques mois est allée le plus loin possible en proposant un taux de 100 % de pénalité. Avec 150 %, nous sommes encore au-dessus. Je vous invite donc à rejeter cet amendement.
Convaincue par votre intervention, madame la ministre, et par celle du président Urvoas, je retire l’amendement.
L’amendement no 18 est retiré.
Je souscris aux propos du président de la commission des lois et de Mme la ministre : il faut parfois mesurer les avancées que l’on veut faire.
Cet amendement traduit la volonté de sanctionner le non-respect de la parité au niveau du résultat final des élections.
En effet, certains organisations politiques ne font même pas l’effort de prétendre respecter la parité au stade de la présentation des candidatures, et elles doivent être sanctionnées, mais, pour être efficaces, les sanctions doivent porter sur le résultat final, sur la réalité de la parité.
Il serait en effet aisé de contourner les dispositions de ce texte dans sa rédaction actuelle : tous les partis politiques ont des experts électoraux, et ils font tous – surtout ceux qui ont accès aux ordinateurs du ministère de l’intérieur – tourner des modèles pour savoir quelles sont les circonscriptions les plus aisées à prendre ou à garder. Étrangement, les circonscriptions les plus difficiles sont souvent confiées aux femmes. Chères collègues, vous êtes bien placées pour le savoir ! Si tel n’était pas le cas, si vous étiez considérées comme des candidats lambda, c’est-à-dire de sexe masculin, on ne vous enverrait pas systématiquement dans les circonscriptions les plus difficiles, et vous seriez bien plus nombreuses dans cet hémicycle. Si le groupe écologiste applique une parité parfaite, c’est parce que nous avons décidé de ne pas en rester à l’affichage. Nous considérons qu’il ne suffit pas que les candidatures soient paritaires, il faut surtout que le résultat le soit : in fine, c’est cela qui compte.
Je propose donc de jouer sur la seconde tranche, en modulant son montant – de façon plus souple – pour pénaliser les partis politiques dont la représentation n’est pas paritaire. Sans cela, on en restera à l’affichage politique. Vous le savez très bien : on peut très bien présenter autant d’hommes que de femmes à une élection, en étant quasiment sûr d’obtenir au bout du compte une représentation très majoritairement masculine.
Nous avons déjà eu ce débat. L’amendement précédent visait moduler la première tranche, celui-ci concerne la deuxième tranche de l’aide publique attribuée aux partis. Vous proposez de moduler cette fraction non pas en fonction du nombre de candidates, mais en fonction du nombre d’élues.
J’ai moi-même beaucoup réfléchi à cette question. Avant la première lecture, j’ai même, naïvement, longtemps envisagé un système nouveau, allant jusqu’à la création d’une troisième tranche d’aide. Je pensais ainsi que l’on pourrait moduler encore davantage cette aide publique. Franchement, pour avoir poussé au bout la réflexion, il m’est apparu que cette tâche serait trop complexe, et qu’elle se heurterait à des obstacles quasiment infranchissables sur le plan constitutionnel. J’ai convaincu la majorité de mes collègues de la commission des lois – peut-être pas vous-même, monsieur Coronado – que ce serait trop difficile ; j’ai d’ailleurs moi-même renoncé à un amendement qui allait dans le même sens que le vôtre.
Votre amendement risque de fragiliser ce projet de loi : je préférerais que vous le retiriez. Si d’aventure il était adopté, il nous exposerait à une censure du Conseil constitutionnel.
En un mot, le problème de cette seconde fraction, c’est qu’elle dépend du choix souverain des électeurs. C’est cela qui, à la différence de la première fraction, rend compliqué la mise en place d’une pénalité financière. Il y a, par définition, une incertitude quant à la répartition de cette deuxième fraction. Je suis donc, moi aussi, défavorable à l’amendement.
La parole est à Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes.
Je suis également défavorable à l’instauration de pénalités sur la seconde fraction : ce serait franchement illégal, car cela reviendrait à sanctionner le résultat obtenu, et donc les électeurs. Pour ce qui concerne la première tranche, je suis tout à fait d’accord avec le taux de 150 %.
Marie-George Buffet a fait allusion aux travaux de la délégation aux droits des femmes. À ce propos, je vous signale que nous avons réalisé un travail très poussé – dont Mme Bourguignon était plus spécialement chargée – sur les résultats des dernières élections nationales. Contrairement ce que l’on pense, même avec des sanctions, le nombre de candidates proposées aux élections de 2012 a été inférieur au nombre de candidates présentées en 2007. Il n’y a donc pas progrès, mais recul : la part des candidates est passée de 41 % à 40 %. Il est donc bon de doubler les sanctions.
On constate que l’effet des sanctions sur la première fraction est très vite compensé par la deuxième fraction. Nous avons montré que le manque à gagner des partis politiques sur la première fraction ne représentait pas grand-chose par rapport à ce qu’ils percevaient au titre de la deuxième fraction. La parité est une grande ambition : nous devons nous y tenir, et pour cela les sanctions doivent être exemplaires. Il faut que cela fasse suffisamment mal aux partis pour qu’ils ne s’exonèrent pas de leurs responsabilités.
