La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent
l’adjudant-chef Dejvid Nikolic, du 1er régiment étranger de génie de Laudun-l’Ardoise, dans le Gard, a trouvé la mort hier au Mali, lors d’une opération de reconnaissance. Six autres de ses camarades ont été blessés au cours de cette mission. À ces victimes, je transmets le soutien de l’Assemblée nationale, et j’adresse à la famille de M. Dejvid Nikolic, ainsi qu’à ses proches, nos condoléances.
Je tiens une nouvelle fois, en votre nom à tous, à saluer le courage et le dévouement de nos soldats mobilisés dans des opérations extérieures.
Je vous invite à observer une minute de silence.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.
La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, alors que notre assemblée entame aujourd’hui l’examen de la réforme territoriale, l’Association des maires de France, dans la diversité de ses sensibilités, vient d’alerter sur le risque de paralysie de l’action locale. La création de grandes régions et de grandes intercommunalités, la mort programmée des départements, l’asphyxie progressive des communes, privées de moyens financiers, et la déstabilisation des services publics de proximité qui en résultera auront immanquablement des conséquences directes sur la vie quotidienne des Français.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, UMP et UDI.
Comme le souligne avec gravité l’Union nationale des acteurs et des structures de développement local, là où il fallait rapprocher l’élu du citoyen et favoriser l’engagement de tous dans le bon fonctionnement de la cité en s’appuyant sur le vivre- et le faire-ensemble, on va à nouveau accentuer les distances, creuser les écarts entre les riches et les pauvres, segmenter la responsabilité publique, renforcer le sentiment d’abandon. En quoi la réorganisation territoriale annoncée permettra-t-elle aux Français de vivre mieux ? En quoi va-t-elle développer la démocratie locale et favoriser l’intervention des citoyens ?
Monsieur le Premier ministre, les véritables enjeux vont bien au-delà de la refonte de la carte régionale. Ils légitiment la demande d’un grand débat national pour refonder la République, ils légitiment l’exigence un référendum.
Ce n’est pas la voie que vous avez choisie. La crise de confiance que connaît le pays devrait pourtant vous convaincre de sa justesse.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe UMP.
La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.
Monsieur le député Marc Dolez, l’Association des maires de France a fait plusieurs remarques, et je répondrai d’abord en rappelant l’objectif que se sont fixé les gouvernements depuis 2012 : d’abord, permettre aux territoires d’être facteurs de développement en rassemblant, au niveau des régions, toutes les forces destinées à aider nos entreprises à se développer, en particulier les plus jeunes d’entre elles ; ensuite, renforcer l’intercommunalité. Nous aurons donc un couple région-intercommunalité, qui doit assurer le redressement de notre pays. Entre les deux, effectivement, monsieur Dolez, il y a les départements qui, dans les zones urbaines, déjà, par convention, vont transférer au 1er janvier 2017 un certain nombre de compétences, et un débat important va s’ouvrir sur le transfert de ce qui concerne la solidarité, à la fois la solidarité nationale et la solidarité territoriale.
L’AMF met surtout l’accent sur les schémas prescriptifs et sur l’intercommunalité. Comment avoir des documents d’urbanisme, des plans locaux d’urbanisme, des schémas de cohérence territoriale qui prennent en compte le redressement de notre pays si nous n’avons pas un schéma régional global d’aménagement du territoire, avec des infrastructures et une action publique renforcées ?
Enfin, monsieur Dolez, comment sauver les communes de France ? L’AMF les désigne à juste titre comme le premier fondement de notre République. Comment le faire sinon en reconnaissant qu’avec plus de 80 % des financements mis en commun par des structures au second degré – nous pourrons demander à la population, plus tard, bien après 2017, si elle est d’accord ou pas pour que telle orientation, par exemple la petite enfance, soit choisie –, les intercommunalités sont l’avenir des communes, monsieur Dolez ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Avant de donner la parole à M. Jacques Krabal, permettez-moi, même si ce n’est pas habituel, de saluer la présence dans les tribunes de deux bachelières, qui sont les première et troisième meilleures bachelières de France. Elles sont issues du lycée de Villers-Cotterêts. Ce sont Mlles Myriam Bourhail et Jane Marchand.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.
La parole est à M. Jacques Krabal, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Merci, monsieur le président, de mettre à l’honneur ces deux jeunes filles. Associons-y le proviseur adjoint du lycée européen de Villers-Cotterêts et leurs parents, qui sont également présents. C’est un grand moment de fierté. Cela montre que dans les territoires ruraux comme dans la petite ville moyenne, l’ascenseur social peut être une réalité, et que la diversité est un atout pour notre pays. Merci.
Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. La réforme du permis de conduire est indispensable, elle s’impose. En effet, l’accès au papier rose, comme le baccalauréat, est un sésame pour l’autonomie, il est également un sésame pour l’emploi et pour l’émancipation.
La suppression du service militaire, en 2000, a provoqué une augmentation du nombre de candidats dans les auto-écoles, le permis ne pouvant plus s’obtenir autrement. D’autre part, l’allongement de la durée de l’épreuve, du fait d’une directive européenne, a imposé une contrainte supplémentaire, qui aurait dû être compensée par le recrutement de nombreux inspecteurs du permis de conduire. Cela n’a pas été fait.
Aujourd’hui, nous sommes confrontés à une situation inacceptable : le renforcement des inégalités sociales et territoriales, et surtout dans les zones rurales. D’ailleurs, la France compte parmi les plus mauvais élèves européens, avec 40 % d’échecs à l’examen de conduite et des délais trois à quatre fois supérieurs à la moyenne européenne pour repasser l’épreuve. Ces délais se traduisent bien évidemment par des coûts supplémentaires, le permis pouvant revenir à 2 000 ou 3 000 euros, charge qu’un grand nombre de familles ne peuvent pas assumer.
Monsieur le secrétaire d’État, j’aimerais que vous puissiez nous indiquer les dispositifs que vous comptez mettre en oeuvre pour remédier à cette situation fortement pénalisante pour nos jeunes dans leur parcours d’accès à l’emploi, mais aussi à la culture, au sport et aux loisirs.
Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
Monsieur le député Jacques Krabal, comme vous l’avez souligné, nous avons souhaité réformer le permis de conduire pour soutenir les jeunes, qui ont besoin de ce document pour gagner en autonomie, pour avoir un emploi, pour gagner en pouvoir d’achat. Notre objectif est de réduire les délais d’attente après le premier échec pour permettre aux jeunes d’obtenir le permis de conduire plus rapidement. L’enjeu, c’est que le délai après le premier échec n’excède pas quarante-cinq jours. Chaque mois de délai gagné, c’est aussi 200 euros d’économie.
Notre réforme vise à libérer des places d’examen pour réduire les délais d’attente. Nous ferons donc appel à d’autres agents publics que les inspecteurs, ainsi qu’à des retraités de la gendarmerie et de la police, pour les épreuves du code du permis de conduire. Nous proposerons également de supprimer une question et une manoeuvre afin de gagner trois minutes dans l’examen pratique du permis de conduire. Cela permettra chaque jour à un jeune de plus de passer le permis de conduire ; 260 000 examens annuels seront ainsi ouverts.
Le Gouvernement souhaite aller plus loin, en prévoyant qu’à partir de 2015 le permis poids lourds, lorsqu’il est passé dans le cadre de la formation professionnelle, soit validé en lien avec ces organismes de formation, et non plus simplement en présence d’inspecteurs dédiés à cet effet.
Enfin, nous souhaitons donner un nouvel élan à la conduite accompagnée, en étudiant la possibilité de débuter l’apprentissage dès quinze ans et de travailler à rendre la conduite accompagnée plus accessible. Cela permettra que les stages coûtent en moyenne 500 euros de moins.
Voilà, monsieur le député, les engagements du Gouvernement sur cette question importante dans la vie quotidienne des jeunes Français.
La parole est à M. Éric Ciotti, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, les Français ont assisté hier, médusés, au spectacle étonnant d’un Président de la République auto-satisfait, ravi de lui-même, enfermé dans un profond déni de réalité.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Après avoir promis – avec le succès que l’on connaît – l’inversion de la courbe du chômage, M. Hollande perçoit désormais – hélas !, il est bien le seul – la reprise économique.
Les Français, naturellement, ne sont pas dupes.
Plus grave peut-être, hier, lors de cette intervention, le Président de la République s’est aventuré sur le chemin de la division des Français.
Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC.
En prônant, une fois de plus, le droit de vote pour les étrangers, M. Hollande joue aux apprentis sorciers avec les communautarismes qui menacent notre nation.
En promettant la proportionnelle aux élections législatives, M. Hollande joue également aux apprentis sorciers avec nos institutions.
En laissant Mme Taubira réfléchir à l’extension de l’excuse de minorité jusqu’à vingt et un ans pour les délinquants, vous jouez également, monsieur le Premier ministre, aux apprentis sorciers !
Cela est grave : ces provocations ne peuvent qu’aboutir à des fractures, des divisions, des tensions dans notre société. Nous savons, hélas, quel est le but ; il est limpide : faire monter les extrêmes et les faire entrer à l’Assemblée nationale !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur certains bancs du groupe UDI. – Protestations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
La ficelle est grosse ! Cette manoeuvre est évidemment électoraliste.
Ma question, monsieur le Premier ministre, est donc simple : quand arrêterez-vous de jouer avec la République à des fins bassement électorales ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur certains bancs du groupe UDI. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
Monsieur le député, le 14 juillet est un jour important pour notre nation. C’est ainsi que le Président de la République l’a vécu, comme chacun d’entre vous, à n’en pas douter.
Il s’agit d’un moment de rassemblement autour de nos armées. Je m’associe, au nom du Gouvernement, à l’hommage rendu par votre Assemblée à l’adjudant-chef Nikolic, tué hier en opération au Mali. Ce soldat est mort pour la France et pour nos valeurs le jour de la fête nationale.
Le 14 juillet est un jour de fraternité et de rassemblement civique lors duquel s’expriment toutes nos valeurs. Tel était, je crois, le sens du beau défilé qui a eu lieu : illustrer le rassemblement, non seulement de nos armées, mais aussi de tous les pays qui étaient représentés. Cette année, en effet, nous célébrons le centième anniversaire de la Première guerre mondiale.
Le 14 juillet, c’est le jour où la France se rassemble autour de ses valeurs, celles de la République.
Or, monsieur Ciotti, je ne me suis pas retrouvé dans les termes que vous avez employés pour qualifier l’intervention du Président de la République.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
J’y ai même vu – permettez-moi de vous le dire – une contradiction.
Dans le ton comme dans les mots que vous avez utilisés, j’ai reconnu les ferments de la division. J’ai retrouvé le discours qui a fait tant de mal à la France, au cours du quinquennat précédent,
Protestations sur les bancs du groupe UMP
qui consiste à dresser en permanence les Français les uns contre les autres.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
Immigration, étrangers : je regrette de devoir vous dire que c’est bien vous, monsieur Ciotti, qui, par votre question, apportez la mauvaise réponse. Ce dont notre pays a besoin, c’est de rassemblement.
Ce dont notre pays a besoin, c’est de vivre les valeurs de la République, notamment la laïcité.
Parce que vous êtes en difficulté sur les questions économiques, parce que vous ne savez pas trouver la bonne réponse à la politique réformatrice du Gouvernement, parce que vous êtes divisés, vous divisez notre pays.
Protestations sur les bancs du groupe UMP.
Le Gouvernement n’a qu’une seule ligne : rassembler, rassembler, toujours rassembler les Français. Nous ne ferons jamais le choix de la division, car les Français ont plus que jamais besoin de se rassembler et de se retrouver autour des valeurs de la République.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Romain Colas, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Contrairement à ce qu’affirmait il y a un instant M. Ciotti, le 14 juillet, son défilé, son cortège de manifestations festives et conviviales dans les villes et villages de France, ont marqué la profonde aspiration des Français au rassemblement : rassemblement autour des valeurs républicaines et de l’ambition toujours nécessaire pour bâtir une communauté de destin ; rassemblement derrière nos armées – notre groupe s’associe pleinement à l’hommage rendu par le président de l’Assemblée nationale, M. Claude Bartolone, au sous-officier tombé hier en opération au Mali, ainsi qu’à ses camarades blessés ; rassemblement, enfin, derrière un projet, un cap, car les Français attendent de leurs dirigeants clarté, ambition, responsabilité et courage.
N’en déplaise à M. Ciotti, c’est bien ce cap que notre majorité entend tenir, comme l’a rappelé hier avec force le Président de la République.
Oui, nous avons le devoir de mettre en oeuvre des réformes ambitieuses jusqu’à la dernière minute du quinquennat : réforme territoriale, dont l’examen démarre aujourd’hui à l’Assemblée, pour moderniser la structure politique et administrative de notre pays ; pacte de responsabilité et de solidarité, qui mobilise toutes les énergies pour remporter la bataille de l’emploi, de la justice et de la compétitivité ;…
…soutien à l’investissement, public comme privé, ainsi que l’a rappelé la semaine dernière Arnaud Montebourg ; engagement pour mieux répartir les efforts et redonner du pouvoir d’achat aux classes populaires et moyennes ; enfin, détermination pour redresser les comptes publics, qui sont gravement affectés, notamment à cause des errements budgétaires du précédent quinquennat.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Notre majorité est et sera au rendez-vous ; elle sera à la hauteur des défis auxquels la France doit faire face. Nous connaissons les attentes de nos concitoyens ; nous avons chevillée au corps la volonté de les servir.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.
Monsieur le président, permettez-moi de saluer le nouveau député qu’est M. Colas.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Je tenais d’autant plus à le saluer qu’il est un élu du département de l’Essonne. (Sourires.)
