Intervention de Yannick Favennec

Séance en hémicycle du 10 juillet 2014 à 9h30
Taxis et voitures de transport avec chauffeur — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYannick Favennec :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes présents aujourd’hui pour examiner une proposition de loi attendue par les professionnels du transport de personnes que sont les taxis et les voitures de tourisme avec chauffeur, dans un contexte particulièrement tendu, comme le prouvent les dernières manifestations des chauffeurs de taxi européens. En réalité, ces protestations ne font que révéler la situation difficile d’un marché en pleine mutation, qui s’ouvre de plus en plus à la concurrence, mais face auquel les réglementations française et européenne peinent à s’adapter.

L’enjeu de cette proposition de loi était donc de taille puisqu’il fallait à la fois redorer l’image d’une profession des taxis qui n’a pas suffisamment évolué avec son temps, et encadrer davantage le secteur des VTC, devenus des concurrents un peu trop rudes, tout en ne les privant pas des innovations technologiques dont ils étaient les précurseurs. Il était donc nécessaire de trouver, dans ce texte, un juste équilibre qui aurait permis aux taxis et aux VTC de cohabiter de manière complémentaire.

Ce texte, qui reprend une partie des trente propositions de votre rapport, monsieur Thévenoud, n’a malheureusement pas réussi à répondre à ces enjeux, et se montre finalement peu ambitieux face à un sujet aussi important, qui méritait pourtant une réforme approfondie et réfléchie.

En effet, la rapidité avec laquelle cette proposition de loi a été examinée par notre assemblée est tout à fait dommageable – et je rejoins en cela les propos de mon collègue Lionel Tardy. En moins d’un mois, nous avons dû étudier un texte qui modifie considérablement le métier des chauffeurs de taxi, un texte qui introduit des dispositifs vagues comme celui de « la maraude électronique » – même si ce terme n’est pas clairement utilisé dans la proposition de loi –, mais surtout un texte qui ne fournit aucune étude d’impact sur les mesures à venir.

Je pense notamment au statut des locataires. Bien entendu, le groupe UDI s’accorde à dire qu’il est absolument nécessaire de repenser les différents statuts des chauffeurs de taxi pour qu’ils deviennent plus simples et donc plus compétitifs. Toutefois, est-ce réellement la bonne solution que de rayer, du jour au lendemain, un système de location éprouvé depuis plus de trente ans ?

Désormais, les titulaires d’une autorisation de stationnement délivrée avant la promulgation de la loi seront en mesure de l’exploiter eux-mêmes, de recourir à des salariés ou bien de recourir à la location-gérance. Pourquoi pas ? Mais n’est-ce pas risqué de supprimer, d’un coup, le statut de locataire qui concerne aujourd’hui des milliers de chauffeurs de taxi ? N’aurait-il pas été préférable de trouver un nouvel encadrement pour le statut de locataire afin d’éviter les situations parfois difficiles vécues par certains chauffeurs de taxi ?

Quant à la location-gérance, qui pourrait être une bonne idée, personne ne semble avoir réfléchi aux conséquences de la création d’un tel statut, notamment en termes de couverture sociale. De plus, qu’en est-il de la solidarité fiscale prévue par le code général des impôts entre le propriétaire et le locataire gérant ? Il me semble que cette question doit impérativement être traitée, et elle fera d’ailleurs l’objet de l’un de nos amendements.

La réforme des ADS, les autorisations de stationnement, nous pose également un problème. Il est évident, et nous sommes tous d’accord sur ce point, que le marché actuel des licences est devenu insoutenable. Face aux multiples réglementations subies par la profession des taxis et face au prix astronomique des licences, il n’est pas surprenant d’assister aujourd’hui à une chute catastrophique de la compétitivité de nos taxis.

Ce texte part donc plutôt d’un bon sentiment puisqu’il veut rendre gratuites les licences délivrées après la promulgation de la loi, en les rendant incessibles. Encore une fois, pourquoi pas ? Mais avez-vous réfléchi au double régime qui devra cohabiter pendant un certain temps ? D’un côté, nous aurons les anciennes licences, toujours cessibles, que les titulaires voudront évidemment revendre au prix fort ; et de l’autre, les nouvelles licences, devenues gratuites et incessibles, que les chauffeurs pourront obtenir après un certain temps d’attente. Alors, que va-t-il se passer ? Quelle personne voudra acheter une licence qu’elle sait ne plus être cessible ? Et qu’en sera-t-il de l’argent aujourd’hui récupéré par la vente des licences, qui permettait souvent aux chauffeurs de taxi d’arrondir leur retraite ?

Le groupe UDI ne prétend pas apporter des solutions toutes faites à un débat aussi important. Simplement, nous maintenons que ces questions auraient mérité une réflexion plus longue, une analyse plus poussée des conséquences, et surtout une concertation plus aboutie avec tous les acteurs, notamment les chauffeurs de taxi qui travaillent dans des départements ruraux comme le mien, la Mayenne, et qui jouent un rôle essentiel dans le transport des personnes dans ces territoires.

Quant aux VTC, notre position est la même que celle défendue en commission. Il est évident qu’il faut réglementer les compagnies de VTC, qui bénéficient d’un régime plus avantageux, pour rééquilibrer une concurrence de plus en plus accrue. Je précise que notre intention est bien de rééquilibrer la concurrence, et non de l’éliminer ! En effet, les VTC ont toute leur place sur le marché, comme le montre leur succès grandissant.