Je ne suis pas sûre que les élections municipales de 2014 au scrutin de liste représentent une réelle amélioration. Je ne suis pas sûre, en effet, que la parité soit respectée parmi les maires des 36 000 communes de France !
Je ne mésestime pas les interrogations qui portent sur la constitutionnalité de mon amendement, cependant, notre souci reste de faire en sorte que la parité soit appliquée ! Prenons ce projet dans sa rédaction actuelle : s’il était appliqué, quels partis politiques ici représentés seraient pénalisés ? L’UMP, certainement : ce parti n’a pas fait d’efforts, et a présenté un nombre très faible de candidates par rapport au nombre global de candidatures. Le parti socialiste, quant à lui, a réalisé des progrès notables, mais reste encore loin du compte. Malgré cela, il ne serait absolument pas touché par les sanctions, car ses candidatures avaient été globalement paritaires.
Ce qui m’intéresse, ce n’est pas l’intention, c’est que la parité soit effective ! Cette préoccupation est légitime : cet amendement ne me semble donc pas totalement infondé. En l’état actuel du projet de loi, les partis politiques pourraient se débrouiller pour afficher des candidatures paritaires, sans que le nombre de femmes présentes à l’Assemblée nationale augmente. Telle est ma préoccupation principale : je ne crois pas, madame Coutelle, que ce projet de loi suffise à garantir une parité effective.
L’amendement no 2 n’est pas adopté.
L’article 18 est adopté.
Article 18
La parole est à Mme Françoise Guégot, pour soutenir l’amendement no 58 .
Cet amendement concerne l’égalité de représentation entre les femmes et les hommes dans les intercommunalités. Il s’agit d’un amendement de cohérence avec l’obligation de parité des exécutifs départementaux, introduite par la loi du 17 mai 2013. Ce principe doit être respecté aussi bien par l’État et les collectivités territoriales que par les établissements publics de coopération intercommunale.
Avis défavorable, car la disposition que vous proposez serait inapplicable. En effet, dans certaines communes il n’y a qu’un seul conseiller communautaire : on ne peut donc pas préjuger de son sexe, non plus que du caractère paritaire ou non de l’organe délibérant. On ne peut donc, in fine, prévoir un mécanisme permettant de garantir la parité de l’organe exécutif.
Même avis.
L’amendement no 58 n’est pas adopté.
L’article 18 bis est adopté.
Article 18
L’article 18 ter est adopté.
J’allais vous le proposer, madame la présidente.
La loi actuelle, qui sera légèrement modifiée par cet article 18 quater, prévoit qu’un conseiller communautaire soit remplacé par le candidat de même sexe suivant l’ordre de liste. Or les têtes de listes étant le plus souvent des hommes, ceux-ci sont surreprésentés au sein des conseillers communautaires : vous le savez très bien.
Par l’amendement no 4 nous proposons donc que le remplaçant soit systématiquement le candidat suivant du sexe le moins bien représenté dans l’assemblée considérée. Cela permettrait de rétablir un peu l’équilibre dans lesdites assemblées.
L’amendement no 65 , quant à lui, est un amendement de repli : il vise à supprimer la règle suivant laquelle un conseiller communautaire est remplacé par quelqu’un de même sexe. On peut comprendre la logique qui avait présidé à l’adoption de cette rédaction : il s’agissait en effet d’éviter les démissions de femmes sitôt élues. Nous avons vu récemment que cette crainte n’était pas une vue de l’esprit : après les élections européennes, le FN a demandé la démission de deux femmes élues députées européennes le lendemain de leur élection. Cela montre que les réflexes sexistes ont encore de beaux jours devant eux. Une députée européenne de la région Centre a ainsi démissionné hier, à la demande de son parti, pour laisser sa place à un homme. Nous proposons donc de supprimer les mots « de même sexe » à l’article L. 273-10 du code électoral, même si nous comprenons pourquoi cet article a été rédigé ainsi.
Enfin, l’amendement no 19 représente une deuxième ligne de repli. L’article 18 quater de ce projet de loi tend à ce que la suppléance se fasse par le candidat suivant, quel que soit son sexe, pour les communes qui n’ont qu’un siège au conseil communautaire. Cette exception devrait être élargie à toutes les listes qui n’ont qu’un siège : cela concerne notamment des listes d’opposition dans les communes qui ont plusieurs sièges.
Tout à l’heure, lors d’une suspension de séance, le président de la commission des lois nous a rappelé la mémoire de Guy Lux.
Sourires.
Au moment de répondre à votre question, me vient à la mémoire non pas l’émission citée par M. Urvoas, c’est-à-dire Ring Parade, mais le fameux Schmilblick. Comme dans cette émission, il faut trouver ce qu’est le Schmilblick ! En l’occurrence, ce sont les règles de suppléance ou de remplacement des conseillers communautaires, sujet absolument passionnant. Sur ce point, le dispositif que nous avons adopté en première lecture, et sur lequel nous nous sommes accordés avec le Sénat, me paraît satisfaisant.