Monsieur Jacob, même sur ce point vous essayez de nous diviser, mais vous n’y arriverez pas. Ayez un peu d’humour et faites preuve d’un peu de sensibilité. Laissez-moi également saluer un représentant de mon département.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Vous avez eu raison, monsieur Colas, de rappeler ce qui nous rassemble autour des valeurs du 14 juillet, de notre fête nationale – comme je l’ai fait il y a un instant. Mais le 14 juillet n’est pas uniquement un moment de commémoration ou de souvenir. Au-delà du rassemblement du pays autour de nos armées, c’est aussi le moment de tracer des perspectives pour l’avenir. C’est bien ce que le Président de la République a fait hier.
Je ne reviendrai pas sur tous les éléments que vous venez de rappeler ; ils prouvent que la politique que nous menons est cohérente, déterminée et réformatrice.
Elle est cohérente, d’abord, car toutes nos actions se complètent, s’ajoutent pour atteindre nos objectifs, à savoir la croissance et l’emploi, qui sont des moteurs essentiels pour notre pays. La diminution de l’impôt sur le revenu est attendue. Elle concernera 3,7 millions de ménages dès septembre prochain, dont 1,9 million sortiront de l’impôt sur le revenu. Le chef de l’État l’a rappelé une nouvelle fois : cette baisse nécessaire, notamment pour les classes moyennes, se poursuivra en 2015.
Nous sommes déterminés, avec la majorité, car nous devons affronter de grandes difficultés et relever de grands défis. Nous les surmonterons et nous tiendrons le cap, comme le Président de la République l’a également rappelé. Ce cap, c’est celui d’une France plus juste, plus innovante, une France qui va de l’avant. Vous avez eu raison de rappeler l’intervention faite la semaine dernière par Arnaud Montebourg, qui s’attaque aux privilèges et à la rente.
Notre pays est trop bloqué par ces privilèges et par ces rentes : nous avons besoin de tourner davantage notre économie vers l’innovation. Cela concerne, bien sûr, les grandes entreprises, mais aussi, au premier chef, les PME et les PMI.
Enfin, notre politique est réformatrice, car rien n’est pire que l’immobilisme et l’enlisement. Il faut avancer. À cet égard, vous commencez aujourd’hui l’examen du projet de loi relatif à la délimitation des régions. Or on voit bien à quel point, au-delà du débat habituel entre progressistes et conservateurs, un autre clivage existe, qui oppose partisans de la réforme et partisans de l’immobilisme.
Monsieur le député, plus que jamais, la majorité, le Gouvernement et le Président de la République incarnent les réformes dont notre pays a besoin.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.
La parole est à M. Philippe Meunier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Ma question s’adresse au ministre de la défense. Avant de la poser, je souhaite, au nom de notre groupe, rendre hommage au sous-officier français du 1errégiment étranger de génie, mort pour la France au Mali, lundi 14 juillet. Qu’il me soit également permis de saluer cette vieille Légion, qui sert avec honneur et fidélité notre pays.
Applaudissements sur tous les bancs.
Monsieur le ministre, en 2013, le Président de la République demandait à nos forces armées un nouvel effort avec une loi de programmation militaire qui réduisait encore plus leurs moyens, alors que, dans le même temps, l’éducation nationale se voyait gratifier, pour des raisons purement électoralistes, de 60 000 postes supplémentaires.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Cela traduit une rupture de l’égalité manifeste, voire une défiance sans précédent à l’égard de nos soldats, à qui la République demande tant.
Cette loi de programmation militaire a pourtant été votée par votre majorité et François Hollande a promis de ne pas revenir sur les engagements pris.
Malheureusement pour nos forces armées et pour la sécurité des Français, les financements promis par le Président de la République ne sont pas au rendez-vous, à cause de votre échec économique, monsieur Valls. Les recettes exceptionnelles prévues pour l’acquisition du matériel ne sont plus que des écritures comptables. Le report à charge des dépenses s’accroît, mois après mois, remettant en cause la sincérité même des engagements pris par votre majorité lors du vote de la loi de programmation militaire. Pour aggraver le tout, la semaine dernière, Bercy, dans le cadre de la préparation du budget 2015, a demandé à nos armées un effort supplémentaire impossible à réaliser.
Monsieur le ministre, je ne remets pas en question votre volonté de défendre le peu d’engagements du Président de la République pris à l’égard de nos armées, mais votre fidélité à l’égard de François Hollande ne doit pas confiner à l’aveuglement.
Face au naufrage du budget des armées qui s’annonce, votre démission aurait le mérite de créer un électrochoc, rappelant ainsi solennellement au Président de la République ses engagements et lui rappelant qu’il ne peut pas exiger sans cesse l’impossible de nos armées sans conséquence pour la sécurité des Français et de nos soldats. Votre démission aurait également le mérite de rappeler aux Français que la France a encore des ministres qui privilégient l’intérêt général et la parole donnée.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC . – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire.
Monseiur le député, je vous demande d’abord de bien vouloir excuser M. Le Drian, actuellement au salon de l’armement à Farnborough, en Grande-Bretagne. À l’instar du Premier ministre, le ministre de la défense et moi-même souhaitons nous associer à l’hommage que vient de rendre la représentation nationale à l’adjudant-chef Dejvid Nikolic, mort au Mali, ainsi qu’à ses camarades blessés, alors qu’ils participaient à une opération de reconnaissance dans le nord du pays.
Lors du conseil de défense réuni le 2 juin, le Président de la République a réaffirmé le caractère primordial de notre effort de défense, afin de renforcer notre influence internationale, protéger nos intérêts vitaux et assurer la sécurité de la France.
Il a, par conséquent, confirmé les engagements financiers de la loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019.
Cela signifie que le budget 2014 sera exécuté complètement. C’est pourquoi, le Président de la République a décidé l’activation de la clause prévue par l’article 3 de la loi, permettant d’augmenter de 500 millions d’euros les crédits du ministère pour sécuriser les programmes d’équipement de nos armées.
Une première tranche de 250 millions d’euros a d’ores et déjà été inscrite dans le projet de loi de finances rectificative pour 2014, sous la forme de crédits additionnels sur le programme d’investissement d’avenir. La deuxième tranche, de 250 millions d’euros, sera concrétisée dans le courant de l’année 2014, une nouvelle fois sous forme de crédits sur le programme d’investissement d’avenir.
De la même façon, le budget triennal 2015-2017 permettra d’exécuter intégralement la loi de programmation militaire.
La mission « Défense » bénéficiera ainsi en 2015 de 31,4 milliards de ressources totales, comme le prévoyait la trajectoire financière votée en décembre.
Cette loi de programmation, c’est notre feuille de route pour les six prochaines années. Le ministère et l’ensemble du Gouvernement sont aujourd’hui mobilisés pour sa réussite.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Ma question s’adresse au Premier ministre. Hier, sur les Champs-Élysées, lors du traditionnel défilé, quelques dizaines de nos compatriotes ont sifflé, hué, conspué le chef de l’État à son passage. Je veux être très clair : le groupe UDI désapprouve de tels comportements ; la cérémonie visant à rendre hommage à nos armées n’est évidemment pas le moment approprié pour ce type de manifestations, aussi légitime soit la désapprobation de l’action du chef de l’État.
Applaudissements sur tous les bancs.
Pour autant, monsieur le Premier ministre, se pose la question de la réaction des forces de l’ordre : trente et une interpellations ont eu lieu sur les Champs-Élysées. Sur la base de quelle loi interpelle-t-on et embastille-t-on ainsi, le 14 juillet, des citoyens qui manifestent leur sentiment et leur opinion ?
Exclamations sur les bancs du groupe SRC . – Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.
Le trouble à l’ordre public ? Le trouble à l’ordre public est patent lorsque des manifestants, protestant contre la situation à Gaza, cherchent à pénétrer de force dans un lieu de culte, en l’occurrence des synagogues. Cela a donné lieu à neuf interpellations.
Par contre, s’agissant des personnes interpellées lors des cérémonies du 14-Juillet, je ne vois pas de délit. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois : le 11 mars 2013, un simple citoyen, qui était sur le passage du chef de l’État, était embarqué de force par deux fonctionnaires de police, au prétexte qu’il avait demandé au Président de la République, devant des caméras de télévision : « Où sont vos promesses, monsieur le Président ? »
Je le répète, monsieur le Premier ministre, je n’attends pas de vous des déclarations d’intentions ou de désapprobation, car nous les partageons. En revanche, je voudrais savoir précisément ce qui motive ces arrestations, qui semblent bien arbitraires. Quel délit a été reproché à ces personnes pour qu’elles soient ainsi embarquées et momentanément privées de liberté ? Quelles instructions ont été données en la matière aux forces de l’ordre ? Que feriez-vous si, demain, le Stade de France se permettait de siffler le chef de l’État ? Enfin, quelle aurait été votre réaction si de telles arrestations avaient eu lieu sous le précédent Président de la République ?
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
Monsieur le député, vous avez au moins convenu, dans vos propos liminaires, que le 14-Juillet était une date importante d’unité nationale.
Vous avez bien voulu rappeler que le défilé sur les Champs-Élysées était la démonstration de cette unité, et que l’armée française, notamment dans la situation actuelle, a aussi besoin d’une atmosphère de respect, ce que vous avez vous-même souligné avant de mettre l’accent sur les manifestations d’un certain nombre de gens.
D’ailleurs, vous avez eu recours, dans votre argumentation, à des comparaisons qui m’ont un peu étonné, en faisant référence à des manifestations qui ont également eu lieu hier. Celles-ci posent de très sérieux problèmes, qui nous interpellent tous, et auxquels nous aurons l’occasion de répondre dans cette assemblée. Vous les avez comparées avec des événements relativement anodins, oubliant peut-être que des manifestations comme celle du 14-Juillet légitiment profondément des mesures de sécurité et de surveillance des Champs-Élysées.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Croyez-vous, monsieur Lagarde, que l’on puisse organiser une telle cérémonie, dans le contexte que vous avez vous-même évoqué, auquel s’ajoutent les menaces particulières pesant sur cette manifestation, sans prendre des mesures de sécurité, par ailleurs parfaitement conformes au droit, telles que la vérification de l’identité de certaines personnes ?
Si d’aucuns pensent qu’il y a eu une atteinte au droit, il y a, dans notre pays, sur ce sujet comme sur d’autres, une justice capable de s’en saisir. C’est la différence entre le gouvernement actuel et d’autres que vous avez soutenus.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Huées sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Christian Estrosi, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
En vous posant cette question, j’apporte en même temps la démonstration de la réponse totalement décalée que vient d’apporter votre secrétaire d’État, M. Le Guen.
Des actes de violence opposant des manifestants pro-Palestiniens aux forces de l’ordre ont éclaté dans les grandes villes de France.
C’est la première fois, monsieur le Premier ministre, depuis la Libération, que l’on investit une synagogue, que l’on s’attaque à un commerce au motif qu’il vendrait des produits juifs. Avec tout le groupe UMP et sans doute un certain nombre d’autres députés ici présents, je veux dire à la communauté juive de France toute notre émotion. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Une fois encore – malheureusement –, la France doit à nouveau subir des violences communautaires. Face à cela, le Président de la République n’a pas su répondre aux questions des journalistes hier, se contentant, comme d’une évidence, de dire qu’il souhaitait la paix.
Ce n’est pas une proposition d’initiative qu’il a apportée.
Les événements démontrent que la République est en danger et que certains veulent mettre en péril l’unité de la nation en instrumentalisant ce conflit pour l’importer sur le territoire national.
Exclamations sur certains bancs des groupes SRC et GDR.
À Nice, le jour de la fête nationale, plusieurs centaines de manifestants se sont rassemblées dans le centre-ville, malgré l’interdiction de la manifestation, prononcée – à ma demande – par le préfet. J’ai d’ailleurs dû beaucoup insister, pendant plusieurs jours, pour qu’enfin il se prononce, le jour même de la manifestation.
Il s’agit d’une provocation intolérable. On ne peut pas continuer à accepter l’inacceptable, à essayer de justifier l’injustifiable, surtout le jour où les Français rendaient hommage aux forces de sécurité, ainsi qu’à nos soldats, engagés partout dans le monde – vous l’avez rappelé, monsieur le président.
Monsieur le Premier ministre, saisirez-vous la justice contre ceux qui scandaient : « Israël, assassin » ou : « Nous sommes tous des Mohamed Merah », ce que n’a pas semblé prêt à faire le président de la République hier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMPsur plusieurs bancs du groupe UDI.)
Monsieur le député, je souhaiterais que, dans de tels moments, face à des débordements tout à fait intolérables… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).
S’il vous plaît ! Sur un sujet comme celui-là, on peut écouter la réponse !
…il y ait, de la part de la représentation nationale et de tous les responsables politiques, comme cela a été souvent le cas, une capacité d’union et de rassemblement…
Même sur un sujet qui met en cause – vous n’avez pas tort à cet égard – la cohésion, le ferment même de la nation, vous trouvez une fois encore, et je le regrette, monsieur Estrosi, le moyen de diviser et de faire porter la responsabilité sur le Président de la République.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Sur des sujets comme celui-là, sur lesquels, d’ailleurs, comme tous ici, j’ai toujours été intraitable, que ce soit en tant que ministre de l’intérieur, de parlementaire ou, tout simplement, de responsable politique, nous pourrait-on pas se retrouver, plutôt que de diviser et d’en appeler en permanence à la confrontation politique ?
Nouveaux applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
La lutte contre le racisme, l’antisémitisme, la division et le communautarisme devrait nous rassembler, au nom même des valeurs de la République.
Pourquoi essayer, monsieur Estrosi, mesdames et messieurs de l’opposition, de diviser et de casser, alors que, au contraire, le rassemblement, la capacité à trouver les mêmes mots, à nous retrouver autour des mêmes valeurs, constituent la meilleure réponse contre ces débordements, contre ceux qui s’en prennent à des synagogues, contre ceux qui s’en prennent aux juifs de France. Car s’en prendre aux synagogues et aux juifs de France, ce n’est pas s’en prendre à une communauté : c’est s’en prendre à la République, à la France et à nos valeurs.
