Intervention de Jean-François Lamour

Séance en hémicycle du 15 juillet 2014 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2014 — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-François Lamour :

C’est la réalité, monsieur le secrétaire d’État !

En d’autres termes, vous avez remplacé la baisse de charges massive et immédiate de 13 milliards d’euros, dont nous souhaitions faire bénéficier les entreprises et l’emploi, par un système plus complexe et moins puissant, le CICE, dont la pérennité n’est, semble-t-il, même pas assurée !

La vérité est que, depuis que vous êtes au pouvoir, vous maltraitez tous les créateurs de richesses. Quand vous annoncez, d’un côté, une baisse de l’impôt sur les bénéfices des entreprises dans le cadre du pacte de responsabilité, vous reconduisez, de l’autre, jusqu’en 2016 la surtaxe d’impôt sur les sociétés, dont la fin était pourtant programmée pour 2015.

Les entreprises de notre pays souffrent au moins autant des charges et impôts qui les accablent que de l’insécurité fiscale, savamment entretenue par vos soins au gré de vos débats internes.

Tout est à l’avenant dans votre politique et ce budget rectificatif en est la preuve éclatante. Vos projections, qui reposent pour 1,8 milliard d’euros sur des taux d’intérêt particulièrement bas et, par conséquent, sur des perspectives forcément aléatoires, sont marquées par un manque d’anticipation caractérisé.

J’en veux pour preuve le sort que vous réservez à notre défense, monsieur le secrétaire d’État, dont le budget est une nouvelle fois ponctionné. Vous prétendez que des marges de manoeuvre existent encore, mais elles sont déjà toutes consommées dans le cadre du projet de loi de programmation militaire : 34 000 emplois en moins ! Où allez-vous trouver des marges de manoeuvre dans l’administration de la défense nationale ? Vous savez très bien qu’il n’y en a plus.

Ce poste stratégique, s’il en est, fait l’objet depuis la fin de l’exécution du budget 2013, de ce qu’il faut bien appeler des manipulations budgétaires qui consistent à faire reposer une part croissante de notre sécurité collective sur des ressources exceptionnelles.

En première analyse, la réduction des crédits dédiés à la défense n’est « que » de 100 millions d’euros, mais la réalité est tout autre si l’on se reporte à l’exécution 2013 et aux premiers mois de 2014, ainsi qu’aux perspectives des ressources exceptionnelles pour 2015, 2016 et 2017. Ces recettes pourraient bientôt faire cruellement défaut à nos armées, alors qu’elles représentent 3,5 % de l’effort de défense sur la période 2014-2019.

Rappelons en effet que 417 millions d’euros votés en loi de finances initiale pour 2014 au titre du programme d’investissements d’avenir ont été consommés pour régler des dépenses de 2013, que nous sommes dans l’incertitude quant au moment et même au principe du versement de la seconde tranche de 250 millions d’euros de la clause de compensation adoptée en loi de programmation militaire, que les ressources exceptionnelles issues de la cession de fréquences ne pourraient arriver qu’en 2016, qu’enfin les premiers éléments du budget 2015 laissent entrevoir que des ressources exceptionnelles seront à nouveau substituées aux crédits budgétaires pour 500 millions d’euros.

Cette méthode donne le sentiment que le Gouvernement, incapable de tenir les engagements réitérés du Président de la République, se livre à un jeu de bonneteau dont le budget de la défense est systématiquement la dupe.

Je me suis volontairement attardé sur ce volet défense, non seulement parce qu’il représente la majorité des annulations de crédits dans ce projet de loi de finances rectificative, mais encore parce que la politique menée en la matière est à l’image de la politique générale du Gouvernement, caractérisée par l’insincérité, l’imprévisibilité, en un mot par une espèce de légèreté complètement hors de propos compte tenu des enjeux.

D’où ces questions, monsieur le secrétaire d’État, que nombre de mes collègues se posent également dans cet hémicycle. Quand allez-vous enfin vous montrer à la fois plus raisonnables dans vos prévisions et plus volontaristes dans l’action, comme vous y invite le Haut conseil des finances publiques ? Quand allez-vous enfin écouter ce que l’opposition vous répète, sans discontinuer, depuis maintenant deux ans ?

En l’état, nous ne pouvons pas voter ce budget rectificatif car il n’infléchit nullement une politique économique et budgétaire qui nous mène tout droit à l’échec. Le texte que nous examinons aujourd’hui pour la seconde fois mérite incontestablement d’être revu et substantiellement amendé. C’est pourquoi je vous demande, au nom de mon groupe, d’adopter cette motion de renvoi en commission.

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