Nous avons déjà essayé de l’améliorer. Permettez-moi de rentrer un peu dans le détail, pour vous montrer la difficulté technique de cette question. Ce qui pose problème, c’est l’articulation de cette disposition avec l’article L. 5211-6-2 du code général des collectivités territoriales. Cet article prévoit en effet que lorsqu’une commune ne dispose que d’un seul conseiller communautaire, le conseiller municipal appelé à le remplacer est le conseiller communautaire suppléant. Il y a en effet une subtilité : la notion de suppléant diffère de celle de remplaçant. Or si l’on prévoit que le remplaçant doit appartenir au sexe le moins représenté au sein du conseil communautaire, on fait dépendre son sexe de la composition du conseil communautaire, qui évolue dans le temps. Le suppléant élu en même temps que le titulaire ne pourra donc pas être systématiquement le remplaçant, puisque la composition du conseil pourra avoir évolué depuis l’élection du suppléant.
Vous voyez pourquoi je ne pense pas m’être trompé en convoquant la mémoire de Guy Lux. Je vous invite donc à retirer vos amendements ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable.
Contrairement à M. le rapporteur et à M. le président de la commission des lois, je n’ai pas connu Guy Lux.
Rires.
J’adhère tout à fait à l’argumentation développée par M. le rapporteur, et vous demande moi aussi, monsieur Coronado, de bien vouloir retirer vos amendements, auxquels le Gouvernement est défavorable pour les mêmes raisons d’ordre juridique.
M. Coronado a soulevé un vrai problème. Prenons l’exemple de la commune de Feyzin, dans mon département. Cette commune compte 10 000 habitants, et dispose d’un seul conseiller communautaire, ou métropolitain – je rappelle que l’intercommunalité lyonnaise est une métropole de plein droit. Il y a donc un seul candidat.
Dans l’état actuel du droit, si ce candidat ne souhaite pas rester au conseil métropolitain, il est remplacé non pas par le prochain sur la liste des conseillers communautaires, mais par le prochain sur la liste des élections municipales. Il y a là un vrai problème, mais je ne suis pas certaine de l’expliquer assez clairement…
En principe, il y a 86 % de maires : les maires sont donc premiers sur la liste. Or l’on doit prendre les premiers sur la liste. Par conséquent, à cause de la règle exigeant le remplacement d’un homme par un homme, et d’une femme par une femme, la deuxième, qui est une femme, ne peut pas remplacer le premier. À ce moment-là, on prend le premier de la liste municipale, qui n’est pas obligatoirement une femme. Il s’agit d’un vrai problème, qui a été soulevé par les maires des petites communes.
Le problème, c’est que vous m’avez répondu comme si les trois amendements que j’ai présentés n’en formaient qu’un seul. C’est un peu surprenant ! Vous auriez dû présenter des arguments contre chacun de ces amendements, si vraiment vous vouliez vous y opposer. C’est en effet le rôle même d’un amendement de repli que de proposer une adaptation du premier amendement.
Je ne reviendrai pas sur le débat de fond, mais je tiens à signaler que je suis tout à fait d’accord avec ce que vient de dire ma collègue Pascale Crozon. Je vais donc maintenir le dernier amendement.
L’article 273-10 du code électoral, qui vise à pourvoir au remplacement des conseillers communautaires, a été créé par la loi no 2013-403 du 17 mai 2013.
Il prévoit qu’un conseiller communautaire soit remplacé par le candidat de même sexe suivant de liste. Or, les têtes de listes étant le plus souvent des hommes, ceux-ci sont surreprésentés au sein des conseillers communautaires. Cette disposition joue donc contre la parité.
L’article 18 quater permet de résoudre l’incohérence de cette disposition pour les communes qui ne disposent que d’un seul siège de conseiller communautaire en prévoyant que, dans ce cas, le suppléant du candidat élu soit le suivant de liste, quel que soit son sexe.
L’amendement n°19 vise à élargir cette exception à toutes les listes qui ne disposent que d’un seul siège au conseil communautaire. C’est notamment le cas pour les listes d’opposition dans certaines communes.
Quand on a connu Guy Lux, il ne faut pas essayer de l’imiter dans cet hémicycle !
Sourires.
L’amendement no 19 n’est pas adopté.
L’article 18 quater est adopté.
L’article 18 quinquies est adopté.
Cet amendement a pour objet de revenir au texte initial présenté par le Gouvernement et d’instaurer un objectif de parité dans les instances dirigeantes des fédérations sportives, lorsque la proportion de licenciés de chacun des deux sexes est supérieure ou égale à 25 %. Je rappelle que cet objectif avait déjà été rétabli par l’Assemblée nationale en première lecture.
L’atténuation de l’objectif de parité par le Sénat, au profit d’un objectif de 40 %, ne paraît pas justifiée au vu, d’une part, de sa faible ampleur, et d’autre part, de l’existence d’un vivier suffisant de personnes de chaque sexe susceptibles d’accéder à des responsabilités parmi les licenciés.