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
Voilà ce qui devrait être en permanence rappelé et qui rendrait d’ailleurs plus forte, M. Estrosi, votre question.
La police française a parfaitement réagi. Elle a empêché, précisément, les intrusions dans les synagogues du quatrième et du douzième arrondissements.
Le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, a reçu hier les représentants de la communauté juive. Le Président de la République a dit, ce que je redis devant vous, que nous ne pouvons admettre, en France, un seul instant, que l’on cherche une fois encore à importer sur notre sol le conflit du Proche-Orient.
Je veux dire à tous nos compatriotes, notamment à ceux de confession juive, qu’ils ont droit évidemment à la sécurité, que nous sommes à leurs côtés, que nous saisissons la justice et que jamais nous ne permettrons ces divisions, parce que ce n’est pas cela, la France. Voilà, monsieur Estrosi, comment on rassemble un pays : en agissant pour les valeurs de la République.
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDDP et sur plusieurs bancs du groupe GDR.
La parole est à M. Pierre-Yves Le Borgn’, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse au ministre des affaires étrangères.
Depuis une semaine, la population civile de Gaza paie du prix du sang l’escalade entre Israël et le Hamas. Les raids israéliens dans la bande de Gaza ont fait près de 200 morts et plus de 1 300 blessés. Selon l’agence des Nations unies pour l’aide aux réfugiés palestiniens, ces victimes sont pour une large part des femmes et des enfants.
Plus du quart des morts de Gaza seraient des enfants ; 17 000 personnes auraient trouvé refuge dans les écoles, où manquent cruellement l’eau et la nourriture. Cette situation est bouleversante et dramatique. Elle est intolérable et doit cesser au plus vite.
Plus de 800 roquettes ont été tirées par le Hamas sur Israël, entraînant en retour les bombardements israéliens. Il n’y a pourtant d’avenir sur cette terre que dans la cohabitation pacifique de deux peuples et de deux États. Le Hamas doit reconnaître l’État d’Israël et renoncer à toute violence ; Israël doit mettre fin à la colonisation dans les territoires occupés et accepter la création pleine et entière de l’État de Palestine.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC, RRPD et sur plusieurs bancs du groupe GDR.
C’est là la condition de la réconciliation et de la paix. Le gouvernement israélien a accepté hier la proposition égyptienne de cessez-le-feu, qui s’accompagne de l’offre d’ouvrir sans délai des négociations sur l’entrée des personnes et des biens dans la bande de Gaza.
Cette proposition, soutenue par le président Mahmoud Abbas et par la Ligue arabe, a été rejetée par le Hamas. Quelle est, monsieur le ministre, la position de la France et de l’Union européenne face à l’escalade désastreuse du conflit et aux périls imminents pour les populations civiles de Gaza ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP et sur certains bancs du groupe UDI.
La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
Monsieur le député, à Gaza et en Israël, la situation est désastreuse. Vous avez rappelé les faits : d’un côté, plus de 150 victimes civiles ; de l’autre, des tirs de roquettes sur Israël.
Le Président de la République et moi-même l’avons dit : la priorité absolue doit aller, bien sûr, au cessez-le-feu. La France soutient donc la proposition, faite hier par l’Égypte et endossée par la Ligue arabe, d’un cessez-le-feu immédiat, suivi de discussions visant à établir une trêve durable. La France appelle toutes les parties à respecter immédiatement cette proposition de cessez-le-feu. Le cabinet israélien a annoncé son accord. Le Hamas doit donc cesser sans délai les tirs de roquettes.
Dans cet esprit, je vais m’entretenir au téléphone, dès la fin de cette séance de questions au Gouvernement, avec mon homologue égyptien, pour voir si nous pouvons agir en ce sens, au-delà de ce que nous avons déjà fait.
Au-delà, nous devons travailler à une trêve durable qui réponde aux besoins légitimes des Israéliens et des Palestiniens, en termes de sécurité et en termes d’accès. La France, avec ses partenaires européens, peut y contribuer, notamment à travers le redéploiement de ce que l’on appelle la mission EUBAM Rafah, ce qui doit se faire en liaison avec l’Autorité palestinienne.
Surtout, les événements actuels démontrent que, faute d’une solution politique, ce sont malheureusement les extrémistes qui tirent parti de la situation. Vous m’avez demandé quelle est la position de la France ; elle consiste à tout faire pour rendre plus fort le fil extraordinairement fragile de la paix. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
La parole est à M. Alain Moyne-Bressand, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, le Président de la République s’est exprimé hier mais il n’a rien dit, ou plutôt il a accumulé les contrevérités ou les banalités, en particulier dans le domaine économique.
Le bon sens nous indique que seules les entreprises, artisans, PME et ETI pourraient créer de l’emploi et sortir notre pays de la crise économique. Tout chef d’entreprise est prêt à recruter, c’est même un gage de réussite. Mais encore faut-il que les conditions le lui permettent. Je vous en parle en connaissance de cause.
Le Président de la République a annoncé à grand renfort d’interventions dans les médias le pacte de responsabilité, qui devrait régler tous les problèmes d’ici à 2017. Mais votre gouvernement perd de jour en jour sa crédibilité auprès des chefs d’entreprise. Tout semble reposer sur le tâtonnement et l’improvisation. Ainsi, le ministre du travail s’était déclaré en faveur d’un gel des effets de seuils sociaux pendant deux ans. Mais comment peut-on prendre la décision d’embaucher si la mesure est réversible ?
Conscient que l’application du concept de pénibilité, cette usine à gaz que vous avez votée, serait impossible, vous la reportez d’un an. Et après ?
Concernant l’apprentissage, Nous avions pris des décisions réalistes, avec la formation de 500 000 apprentis. Mais vous avez fait l’inverse puisqu’en 2012 vous avez supprimé l’aide à l’embauche d’un alternant supplémentaire. Le crédit d’impôt et l’indemnité compensatrice ont été réduits en 2013. La taxe d’apprentissage a été réformée en 2014. Les maîtres d’apprentissage ne s’y retrouvent plus. Résultat : une chute spectaculaire de 14 % des contrats d’alternance.
Vous nous parlez de simplification administrative. Il nous faut un plan ORSEC de la simplification sur les normes, les réglementations, les contraintes, les lois.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le député, j’entends toute la liste des critiques que vous venez de formuler. Je voudrais pouvoir vous annoncer, à cet instant, que le pacte de responsabilité et de solidarité qui a été conclu entre les organisations syndicales et patronales commence à porter ses fruits.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Mais je vous rappelle qu’il a été adopté la semaine dernière. Il faudra donc un peu de temps.
Hier, le Président de la République a rappelé très précisément que des engagements ont été pris, et non des moindres, dans la branche des industries chimiques puisqu’un premier accord relatif a l’emploi a été ouvert dans le cadre des négociations de branche. Écoutez bien : ce texte définit des engagements sur des recrutements à hauteur de 47 000 emplois sur trois ans, principalement en CDI,…
…l’accueil de 5 000 jeunes supplémentaires par an en alternance, l’accroissement de 10 % du nombre de jeunes de moins de vingt-six ans et un taux amélioré du maintien dans l’emploi des seniors. Cet accord a été signé par la CFDT et d’autres organisations vont le faire.
Comme vous le voyez, monsieur le député, les mesures qui ont été prises portent leurs fruits et elles le porteront encore plus à l’avenir.
Quant aux mesures de simplification, elles sont à l’oeuvre aujourd’hui, à la demande du Premier ministre. Thierry Mandon et Guillaume Poitrinal ont fait un certain nombre de propositions dont vous aurez d’ailleurs à débattre prochainement. À cette occasion, vous verrez que la volonté de ce gouvernement est de tout faire pour donner la possibilité aux entreprises d’avoir la souplesse nécessaire pour embaucher.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Joël Aviragnet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, je souhaite associer à ma question, qui concerne le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, mon collègue Luc Belot, qui est particulièrement investi sur le sujet du numérique.
Dès notre arrivée au pouvoir, le Gouvernement a mis en place une politique transversale de développement du numérique qui commence par le déploiement du haut débit partout sur le territoire. Je ne peux que saluer une telle initiative car au XXIe siècle, de l’emploi à l’information, de la santé à la culture, le numérique est partout dans la vie de nos concitoyens.
Monsieur le ministre de l’éducation nationale, votre politique ambitieuse en matière d’éducation a permis au numérique de franchir avec succès la porte de l’école pour le bien de tous les élèves. Car le numérique, ce n’est pas, comme certains pourraient le croire, simplement remplacer les cahiers et les stylos par des tablettes ou des ordinateurs, le numérique ce n’est pas de regarder des films au lieu d’écouter la maîtresse ou le professeur. Le numérique, c’est d’abord une nouvelle façon d’apprendre, qui se révèle un formidable moyen de motiver des élèves qui n’arrivent pas toujours à se concentrer. Le numérique, ce sont des outils qui peuvent s’adapter aux élèves et faire tomber les barrières du handicap pour des enfants et des jeunes dont la scolarisation est parfois difficile. C’est le moyen d’accéder rapidement à des livres, à des oeuvres d’art, à des exercices qui sont désormais à portée de doigt. Enfin, c’est un outil avec lequel tous les élèves doivent être familiers pour entrer pleinement dans la vie active.
Vous avez annoncé ce week-end votre volonté de faire apprendre, dès le primaire, le codage informatique aux élèves. Leur donner accès à ces outils, c’est les mettre sur un pied d’égalité.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire en quoi l’apprentissage du codage au cours du parcours scolaire et dès le primaire est important ? PLus généralement, pouvez-vous préciser…
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Merci.
La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur le député, permettez-moi tout d’abord de saluer votre arrivée dans cet hémicycle.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Je vais essayer de vous répondre sur l’éducation par le numérique et au numérique.
L’éducation par le numérique amènera l’école, le collège et le lycée à lutter de manière beaucoup plus efficace contre l’échec scolaire et les inégalités parce que, comme vous l’avez dit, le numérique favorise la participation, stimule l’activité des élèves et modifie le statut de l’erreur. Il est incontestable aujourd’hui que lorsque l’on fait une erreur sur une tablette, on efface et on recommence alors que sur le papier cela laisse des traces. Le numérique permet aussi de compenser bien des handicaps, et je salue toutes les expérimentations qui permettent aujourd’hui à des enfants dyslexiques ou dyspraxiques de suivre, grâce au numérique, les mêmes leçons que tous leurs petits camarades.
L’objectif du Gouvernement est de réaliser un investissement sans précédent en faveur de l’équipement des écoles, des collèges et des lycées au numérique mais aussi en faveur des ressources du numérique éducatif. C’est pourquoi, avec mes collègues Axelle Lemaire et Arnaud Montebourg, nous avons annoncé la mise en oeuvre, à la rentrée prochaine, d’un plan qui vise à connecter tous les établissements. Dès la rentrée prochaine, 9 000 écoles qui n’étaient pas connectées le seront par le haut débit là où elles ne pouvaient pas l’être jusqu’ici grâce à l’aide de l’État. Nous accélérerons l’équipement des collèges et des écoles en terminaux mobiles mais aussi en tableaux interactifs.
Nous ferons en sorte, demain, d’investir dans le numérique éducatif, c’est-à-dire dans les ressources pédagogiques, pour ne pas les laisser aux Anglo-saxons. Ce seront plusieurs centaines de millions d’euros du PIA qui seront consacrés, à la rentrée, à ce plan.
L’éducation au numérique, ce sera, comme je l’ai annoncé ce week-end, l’initiation au codage informatique dès l’école primaire – c’est une initiative et une innovation tout à fait majeure pour notre pays – ainsi que l’inscription dans les programmes des collèges, demain, des principes des langages de programmation afin que…
…tous les élèves soient capables de réaliser des applications simples.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Annie Genevard, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Dibrani, monsieur le Premier ministre : ce nom claque comme une gifle infligée à la France par le père de Leonarda
« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC
qui a annoncé son retour imminent et celui de sa famille, avec des papiers d’identité croates récemment établis et permettant, demain, leur libre circulation dans l’espace européen.
Cet homme, demandeur d’asile depuis 2009, pris en charge avec bonté par des habitants de ma circonscription, a profité sans honte de la solidarité nationale. Il a tenu à votre endroit des propos insupportables sur le fond et sur la forme. Je les rappelle : « On va leur montrer, à Hollande et à Valls, qui est le chef. La France, on va la faire payer. Nous irons jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme. » Et en effet il se trouvera sans doute des avocats habiles…
…et des associations spécialisées pour légaliser l’inacceptable.
Qu’est la France, sinon le moyen de tirer profit d’un pays sans autorité et qui épuise ainsi une partie de ses forces ?
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Resat Dibrani est un provocateur, une caricature, mais combien d’autres attendent en silence exactement la même chose de notre pays, qui ne peut plus assumer un système dont la maîtrise lui échappe ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Ce n’est pas avec Mme Taubira que ça va s’arranger !
Le retour des Dibrani serait vécu par nos compatriotes comme une faillite et attiserait sans aucun doute la xénophobie, que la naïveté coupable de certains prétend combattre.
Monsieur le Premier ministre, pourquoi ne réformez-vous pas un droit d’asile trop lent et trop souvent dévoyé ? Pouvez-vous nous dire si tout sera mis en oeuvre pour éviter le retour des Dibrani ? Pouvez-vous nous dire si le chef, ce sera M. Dibrani ou vous ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur certains bancs du groupe UDI.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Madame la députée, nous avons appris comme vous que certains membres de la famille Dibrani tentaient de se faire établir des passeports croates.