Les VTC ont, d’une part, brillamment réussi leur pari technologique, et, d’autre part, ont su imposer une image moderne et raffinée du transport de personnes. Alors que nous parlons de redorer l’image des taxis, le positionnement des VTC doit faire figure de modèle. Et dans ce sens, il serait absolument injuste de mettre des bâtons dans les roues des voitures de transport avec chauffeur.

Alors que la géolocalisation a été démocratisée par les VTC, il aurait été injuste de leur interdire l’accès à un tel dispositif, d’autant qu’il représente le coeur de leur profession. De plus, et vous le savez très bien, les sociétés de VTC sont génératrices d’emplois pour notre pays. Il serait donc impensable de leur interdire une telle innovation technologique.

Sur ce point, monsieur le rapporteur, vous avez su nous rassurer, en commission, en déclarant qu’il n’avait jamais été question d’interdire la géolocalisation. En revanche, vous nous avez dit que l’interdiction portait sur cette désormais fameuse « maraude électronique », terme un peu flou, même assez difficile à se représenter. Il est donc plutôt difficile de connaître la véritable nature de cette disposition.

Aussi, permettez-moi de vous demander ce qui se cache réellement derrière ce dispositif de « maraude électronique ». En quoi son interdiction va-t-elle remettre les taxis et les VTC sur un semblant de pied d’égalité ? Quant aux usagers, pourront-ils toujours connaître le temps qui les sépare du prochain VTC, avant même de le réserver ? Cette information est évidemment primordiale pour permettre au client de s’organiser convenablement. Le groupe UDI a déposé un amendement qui tend à clarifier les prérogatives des VTC. En effet, il nous semblerait anormal de pénaliser un secteur qui s’est développé grâce aux nouvelles technologies, alors même qu’elles représentent l’avenir de notre économie.

Dans ce sens, nous nous réjouissons de voir que ce texte souhaite également développer la géolocalisation au sein des taxis. Selon nous, c’est une condition sine qua non à leur maintien dans le marché. Nous sommes d’ailleurs sensibles au fait que vous ayez laissé le choix aux chauffeurs de taxi de transmettre ou non leurs données car il nous semble important, dans un premier temps, de les rassurer. En effet, la collecte de leurs données, par le biais de ce dispositif, pourrait en effrayer certains : il va donc falloir faire preuve de pédagogie pour inscrire durablement la géolocalisation dans les moeurs des taxis. Nous devons aussi rester vigilants pour éviter que les centrales de taxis opèrent des pressions sur les chauffeurs qui souhaiteraient utiliser la géolocalisation. Pour autant, nous ne sommes pas contre l’idée de conserver des clauses exclusives entre un intermédiaire et un exploitant, sous réserve d’un consentement mutuel.

Nous sommes également sensibles à la professionnalisation du métier de chauffeur. L’exercice de l’activité de conducteur de VTC ne pourra désormais s’effectuer que si le conducteur peut justifier de conditions d’aptitude professionnelle. C’est une bonne chose puisque, selon nous, être conducteur est un vrai métier et qu’il est par conséquent normal d’être formé.

Dans la même logique, nous approuvons l’interdiction des systèmes de covoiturage car ils vont à l’encontre de l’idée même de professionnalisation. Il y a deux mois, la France a vu arriver sur son territoire un service qui permet à des particuliers comme vous et moi de prendre des passagers, le temps d’un trajet en ville. Cette pratique s’apparente à celle des taxis clandestins, ce qui est tout à fait inacceptable. Certes, la concurrence est un moteur indispensable de la compétitivité mais la concurrence déloyale, voire illégale, doit évidemment être interdite.

Enfin, le groupe UDI regrette que cette proposition de loi n’ait pas une vision d’avenir ambitieuse. De nombreuses propositions du rapport ont été mises de côté car elles ne relevaient pas du domaine législatif. Cela suscite une certaine inquiétude de notre part quant à l’application de ces mesures. Je pense notamment au volet environnemental, que j’avais évoqué en commission. Les taxis doivent être exemplaires dans ce domaine : nous devrions ainsi les inciter davantage à acheter des véhicules électriques ou hybrides, mais surtout made in France. Je pense aussi à la généralisation de la carte bancaire ou encore à la mise en place d’un forfait aéroport.

Finalement, ce texte, qui devait régler un conflit de plus en plus violent, ne nous semble pas à la hauteur de cette mission. Alors qu’il devait envoyer un message d’apaisement aux différents acteurs, il ne fait que mettre à mal à la fois les taxis, en changeant considérablement leur métier sans en analyser les conséquences, mais aussi les VTC, en leur envoyant un message négatif alors qu’ils représentent un secteur plein d’avenir.

Par cette proposition de loi, vous souhaitiez éviter de nouvelles manifestations ; mais nous pensons justement que ce texte risque d’en être le déclencheur. Nous sommes, bien entendu, conscients de sa nécessité mais nous aurions voulu qu’il fasse l’objet de vrais débats et qu’il contienne des perspectives d’avenir solides. Même si cette proposition contient quelques bonnes idées, le groupe UDI ne peut que voter contre et espère qu’un texte plus ambitieux viendra compléter celui-ci à l’avenir.

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