Il est intéressant de noter que cette question du vivier ne se pose pas, étrangement, pour les fédérations qui ont un très faible taux de licenciés masculins, mais dont les instances dirigeantes atteignent pourtant quasiment la parité.
Le retour à 50 % est crucial, car il est la condition de l’égalité réelle, qui est l’objet même du texte. C’est un objectif cohérent, lisible, symboliquement fort, qui représente l’exacte traduction de la parité. À l’inverse, le taux de 40 % voulu par le Sénat n’est qu’un quota, défini arbitrairement.
Enfin, il convient de noter que la différence entre 40 % et 50 % ne se traduit dans les faits que par un ou deux sièges féminins supplémentaires pour de nombreuses fédérations. Cela ne peut donc pas constituer un frein au retour au texte initial.
Je profite de l’occasion pour remercier Mme Tolmont, qui avait déjà, en première lecture, beaucoup travaillé sur ces sujets en tant que rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, et qui fait preuve encore ce soir de continuité et de constance.
Je ne reviendrai pas sur la question du taux de 40 % ou de 50 %, mais j’exprimerai des réserves sur les fédérations dont la proportion de licenciés et de représentants des instances dirigeantes de chacun des deux sexes est inférieure à 25 %.
Pour avoir auditionné beaucoup de fédérations sportives, je me suis aperçu que les disproportions étaient parfois gigantesques : les licenciés d’un sexe peuvent être complètement sous-représentés dans une fédération et, inversement, surreprésentés dans une autre. En définitive, sur la centaine de fédérations sportives de France, la disproportion peut jouer en défaveur des femmes ou des hommes. Ces amendements feront donc progresser la cause des hommes dans certains cas, des femmes dans d’autres et, en définitive, celle de l’égalité.
Même si je n’ai pas souhaité revenir à la rédaction initiale de cet article, j’invite la ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports, titre qui donne un autre relief à notre débat, à prévoir des ajustements pour les fédérations qui pourraient connaître des disproportions aussi considérables que celles de la fédération française de football, qui compte 3,4 % de femmes, ou celles de la fédération française de motocyclisme, qui en compte 2,15 %.
Au demeurant, instaurer la parité dans les instances dirigeantes de la fédération de twirling bâton ou dans celle de pêche sportive au coup ne me semble pas un impératif catégorique !
Sourires.
À mon tour de vous remercier, madame la députée, pour votre contribution à ce texte. S’agissant des fédérations sportives, il existe une grande marge de progrès, comme je l’ai dit lors de mon propos introductif. Nous avons décidé de nous attaquer à ce problème et avons lancé soixante-neuf plans de féminisation dans les fédérations. Je vous assure que ce n’est pas rien : c’est un sujet qui a fait l’objet de nombreux rapports, depuis des années.
Par ailleurs, nous avançons sur des questions comme la médiatisation du sport féminin. Nous travaillons sur le décret « Télévision sans frontières » et sur le sujet du financement des équipements sportifs, afin de rendre la pratique sportive accessible à tous et à toutes.
Ces questions me tiennent vraiment à coeur. Dans ce contexte, la parité entre les hommes et les femmes dans les instances dirigeantes des fédérations est un sujet majeur car, comme le dit l’expression populaire, on ne nettoie bien les escaliers qu’en commençant par le haut. Cela vaut pour le sport et les entreprises : le sommet doit donner l’exemple, et il est important de trouver un équilibre.
Nous devons nous demander si ce principe d’équilibre entre les hommes et les femmes est mieux garanti avec un taux de 50 % ou de 40 %. Le taux de 50 % revient à exiger une parité symétrique ; celui de 40 % revient à demander un minimum de représentation du sexe dont la présence est insuffisante. Le taux de 40 % reste tout de même assez élevé et permet d’obtenir un équilibre suffisamment intéressant pour que nous l’adoptions comme tel.
Ce n’est sans doute qu’une première étape, sur laquelle il faudra revenir. À ce stade, je vous propose d’en rester là et je vous remercie de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’y serai défavorable.
J’ai des difficultés à comprendre pourquoi le Gouvernement ne souhaite pas rétablir la rédaction qu’il avait lui-même proposée. Madame la ministre, je connais votre engagement pour la pratique du sport féminin et vous fais donc confiance. Je retire mon amendement mais resterai vigilante sur le sujet.
L’amendement no 20 est retiré.
L’article 19 est adopté.
Article 19
La commission a maintenu la suppression de l’article 19 bis.
Je suis saisie d’un amendement, no 34 rectifié , tendant à rétablir cet article.
La parole est à M. Sébastien Denaja, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 34 rectifié .
Je tiens particulièrement à cet amendement, qui porte sur l’Institut de France et les cinq académies qu’il regroupe. L’Académie française, par exemple, ne diffère pas de la tapisserie représentant L’école d’Athènes au Ve avant Jésus-Christ, située au-dessus du perchoir : il n’y a quasiment que des hommes.
Sourires.