À ce stade, je tiens à rappeler que, au moment où ils demandaient l’asile en France, les Dibrani n’avaient jamais revendiqué une nationalité croate. Ils avaient fait état des persécutions dont ils auraient été victimes en Serbie, puis avaient déclaré avoir légalement vécu en Italie et dissimulé ces éléments aux autorités françaises. Le père, M. Dibrani, avait également indiqué avoir produit un faux pour induire en erreur les autorités françaises. Tous ces éléments sont constitutifs de fraude et le Gouvernement entend être intraitable avec les fraudeurs.
Quand bien même certains membres de la famille Dibrani se verraient délivrer un passeport croate, cela ne leur donne pas pour autant droit au séjour en France.
Tout d’abord, nous nous réservons la possibilité de constater qu’il s’agit d’un abus de droit ; les règles de l’Union européenne ne sont pas là pour permettre des contournements, des tours de passe-passe.
Ensuite, il leur faudrait accéder à une autorisation de travail pour pouvoir rester en France. Les autorités françaises feront preuve de toute la sévérité nécessaire dans l’appréciation de leur situation.
Il est hors de question que cette famille mobilise davantage les pouvoirs publics et les finances de l’État. Le Gouvernement sera en tout de cause intraitable sur la situation de cette famille qui a été éloignée légalement et qui, elle doit le savoir, n’est pas la bienvenue en France.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Comme beaucoup hier, en entendant le chef de l’État, nous attendions une clarification de la ligne économique du Gouvernement.
S’agit-il de la ligne du ministre des finances, qui, me semble-t-il, prône le respect de la trajectoire de stabilité pour parvenir à cet objectif difficile, mais ô combien essentiel, d’un déficit public à 3 % du PIB, ou bien de la ligne du ministre de l’économie et du redressement productif, lequel a annoncé cette semaine une nouvelle répartition des 50 milliards, avec une dose vers les entreprises, une dose vers les ménages et une dose vers le déficit public ?
Je crois que la France n’a pas les moyens de se permettre des désaccords au sein du Gouvernement sur cette question. Je voudrais donc savoir, monsieur le Premier ministre, quelle est la vérité de votre gouvernement en ce qui concerne l’approche économique. Va-t-on dans un sens ou dans l’autre ?
Je m’étonne que le Président de la République, hier, en ouverture de son entretien, se soit réjoui d’une sortie de crise, une crise de la zone euro qui, vous le savez, ne sera résolue que si la France, comme d’autres pays, respecte la trajectoire de stabilité. Il a d’ailleurs lui-même démenti son optimisme en demandant à l’Europe, dans la roue de Matteo Renzi, des éléments pour s’affranchir de cette trajectoire dans laquelle, chers collègues, nous sommes officiellement engagés.
Ma question est donc la suivante : où est la vérité entre ces deux écoles divergentes et incompatibles, celle du ministre de l’économie et celle du ministre des finances ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur certains bancs du groupe UMP.
Monsieur le député, la réduction de nos déficits est une exigence.
C’est celle d’un grand pays qui, en tant que tel, doit respecter la parole qu’il a donnée à ses partenaires. C’est une exigence de souveraineté, pour ne pas faire dépendre notre pays de l’humeur des marchés financiers. C’est une exigence d’équité à l’égard des générations qui viendront après nous et n’ont pas à supporter les dépenses qui sont les nôtres.
C’est pourquoi le Gouvernement a engagé l’assainissement des finances publiques en 2012. Il a d’ailleurs obtenu des résultats. Le déficit de l’État était de près de 150 milliards d’euros en 2010 ; il a été divisé par deux fin 2013.
Il faut observer une certaine prudence en matière budgétaire. Les recettes publiques fluctuent avec l’activité économique et avec l’inflation. Ces deux facteurs nous pénalisent aujourd’hui. En revanche, nous sommes stricts sur la dépense. Nous avons obtenu en 2013 le taux de croissance des dépenses publiques le plus bas depuis 1998. Nous poursuivons l’effort en 2014, avec 4 milliards d’euros d’économies supplémentaires en cours d’année. Pour 2015, le Gouvernement a présenté, la semaine dernière, un budget de l’État en forte baisse, avec près de 18 milliards d’euros de dépenses en moins.
Maîtriser la dépense publique, c’est la condition pour poursuivre la réduction du déficit, financer les baisses d’impôts pour les ménages et les baisses de charges pour les entreprises et pérenniser notre service public, qui ne peut être éternellement financé à crédit.
Voilà qui devrait pouvoir recueillir l’assentiment de tous : rompre ainsi avec le passé et pouvoir créer le rassemblement que le Premier ministre a évoqué il y a quelques minutes.
Applaudissements sur certains bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, au titre des députés non inscrits.
Monsieur le Premier ministre, j’avais imaginé vous poser une question sur l’état de nos forces de défense, mais M. Meunier vous a déjà interrogé à ce sujet. Votre manière de répondre me conduit à vous demander très directement pourquoi, à chaque fois que l’opposition pose une question précise, et gênante par essence, vous vous réfugiez derrière les « valeurs de la République » et le « rassemblement des Français », en accusant l’opposition de « diviser ».
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
S’opposer, ce n’est pas diviser, c’est participer au débat démocratique. La République que vous invoquez à tout bout de champ, nous la défendons tous et nous y adhérons tous. L’idéal du rassemblement des Français, nous le voulons tous. Mais, monsieur le Premier ministre, les mots seuls peuvent-ils permettre de défendre la République ? Les actes de votre Gouvernement sont-ils bien là pour ce faire ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Il n’y a pas de République quand la police est découragée. Dans notre département de l’Essonne, que vous connaissez bien, vous allez supprimer, cette année même, une centaine d’agents. Les policiers sont molestés, insultés, jamais défendus. Il n’y a pas de République quand la justice est laxiste, et la loi Taubira que vous venez de voter va considérablement aggraver la situation. Vous le savez tous !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
C’est cela, la réalité du pays ! C’est cela que vivent nos concitoyens ! Il n’y a pas de République quand les frontières sont des passoires et quand les communautarismes se développent. Il n’y a pas de rassemblement possible quand l’économie est à l’arrêt, quand les entreprises n’embauchent plus et quand les jeunes dans les quartiers sont oisifs. Voilà la réalité du pays !
Les Français se posent une question simple, monsieur le Premier ministre, et plus encore après l’intervention hier du Président de la République : quand allez-vous sortir de votre bulle et du déni permanent de réalité ? Quand allez-vous voir ce que vivent nos concitoyens, leurs souffrances et leurs difficultés ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le député, je fais appel et référence aux valeurs de la République, de la nation et de la patrie, parce que je considère avec beaucoup que les républicains ont trop souvent oublié ces valeurs et ces rappels. En les laissant aux autres, à ceux qui ont de notre pays une vision pessimiste, décliniste et le voudraient refermé sur lui-même, nous n’avons pas rendu service aux valeurs qui sont les nôtres. Souffrez donc que je continue à les évoquer, car je pense qu’elles permettent un rassemblement plus que jamais nécessaire face à la crise économique que nous traversons depuis des années, face à la crise de confiance que j’ai rappelée à l’occasion de mon discours de politique générale et face à la crise d’identité de notre pays – ce sont là des débats qui méritent, bien évidemment, une confrontation. Pour avoir été moi-même dans l’opposition, je ne dénierai jamais le droit à l’interpellation et à la critique. Il serait absurde de le faire.
Toutefois, après avoir tiré les leçons de ceux qui ont été pendant plusieurs années dans l’opposition, je crois que la caricature, la facilité et la volonté permanente de diviser sur les mêmes sujets ne sont pas acceptables. D’ailleurs, vous venez d’en faire l’illustration : comment expliquer que ce que vous appelez la loi Taubira ouvre les portes des prisons ?
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Le débat à l’Assemblée nationale et au Sénat, de même que les prises de position des uns et des autres ont montré qu’il serait temps que nous cessions de nous diviser sur les questions de sécurité et de justice. Nous avons ô combien de fois traité ces sujets, notamment avec la multitude de lois que vous avez votées quand nous étions dans l’opposition et vous dans la majorité, et qui n’ont pas servi à grand-chose. Dans les domaines de la justice et de la sécurité, face à la violence que connaît notre société et face à l’échec lié à la récidive, plutôt que des interpellations, comme vous le dites avec raison, il faut des actes. C’est ce gouvernement, c’est cette majorité, c’est ce Président de la République qui ont précisément permis de mettre fin à la saignée que les administrations de la police, de la gendarmerie et de la justice ont connue.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
C’est ce Président de la République, ce gouvernement et cette majorité qui ont permis la création de centaines de postes de policiers et de gendarmes, mais également dans la justice, parce que nous faisons face à une situation intolérable dans nos prisons et qu’il faut un système de probation digne de ce nom pour appliquer la loi pénale.
Monsieur le député, vous avez raison, les appels à la République, à la nation et à la France doivent être suivis par des actes. Ces actes, nous les accomplissons, forts d’une conviction profonde qui ne me lâchera jamais : le rassemblement autour de nos valeurs. Je souhaite que ce soit la gauche qui, plus que jamais, porte ces valeurs de République et de nation ; je ne veux pas les laisser aux extrêmes et à ceux qui ont été trop proches du Front national dans leur parcours politique.
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
La parole est à M. Michel Heinrich, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux, et concerne le financement de l’aide juridictionnelle. A plusieurs reprises, ces derniers mois, les avocats ont manifesté leur inquiétude sans être entendus, alors que leurs préoccupations sont fondées, puisqu’il s’agit bien de l’avenir de cette prestation accordée aux plus démunis pour leur permettre de se défendre en justice. En effet, la profession demande vainement, depuis plusieurs années, une revalorisation des indemnités versées par l’État, alors que, même sans cette revalorisation, la pérennité du financement de l’aide juridictionnelle n’est plus assurée. Bien loin de répondre à cette demande, le Gouvernement propose de prélever une taxe sur le chiffre d’affaires des avocats. Ainsi, les avocats, qui en financent déjà une partie, compte tenu du montant des indemnités, qui est inférieur au coût réel de la prestation, y contribueraient une seconde fois, sous une autre forme. A-t-on un jour envisagé de faire participer les médecins au financement de la CMU ?
Bien entendu, je n’ignore rien des contraintes budgétaires, mais la profession a proposé une solution de financement neutre pour le budget de l’État, sur laquelle le Gouvernement ne s’est pas prononcé. Il s’agirait, d’une part, de créer un fonds dédié à l’accès au droit et à la justice qui serait alimenté par une taxe créée sur les contrats d’assurance juridique, mais également par une taxe perçue sur les mutations et les actes soumis aux droits d’enregistrement, ainsi que sur les actes juridiques soumis à une formalité de dépôt ou de publicité. Il est proposé, d’autre part, de généraliser la garantie protection juridique, en la rendant obligatoire dans les contrats d’assurance multirisques habitation, afin de limiter les procédures de recours à l’aide juridictionnelle. Ainsi, la charge de la prestation serait plus équitablement répartie. Sans évolution de la situation, ce sont les justiciables les plus démunis qui seront sanctionnés. Madame la garde des sceaux, qu’envisagez-vous pour pérenniser ce financement ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le député, concernant l’aide juridictionnelle, je vous rassure, si vous avez le souci de l’être : pour 2015, elle augmentera à nouveau de 10 %. Depuis que nous sommes aux responsabilités, nous l’avons chaque année augmentée. Cependant, elle pose un certain nombre de problèmes. Son sens, c’est de permettre l’accès au droit à des justiciables dont les revenus sont extrêmement modestes, puisque le plafond de ressources est fixé à 936 euros, soit sous le seuil de pauvreté. Vous l’avez dit, monsieur le député, l’indemnisation due aux avocats n’a pas été revalorisée depuis 2007. Depuis 2007 ! Il est effectivement temps de leur faire justice.
Par ailleurs, un certain nombre de contentieux de masse sont exclus de l’aide juridictionnelle, alors que leur inclusion permettrait aux justiciables modestes d’y accéder. Toutefois, au cours des dix années pendant lesquelles vous avez été aux responsabilités – et c’est juste une concomitance –, une demi-douzaine de rapports ont établi que le système de l’aide juridictionnelle était essoufflé. Aussi ce gouvernement a-t-il décidé d’augmenter l’aide juridictionnelle. Non seulement nous ne la mettons donc pas en péril, mais nous avons le courage politique et moral de travailler en profondeur à sa réforme…
…et d’en faire une politique nationale de solidarité. Quelques chiffres vous donneront la mesure de l’effort à fournir : 7 % des avocats assurent 57 % de l’aide juridictionnelle. Cela veut dire qu’il y a une forte concentration et, partant, une dépendance d’un certain nombre de cabinets vis-à-vis de cette aide juridictionnelle ; or la loi de 1991 a prévu la mutualisation. Le Gouvernement, qui a déjà travaillé avec les professions, a décidé de passer à une autre étape. Le Premier ministre a autorisé l’étude d’une taxe et le député Jean-Yves Le Bouillonnec a été chargé d’une mission de médiation sur laquelle il travaillera tout le mois de juillet. Il remettra son rapport fin août. Je suis certaine qu’en plus de notre augmentation, nous allons réformer…
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Robert Olive, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse au ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt ; j’y associe mes collègues Jacques Cresta et Pierre Aylagas.
Monsieur le ministre, les producteurs de fruits se retrouvent aujourd’hui face à de grandes difficultés, plus particulièrement les producteurs de pêches et de nectarines.
Les Pyrénées-Orientales, dont je suis devenu député depuis peu, sont le premier département producteur de pêches en France avec, cette année, une très forte production. Cependant, les obstacles sont nombreux : certaines enseignes commerciales n’ont pas encore mis en place la référence « origine France » ; les linéaires de certains magasins sont inadaptés à la vente des fruits et manquent d’un affichage clair, ce qui se traduit par des stockages excessifs et des prix revus à la baisse ; la concurrence, notamment espagnole, fait rage et le consommateur n’a que peu de lisibilité.
