Intervention de Éric Alauzet

Séance en hémicycle du 9 juillet 2014 à 15h00
Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2013 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Alauzet :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, d’année en année, nous allons de prévisions budgétaires optimistes en lois de règlement teintées de désillusions ; 2013 n’échappe pas à ce constat, hélas chronique annoncée. S’il faut saluer la capacité du Gouvernement à respecter ses objectifs en matière de réduction des dépenses publiques, voire à les dépasser, nous nous devons de souligner que cela n’a pas que des conséquences positives. En effet, si les dépenses nettes de l’État sont inférieures de 4 milliards aux crédits ouverts, et, plus significatif, si ces dépenses sont en légère diminution par rapport aux prévisions 2012, la maîtrise des dépenses n’est bénéfique qu’en apparence et ne traduit pas de réforme structurelle. Ce ne sont pas les dépenses de fonctionnement qui diminuent, mais les dépenses d’investissement. C’est bien là que le bât blesse. Comment préparer l’avenir, en particulier l’économie du futur, si on rogne sur les investissements ?

L’élément le plus marquant du budget 2013 restera bien celui de moindres rentrées fiscales : deux fois moins que prévu, soit un défaut de recettes de 14,7 milliards d’euros, répartis de manière à peu près égale entre les taxes sur les sociétés, l’impôt sur le revenu et la TVA. Ce montant est très important et il explique en grande partie le fait que le déficit s’élève à 4,3 % au lieu des 3,8 % prévus initialement, et que la réduction des déficits ne soit que de 12 milliards au lieu des 24 milliards prévus.

Pour ce qui est des recettes, la Cour des comptes signale, une nouvelle fois, que les niches fiscales demeurent, ce qui contribue fortement à miter les recettes fiscales, alors que la diminution totale de la dépense fiscale devait représenter une économie initialement estimée à 3,6 milliards d’euros. Vous le savez, les écologistes ont quelques idées pour réduire l’impact de certaines niches. Puissiez-vous les entendre dans le cadre de la prochaine loi de finances !

Dans le même temps, la croissance a été plus faible d’un demi-point que prévu, s’établissant à 0,3 % au lieu de 0,8 %, ce qui représente 10 milliards d’euros.

En l’absence de collectif budgétaire et alors que l’atteinte de l’objectif d’un déficit limité à 3 % avait été reportée de deux ans, c’est l’emprunt qui, naturellement, a équilibré le budget, portant le déficit à 4,3 %.

Heureusement que la baisse des recettes a été conforme aux prévisions. En réalité, le ralentissement économique a parallèlement conduit à une moindre dépense que prévu, comme pour les prestations sociales indexées sur l’inflation, et à une baisse des taux d’intérêt, ce qui a permis de limiter l’ampleur du phénomène.

Cet écart de recettes est inquiétant dans la mesure où il ne correspond que pour un quart à la non-réalisation des prévisions de croissance, comme l’a indiqué Didier Migaud en réponse à la question que je lui ai posée en commission des finances. La proportionnalité entre recettes et PIB n’ a donc été en rien respectée pour se traduire dans le fameux indicateur d’élasticité à 1,3 en 2013. Je ne doute pas que, même si tout ne peut être prévu, les enseignements en seront tirés pour la prévision 2014.

Au motif d’une forme de volontarisme, certes louable, et d’un optimisme censé restaurer la confiance, la succession des revers, budget après budget, conduit au contraire au pessimisme et au découragement. Cette approche renforce même le sentiment d’impuissance du politique, ce qui est globalement néfaste.

L’année 2013 a par ailleurs été celle de l’entrée en vigueur du CICE. Même si celui-ci n’a été mobilisé que partiellement – 10 % sous forme d’avances pour les entreprises –, on signale déjà quelques effets pervers. La mission d’évaluation qui a débuté son travail devra nous éclairer de telle sorte que ce dispositif n’échappe pas à l’exigence de bon usage de la dépense publique, dont aucune de nos politiques ne doit se dispenser. En particulier, les choix du Gouvernement et des parlementaires devront être éclairés en fonction de l’usage qui aura été fait du CICE.

En effet, celui-ci oblige mutuellement l’État et les entreprises. Il oblige l’État à faire d’importants efforts d’économies de dépenses en s’assurant du bon usage de l’argent public, y compris les aides aux entreprises, et en restaurant la base fiscale, mitée par les niches. Il oblige l’État et ses homologues de l’Union européenne à faire adopter une trajectoire d’extinction de l’évasion fiscale et à s’engager dans une stratégie d’investissements d’avenir, en considérant que la transition écologique et énergétique n’est pas un chantier parmi d’autres, mais le coeur du renouveau économique et social, le seul à même de contribuer à la réduction des déficits, ou en tout cas de permettre des économies de fonctionnement du fait de la diminution de la consommation d’énergie, pour un montant prévu à l’avance à une échéance connue.

Il oblige l’État mais il oblige également les entreprises à faire le meilleur usage de l’argent public, notamment pour créer des emplois ; à ne pas nourrir davantage les revenus des actionnaires et des dirigeants ; à s’acquitter régulièrement des impôts qu’elles doivent en France ; à prendre solennellement la mesure de l’effort colossal entrepris en leur faveur et des conséquences sur les ménages ; à prendre en considération le fait que 250 000 emplois publics ont été perdus tandis que seuls 190 000 emplois privés étaient créés.

Je voudrais terminer par le sujet de la qualification du déficit, structurel ou conjoncturel. En effet, je m’interroge et souhaite vous faire part de mes doutes. La Cour des comptes nous indique que l’exercice 2013 aura permis de réduire le déficit structurel de 1,1 % alors que le déficit conjoncturel aura augmenté de 0,6 %, en raison, dit-elle, de la mauvaise conjoncture.

Mon trouble porte sur ce que l’on entend par déficit conjoncturel. Nous avons tendance à relativiser ce déficit au motif qu’il s’effacerait dans une meilleure conjoncture. Mais la notion fait référence à une conjoncture optimale et donc à une croissance optimale. C’est là un élément de grande fragilité. Quand on sait comment a évolué la croissance depuis quarante ans, des mythiques 6 à 7 % de la fin des années soixante-dix aux 3 à 4% du début des années quatre-vingts, puis des 2% des années quatre vingt dix au quelque 1 % depuis le début de cette décennie, on mesure que cette diminution est inexorable. Il y a donc bien quelque chose de structurel dans ce qu’il est convenu aujourd’hui de qualifier de conjoncturel. Cela doit nous inciter à beaucoup de prudence dans la relativisation du déficit conjoncturel. Je termine sur cette interrogation.

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