Sur 727 membres en plusieurs siècles d’existence, seulement sept femmes, c’est pour le moins disproportionné ! De surcroît, puisque l’on est facétieux sur la rive du quai de Conti, l’on n’a rien trouvé de mieux, après avoir nommé il y a quelques mois l’ineffable Alain Finkielkraut, que de nommer aujourd’hui un homme pour le deuxième siège, qui était vacant.
Sourires.
Bien évidemment, nous félicitons tous Marc Lambron, qui est devenu le 728e Immortel, et réduit ainsi la proportion de femmes de sept à six sur quarante.
Là encore, d’aucuns pourront douter de l’importance de ce sujet, mais ces lieux représentent quand même l’excellence française en matière littéraire, scientifique et artistique. Je dis donc très trivialement et crûment que c’est insupportable, et je confirme ainsi que je ne serai jamais académicien, même si je viens de Sète, comme le grand Paul Valéry qui en fut un !
Sourires.
Cela me semble plus choquant que la disproportion des licenciés dans les fédérations de pêche sportive au coup ou de twirling bâton ! Je serais donc très heureux que vous adoptiez cet amendement. Je précise qu’il a été rejeté au Sénat au motif que la version proposée n’était pas assez contraignante. Pour cause ! Elle avait été édulcorée pour ne pas froisser ces messieurs qui, comme vous le savez, ont un certain âge, et redoutent les provocations de l’Assemblée nationale !
Nous avions demandé que les académiciens veillent à assurer une représentation équilibrée, non pas à garantir une représentation paritaire. Nous étions donc très gentils ! Ils ont tellement veillé à assurer cet équilibre, que pour pourvoir les deux sièges devenus vacants entre la première et la seconde lecture, ils ont nommé deux hommes !
Il ne serait donc pas vain que le législateur invite ces messieurs à accueillir davantage de femmes dans leur cénacle. S’agissant de la partie contraignante du dispositif, et sans préjudice de l’indépendance de ces institutions, il faut préciser que l’intention du législateur est de confier au Président de la République, protecteur des académies, le soin de veiller à la bonne application de ces dispositions législatives. Pour ne pas créer de difficultés sur l’autre rive de la Seine, nous avons omis de le préciser dans l’amendement.
Le Sénat n’avait pas souhaité vous suivre sur cette disposition, mais je vous remercie de la présenter à nouveau, car je crois beaucoup à la force du symbole. L’excellence, puisque c’est de cela que l’on parle à l’Institut de France, doit se conjuguer au féminin comme au masculin. Des efforts doivent pouvoir être fait partout.
La façon dont vous avez rédigé l’amendement est respectueuse de l’indépendance de l’Institut et des académies. La nomination des académiciens sera ainsi peut-être plus fidèle à la réalité du talent.
L’amendement no 34 rectifié est adopté et l’article19 bis est ainsi rétabli.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l’amendement no 21 .
Le présent amendement vise à étendre aux entreprises de plus de 250 salariés réalisant 50 millions d’euros de chiffre d’affaires, qui ne sont donc pas de très petites entreprises de très petites familles, l’obligation de représentation équilibrée entre les sexes au conseil d’administration et au conseil de surveillance, à partir du 1erjanvier 2020.
Favorable, car la commission a pris en compte l’évolution de cet amendement, qui avait déjà été déposé en première lecture. À la différence de sa rédaction initiale, il prévoit un délai de six ans pour permettre aux entreprises entre 250 et 499 salariés dépassant 50 millions d’euros de chiffre d’affaires par an de respecter les dispositions en matière d’égalité entre les femmes et les hommes. Cet amendement ne présente donc plus de difficultés.
Au risque de vous surprendre, l’avis du Gouvernement est défavorable. Ce n’est pas sur le principe que nous divergeons, vous le savez bien ; c’est sur la faisabilité et l’efficience d’une telle disposition.
Aujourd’hui, les entreprises de plus de 500 salariés, celles du CAC 40 ou du SBF 120, ont fait des progrès grâce à la loi sur les quotas dans les conseils d’administration adoptée en 2011, mais n’ont pas atteint l’objectif de 40 % d’ici à 2017. Cet objectif nous a déjà mis sous tension.
On sait que, pour l’atteindre, il faudrait compter environ 1 000 administratrices que nous sommes en train de recruter. Je n’entrerai pas dans les détails de toutes les démarches que nous avons entreprises pour cela. Votre proposition d’abaisser à 250 salariés le seuil pour que les entreprises soient concernées par ces quotas va dans le bon sens, mais me semble prématurée. En effet, nous n’avons pas encore aujourd’hui la garantie que nous pourrons respecter d’ici à 2017 l’objectif que nous a fixé la loi pour les entreprises de plus de 500 salariés.
En outre, il serait utile d’évaluer, en 2017, les résultats obtenus dans les entreprises de plus de 500 salariés avant d’appliquer une telle mesure à celles comptant au moins 250 salariés. De plus, les entreprises de 250 à 500 salariés ont souvent des conseils d’administration de très petite taille puisqu’ils sont, en moyenne, composés de cinq personnes.