Les producteurs de fruits ont besoin de notre soutien ; je sais que la loi d’avenir que vous avez présentée répond à leurs attentes et que le Gouvernement est très volontariste en la matière, ce dont je vous remercie.
La semaine dernière, une réunion s’est tenue entre les producteurs et les distributeurs ; il a été convenu de lancer une opération visant à mettre en avant des produits locaux à dimension régionale, afin de relancer la consommation.
Monsieur le ministre, cet accord est essentiel à la survie des producteurs et au respect des consommateurs, mais il nous faudra rester vigilants quant au comportement de certains distributeurs – je pense notamment à leurs actions commerciales – pour ce qui est de protéger notre agriculture locale et nationale.
Ainsi, monsieur le ministre, pouvez-vous exposer devant la représentation nationale les mesures concrètes que vous comptez mettre en oeuvre afin de protéger les producteurs de fruits ?
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.
La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le député, c’est la première question que vous posez, et sur un sujet d’actualité puisque, vous l’avez rappelé, il y a des difficultés aujourd’hui sur le marché des fruits. Ces difficultés sont d’abord liées à un climat qui n’est pas actuellement propice – mais je pense que cela va changer – à la consommation de fruits et à l’arrivée simultanée sur le marché de la production française et espagnole.
Qu’est-ce qu’a fait l’État ?
Premièrement, il y a eu une réunion France-Espagne-Italie, puisque c’est un sujet que nous devons aussi traiter à l’échelle européenne. Deuxièmement, le conseil de gestion compétent de la Commission européenne sera saisi demain de ce sujet. Nous aurons aussi une réunion, demain, au ministère de l’économie avec des représentants de la grande distribution, laquelle, jusqu’ici, a plutôt écouté les appels que nous lui avons lancés pour promouvoir les fruits français.
Le moment difficile que nous traversons appelle des solutions. Ainsi, il y aura une campagne de promotion pour les fruits français, financée en partie par l’État à hauteur de 200 000 euros.
J’ajoute devant la représentation nationale que, cette année en particulier, les fruits français sont en quantité et surtout d’excellente qualité. Il faut faire passer le message, s’organiser, gérer la période dans laquelle nous sommes et promouvoir la production française.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur certains bancs du groupe écologiste.
Monsieur le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique, le 10 juillet dernier, vous avez présenté votre feuille de route intitulée : « Pour le redressement économique de la France ». Les mots sont volontaristes et nous ne doutons pas qu’ils traduisent votre détermination à sortir notre pays du marasme économique. Nous approuvons l’idée d’une reprise en main de la politique pour définir nos grandes orientations industrielles et économiques.
Cependant, votre discours passe à côté de l’essentiel.
On ne peut pas tout à la fois faire du Roosevelt et du Georges Pompidou : au XXIe siècle, la croissance et l’emploi ne se feront qu’au seul prix d’un basculement vers la transition écologique.
Nous, écologistes, vous demandons d’avoir l’audace et la modernité de mettre en oeuvre un keynésianisme vert. Nous devons repartir de l’avant sur une base décarbonée, décentralisée, économe en ressources et sobre en énergie. Cette nouvelle politique économique, qui préservera les matières premières et l’énergie avec moins de gaspillage et moins de déchets, sera surtout créatrice d’emplois et, à terme, d’une croissance découplée de l’épuisement des ressources naturelles.
Pour y parvenir, nous devons agir à toutes les étapes de la vie de la matière, à travers l’éco-conception, l’écologie industrielle, l’économie de la fonctionnalité, la réutilisation, le réemploi et le recyclage.
Le Président Roosevelt a dit : « Essayer quelque chose, et si cela ne marche pas, essayer autre chose. » C’est possible ! Les régions, les territoires, des villes comme Paris s’engagent dans l’économie circulaire. Ségolène Royal a pris la mesure de l’enjeu avec la loi de transition énergétique, en mettant en avant l’économie circulaire comme projet industriel et environnemental, en faisant un projet stratégique sur les ressources de notre pays.
Au-delà de vos quelques propositions concernant l’écologie, monsieur le ministre, quand franchirez-vous le pas d’une réelle et ambitieuse transition écologique du XXIe siècle, faisant de celle-ci le réacteur de votre politique économique ?
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.
La parole est à M. le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique.
Monsieur le député, notre politique et celle que vous défendez sont quasiment les mêmes. Il est inutile d’entrer dans des oppositions artificielles – choisir Pompidou ou Roosevelt, désigner ce qui serait vert et ce qui ne le serait pas – car le Gouvernement a, comme vous, une haute conscience de la modification des termes du modèle économique.
J’en veux pour preuve les trente-quatre plans industriels, dont une dizaine sont consacrés à la mutation par l’innovation technologique, financière, économique ou humaine du modèle économique et de l’offre industrielle.
Savez-vous, par exemple, que j’ai validé un plan avec ma collègue et amie Ségolène Royal pour la mise sur le marché de technologies d’énergies renouvelables compétitives ? Savez-vous que nous sommes en train d’offrir aux industriels du bois les conditions réglementaires et législatives pour enfin pouvoir construire en bois dans notre pays et stimuler de nouveaux usages du bois ? Savez-vous que nous avons un plan « recyclage et matériaux verts » qui propose 111 projets financés à hauteur de plusieurs centaines millions d’euros, avec le soutien du grand emprunt mais aussi des investisseurs privés ? Dois-je aussi vous rappeler que, dans le cadre du plan « chimie verte », l’industrie de la chimie est en train de muter et propose quarante projets totalisant environ 2 milliards d’investissements ? Avant de critiquer, il est bon de se renseigner, monsieur le député. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes écologiste et UMP.)
Je vous adresse derechef l’ensemble des informations qui nous permettront de nous unir dans la construction d’une nouvelle France industrielle.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Transition écologique
La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de Mme Laurence Dumont.
Madame la présidente, je vous demande une brève suspension de séance.
Présentation
La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures trente-cinq.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi de finances rectificative que vous vous apprêtez à examiner en nouvelle lecture a déjà fait l’objet de nombreuses présentations en commission et en séance ; j’en rappellerai les points essentiels.
Pourquoi le Gouvernement a-t-il déposé un projet de loi de finances rectificative en cours d’année alors qu’il ne l’avait pas fait l’an dernier ? Pour une raison : la nécessité de mettre en oeuvre les mesures fiscales du pacte de responsabilité et de solidarité, car seul le législateur peut modifier la loi fiscale. Ces mesures, nous avons eu l’occasion d’en débattre longuement : c’est la prorogation, pour un an, de la contribution exceptionnelle d’impôt sur les sociétés, ainsi que l’allégement d’impôt sur le revenu décidé au bénéfice des ménages modestes et des classes moyennes ; ce sont, en un mot, les mesures du pacte – dont certaines prennent effet en 2014 et d’autres seront appliquées en 2015 – qui relèvent du domaine des lois de finances, tandis que le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale contient celles qui relèvent des lois de financement de la Sécurité sociale.
Toutefois, ce projet de loi ne contient pas uniquement des mesures fiscales, puisqu’il prévoit également d’annuler 1,6 milliard d’euros de crédits, dont 1 milliard d’euros de crédits « frais », c’est-à-dire situés hors réserve de précaution. Ces annulations représentent la part de l’État dans les 4 milliards d’euros d’économies réalisées en gestion pour apporter une première réponse à la procédure de correction des écarts, conformément à la loi organique adoptée fin 2012. De même que, tout au long de l’année 2013, nous avons laissé jouer les stabilisateurs automatiques, nous ne chercherons pas, en 2014, à compenser la baisse de recettes fiscales, car il est de bonne politique de laisser les prélèvements obligatoires fluctuer en fonction de la conjoncture économique.
Notre objectif est la diminution du déficit structurel. Qualifiée de « considérable » par la Cour des comptes, cette diminution s’est traduite par une amélioration structurelle des finances publiques équivalente à 1,5 % du PIB, soit 30 milliards d’euros en 2013. Elle a toutefois été moins importante que prévu, et ces 4 milliards d’euros d’économies sont destinés à rattraper dès cette année une partie de l’écart.
Un texte qui met en oeuvre les mesures du pacte à effet 2014 et 2015, voilà donc, résumé en quelques mots, le contenu de ce projet de loi de finances rectificative.
Cette nouvelle lecture nous donnera l’occasion de débattre de plusieurs sujets que vous avez examinés en première lecture – je pense notamment à l’apprentissage, à la taxe de séjour ou aux annulations de crédits.
La première discussion portera sur l’article liminaire. Comme je l’avais annoncé à l’issue de l’examen du texte en première lecture, le Gouvernement a déposé un amendement tendant à revenir à la rédaction initiale de cet article. Sans entrer dès maintenant dans le débat, je vous rappellerai brièvement les raisons pour lesquelles l’adoption de cet amendement nous paraît indispensable.
Tout d’abord, la modification introduite en première lecture n’est pas cohérente avec l’hypothèse de croissance potentielle fixée par la loi de programmation des finances publiques, de même qu’elle ne prend pas en compte la révision du PIB 2011 par l’INSEE. Elle est donc dépourvue de fondement technique. En conséquence, si l’article liminaire n’était pas rétabli dans sa rédaction initiale, sa sincérité pourrait être mise en cause. Or si le Conseil constitutionnel censurait l’article liminaire, il pourrait être amené à en faire autant pour l’ensemble du texte, dans la mesure où l’article liminaire relève du domaine obligatoire de la loi de finances.
Au-delà des différents amendements que vous allez examiner dans le cadre de cette nouvelle lecture, je souhaite revenir sur un élément important et peut-être insuffisamment rappelé : la maîtrise constante de la dépense depuis le début de la législature.
Ainsi, au cours de l’année 2012, la précédente majorité avait adopté un « rabot » de 1,2 milliard d’euros. C’est notre gouvernement qui a dû gérer ces annulations en fin de gestion. Nous l’avons fait, et nous avons tenu la norme.
De même, en 2013, nous avons enregistré plusieurs résultats satisfaisants : la dépense de l’État sous norme en valeur a été inférieure de 144 millions d’euros à l’autorisation parlementaire ; la dépense d’assurance maladie a été inférieure de 1,4 milliard d’euros à l’objectif fixé par la loi de financement de la sécurité sociale ; et le taux de croissance de la dépense publique en valeur a été le plus faible depuis 1998, alors même que l’investissement local atteignait un pic, comme il est d’usage l’année précédant les élections municipales.
Pour 2014, nous avons construit un budget en baisse de 1,7 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2013. Une diminution en valeur absolue de la dépense sous norme était déjà sans précédent : nous y ajoutons des annulations supplémentaires de 1,6 milliard d’euros. D’exécution 2013 à exécution 2014, la dépense sous norme sera ainsi en diminution de 3,1 milliards d’euros.
Enfin, pour 2015, le budget triennal de l’État anticipe une baisse des dépenses des ministères à hauteur de 1,8 milliard d’euros.
Il faut faire preuve de prudence et d’une certaine humilité en matière de prévision budgétaire, car les recettes fluctuent d’une année sur l’autre en fonction de la conjoncture économique et de l’inflation. Ces aléas pèsent nécessairement sur le déficit public, et expliquent que celui-ci puisse se réduire moins vite que prévu.
En revanche, le Gouvernement dispose de leviers pour agir, sinon sur la totalité de la dépense publique, du moins sur la dépense de l’État et sur celle de l’assurance maladie. Or ces leviers, nous les manions, car la baisse de la dépense est non seulement la condition pour réduire le déficit et financer les baisses d’impôts – en particulier celles qui bénéficieront aux ménages modestes et aux classes moyennes –, mais aussi la garantie d’une gestion exemplaire du service public et de la pérennité de notre modèle social, lequel ne peut être financé indéfiniment à crédit.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, le Sénat a rejeté ce projet de loi de finances rectificative, comme il a rejeté tous les projets de loi de finances depuis l’automne 2012. Il vous revient donc d’examiner le texte en nouvelle lecture. Le Gouvernement souhaite bien entendu que l’Assemblée nationale l’adopte à nouveau, comme elle l’a fait en première lecture.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, nous sommes donc amenés à examiner en nouvelle lecture le projet de loi de finances rectificative pour 2014.
Initialement, le présent projet de loi de finances rectificative pour 2014 comportait sept articles, dont l’article liminaire. Il traduisait, en formant un tout avec le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2014, les mesures du pacte de responsabilité et de solidarité portant sur le budget de l’État.
À l’issue de la première lecture par notre assemblée, le 26 juin dernier, les amendements adoptés ont conduit à modifier trois articles, à en supprimer un et à en ajouter trente.
Nous avons ainsi adopté, sans le modifier, l’article 1er instituant une réduction d’impôt sur le revenu au profit des ménages modestes, l’article 3 fixant les conditions de l’équilibre, ainsi que l’article 5 prolongeant d’un an la contribution exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés.
Nous avons enfin supprimé l’article 6, qui prévoyait le gel des allocations de logement financées par le budget de l’État, en coordination bien sûr avec les décisions prises lors de l’examen du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2014.
Les six articles initiaux, que nous avons adoptés, ont par ailleurs été complétés par trente articles additionnels, dont neuf en première partie, qui affectent donc l’exercice en cours, et vingt-et-un en deuxième partie, dont un réformant l’écotaxe poids lourds et un autre apportant des évolutions substantielles de la taxe de séjour. Le texte que notre assemblée a transmis au Sénat comprenait donc trente-six articles.
Le Sénat, pour sa part, a rejeté l’ensemble du texte, le 8 juillet 2014, après que sa commission des finances l’eut adopté. Il avait retenu plusieurs amendements importants contre l’avis du Gouvernement, voire contre l’avis de sa commission des finances, dont l’un rétablissait le mécanisme de défiscalisation des heures supplémentaires supprimé par le collectif budgétaire d’août 2012, examiné immédiatement après les élections. Le Sénat a rejeté la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2014, et donc le projet dans son ensemble.
