En effet, monsieur le secrétaire d’État, je concentrerai mon intervention sur l’exécution des crédits de la mission « Défense ». Ainsi que le président de la commission des finances le rappelait à juste titre, c’est l’un des rares budgets que nous avons pu évaluer avant l’examen de ce projet de loi de règlement. L’exécution de ces crédits pose surtout un certain nombre de questions que nos débats n’ont jusqu’à présent pas permis d’éclaircir.
À plusieurs reprises, au cours des derniers mois, le Président de la République a affirmé que les engagements de la loi de programmation militaire seraient respectés. Je rappelle qu’en 2015, la défense a supporté près des deux tiers des suppressions d’emplois, soit 7 500 postes. Nos armées pouvaient donc légitimement s’inquiéter du sort budgétaire qui leur serait réservé. Ces annonces, pour qui les a dites, comme pour qui les a entendues, revêtent un caractère solennel qu’aucune manipulation budgétaire ne pourra effacer. Or il apparaît que certains éléments de l’exécution 2013 ont dégradé dans des proportions importantes le point d’entrée en loi de programmation militaire, au point de remettre en cause ce texte, qui est pourtant l’horizon de notre défense jusqu’en 2019.
J’évoquerai en premier lieu les conséquences de l’annulation des 650 millions d’euros de crédits du programme 146, « Équipement des forces » – le président de la commission l’a évoquée lors de son intervention –, qui a en partie servi à régler les surcoûts d’OPEX, d’opérations extérieures, au titre de l’auto-assurance, et en partie contribué à la réduction de la dépense publique au titre de la solidarité interministérielle.
Lors de l’examen de la loi de programmation militaire, le Gouvernement a fait voter un amendement permettant d’augmenter de 500 millions d’euros les ressources exceptionnelles « si la soutenabilité financière de la trajectoire des opérations d’investissements programmée [… ] apparaissait compromise. » Cependant, si la première tranche de ces 500 millions d’euros a été votée dans le cadre du premier projet de loi de finances rectificative de 2014, nous n’avons pas la moindre certitude quant au moment où la seconde tranche sera votée, ni même si elle le sera, dans un contexte où les ressources exceptionnelles sont de plus en plus aléatoires, ce qui sera encore plus le cas à partir de 2015 et jusqu’à la fin de la loi de programmation militaire.
Peut-être, monsieur le secrétaire d’État, pourrez-vous nous apporter des précisions sur ce point qui, vous en conviendrez, est crucial pour l’avenir de notre défense.
Je souhaite en second lieu appeler une nouvelle fois l’attention du Gouvernement sur le devenir de 417 millions d’euros de crédits du plan d’investissements d’avenir votés en loi de finances pour 2014 au bénéfice de la mission « Défense », qui ont été consommés pour régler deux fractions de la subvention due au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, le CEA, en 2013.
Dans son rapport sur l’exécution du budget 2013, la Cour des comptes pointe cette opération, qui non seulement met en doute le principe de l’annualité budgétaire, mais aussi risque de poser de réelles difficultés pour l’exercice 2014.
En effet, sur le milliard et demi d’euros voté en loi de finances initiale pour 2014 au bénéfice du programme « Excellence technologique des industries de défense », 417 millions d’euros ont été engloutis dans ce que j’ai appelé, lors d’une précédente séance, un « triangle des Bermudes budgétaire ». Plusieurs fois dans cet hémicycle, monsieur le secrétaire d’État, j’ai demandé si cette somme avait été ou serait compensée, mais jusqu’à aujourd’hui le Gouvernement n’a pas répondu à cette question pourtant précisément énoncée.
Dans ces conditions, nous sommes très loin du respect des engagements financiers pris ici même il y a quelques mois seulement, puisque c’est, semble-t-il, près d’un tiers des ressources exceptionnelles, essentiellement destinées à l’investissement – monsieur le président de la commission, comme vous le rappeliez voilà quelques instants, c’est l’investissement qui pâtit aujourd’hui des arbitrages du Gouvernement – qui manque à l’appel au milieu de cet exercice 2014 ; et je n’évoquerai pas le sort des crédits budgétaires…
En résumé, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’exécution du budget 2013 a été l’occasion de prendre plusieurs mesures qui ont masqué le report de charges d’une année sur l’autre et qui se sont traduites par une réduction substantielle des moyens alloués à notre défense pour l’exercice 2014.
Lors de précédents débats, j’ai dénoncé l’augmentation de la part des ressources exceptionnelles dans le financement de notre défense. Je ne peux, en conclusion de mon intervention, que réitérer cette mise en garde contre la très mauvaise habitude qui consiste, en définitive, à accroître la part d’incertitude dans un secteur ministériel qui, plus qu’aucun autre, requiert de l’anticipation.