Leur imposer des quotas risque d’être peu gérable, voire source de détournements. Ainsi, les quotas pourront être respectés dans les conseils d’administration, mais la décision sera prise dans un autre cercle. Par conséquent, pour éviter les conseils d’administration fantômes et afin que cette belle idée qui se met en place pour les entreprises de plus de 500 salariés ne soit pas dévoyée, il est préférable d’appliquer la loi de 2011 jusqu’en 2017, date à laquelle il sera possible de faire une évaluation et de décider ou non de l’étendre aux entreprises de moins de 500 salariés.
Le Gouvernement est donc défavorable à votre amendement. Je vous demanderai, en conséquence, de bien vouloir le retirer.
Une fois n’est pas coutume, vos propos ne nous convainquent pas, madame la ministre, et ce pour un ensemble de raisons. Tout d’abord, il ne s’agit pas d’un tissu économique totalement anodin. De plus, avant même qu’elle ne soit promulguée, la loi que nous appellerons « Zimmermann » tendant à imposer aux entreprises du CAC 40, et ce dans un calendrier donné, une représentation équilibrée dans leurs conseils d’administration avait déjà commencé à produire ses effets.
Enfin, nous proposons l’abaissement du seuil à compter de 2020. Ce n’est donc pas demain. J’ai été surprise de vous entendre me répondre qu’il y aurait des femmes de paille et que les décisions se prendraient ailleurs. C’est exactement ce qui s’est dit à de nombreuses autres occasions. Eh bien non ! Nous verrons ! Par conséquent, et c’est très exceptionnel, nous maintenons cet amendement.
L’amendement no 21 est adopté.
L’article 20 bis, amendé, est adopté.
Article 20
La commission a maintenu la suppression de l’article 20 ter.
Je suis saisie de deux amendements, nos 22 rectifié et 23 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir ces deux amendements tendant à rétablir l’article 20 ter.
Nous avons voulu tenir compte des observations faites en première lecture sur les nullités des nominations dans la haute fonction publique en cas de non-respect d’une représentation équilibrée des sexes. Cela soulevait en effet un certain nombre de difficultés. Avec cet amendement, nous proposons un nouveau dispositif qui ne nous semble pas présenter les mêmes défauts.
L’amendement no 23 est un amendement de repli qui n’a absolument pas la même portée. Nous lui préférons l’amendement no 22 rectifié , mais j’anticipe un peu les observations de Mme la ministre…
L’amendement no 22 rectifié a ma préférence, puisqu’il est plus précis. Donc, a fortiori, si vous deviez vous replier sur l’amendement no 23 , j’y serais également favorable.
L’amendement no 22 rectifié a pour objet de rétablir l’article 20 ter, adopté par notre assemblée en première lecture et supprimé par le Sénat en deuxième lecture, dans une rédaction différente en tenant compte des critiques formulées par le Gouvernement et le Sénat. Je veux tout d’abord saluer l’action volontariste du Gouvernement en matière de nominations au sein de l’encadrement supérieur de la fonction publique. Cela va d’ailleurs au-delà des obligations prévues par la loi du 12 mars 2012.
Le plafond de verre reste tout de même une réalité dans la haute fonction publique, comme le souligne d’ailleurs une étude remise cette semaine sur ce sujet à la Direction générale de l’administration et de la fonction publique. Pour assurer l’effectivité des règles posées par le législateur en 2012, il convient de remplacer le dispositif de sanctions financières que l’État se paie d’ailleurs à lui-même, ce à quoi je vous invite à réfléchir. Sommes-nous certains que cela incite l’État à suivre l’action que vous avez impulsée, madame la ministre, action propre à ce gouvernement ?
On ne peut en effet savoir si elle se poursuivrait en cas d’alternance, ce que je n’ose imaginer ! Ce dispositif de sanctions financières doit être remplacé par la nullité des nominations irrégulières comme le prévoit la loi du 27 janvier 2011 pour les administrateurs de sociétés. Je me félicite que cet amendement intègre également les avancées proposées par le Gouvernement dans le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires qui avance notamment à 2017 l’application du plancher de 40 %.
La nouvelle rédaction résout, par ailleurs, des difficultés d’ordre constitutionnel qu’il ne faut pas nier. Cela avait évoqué par le Gouvernement en première lecture et confirmé par la suite par une note du Secrétariat général du Gouvernement dont nous ne pouvons que constater qu’il n’est pas l’institution gouvernementale la plus féminisée de France ! Le dispositif ne se cumule plus avec les sanctions financières, première difficulté totalement levée. Si une nomination est nulle, nous sommes tous d’accord pour reconnaître qu’il n’est pas nécessaire de la sanctionner financièrement.
Par ailleurs, afin d’éviter la remise en cause a posteriori de nominations déjà intervenues, il est désormais prévu qu’à compter de la deuxième nomination de chaque année civile, chaque nouvelle nomination assure à tout moment le respect de l’obligation de nominations équilibrées. J’insisterai sur la dernière difficulté invoquée par le Gouvernement, qui concernait la conciliation de ce dispositif avec l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui garantit l’égal accès aux emplois publics.