Le 10 juillet dernier, la commission mixte paritaire a constaté qu’elle ne pouvait parvenir à un accord sur l’ensemble des dispositions restant en discussion et a conclu à l’échec de ses travaux. Comme cela avait été le cas pour les précédents projets de loi de finances, M. le secrétaire d’État l’a rappelé, cette conclusion était inévitable dès lors que les votes ayant conduit au rejet du texte au Sénat ne présentaient pas d’objectifs communs.
Notre commission des finances, qui s’est réunie le 10 juillet dernier pour examiner ce projet de loi de finances rectificative en nouvelle lecture, a adopté plusieurs amendements.
Tout d’abord, s’agissant de la taxe de séjour, nous avons retenu les trois amendements de Monique Rabin, traduisant les propositions formulées en conclusion du rapport qu’elle a présenté avec Éric Woerth et Éric Straumann…
Ces propositions émanent en effet d’un consensus. Nous comptons sur le Gouvernement pour examiner ces propositions avec tout l’intérêt que justifie la réflexion de fond très sérieuse conduite par la Mission d’évaluation et de contrôle.
Enfin, la commission a jugé pertinent de clarifier les incidences de l’inscription dans la loi de l’exonération du versement transport pour les associations de l’économie sociale et solidaire. En effet, le dispositif adopté en première lecture sur ce sujet a suscité questions et débats dans notre assemblée.
Les autres amendements adoptés par la commission sont des amendements de coordination ou de précision. Nous y reviendrons au fil du texte.
Je vous demande donc, mes chers collègues, d’adopter ce projet de loi de finances rectificative pour 2014, comme l’a fait la commission, en tenant compte des amendements que je viens d’évoquer.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Éric Woerth.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, il me revient de défendre cette motion – dont je ne doute pas qu’elle sera votée
Sourires
– qui vous propose de rejeter préalablement ce projet de loi de finances rectificative, et ce pour diverses raisons.
Je ne reviens pas sur le contexte politique compliqué avec le rejet du texte par le Sénat, la nécessité que l’Assemblée l’examine en nouvelle lecture, et l’effervescence de la majorité, certes plus marquée encore sur le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale. Au-delà de ce contexte, j’évoquerai les prévisions, peu réalistes sur le plan macro-économique, les équilibres budgétaires, manifestement instables ; je passerai en revue quelques mesures du texte et, enfin, vous parlerai des autres pays, qui vont mieux que le nôtre, ce qui est bien la preuve qu’il faudrait des mesures d’une tout autre ampleur.
Les prévisions macroéconomiques sont peu réalistes, chacun en a convenu, y compris la Cour des comptes et le Haut conseil des finances publiques. Nul ne l’espère mais cela est, hélas, prévisible : la croissance ne sera pas aussi élevée en 2014 que le Gouvernement le prévoit. En juillet, il était possible d’adopter un texte fondé sur des prévisions conformes à la réalité. Ce n’est pas le cas. Et la croissance, qui ne sera pas au rendez-vous comme le Gouvernement l’espère, a évidemment une incidence majeure sur ce texte. La reprise n’est pas là. Le Président de la République, qui semble y croire, l’estime lui-même fragile. Cette fragilité aurait dû vous conduire à retenir une hypothèse de croissance inférieure à celle retenue.
De même, l’inflation sera certainement inférieure à ce que vous prévoyez. Le Haut conseil des finances publiques dit même que la prévision retenue est « manifestement élevée ». En outre, comme j’avais eu l’occasion de le souligner en première lecture, les prévisions de masse salariale, tout comme celles de créations d’emplois, sont extrêmement optimistes. Bref, toutes les données macro-économiques sur lesquelles se fondent vos chiffrages sont à l’évidence optimistes, ce qui rend peu sincère l’exercice budgétaire de correction auquel nous nous livrons.
Les équilibres budgétaires, quant à eux, sont manifestement instables. Je sais bien que l’exercice budgétaire s’y prête, mais vous nous livrez des chiffres dans tous les sens, au point que l’on n’y comprend plus grand-chose. Le Président de la République a peu convaincu hier. Où sont les 50 milliards d’économies ? Ils viennent se rajouter pour 2013 à un très important déficit de recettes fiscales. On nous dit maintenant que l’on va faire des économies supplémentaires, bien entendu pas seulement sur la sphère de l’État, mais ces économies sont bien peu documentées. On nous dit aussi que les crédits de la défense seront sanctuarisés, alors qu’on les réduit. Il est décidément bien difficile de s’y retrouver…
…entre ce qui relève de la fiscalité, ce qui relève des cotisations sociales salariales, ce qui relève des cotisations sociales patronales et ce qui relève de véritables économies. Les 50 milliards ne permettent pas de financer les mesures de réduction de la fiscalité – il est d’ailleurs intéressant d’envisager de réduire la fiscalité après l’avoir augmenté de façon massive ! En vérité, ces 50 milliards servent en grande partie simplement à stopper la dynamique des dépenses de l’État, je tenais à le dire.
Vos prévisions de déficit, elles aussi, sont extrêmement étonnantes. Dans le passé, on est allé plus vite pour réduire les déficits.
Sur les deux exercices 2010 et 2011, nous les avions réduit d’environ deux points de PIB. Sur vos trois exercices à vous, 2012, 2013 et 2014, vous ne les avez réduits que de 1 à 1,1 point de PIB. Le déficit des administrations publiques ralentit donc deux fois moins vite. L’Allemagne va beaucoup plus vite, comme tous les autres pays. Vos efforts que vous qualifiez « d’historiques » ne sont en rien historiques. Il m’étonne d’ailleurs que vous ne vous en aperceviez pas et que vous ne réduisiez pas davantage les déficits publics, qui constituent autant de handicaps pour la croissance et donc l’emploi en France.
Ce PLFR n’échappe pas à la règle. Entre la loi de programmation et lui, on relève une différence de 1,6 point de PIB dans la prévision, ce qui est considérable puisque cela représente plus de la moitié du déficit lui-même. On ne peut pas conduire une politique économique solide, sérieuse et efficace avec si peu de pilotage. Pour 2014, vous prévoyez un déficit à 3,8 % du PIB – alors que la plupart des économistes prévoient 4 %, voire davantage – contre 4,3 % l’année dernière. Le déficit se réduit, tant mieux, mais 0,3 point de PIB, reconnaissez que l’effort est très faible, nul ne peut prétendre le contraire.
Quant au « sketch » auquel nous avons assisté en première lecture avec la modification du déficit structurel, on n’y comprend plus rien ! Des députés, sur un coin de table, ont décidé de modifier le déficit en jonglant entre déficit structurel et déficit conjoncturel.
On ne comprenait déjà plus rien aux chiffres. On comprend encore moins aux déficits : il y en aurait de vrais, de faux… On se perd entre déficit global et déficit nominal. Et on nous dit : 50-50 entre déficit structurel et déficit conjoncturel. Mais le déficit dont il faut parler, c’est le déficit nominal, le déficit réel. Et bien entendu, il n’est pas possible, sur un coin de table, de modifier les prévisions élaborées sur la base de critères techniques par des administrations, par Eurostat et d’autres organismes. On est libre de critiquer ces prévisions, mais vous ne pouvez pas les modifier ainsi, simplement parce que vous pensez que la croissance potentielle est supérieure. La réduction du déficit, ce n’est pas de la magie, mais des efforts !
Le manque de recettes fiscales s’établit à moins 5 milliards d’euros pour 2014, après moins 15 milliards en 2013. Hélas, ce manque à gagner ne vous conduit pas à un ajustement suffisant des dépenses. Si j’ai bien compris, mais, n’hésitez pas à me reprendre, monsieur le secrétaire d’État, si je me trompe, il y a 1,6 milliard d’euros d’économies en annulations de crédits, 1,8 milliard d’économies sur les intérêts de la dette et 400 millions d’économies sur les investissements d’avenir – il est d’ailleurs curieux que vous préfériez toucher aux investissements d’avenir plutôt qu’aux emplois d’avenir qui ne préparent en rien l’avenir, contrairement à ce que vous dites. Le total se monte à 3,8 ou 4 milliards. Les recettes fiscales étant moindres qu’escompté, il est inévitable que le déficit augmente par rapport aux prévisions, vous le reconnaissez vous-même. Vu les circonstances économiques, la totalité du manque à gagner aurait dû être compensée.
Dernier point s’agissant des dépenses : comme d’habitude, pas de réformes structurelles ; vous vous contentez de passer le rabot. Vous demandez aux ministères, pas à tous mais à bon nombre d’entre eux, de dépenser moins. Ce ne peut être une méthode pérenne. On peut bien sûr le faire une année ou de temps à autre, mais à un moment donné, il n’est plus possible de raisonner à politique constante. C’est, hélas, ce que vous faites alors qu’il faudrait réformer en profondeur à la fois les éléments constitutifs de l’emploi public et de sa masse salariale, et ceux des dépenses de politique sociale, qui représentent la moitié des dépenses publiques. C’est à cela qu’il faudrait travailler.
Pour ce qui est de la défense nationale, il est là aussi assez difficile de s’y retrouver, entre le Chef de l’État qui assure qu’on ne touchera plus à ses crédits, le ministère qui dit le contraire, le chef d’état-major des armées qui en commission des finances nous dit son inquiétude….
Je constate, pour ma part, quelques centaines de millions d’euros en moins.
On s’aperçoit aussi, vieille astuce, qu’à certains crédits budgétaires sont substituées des ressources plus aléatoires comme le produit de cessions immobilières, lesquelles ont d’ailleurs bien du mal à se concrétiser depuis quelques années. Au total, la loi de programmation militaire m’apparaît bien fragile.
J’en viens aux mesures de ce PLFR. Tout d’abord, sa mesure-phare, la baisse des impôts. Vous baissez les impôts après les avoir massivement augmentés. Vous reconnaissez donc que vous aviez eu tort, c’est une marque d’intelligence, mais la baisse prévue n’est pas à la hauteur…
Entendre cela de la part de ceux qui n’ont pas arrêté d’augmenter les impôts !
Face aux 5 milliards d’augmentation d’impôt sur le revenu qui interviendront dès 2014, la baisse n’est que de 1 milliard. La plupart des ménages supporteront donc bien une augmentation de l’impôt sur le revenu de 3 à 4 milliards.
Insuffisante, cette baisse est aussi injuste, car beaucoup de ceux qui verront leurs impôts augmenter ne sont pas de riches Français, mais appartiennent aux classes moyennes. Ils n’ont rien demandé à personne ; ils ne souhaitent que consommer, mettre de l’argent dans l’économie, alors que vous allez leur en prélever pour financer un État impécunieux. L’augmentation de l’impôt sur le revenu se monte à 20 milliards d’euros au total depuis l’accession au pouvoir de M. Hollande. Vous en rendez 1 milliard, soit, mais ce n’est pas à la hauteur.
Par ailleurs, des mesures courageuses, que le Gouvernement aurait souhaité prendre et qui auraient pu ressembler à une amorce de réformes structurelles, n’ont pas été mises en oeuvre.
Je pense, par exemple, au gel des prestations logement. C’est certainement difficile à expliquer mais cela n’en demeure pas moins nécessaire, à la condition, évidemment, que l’on réforme profondément ces différentes allocations. Il y a eu un dégel du gel, puisque vous êtes revenus sur cette mesure sous la pression contradictoire de votre majorité : c’est regrettable.
Ensuite, certaines mesures sont en contradiction avec ce que vous dites sur la compétitivité, et notamment sur la baisse des impôts des entreprises. Il est difficile de vouloir à la fois renforcer la compétitivité des entreprises, qui se décide d’ailleurs maintenant et non pas dans deux ou trois ans,…
….et faire voter le report de la surtaxe d’impôt sur les sociétés de 2015 à 2016 : les entreprises apprécieront comme il se doit ce geste de clarification à leur égard.
S’agissant de la taxe de séjour, vous vous êtes pris les pieds dans le tapis en adoptant l’amendement de Mme Mazetier, qui porte le plafond de cette taxe à 8 euros par nuitée et par personne, en ne tenant aucun cas du rapport que Mme Rabin, M. Straumann et moi-même avons rédigé il y a maintenant plusieurs mois, avant que ce ne soit un sujet, pour ainsi dire, « à la mode ».
Nous avons proposé de créer une catégorie nouvelle pour les hôtels de luxe – cinq étoiles ou palaces –, qui ne sont pas différenciés des quatre étoiles, et de leur appliquer une taxe de séjour supérieure, en partant du barème actuel. Mme Rabin a suggéré de porter le plafond des tarifs applicables à ces établissements à trois euros cinquante tandis que, pour notre part, nous avons évoqué un montant, très proche, de trois euros.
Nous avons également proposé de taxer les sites internet qui font injustement concurrence aux hôtels.
Lorsque vous louez votre logement à des touristes, vous concurrencez évidemment l’hôtel d’à côté qui supporte, pour sa part, toutes les charges sociales et fiscales, dont la taxe de séjour. Aussi suggérons-nous de taxer ces sites qui mettent en relation loueurs et touristes et créent du chiffre d’affaires. Certes, on risque de se heurter aux difficultés insondables de la fiscalité de l’internet – M. Muet le sait bien – mais il n’en demeure pas moins que l’on doit résoudre cette question ; aussi proposerons-nous un amendement au PLF, et peut-être pourrions-nous travailler de concert avec le Gouvernement sur ce sujet.
Je le répète, nous ne souhaitons pas augmenter le barème de la taxe de séjour, mais suggérons de créer une catégorie supplémentaire pour les hôtels cinq étoiles et les palaces. Et nous proposons de fiscaliser les sites internet dont j’ai fait mention.
Il est un sujet sensible dont on parle peu : celui de la redevance audiovisuelle. Hier, le Président de la République a indiqué que la fiscalité était un sujet sensible, ce en quoi il a raison, mais c’est aussi le cas de la redevance audiovisuelle.
