Intervention de Lionel Tardy

Séance en hémicycle du 10 juillet 2014 à 9h30
Taxis et voitures de transport avec chauffeur — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLionel Tardy :

Si la commission du développement durable est compétente sur le fond en matière de transports, il est absurde d’ignorer l’aspect économique du problème. C’est surtout, je le crains, un moyen d’éluder le débat. Voilà ce à quoi conduit le manque de temps.

Cette proposition de loi touche, par la force des choses, à des domaines très variés.

Elle concerne le pouvoir d’achat des clients, pour qui le prix est une composante essentielle dans le choix du mode de transport.

Elle concerne également l’emploi. Comme cela a déjà été dit, on compte plus de 50 000 chauffeurs de taxis et 6 000 entreprises de VTC, ce qui n’est pas négligeable. Le pouvoir d’achat de ces professionnels est donc également concerné.

Elle touche, en outre, à l’attractivité du pays et au tourisme, car ces modes de transport constituent le premier contact qu’ont les touristes ou la clientèle d’affaires avec la France.

Enfin, elle concerne l’innovation, à travers le développement de dispositifs intelligents de réservation par voie électronique. J’y reviendrai.

Mes chers collègues, je le répète avec force : l’absence de saisine pour avis de la commission des affaires économiques est déplorable. Cumulée avec les délais que j’ai détaillés, elle justifie pleinement l’adoption de cette motion de renvoi en commission.

Cerise sur le gâteau : la procédure accélérée a été engagée sur ce texte, comme sur à peu près tous les textes actuellement, et les choses vont de mal en pis en ce moment. Une seconde lecture aurait permis de compenser ces délais absurdes. Encore une fois, cela donne le sentiment que l’on cherche à restreindre le débat. J’ai cru comprendre que le Gouvernement souhaitait un vote conforme au Sénat avant la fin de la session extraordinaire : si cette information se confirmait, elle rendrait la situation encore plus absurde et encore plus inacceptable.

Nous serions ravis d’entendre de vrais arguments pour justifier l’urgence ; celui qui consiste à dire qu’il faut régler le problème rapidement n’est pas acceptable, tout simplement parce que le problème ne date pas d’hier. Souvenez-vous du fameux rapport Attali pour la libération de la croissance française. Sans même parler de ses préconisations, ce rapport avait, du moins, clairement démontré le caractère épineux que revêt cette question. Il évoquait déjà, à l’époque, la concurrence entre les taxis et les VTC, qu’il appelait à l’époque « véhicules de petite remise ». C’était en 2008, mes chers collègues.

Le statu quo n’était sans doute pas la bonne solution, mais il a tenu jusqu’en 2013, date à laquelle le gouvernement Ayrault a décidé d’agir, par petites touches réglementaires venues de nulle part. Plusieurs décrets et arrêtés se sont succédé, sur la formation des chauffeurs de VTC ou sur la définition de la réservation préalable, jusqu’au décret retoqué en janvier par le Conseil d’État, qui a marqué la fin de cette méthode désastreuse. Les décisions étaient prises sans aucune réflexion globale, dans l’opacité totale des cabinets ministériels et même, me semble-t-il, de l’Élysée. Il n’est donc pas étonnant que ce débat porte en son sein la marque de l’incapacité de trancher propre au Président de la République.

Bref, le problème est ancien. Il est connu. Rien ne justifie une proposition de loi expéditive.

Le groupe UMP se refuse à une opposition stricte sur cette proposition de loi. Il considère, au contraire, qu’il est nécessaire de légiférer, à condition de prendre le temps de peser le pour et le contre, car plusieurs points du texte, y compris celui de la couleur unique des taxis, nécessitent un examen approfondi.

Cette proposition de loi n’est pas mauvaise en soi. Cependant, elle souffre de deux problèmes qui empêchent le consensus, pourtant nécessaire, qui aurait dû et pu se dégager d’un travail effectué bien en amont au Parlement.

Premièrement, une grande majorité des trente propositions du rapport Thévenoud ne peuvent pas passer par la voie législative – le rapporteur l’a dit lui-même. Cette proposition de loi ne peut donc apporter qu’une réponse partielle au problème. Il nous manque, en complément, la vision d’ensemble du Gouvernement ; or, à ce jour, nous ne la connaissons toujours pas, et nous pouvons même douter de son existence. Il est donc difficile de juger d’un groupe de mesures lorsqu’on ne peut en entrevoir qu’une partie.

Deuxièmement, sans doute encore une fois à cause des délais impartis, cette proposition de loi peine à trouver une solution durable. Faute d’une gestion globale du problème, elle ajoute des contraintes aux VTC sur certains points, et aux taxis sur d’autres. Elle tente de trouver un équilibre, mais le résultat est nécessairement imparfait et bancal.

À titre personnel, je pense que là où on l’on veut instaurer des règles supplémentaires et de la contrainte, il faudrait, au contraire, davantage de liberté et de flexibilité. C’est d’ailleurs le sens de mes vingt-deux amendements. En bref, il ne faut pas ajouter des contraintes démesurées pour les VTC et en retirer pour les taxis, mais tendre vers une solution la plus équilibrée possible.

Quoi qu’il en soit, les questions essentielles n’ont pas eu le temps de trouver une réponse : faut-il cloisonner davantage les professions ou aller vers l’harmonisation ? En fait, les deux à la fois. Cette proposition de loi évite le pire mais ne tend pas vers le meilleur.

Oui, la concurrence déloyale de certains VTC existe, et il faut l’éviter. Mais, dans le même temps, la profession de taxi doit être modernisée au profit du consommateur. J’insiste sur ce point : nous traitons ici de vie quotidienne et de consommation, sujet économique par excellence.

Au cours du maigre débat en commission, tous les députés UMP présents ont souligné leur crainte de voir ce débat résumé à un combat entre anciens et modernes, où des professions réglementées refuseraient de s’adapter et obtiendraient gain de cause, à force de lobbying, pour éviter la concurrence de ceux qui se sont approprié de nouveaux moyens de consommation. Je le dis avec l’expérience d’autres sujets, notamment dans le domaine de la culture : si cette proposition de loi est le reflet d’une telle vision, elle ne résoudra rien. Je crois, et surtout j’espère, que ce n’est pas la réalité. Il y a, chez beaucoup de taxis, une réelle volonté de s’adapter. Aucune des deux professions n’a raison ou tort. Il faut simplement faire en sorte qu’elles puissent cohabiter justement, toujours au bénéfice des consommateurs.

L’alinéa 22 de l’article 8 donne pourtant la mauvaise impression que j’ai évoquée. C’est vrai, monsieur le rapporteur, cet alinéa n’interdit pas les applications de géolocalisation pour les VTC – une telle interdiction est impossible et serait contournée –, mais il interdit bel et bien d’informer le client de la disponibilité des VTC à proximité, ce qui devrait, in fine, aboutir aux mêmes conséquences. Pour une motion de renvoi en commission défendue, cet alinéa me permet donc de vous offrir, en bonus, une petite motion de rejet préalable.

Et pour cause, monsieur le rapporteur, il n’est pas exclu qu’une telle interdiction pose un problème de constitutionnalité. En effet, cette géolocalisation en temps réel avec réservation est la raison d’être d’applications mobiles. Ces applications, monsieur le rapporteur, ne sont pas juste des icônes sur votre smartphone. Derrière elles, il y a des entrepreneurs qui les ont mises au point, qui facilitent ainsi la vie des clients et qui créent des emplois.

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