Comme je l’ai exposé assez longuement dans mon rapport, je ne pense pas que l’on puisse considérer que le dispositif proposé ici soit incompatible avec cet article 6. En effet, la ligne rouge constitutionnelle ne se situe pas, en fait, là où le Gouvernement la place dans son argumentaire développé jusqu’ici. L’article 1er de la Constitution permet de mettre en place un dispositif contraignant tel que celui qui est proposé et qui a pour effet de privilégier, parmi deux personnes également compétentes et possédant les aptitudes requises pour l’emploi considéré, celle qui appartient au sexe sous-représenté.
Il interdit, à mon sens, de permettre à une autorité de nomination de déroger aux critères de compétence prévus par les textes applicables ou résultant de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Or ce n’est ni l’objectif ni l’effet de l’amendement, lequel ne fera en aucun cas prévaloir de manière absolue le critère du sexe sur celui de la capacité. Il conviendra de remplir les conditions requises pour devenir ambassadrice ou ambassadeur.
En tout état de cause, les candidats répondent nécessairement aux critères de vertu et de talents, surtout dans la fonction publique. Si tel n’est pas le cas, la candidature ne sera pas retenue. Je ne mésestime pas la tâche qui incombera à l’autorité de nomination. J’ai moi-même beaucoup tergiversé en la matière. Aujourd’hui, je suis convaincu que les obstacles constitutionnels ne sont pas aussi infranchissables que ce que l’on a pu prétendre.
Les auteurs de l’amendement ont tout fait pour les franchir. Il est également des cas où le législateur doit prendre son risque face au Conseil constitutionnel.
Ces deux amendements sont différents. J’irai donc à l’essentiel. Le Gouvernement est favorable à l’amendement no 23 , lequel inscrit le raccourcissement du délai que l’État se laisse pour parvenir aux 40 % de féminisation des emplois de la fonction publique. Avant de vous expliquer pourquoi je suis défavorable à l’amendement no 22 rectifié , je reviendrai, parce que c’est essentiel, sur les évolutions de ces deux dernières années s’agissant du rééquilibrage des cadres dirigeants de la fonction publique.
Nous sommes parvenus, pour la première fois, le 8 mars 2013, à un accord sur l’égalité professionnelle dans la fonction publique permettant de lever les verrous qui tiennent, en effet, encore lieu de plafond de verre. Ce n’est pas moi qui vous dirai le contraire. Nous progressons dans la transparence puisque le Conseil commun de la fonction publique a examiné hier, en présence de Marylise Lebranchu, le premier rapport annuel sur l’égalité professionnelle dans l’ensemble de la fonction publique dans ses trois versants. Ce rapport comprend pour la première fois toutes les données permettant de comparer les situations des femmes et des hommes. Il sera d’ailleurs transmis au Parlement dès cet été.
Deuxièmement, les nominations en conseil des ministres seront désormais systématiquement précédées d’une procédure de présentation de trois candidatures dans lesquelles on compte au moins une femme. Cela permet davantage d’automatisme dans la sélection de femmes.
Troisièmement, nous avons fait le choix de la transparence en communiquant sur les chiffres que je vous rappelle. En 2013, 202 femmes ont été nommées à des emplois supérieurs de l’État, ce qui ne s’était jamais produit auparavant. Le taux de féminisation pour les primo- nominations a été fixé à 32 %, alors qu’il était de 27 % en 2012. Nous nous situons au-dessus de l’obligation fixée par la loi Sauvadet. Tout n’est pas pour autant réglé.
Les efforts doivent évidemment être poursuivis. Chaque ministre en est d’autant plus conscient que je m’apprête, comme je m’y suis engagée – et je respecte généralement mes engagements – à rendre pour la première fois public cet automne un palmarès des administrations, en termes de féminisation, comme je l’ai fait l’année dernière à la même époque pour les entreprises du SBF 120. Dans ce contexte, nous devons prendre conscience du fait que la sanction financière dont nous parlons depuis tout à l’heure est certes une stimulation, mais somme toute assez limitée. La parité au Gouvernement ne s’est pas établie sous la menace d’une quelconque sanction.
Marylise Lebranchu et moi avons dit que nous ne tolérerons pas qu’une pénalité financière soit payée par l’administration. Ce n’est pas, pour moi, le principal levier. Vous nous proposez, dans l’amendement no 22 rectifié , d’opter pour un mécanisme de nullité des nominations. Cela peut s’entendre, mais l’Assemblée doit aussi écouter les arguments que le rapporteur a rappelés. Le dispositif risque d’être déclaré inconstitutionnel au regard de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme, qui impose qu’il ne soit tenu compte, pour les recrutements aux emplois publics, que de la capacité, des vertus et des talents. En l’état, cet article s’oppose clairement à un mécanisme de blocage des nominations en considération du sexe, ce qui serait le cas si votre amendement était adopté. Le risque de censure est donc grand.