Le désengagement financier de l’État de l’audiovisuel public – mesure concevable dont on peut très bien discuter – va évidemment se traduire par une forte augmentation de la redevance audiovisuelle. J’aimerais que le Gouvernement nous dise quelles proportions atteindra cette augmentation au cours des trois prochaines années.
Enfin, les autres pays vont mieux, ce qui, sans être nécessairement rassurant, montre qu’il n’y a pas de fatalité : il n’y a pas de fatalité à ce que la croissance, en France, soit en berne, à ce que nos déficits représentent toujours plus de 3 % du PIB et à ce que nos dettes atteignent 100 % du PIB et 2 000 milliards d’euros. Il faut juste un peu de méthode…
…de durée et de constance : je regrette infiniment que ce ne soit pas le cas. C’est pourquoi nous vous demandons d’adopter cette motion de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.
Tout d’abord, un mot sur la forme, monsieur Woerth : vous parlez de mélange des chiffres. Compte tenu des fonctions que vous avez exercées, vous êtes trop fin connaisseur des finances publiques pour nous faire croire que vous ne vous retrouvez pas dans les documents et les éléments qui vous sont fournis. Vous parlez de « sketch », mais vous venez vous-même d’en faire un concernant ce prétendu mélange des genres. Restons donc très factuels, très proches des éléments chiffrés, qui sont incontournables.
Je voudrais, pour faire suite à votre interpellation, vous reprendre sur la décomposition des 4 milliards d’euros d’économies. Vous y avez vu – vous avez au moins raison sur ce point – 1,6 milliard d’économies de dépenses au titre du budget de l’État mais, lorsque l’on parle de 4 milliards, cela concerne l’ensemble des budgets. De fait, ce 1,6 milliard d’annulations de crédits est complété par 1,1 milliard sur les prestations de Sécurité sociale, 300 millions au titre de la non-revalorisation des retraites de base, 800 millions issus du rebasage de l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM – celui-ci ayant été sous-exécuté de 1,4 milliard d’euros en 2013, il y a lieu de rebaser la dépense 2014 – 600 millions de moindres dépenses de l’UNEDIC, compte tenu d’un accord conclu par les partenaires sociaux, 300 millions sur le fonds d’action sociale de la CNAF et 400 millions de sous-exécution prévue, et que nous actons dès ce PLFR, du programme d’investissements d’avenir. Si vous faites le total, vous arrivez à exactement 4 milliards.
Il ne vous a pas échappé non plus, monsieur le député, que, contrairement à ce que d’autres ont pu faire par le passé, ces 4 milliards ne tiennent pas compte de la diminution des dépenses qui résultera de la faiblesse des taux d’intérêt de la dette.
Vous voyez donc qu’il n’y a, de notre part, aucune intention de maquiller les faits ou de vous embrouiller : les chiffres sont parfaitement clairs et documentés.
Vous aimez parler de rabotage systématique des dépenses, mais vous avez vous-même pratiqué le rabot lorsque vous exerciez de hautes fonctions.
Nous nous sommes livrés, lors des exercices budgétaires, à un travail extrêmement approfondi, consistant à identifier, ministère par ministère, d’une part, les dépenses contraintes, issues de l’évolution des prestations liées à la situation économique et sociale du pays ou correspondant à des engagements d’investissement déjà conclus, et auxquelles nous aurons immanquablement à faire face ; d’autre part, les dépenses qui, même en cours d’année, peuvent faire l’objet soit d’une sous-exécution prévisible, soit de mesures de gestion consistant à optimiser la dépense publique.
Vous l’avez d’ailleurs dit au sujet de la défense : la loi de programmation militaire fait certes état de programmes d’investissements qui sont connus, mais il n’est pas interdit de penser qu’une inflation moindre et certaines mesures d’allégement des charges des entreprises permettront de réduite légèrement la dépense tout en conservant le même volume d’investissements. Rien ne nous interdit d’identifier des économies sur certaines dépenses de fonctionnement du ministère de la défense avec lequel nous travaillons en lien étroit sur ces sujets. De fait, cette démarche est à l’oeuvre dans tous les ministères, y compris dans les ministères prioritaires.
Ainsi, au ministère de l’intérieur, des emplois sont créés, conformément aux engagements et aux priorités de ce gouvernement, mais des économies peuvent être trouvées s’agissant d’autres dépenses relevant de l’administration centrale. C’est en ce sens que nous avons travaillé.
Nous aurons certainement l’occasion de revenir sur la redevance audiovisuelle ; je suis prêt à aborder ce sujet avec vous, même si ce projet de loi de finances rectificative ne contient pas de mesures concernant la contribution à l’audiovisuel public.
Et nous aurons également l’occasion de débattre de la taxe de séjour.
S’agissant de la baisse des impôts et des charges, vous dites que les mesures prises ne sont pas à la hauteur. Je vous épargnerai l’historique des décisions qui ont été prises par la précédente majorité et dont une partie continue d’ailleurs à produire ses effets, à l’instar du gel du barème de l’impôt sur le revenu, que vous avez allègrement pratiqué et que nous avons levé.
Les choses sont claires : il y aura, dès 2014, une baisse de 1,1 milliard d’impôts dès l’émission des rôles d’imposition. Vous ne pouvez le nier, pas plus que ne pouvez contester que ce texte et, surtout, le PLFRSS contiennent des mesures de réduction des charges des entreprises – je pense à la C3S et à la réduction des charges sociales des employeurs – qui vont dans le sens d’une politique de soutien à l’économie.
Le débat a déjà eu lieu, mais il va se poursuivre non seulement dans les heures qui viennent, mais aussi à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances initiale pour 2015 et du projet de budget triennal.
Il n’y a donc, à mes yeux, aucune raison d’adopter cette motion de rejet préalable. Sur la forme, monsieur le député, j’ai une trop haute opinion de vos compétences pour penser que vous ayez pu être abusé, de quelque façon que ce soit, par notre présentation du PLFR.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Le groupe RRDP exprime de nouveau son soutien à ce projet de loi de finances rectificative, comme il l’a déjà fait il y a une quinzaine de jours. Nous nous posons simplement quelques questions, dont nous n’avons pas vraiment les réponses et que le Gouvernement se pose lui aussi, notamment sur le déficit public et son rythme de réduction. Personne, me semble-t-il, ne croit véritablement que nous serons capables d’atteindre les 3 % à la date qui est encore actuellement annoncée…
…et je crois que ce ne serait pas de notre intérêt. Je me réfère au FMI, qui demande – certes timidement – aux États lancés dans des politiques de grande rigueur d’adoucir celles-ci pour ne pas trop compromettre le retour de la croissance. Il ne serait donc pas inutile de réfléchir à un léger infléchissement de la politique de redressement des finances publiques, comme le fait d’ailleurs le Gouvernement.
Nous voterons ce texte, notamment parce que le Gouvernement a fait preuve d’esprit d’ouverture à l’égard de notre groupe en acceptant de limiter le gel des pensions de retraite à celles supérieures à 1 200 euros, en se montrant favorable à l’amendement sur la poursuite de l’exonération de la taxe d’habitation et en acceptant la création d’un Observatoire des contreparties. Je me réjouis d’ailleurs d’entendre le Président de la République, le Premier ministre et les membres du Gouvernement parler de plus en plus de ces contreparties que M. Gattaz avait sans doute, pour sa part, totalement oubliées. Je me réjouis de constater que l’exécutif, lui, s’en souvient, et qu’il soit ainsi rappelé que l’objectif du CICE et du pacte de responsabilité est non pas de faire Noël pour le MEDEF dès le mois de juillet, mais d’obtenir de celui-ci une action accrue pour l’emploi et l’investissement.
La parole est à M. Dominique Lefebvre, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Le groupe SRC votera contre cette motion de rejet préalable dont je n’ai pas compris, a priori, le fondement ; et que je comprends encore moins après avoir entendu Éric Woerth.
Au seul prétexte qu’une majorité de circonstance, faite d’alliances de contraires au Sénat, a rejeté ce texte financier – comme, d’ailleurs, tous les textes financiers depuis le début de cette législature – le groupe UMP estime qu’il n’y a pas lieu de débattre en nouvelle lecture d’un projet de loi qui, en première lecture, a été adopté à une très large majorité de 307 voix contre 232 ?
Certes, une telle motion de procédure relève de la liturgie en la matière, mais, j’y insiste, ce texte a fait l’objet d’un vote extrêmement clair en première lecture.
En outre, nous mettons en oeuvre le pacte de responsabilité et de solidarité au travers de ce texte et du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale qui a été adopté en première lecture la semaine dernière. Ainsi que le Président de la République l’a rappelé hier, c’est une exigence, une nécessité, face aux difficultés économiques que nous rencontrons, de redresser la compétitivité de nos entreprises et de redonner du pouvoir d’achat aux ménages les plus modestes. Ce texte répond également à une autre exigence pour le redressement de notre pays : rééquilibrer les finances publiques, en tenant compte de la conjoncture afin d’éviter des effets récessifs.
Au fond, dans ce rituel, la seule constante, c’est l’amnésie de nos collègues de l’UMP quant à leurs responsabilités dans la situation budgétaire de notre pays et l’incohérence de leurs propositions, qui ne sont pas clairement énoncées, car nous ne savons toujours pas s’il faut, selon eux, réduire encore la dépense publique ou augmenter les impôts.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Je reprendrai les quatre arguments qu’a brillamment développés ÉricWoerth en défendant sa motion de rejet préalable.
Premièrement, le delta entre le solde du projet de loi de finances rectificative et celui de la loi de programmation s’élève à 1,6 point de PIB, ce qui est considérable ; c’est la moitié de notre déficit public. C’est si important que le mécanisme de correction budgétaire doit aujourd’hui être déclenché, ce qui n’est pas anodin.
Deuxièmement, sur le niveau du déficit public, nous avons assisté, le premier soir de la discussion du projet de loi de finances rectificative, à un débat surréaliste sur la répartition entre le déficit structurel et le déficit conjoncturel. C’était tellement ubuesque que nous aurions pu en rire si cela n’avait pas été aussi lourd de conséquences pour notre pays. Faire du bidouillage de chiffres entre amis sur le coin de la table, comme l’a très bien dit ÉricWoerth, ce n’est pas sérieux et ce n’est pas le rôle du Parlement.
Troisièmement, que vous prévoyiez dans votre projet de loi de finances rectificative une moins-value de 5 milliards d’euros, ce n’est pas anodin, mesdames, messieurs les députés de la majorité : c’est qu’il y a un problème. C’est au-delà du matraquage ! D’ailleurs, le ministre des finances et des comptes publics, M. Sapin, a récemment affirmé que la coupe fiscale était pleine et que cela avait pour effet de stériliser l’économie. Vous l’avez enfin compris, mais voilà trois ans que nous vous le répétons à cors et à cris !
Enfin, quatrièmement, les ajustements en dépense ne sont pas documentés. Nous vous reprochons de ne juger qu’à politique constante, alors qu’il vous faudrait avoir le courage de mener des réformes structurelles.
Mesdames, messieurs les députés de la majorité, souffrez que l’opposition s’exprime, qu’elle débatte avec vous et vous fasse état des incohérences et des dangers de votre politique. Pour toutes ces raisons, nous voterons la motion de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Mes chers collègues, le groupe UDI votera cette motion de rejet préalable pour quatre raisons.
Premièrement, nous ne cessons d’attirer l’attention du Gouvernement sur l’écart croissant entre le déficit structurel et le déficit effectif. Nous allons bientôt atteindre 1,7 point de PIB, ce qui pose un vrai problème. D’ailleurs, la difficulté, chacun le sait, tient aux hypothèses retenues quant au taux de croissance structurelle. Retenir, comme le fait le Gouvernement, un taux de 1,6 % en moyenne et une remontée progressive à 2,25 % pour 2016-2017 est totalement irréaliste. Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls à le dire. Le taux de croissance estimé, que le Gouvernement maintient cette année à 1 %, est d’ores et déjà inatteignable, car nous sommes actuellement à 0,7 %. Les indicateurs conjoncturels, particulièrement mauvais en France, ne sont pas non plus très bons dans le reste de l’Europe. Nous terminerons donc très en dessous du chiffre de 0,7 % du PIB.
La Cour des comptes nous avait avertis alors même qu’elle ne disposait pas encore des derniers éléments : il y a un problème d’insincérité sur les recettes et d’insuffisance d’économies sur les dépenses ; ce n’est pas nous qui le disons !
L’ordre de grandeur des pertes de recettes n’est pas de 5 milliards : la Cour des comptes annonce d’ores et déjà entre 2 et 4 milliards d’euros supplémentaires et, hélas ! nous serons plus près des 4 milliards que des 2 milliards.
Vous allez donc vous retrouver dans une situation impossible, monsieur le secrétaire d’État : l’objectif de 3 % de déficit auquel vous vous accrochez est aujourd’hui inatteignable ou, plus exactement, n’est atteignable qu’à des conditions politiquement inacceptables pour votre majorité. Telle est la première raison que je souhaitais exposer.
La deuxième raison de mon vote est le péage de transit. Mes chers collègues, ceux qui le voteront feront la même erreur que ceux qui ont voté l’écotaxe – je rappelle que je fais partie des rares députés qui n’ont pas voulu la voter. J’appelle votre attention sur ce point : les problèmes qui se posent sont non seulement constitutionnels, mais aussi de fond. Est-il sage de réduire l’assiette de 10 000 kilomètres à 4 000 kilomètres et de maintenir le taux ? C’est exactement l’inverse qu’il faut faire !
Et il faut résoudre le problème des effets de report. Il faut par conséquent adopter un outil plus large.
Enfin, une dernière raison, madame la présidente, est le très intéressant débat que nous avons eu sur le CICE et les contreparties à exiger des entreprises.
