Intervention de Jean-Louis Touraine

Séance en hémicycle du 10 juillet 2014 à 15h00
Sécurisation des transactions relatives à la zone d'aménagement concerté du quartier de gerland — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Touraine, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Madame la ministre, monsieur le président, mes chers collègues, notre Assemblée est aujourd’hui saisie de deux propositions de loi quasiment similaires, déposées l’une par Mme Gilda Hobert et l’autre par M.Pierre-Alain Muet et moi-même. Elles visent à sécuriser les transactions relatives à la zone d’aménagement concerté du quartier de Gerland à Lyon.

Cette ZAC a été créée par arrêté du préfet du Rhône, le 16 février 1983, pour favoriser la réhabilitation de ce quartier, en utilisant notamment les terrains relevant du domaine public de la ville de Lyon, terrains ayant servi d’assiette aux anciens abattoirs municipaux et progressivement désaffectés entre 1967 et 1977. Toutefois, il a récemment été constaté que ces terrains, bien que désaffectés, n’avaient jamais fait l’objet d’un déclassement formel du domaine public, à l’exception de trois parcelles déclassées avant 1967.

Or l’article L. 2141-1 du code général de la propriété des personnes publiques précise que, pour pouvoir sortir du domaine public, les biens doivent en principe être désaffectés et déclassés, ces conditions étant cumulatives.

Le juge administratif considère que si la désaffectation peut être démontrée par tout moyen, le déclassement doit en principe être expressément constaté par un acte administratif, c’est-à-dire, en l’espèce, par une délibération du conseil municipal de la ville de Lyon.

Malgré les recherches effectuées par la ville, aucun acte de déclassement n’a pu être retrouvé depuis 1967. Toutefois, l’absence de déclassement formel des terrains précédemment affectés au domaine public de la ville n’a altéré ni la transparence ni la sincérité des opérations menées sur ces terrains. Cette omission n’a d’ailleurs jamais été relevée par le contrôle de légalité exercé par le préfet.

Les deux propositions de loi qui ont été déposées visent donc à revenir sur cette formalité, en validant l’ensemble des contrats relatifs à ces terrains, autorisés et passés par la ville de Lyon, de manière à les réputer réguliers, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée.

La Cour européenne des droits de l’homme, comme le Conseil constitutionnel, encadre les validations législatives, en posant quatre conditions qui sont, selon moi, réunies ici et que je souhaite vous exposer brièvement.

En premier lieu, la validation législative doit respecter la séparation des pouvoirs et les décisions de justice ayant force de chose jugée. Tel est bien le cas en l’espèce puisque la validation proposée intervient à titre préventif : aucun litige relatif à la ZAC de Gerland n’est, à ma connaissance, pendant devant une juridiction. En outre, le dispositif précise, conformément à l’usage, que la validation n’intervient que « sous réserve des décisions passées en force de chose jugée ». Cette première condition me paraît donc remplie.

En deuxième lieu, le juge exige que la validation respecte le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions. Or la validation proposée a simplement pour objet de couvrir l’irrégularité d’actes administratifs et des contrats relatifs aux terrains de la ZAC de Gerland, si bien que ce critère est également respecté.

En troisième lieu, il est impératif de définir strictement la portée de la validation, ce que propose le dispositif exposé. Celui-ci précise en effet que sont régularisés les contrats autorisés et passés par la ville de Lyon relatifs aux terrains de la ZAC de Gerland, « en tant qu’ils seraient contestés par le motif qu’ils n’auraient pas été précédés d’un acte administratif formel, constatant qu’après leur désaffection, ces terrains avaient été déclassés du domaine public communal ». Cette immunité n’est donc pas absolue, dans la mesure où rien n’empêchera l’annulation des actes litigieux sur d’autres fondements juridiques.

Le juge constitutionnel a d’ailleurs reconnu à plusieurs reprises la constitutionnalité d’une validation législative visant à couvrir une irrégularité purement externe, comme un vice de compétence – question prioritaire de constitutionnalité du 22 septembre 2010 – ou l’omission de formalités obligatoires dans le domaine de l’urbanisme – décision relative à la loi du 2 juillet 2003 sur l’urbanisme et l’habitat.

En dernier lieu, le juge vérifie que la validation législative répond à un motif impérieux d’intérêt général, ce dont on ne saurait douter en l’espèce. Je rappelle en effet que les deux propositions de loi ont pour objectif de garantir la sécurité juridique des transactions passées, en particulier le droit de propriété des habitants ayant acquis ou fait construire des logements construits sur ces terrains ; de garantir le maintien d’une vie privée et familiale normale, en ne remettant pas en cause la capacité des occupants des logements sociaux construits sur ces terrains ; d’assurer la continuité des services publics installés sur ces terrains, en particulier des services publics d’enseignement – je précise en effet que cette ZAC accueille plusieurs établissements scolaires, ainsi que l’école normale supérieure et des instituts de recherche, comme l’INSERM.

Enfin, le dernier objectif de ces propositions de loi est de faciliter la construction de nombreux logements et la réalisation de projets d’intérêt général autour du pôle de compétitivité à vocation mondiale qu’est « Lyonbiopôle ».

Certains projets sont déjà bien engagés, tels que le développement du pôle de recherche en infectiologie de l’INSERM, la relocalisation sur ce site du centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé, l’extension d’un laboratoire de l’École normale supérieure de Lyon, la construction d’une résidence universitaire et d’un restaurant interuniversitaire, l’implantation de nombreuses entreprises, à commencer par la construction du nouveau siège social de Sanofi et l’extension du laboratoire pharmaceutique indépendant Aguettant.

En conclusion, la présente validation législative devrait permettre, non seulement de pérenniser le développement économique et social dans le quartier de la ZAC du quartier central de Gerland, mais également d’en favoriser l’essor, grâce à la sécurité juridique conférée à de nombreux projets en cours. Elle contribuera à développer, dans ce quartier, l’emploi et l’excellence française dans le domaine de la santé et des biotechnologies.

Notre commission des lois a adopté ces deux propositions de loi en leur apportant, à mon initiative, deux améliorations rédactionnelles, l’une conduisant à la réécriture de l’article unique, l’autre à une précision du titre.

Pour conclure, mes chers collègues, je vous invite à suivre la commission des lois et à adopter le texte issu de ses travaux.

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