J’insisterai, plus encore, sur l’opérationnalité du dispositif. Votre proposition tend à mettre en place un mécanisme automatique dès la deuxième nomination. Dès cet instant, les autorités seraient privées de toute marge de manoeuvre dans le choix des cadres dirigeants.
Cela nous éloigne assez d’une gestion moderne, souple, dynamique de l’encadrement dirigeant dans la fonction publique, et je vais vous en donner deux exemples pour que vous compreniez ce que je veux dire.
D’abord, l’on risque d’avoir du retard et des blocages dans les processus de nomination. D’ores et déjà, un certain nombre de postes de directeur, de secrétaire général, de secrétaire général adjoint de ministère sont restés vacants pendant de très longs mois parce que l’on n’avait pas de candidature féminine ou de volontaire pour le poste alors même que l’autorité de nomination souhaitait trouver une femme. Dans ce genre de situation, il faudrait donc tout bloquer, mais jusqu’où exactement ? Il y a déjà des retards aujourd’hui. Je crains que votre disposition ne nous complique encore la tâche.
Il faut reconnaître aussi que certains postes, comme celui de dirigeant en outre-mer, sont plus difficiles à pourvoir et les profils, féminins ou masculins d’ailleurs, ne se trouvent pas à profusion. Il y a donc des moments où l’on n’a pas autant le choix que ce que l’on peut penser.
Ces exemples montrent la difficulté de l’exercice de nomination. Ce qui est important, c’est ce que nous avons entrepris pour avoir des viviers diversifiés de compétences, masculines et féminines, dans tous les domaines plutôt que des mécanismes automatiques de blocage, qui risquent finalement de créer davantage de contraintes et de difficultés, voire de se révéler contre-productifs.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement. Sinon, j’y serai défavorable.
M. le rapporteur a fait une intervention très argumentée et vous nous avez exposé, madame la ministre, toutes les raisons pour lesquelles vous nous demandiez de retirer l’amendement no 22 rectifié . Parce que c’est vous, nous sommes tentés de le retirer, mais en même temps, tout ce que vous venez de nous expliquer nous inciterait à le maintenir.
Si certains postes comme celui de secrétaire général restent vacants, c’est en réalité parce qu’ils ne sont pas attractifs, et toute l’action que vous menez amène justement à se poser la question non seulement du niveau de rémunération, mais de ce qui peut permettre la promotion d’une société égalitaire, c’est-à-dire, par exemple, le partage des rôles familiaux ou l’articulation des temps de vie. Cela illustre votre action.
C’est donc un paradoxe de nous demander de retirer cet amendement, qui n’a pas les défauts constitutionnels qu’avait la première version, parce qu’une telle disposition obligerait l’administration à se poser jusqu’au bout la question de la réelle mixité dans l’exercice des responsabilités.
Nous en sommes un bon exemple. Nous légiférons à des heures invraisemblables…
C’est souvent le cas !
Il n’y a dans cette assemblée aucune représentation de femmes de pouvoir. Il y a des allégories, des femmes sont représentées, mais pas une femme de pouvoir. Quand allons-nous rompre avec un tel système ? Ne faut-il pas prendre un risque, notre risque de législateur, disait le rapporteur, pour permettre une remise en cause profonde de la manière dont l’administration compte promouvoir l’égalité réelle, celle qui est au coeur de la devise républicaine ?
Pour toutes ces raisons, nous maintiendrons l’amendement no 22 rectifié .
Parce que c’est vous, madame la ministre, je n’étais pas revenu à ma propre intention, puisque c’est moi qui étais l’auteur de l’amendement en première lecture, sur l’inspiration d’Alain Tourret, du groupe RRDP, qui avait émis cette idée dans un avis budgétaire sur la fonction publique.
À titre personnel, je reste tout de même convaincu qu’il n’y a plus de problème d’ordre constitutionnel, notamment au regard de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Mais la CMP nous aiderait probablement à lever tous les doutes qui peuvent encore persister si, d’aventure, cet amendement devait être adopté.
L’amendement no 22 rectifié est adopté. L’article 20 ter est ainsi rétabli et l’amendement no 23 tombe.
La commission a maintenu la suppression par le Sénat de l’article 21 bis.
L’article 22 est adopté.
Article 22
La commission a maintenu la suppression par le Sénat de l’article 22 quinquies.
L’article 23 est adopté.
L’article 25 fait l’objet d’une série d’amendements de M. Denaja.
Les amendements, nos 35 , 36 , 37 , 38 rectifié , 39 rectifié et 40 sont des amendements de coordination.
Les amendements nos 35 , 36 , 37 , 38 rectifié , 39 rectifié et 40 , acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.
L’amendement no 41 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’amendement no 44 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’amendement no 45 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’amendement no 46 , accepté par le Gouvernement est adopté.
L’amendement no 47 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 25, amendé, est adopté.
La commission a ainsi rédigé le titre : « Projet de loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. »
Le projet de loi est adopté.
Prochaine séance, ce matin, à neuf heures trente :
Suite de la discussion de la proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant.
La séance est levée.
La séance est levée le vendredi 27 juin à zéro heure quarante.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron