Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, ce projet de loi, c’est la loi contre les juges : il faudrait qu’ils se taisent ! C’est aussi un acte d’amour à l’égard de la finance, une finance toxique. On s’attend presque un de ces quatre matins à voir une Marie Besnard aux finances.
Ce n’est pas d’une loi de validation dont nous débattons aujourd’hui, mais d’une loi d’amnistie.
Car telle est la question : faut-il, oui ou non, amnistier Dexia qui a proposé des emprunts toxiques à nos collectivités locales, ainsi d’ailleurs qu’à nos hôpitaux publics, des emprunts dont le taux est totalement spéculatif puisqu’il monte désormais à 15 % ou 20 % par an, et ce à un horizon allant jusqu’à 15 ans ? Mais, en amont, il faut également se demander s’il faut amnistier ces préfets dont les services ont laissé passer ces contrats au tamis du contrôle de légalité. Enfin, encore plus en amont, allons-nous amnistier les trois banques « voyoutes » – elles ne sont pas que trois – qui ont elles-mêmes financé Dexia pour ses financements à coup de swaps d’actifs inconditionnels hautement spéculatifs et scandaleusement profitables ? Car si nous dénonçons aujourd’hui les engagements de Dexia, il nous faudra payer 10 milliards d’euros de dommages et intérêts à trois banksters, comme disait Roosevelt – deux Américains et un Suisse –, ces trois banksters, dont les noms ne figurent du reste pas dans les documents relatifs à votre projet.
Dès lors, nous sommes obligés aujourd’hui de trancher entre deux solutions. Soit nous appliquons l’article L. 313-1 du code de la consommation : dès lors, et ce sont nos tribunaux qui l’affirment, les collectivités locales devront payer à Dexia le taux légal très faible. Dexia devra alors dénouer ses propres emprunts toxiques et débourser 10,6 milliards d’euros. Sachant qu’en réalité le groupe Dexia-CAFFIL est sous perfusion, ce sera à la République française de recapitaliser ce groupe dans lequel, ne l’oublions pas, elle était quand même actionnaire de référence.
Soit, seconde branche de l’alternative, vous votez ce projet de loi indigne ; mais alors, ce sont nos collectivités locales qui devront progressivement payer la facture de 10,6 milliards d’euros – rien que cela ! – et peut-être même plus demain, si les formules de calcul léonines continuent à gonfler les taux de leurs emprunts toxiques. Je tiens à dire que je suis totalement défavorable à ce qui s’apparente à une amnistie bancaire – l’amnistie de Dexia – car ce sont alors les finances locales qui vont durablement souffrir. Or, nous le savons, les collectivités territoriales sont devenues les principaux moteurs de nos investissements, qu’elles devront différer ou sacrifier. L’investissement public local étant le moteur de secteurs entiers du BTP et surtout des travaux routiers, combien de travailleurs votre loi de circonstance va-t-elle encore plonger dans le chômage ?
En réalité, ce texte va réduire les libertés des collectivités en les étranglant financièrement : tel est le cas aujourd’hui avec ce hold-up sans précédent, un hold-up légal dont nous ne voulons pas être les complices, à hauteur de 10,6 milliards d’euros dus par l’État et qui seront épongés progressivement par nos élus locaux. Un hold-up record qui fait pâlir le casse de Nice ou l’attaque du train postal Glasgow-Londres ! C’est la réalité : on aura beau l’habiller légalement, elle restera, même après l’adoption de la loi – si elle est votée ! – un véritable hold-up ! Comment peut-on à ce point s’agenouiller devant les banques ? C’est incompréhensible, surtout de la part d’un gouvernement qui voulait combattre la finance et qui devient le valet de pied de cette finance !