Intervention de Lionel Tardy

Séance en hémicycle du 10 juillet 2014 à 9h30
Taxis et voitures de transport avec chauffeur — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLionel Tardy :

Nous en avons d’autres qui font les louanges de la French Touch et lancent l’opération French Tech – avec Axelle Lemaire, pas plus tard qu’hier soir. Et au même moment, nous voilà, dans cet hémicycle, avec cette disposition anti-innovation, anti-entreprises et même anti-consommateurs. Reconnaissez que le décalage est frappant.

Vous l’aurez compris, pour moi comme pour d’autres, ce dispositif est le véritable point noir de la proposition de loi. Puisque nous sommes sur le terrain juridique, je m’arrête rapidement sur la coresponsabilité des intermédiaires de VTC. Au-delà du principe, c’est bien la qualification juridique de ces intermédiaires qui peut apparaître erronée. En effet, ces derniers n’ont ni voitures, ni chauffeurs, ils ne font pas de louage, mais du courtage et ne sont pas partie prenante au contrat de transport.

Vous conviendrez que tout cela est douteux compte tenu du principe d’égalité devant la loi. L’intermédiaire serait rendu responsable de la bonne exécution d’un contrat dont il est pourtant indépendant. Ces questions ne sauraient être prises à la légère. Je le répète : nous devons avoir à l’esprit que le but final est la protection et la satisfaction des utilisateurs, des consommateurs.

Il ne faut pas se mentir, le débat taxis-VTC est avant tout un débat parisien. On estime ainsi que les VTC auraient « pris » 20 % du marché des taxis parisiens, ce qui n’est pas négligeable. En Haute-Savoie par exemple, les problèmes sont d’un autre ordre : le transport de malades constitue, comme du reste dans d’autres départements, l’activité principale des taxis, et c’est normal. La concurrence des VTC arrive derrière d’autres préoccupations, comme l’accès à l’aéroport de Genève, que les autorités suisses ont voulu limiter par le biais d’une autorisation de travail réduite.

Il n’en demeure pas moins que cette question touche tout le pays car elle est révélatrice d’une certaine conception de la concurrence, de la liberté d’entreprendre et de l’innovation. Elle intéresse toute la représentation nationale car, dans les deux cas, il s’agit de personnes qui veulent travailler et créer des emplois. En légiférant, nous allons influer sur leur pouvoir d’achat.

Aussi, le prix de la revente des licences a atteint les limites du raisonnable. Il nuit au pouvoir d’achat des exploitants-chauffeurs de taxi. À ce titre, la création de nouvelles licences non cessibles est, semble-t-il, une bonne chose. De la même manière, il faut lever dès que possible le gel des immatriculations de VTC. J’en appelle à vous, monsieur le ministre, car il faut une réponse à ces centaines de personnes qui ont engagé des frais – formation, achat de véhicule – et veulent s’inscrire sur le registre, non pas pour voir ce que cela donne, mais simplement pour avoir un emploi !

Mes chers collègues, par mon intervention, j’ai essayé de vous présenter un aperçu des implications nombreuses que pourrait avoir cette proposition de loi. Elle entend – et c’est louable – apporter une solution satisfaisante et durable. C’est ce que chacun d’entre nous souhaite. Pas seulement pour éviter les conflits et les tensions qui peuvent surgir ponctuellement, mais bien pour installer une cohabitation durable, profitable à tous.

Les taxis ont le monopole de la maraude, les VTC en ont l’interdiction. Partant de cette base, il faut construire une solution qui ne lèse personne car, au final, avec des contraintes et des interdictions supplémentaires, le consommateur en pâtirait, l’économie française également. Construire cette solution n’est pas simple, et le groupe UMP est animé par cette recherche de l’équilibre, comme le montrent nos propositions d’amendements.

Cela dit, aussi bonne notre volonté puisse-t-elle être, l’extrême précipitation dans l’examen de ce texte, l’absence d’avis de la commission des affaires économiques, ainsi que certaines interrogations juridiques sur lesquelles je me suis exprimé nous conduisent à demander le renvoi de cette proposition de loi en commission.

En plus d’être davantage respectueux des parlementaires, un travail plus approfondi et moins contraint par le temps ne pourrait être que bénéfique. Il permettra d’élucider certains points, d’apporter des réponses à d’autres. Il aidera au final à donner la légitimité qui fait cruellement défaut à cette proposition de loi. Car contrairement à de nombreux autres textes, tout n’est pas perdu et celui-ci peut potentiellement apporter des réponses, à condition d’être retravaillé. C’est pourquoi il est nécessaire et raisonnable, mes chers collègues, d’adopter cette motion de renvoi en commission.

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