Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, l’histoire se répète. Il y a une semaine jour pour jour, nous avons appris que la ville d’Angoulême avait obtenu le remboursement de 3,4 millions d’euros sur les 16 millions que représentent les emprunts toxiques qu’elle avait souscrits. Cette décision du tribunal de Nanterre ne surprend pas : il s’agit de la troisième condamnation de la banque Dexia dans une affaire de prêt toxique contracté par une collectivité.
Les procédures judiciaires civiles et pénales des collectivités se sont par ailleurs multipliées. La dernière en date a été annoncée par l’agglomération de Grenoble, qui conteste deux emprunts dont l’encours total est de 34,1 millions d’euros. Il ne fait pas de doute que ces recours et ces décisions de justice ont conduit le Gouvernement à imaginer le dispositif que nous examinons aujourd’hui.
Ce projet de loi était donc très attendu. En effet, de nombreuses collectivités se trouvent dans des situations financières délicates que l’annonce du plan de réduction des dotations de l’État va amplifier. La plupart des collectivités sont entrées dans la deuxième phase de leur prêt avec un saut significatif des taux d’intérêt. Mais la situation pourrait encore s’aggraver sans que personne ne puisse avoir une réelle visibilité du scénario tant ces prêts structurés peuvent réserver de très mauvaises surprises.
Un double consensus semble donc avoir émergé. D’une part, sur la nécessité de soutenir les collectivités aux prises avec ces prêts dangereux afin de les aider à sortir de cette situation d’endettement périlleuse ou tout au moins d’en limiter les effets pervers alors qu’on ne peut pas les dégager totalement de leur responsabilité. D’autre part, sur les risques pour les finances publiques liés à la probable réaction en chaîne des recours juridiques qui s’accumulent, soit un risque pour les finances publiques que nous commençons à percevoir.
En effet, la multiplication de ces recours en direction des banques aura des répercussions graves sur l’État actionnaire de Dexia et de la SFIL. Celui-ci serait alors conduit à participer à la recapitalisation de ces établissements en cas de difficulté et, le cas échéant, à assumer les coûts de la mise en extinction probable de la SFIL. L’étude d’impact de ce projet de loi le montre, l’État devrait débourser près de 17 milliards d’euros. Par ailleurs, la contagion probable au reste de l’économie et le renforcement des difficultés de financement des projets des collectivités locales sont également à comptabiliser parmi les dangers probables. On peut toujours estimer que seules les banques devraient intervenir et que l’État ne devrait pas s’en mêler, mais ce dernier est pris dans l’engrenage, quoi qu’il en soit.
Sachez que je partage les réserves, les craintes, les doutes qui se sont exprimés dans les deux hémicycles lors des débats en loi de finances. Mais comment agir ? Comment limiter les dégâts pourrait-on dire ? La solution envisagée propose la création d’un fonds de soutien aux collectivités ayant souscrit des emprunts structurés à risque. Au-delà de l’aide financière, il devrait constituer un outil permettant aux collectivités de renégocier les coûts de sortie et un retour à des prêts à des taux plus raisonnables.
Doté de 100 millions d’euros par an pour une durée maximale de quinze années, il devrait être constitué à hauteur d’un tiers par l’État et aux deux tiers par les banques via le relèvement de la taxe de risque systémique acquittée par le secteur bancaire.
Cette solution de cofinancement et les niveaux de participation financière répartissent les responsabilités, celles des banques, de l’État et des collectivités locales. Si un certain nombre de collectivités ont pu être abusées, mal conseillées, certaines ont préféré parier sur des taux faibles à court terme en ignorant les conséquences à plus long terme. D’autres ont été plus précautionneuses et n’ont pas souscrit à ces prêts. La solidarité nationale doit-elle tout prendre à sa charge ? Nous ne le pensons pas. C’est une solution de compromis qui s’impose et peut-être s’agit-il de la solution la moins inacceptable.
En échange de la création de ce fonds, les collectivités doivent s’engager à renoncer à la possibilité d’un recours juridique contre les établissements de crédit.
Le projet de loi recèle de très forts symboles. Nous comprenons que le renoncement à la possibilité d’un recours juridique par les collectivités puisse apparaître comme une perte de marge de manoeuvre, une perte de leurs pouvoirs et de leurs droits. Mais il ne faut pas minorer l’importance du consensus sur des constats préalablement cités ni sur la participation justifiée et nécessaire des banques au fonds de soutien aux collectivités.
Pour autant, il est de notre devoir de veiller à ce que les collectivités bénéficient pleinement du fonds de soutien. Pour ce faire, la vigilance doit être de mise quant à la répartition du fonds, aux conditions d’éligibilité des collectivités à ce fonds et au fait que les établissements de crédit puissent augmenter volontairement les coûts de sortie de ces prêts afin d’obtenir une plus grande partie du fonds ou pour se refaire. Un état de la procédure doit être régulièrement mis à disposition de l’État et des associations représentant les collectivités locales.
Plus généralement, il nous faudra veiller que la préoccupation du Gouvernement lié à l’actionnariat dans ces établissements ne prenne le dessus sur les intérêts des collectivités.
Nous restons donc critiques : critiques sur le constat que nous déplorons, critiques et attentifs quant à la solution envisagée dans le cadre de ce projet de loi.
Afin que les pratiques de « défaut de conseil » et que « le caractère spéculatif du contrat », deux des éléments retenus contre Dexia, ne se répètent plus, nous espérons que ce texte soit un premier pas dans la lutte contre ces procédés dangereux pour nos sociétés. Il faudra sans doute alourdir les peines financières qui pourraient être prononcées en cas de faits de même nature. Les banques vont tout de même devoir mobiliser un milliard d’euros. Le signal est clair. Au regard des sanctions qui peuvent être imposées pour des faits délictueux par les tribunaux américains – je pense à BNP Paribas –, on peut estimer qu’un milliard, c’est beaucoup, mais cela pourrait être plus dans l’avenir si de tels faits devaient se reproduire.
Au-delà des outils législatifs dont nous disposons pour limiter ces pratiques, il serait sans doute nécessaire de soutenir la création d’un système permettant de limiter les asymétries d’information entre les établissements de crédit et les collectivités et de faire en sorte que notre législation prévoie des pénalités très sévères.
C’est avec une certaine amertume doublée d’un nécessaire réalisme que le groupe écologiste votera majoritairement ce texte.