Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous nous en souvenons, les collectivités territoriales ont connu avant 2008 une grande période d’euphorie financière. Après un renforcement continu des compétences locales, suivi, en 2003, de la conquête par les collectivités territoriales de leur autonomie financière, le financement des projets des collectivités est rapidement devenu un marché en plein essor pour de nombreux établissements financiers. Leurs agents ont souvent promis des solutions financières très avantageuses de prime abord, mais qui se sont rapidement révélées opaques pour peu que l’on prête attention à leur fonctionnement réel.
Les contrats structurés n’ont fait que masquer cette vérité : un important levier de financement suppose toujours de prendre des risques importants. En réalité, la complexité de ces produits n’a fait que donner l’illusion d’un accès facile et sans risque au financement de l’action publique locale par l’endettement.
Puis la crise financière est arrivée. Dès 2008, les difficultés de Dexia ont révélé les coulisses de cet âge d’or des finances locales. Le risque sous-jacent à ces produits structurés a été révélé : les taux d’intérêt ont parfois explosé pour atteindre près de 15 % pour certains contrats. L’encours total des dettes toxiques détenues par les collectivités territoriales représenterait aujourd’hui plus de 10 milliards d’euros. Les emprunts toxiques constitueraient ainsi environ 8 % de la dette locale globale, évaluée à 130 milliards d’euros.
La volatilité des taux de ces emprunts fait par conséquent courir un risque important à la fois aux collectivités, aux banques, mais aussi à l’État et donc, finalement, au contribuable.
Par leurs dépenses d’investissement, les collectivités territoriales sont les premiers investisseurs publics. Le maintien du soutien de l’État à l’investissement local est donc primordial. Or, aujourd’hui, plus que jamais, cette capacité d’investissement est mise à mal. Pour l’année 2014, le Gouvernement a procédé à une diminution des dotations de l’État aux collectivités territoriales de 1,5 milliard d’euros. Puis, le Président de la République a annoncé qu’elles participeraient à hauteur de 11 milliards d’euros à l’effort de 50 milliards d’euros de baisse de la dépense publique pour les années 2015 à 2017. Au total, l’effort demandé représentera une baisse sans précédent, de près de 30 %, de la dotation globale de fonctionnement.
Ces emprunts toxiques font donc peser de grands risques sur une partie du système bancaire mais, aussi et surtout, sur le maintien de l’investissement public local. Par exemple, en 2012, la situation du groupe Bankia a failli conduire une nouvelle fois l’Espagne au bord du gouffre, ainsi que ses collectivités.
Dans un contexte où l’argent public se fait rare et où les conditions de financement des collectivités se durcissent, il devient de plus en plus difficile de soutenir l’activité économique à l’échelon local. Dès lors, l’explosion des taux d’intérêt évince la destination naturelle des ressources locales, à savoir le financement du service public, au profit de la rémunération de contrats douteux. Dans le même temps, le risque de défaut de paiement des collectivités a fragilisé les banques prêteuses. Cette situation a conduit l’État à octroyer sa garantie à Dexia en 2011. Cette garantie a finalement coûté au contribuable français, même si les chiffres exacts ne sont malheureusement pas connus.
Au plan économique, nous voyons donc que la situation est potentiellement explosive, tant pour les collectivités que pour les banques, l’aide procurée aux unes conduisant automatiquement à des difficultés pour les autres. Toutefois, la promotion d’une société de responsabilité est au coeur du projet politique de l’UDI.
À cet égard, ce projet de loi n’est nullement imprégné par le souci de responsabilité, car il entend annuler une jurisprudence du tribunal de Nanterre qui a considéré, en application de la loi, que lorsque les documents contractuels ne comportaient pas de TEG, c’était le taux d’intérêt légal qui s’appliquait.
Avec ce projet de loi, qui reprend d’ailleurs des dispositions de la loi de finances pour 2014 par la suite annulées par le Conseil constitutionnel, le Gouvernement voudrait donc généraliser un système d’irresponsabilité et se substituer au bon déroulement de la justice. Dans de nombreux cas, si la jurisprudence actuelle était suivie, la justice pourrait trancher en faveur des collectivités locales, comme cela s’est passé d’ailleurs il y a quelques jours à Angoulême. Ce seraient alors les banques qui se retrouveraient en difficulté, ce que le Gouvernement essaie d’éviter. Il est vrai que cela ferait courir un risque budgétaire important à l’État, estimé dans le pire des cas à 17 milliards d’euros. En effet, si la condamnation des banques à l’origine de ces emprunts toxiques conduisait à leur faillite, la garantie de l’État serait activée.
Pour le groupe UDI, quand les banques font des erreurs, elles doivent répondre de celles-ci, comme tout citoyen. Il ne nous paraît pas normal de les protéger au détriment des collectivités locales, dont beaucoup sont de bonne foi et ont été trompées. Il n’est pas question de signer un chèque en blanc pour éponger les conséquences des éventuelles erreurs de gestion. Nous demandons simplement que la justice puisse suivre son cours et qu’à son terme, elle s’applique.
Si les collectivités sont déboutées, il sera de leur responsabilité d’assumer leur prise de risque antérieure. Dans le cas contraire, les banques devront répondre de leurs actes.
Si cette situation conduit à un risque financier important pour l’État, le législateur devra trouver un équilibre, afin de parvenir à une solution efficace et satisfaisante.