Je n’en doute pas, monsieur le député, mais le temps qui vous était imparti est écoulé.
La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.
J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole est à M. Jean-François Lamour.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, monsieur le président de la commission des finances, chers collègues, cette nouvelle lecture doit être l’occasion de rappeler à la représentation nationale les graves insuffisances qui entachent le présent collectif budgétaire. Je vais donc m’efforcer de démontrer pourquoi nous demandons le renvoi en commission de ce projet de loi dont nous sommes à nouveau saisis après l’échec de la commission mixte paritaire.
Monsieur le secrétaire d’État, l’an dernier, nous avons maintes fois demandé, à l’initiative du président de la commission des finances, Gilles Carrez, que le Gouvernement présente, à mi-parcours, un budget rectificatif qui prenne acte de l’écart entre ses prévisions et la réalité économique de notre pays. Le projet que nous examinons aujourd’hui aurait par conséquent dû être un exercice de sincérité pour un gouvernement qui, depuis 2012, semble avoir fait profession non pas de mentir – je n’irai pas jusque-là – mais, à tout le moins, de fonder sa politique économique et budgétaire sur des hypothèses déraisonnablement optimistes. Or, il n’est en est rien.
Le Haut conseil des finances publiques juge en effet, en des termes diplomatiques, que les prévisions de croissance et d’inflation sont « élevées » et que les créations d’emplois et l’évolution de la masse salariale sont « surévaluées ». Par ailleurs, malgré le souhait, répété par le Haut conseil, « que la saisine du Premier ministre concernant le collectif soit d’emblée accompagnée de l’ensemble des éléments lui permettant d’apprécier de façon aussi complète que possible non seulement les prévisions macroéconomiques, mais également la cohérence du PLFR et du PLFRSS avec les orientations pluriannuelles de solde structurel », ces indications n’apparaissent absolument pas dans le PLFR. Voilà qui souligne le désintérêt, voire la méfiance du Gouvernement envers cette institution pourtant établie dans le but d’améliorer la gestion de nos comptes publics.
En définitive, l’analyse du Haut conseil est cinglante quant aux objectifs de ce budget rectificatif. D’une part, l’ajustement structurel est jugé « modeste » par rapport à l’écart constaté entre le déficit de 2,2 % du PIB prévu en loi de programmation et les 3,8 % attendus cette année et, d’autre part, les économies sur la dépense sont jugées « insuffisantes » – je rejoins ici mon collègue ÉricWoerth – compte tenu de la diminution des recettes fiscales et de certaines mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires.
Examinons précisément ce que sont ces mesures qui, pour certaines d’entre elles, ont donné lieu en première lecture à de virulents débats au sein même de la majorité.
Concernant la fiscalité, monsieur le secrétaire d’État, je pourrais presque me contenter de répéter les mots que ma collègue Valérie Pécresse a utilisés en première lecture, à savoir que vous avez réussi la prouesse de démontrer la courbe de Laffer, qui n’était jusqu’ici qu’une hypothèse d’école.
Valérie Pécresse n’est pas là !
Oui, « trop d’impôt tue l’impôt ».
L’érosion des recettes fiscales sous ce gouvernement est tout simplement dramatique : près de 15 milliards d’euros ont manqué à l’appel en 2013, et vous vous obstinez à poursuivre dans cette voie de perdition, tout en faisant mine de vous en écarter au moyen, il faut bien le reconnaître, de médiocres artifices. Il est un fait incontestable : les impôts poursuivent l’irrésistible ascension qu’ils ont entamée voilà deux ans sous la conduite du premier de cordée François Hollande.
Certes, cette augmentation progresse désormais à un rythme moindre, tant il est vrai que vous vous approchez de sommets jamais atteints. Ainsi, dans un suprême élan de générosité, vous concédez un geste de 1 milliard d’euros aux plus modestes – autant dire une aumône – et M. Hollande, acculé comme un monarque en fin de règne, annonce une baisse d’impôts pour 2015.
Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC.
Mais que représentent ces baisses quand, ces deux dernières années, tant de petits revenus sont entrés pour la première fois dans le barème ou ont vu leur impôt multiplié par dix ? Ces mesurettes ne suffiront pas à calmer la grogne d’un peuple qui ploie, depuis trop longtemps, sous le fardeau fiscal !
Car, contrairement à ce que vous voudriez nous faire croire, monsieur le secrétaire d’État, les Français doivent s’apprêter à subir une nouvelle augmentation d’impôts de 4,5 milliards d’euros. Et l’essentiel de l’effort sera supporté non pas par les riches, mais par les contribuables déclarant entre 20 000 et 40 000 euros de revenus annuels, c’est-à-dire, encore une fois, par les classes moyennes, qui sont décidément les vaches à lait du système.
Hausse de l’impôt sur le revenu, cotisations retraite, TVA, droits de mutation, quotient familial…, telle est la réalité de votre politique budgétaire pour de très nombreux Français que ce gouvernement a fait l’erreur de compter pour portion négligeable. Il y a, dans cette accumulation indigeste d’impôts et de taxes, comme une réminiscence de l’Ancien Régime, comme le rappel d’un modèle fiscal qu’on voudrait voir aboli, ou du moins profondément renouvelé.
Chers collègues de la majorité, en ne comptant que sur l’impôt, sur la lutte contre la fraude fiscale et sur des taux d’intérêt particulièrement bas pour remettre nos finances à flot, vous vous bercez des douces illusions d’un autre temps. Ce budget rectificatif est trop timide, trop timoré par rapport au défi de l’endettement.
Oui, il faut à ce pays, qui meurt de sa bureaucratie et de l’idée fausse et trop longtemps véhiculée qu’on ne fait mieux qu’avec plus, des réformes structurelles à la hauteur des enjeux auxquels il doit faire face. Oui, si vous nous présentiez de telles réformes, qui agiraient sur la masse salariale, sur l’organisation même de notre administration, et non pas seulement sur la modernisation de l’action publique, qui n’est que la version light de la révision générale des politiques publiques, alors nous les soutiendrions.
Mais, une fois encore, dans votre appréhension des problématiques économiques et budgétaires, vous vous laissez aller à ces facilités de raisonnement qui vous ont toujours conduits dans l’impasse en temps de crise.
Vous avez mis des mois à admettre que la France avait un problème de compétitivité, et dans l’intervalle vous avez abrogé la TVA anti-délocalisation.
Vous avez mis dix ans à construire ce problème !
C’est la réalité, monsieur le secrétaire d’État !
En d’autres termes, vous avez remplacé la baisse de charges massive et immédiate de 13 milliards d’euros, dont nous souhaitions faire bénéficier les entreprises et l’emploi, par un système plus complexe et moins puissant, le CICE, dont la pérennité n’est, semble-t-il, même pas assurée !
La vérité est que, depuis que vous êtes au pouvoir, vous maltraitez tous les créateurs de richesses. Quand vous annoncez, d’un côté, une baisse de l’impôt sur les bénéfices des entreprises dans le cadre du pacte de responsabilité, vous reconduisez, de l’autre, jusqu’en 2016 la surtaxe d’impôt sur les sociétés, dont la fin était pourtant programmée pour 2015.
Les entreprises de notre pays souffrent au moins autant des charges et impôts qui les accablent que de l’insécurité fiscale, savamment entretenue par vos soins au gré de vos débats internes.
Tout est à l’avenant dans votre politique et ce budget rectificatif en est la preuve éclatante. Vos projections, qui reposent pour 1,8 milliard d’euros sur des taux d’intérêt particulièrement bas et, par conséquent, sur des perspectives forcément aléatoires, sont marquées par un manque d’anticipation caractérisé.
J’en veux pour preuve le sort que vous réservez à notre défense, monsieur le secrétaire d’État, dont le budget est une nouvelle fois ponctionné. Vous prétendez que des marges de manoeuvre existent encore, mais elles sont déjà toutes consommées dans le cadre du projet de loi de programmation militaire : 34 000 emplois en moins ! Où allez-vous trouver des marges de manoeuvre dans l’administration de la défense nationale ? Vous savez très bien qu’il n’y en a plus.
Ce poste stratégique, s’il en est, fait l’objet depuis la fin de l’exécution du budget 2013, de ce qu’il faut bien appeler des manipulations budgétaires qui consistent à faire reposer une part croissante de notre sécurité collective sur des ressources exceptionnelles.
En première analyse, la réduction des crédits dédiés à la défense n’est « que » de 100 millions d’euros, mais la réalité est tout autre si l’on se reporte à l’exécution 2013 et aux premiers mois de 2014, ainsi qu’aux perspectives des ressources exceptionnelles pour 2015, 2016 et 2017. Ces recettes pourraient bientôt faire cruellement défaut à nos armées, alors qu’elles représentent 3,5 % de l’effort de défense sur la période 2014-2019.
Rappelons en effet que 417 millions d’euros votés en loi de finances initiale pour 2014 au titre du programme d’investissements d’avenir ont été consommés pour régler des dépenses de 2013, que nous sommes dans l’incertitude quant au moment et même au principe du versement de la seconde tranche de 250 millions d’euros de la clause de compensation adoptée en loi de programmation militaire, que les ressources exceptionnelles issues de la cession de fréquences ne pourraient arriver qu’en 2016, qu’enfin les premiers éléments du budget 2015 laissent entrevoir que des ressources exceptionnelles seront à nouveau substituées aux crédits budgétaires pour 500 millions d’euros.
Cette méthode donne le sentiment que le Gouvernement, incapable de tenir les engagements réitérés du Président de la République, se livre à un jeu de bonneteau dont le budget de la défense est systématiquement la dupe.
Je me suis volontairement attardé sur ce volet défense, non seulement parce qu’il représente la majorité des annulations de crédits dans ce projet de loi de finances rectificative, mais encore parce que la politique menée en la matière est à l’image de la politique générale du Gouvernement, caractérisée par l’insincérité, l’imprévisibilité, en un mot par une espèce de légèreté complètement hors de propos compte tenu des enjeux.
D’où ces questions, monsieur le secrétaire d’État, que nombre de mes collègues se posent également dans cet hémicycle. Quand allez-vous enfin vous montrer à la fois plus raisonnables dans vos prévisions et plus volontaristes dans l’action, comme vous y invite le Haut conseil des finances publiques ? Quand allez-vous enfin écouter ce que l’opposition vous répète, sans discontinuer, depuis maintenant deux ans ?
En l’état, nous ne pouvons pas voter ce budget rectificatif car il n’infléchit nullement une politique économique et budgétaire qui nous mène tout droit à l’échec. Le texte que nous examinons aujourd’hui pour la seconde fois mérite incontestablement d’être revu et substantiellement amendé. C’est pourquoi je vous demande, au nom de mon groupe, d’adopter cette motion de renvoi en commission.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Dans les explications de vote, la parole est à Mme Eva Sas, pour le groupe écologiste.
Il est bien sûr de votre droit de déposer une motion de renvoi en commission, mais nous avons le sentiment qu’elle n’a d’autre objectif que de retarder les débats.
Ce n’est pas de notre faute si le texte revient à l’Assemblée ! Excusez-nous d’exister !
Ce projet de loi nous inspire des remarques, mais ce que vous préconisez est pire encore puisque vous voulez notamment sacraliser le budget de la défense, alors que c’est justement là que nous devons trouver des économies.
C’est dramatique d’entendre cela ! Vous n’aimez pas la France, madame !
C’est un point sur lequel tout le monde s’accorde aujourd’hui. Ainsi, la composante aéroportée du nucléaire militaire est aujourd’hui remise en cause, même par les généraux de l’armée. Vous devriez donc porter un jugement plus distancié et nuancé sur le budget de la défense.
Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe écologiste ne votera pas cette motion de renvoi en commission.
La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Je ne voterai pas cette motion pour plusieurs raisons. D’abord, l’effort fiscal excessif dont nous parle M. Lamour trouve pour partie son origine dans le passé. Je pense au gel du barème de l’impôt sur le revenu, qui n’est pas en soi une bonne mesure, mais qui a été décidé et maintenu par M. Fillon.
Je pense aussi à l’endettement, qui s’est accru de 600 milliards au cours du précédent quinquennat et dont la réduction pose un problème considérable.
Quant à la TVA sociale, je n’ai pas de regret puisque nous l’avons abrogée ici, mais je me demande si les 6,5 milliards de TVA qui ont été votés pour financer partiellement le CICE ne lui ressemblent pas d’une certaine manière.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Cela ne suffit pas pour autant à faire oublier les mesures prévues pour alléger l’impôt sur le revenu de 3,7 millions de foyers fiscaux, dont certains pourront y échapper.
N’oublions pas non plus l’abaissement des cotisations salariales, la poursuite de l’exonération de la taxe d’habitation et les mesures fiscales annoncées par le Président de la République et le Premier ministre en faveur des classes moyennes pour l’année prochaine.
Notre espoir pour l’avenir nous empêche de voter aujourd’hui cette motion.
La parole est à M. Alain Fauré, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Après avoir écouté la liste des arguments égrenés par M. Lamour, vous comprendrez que nous ne puissions voter cette motion de renvoi. En pour cause ! Vous avez la mémoire courte. Vous souffrez d’amnésie. Rappelons quelques chiffres.
En 2010, le déficit budgétaire s’élevait à 148,8 milliards d’euros. En 2011, il était de 90,8 milliards et il aurait sans doute atteint les 150 milliards d’euros en 2012 si nous vous avions laissé gérer le pays.
Il faut avoir beaucoup de souffle, monsieur Lamour, pour oser dresser une telle liste tout à l’heure !
Par ailleurs, en dix ans, notre dette a atteint les 650 milliards d’euros, ce qui est beaucoup ! Quand on doit assumer un tel résultat, on ne vient pas donner des leçons de gestion à ceux qui ne sont aux affaires que depuis deux ans. Et je n’entrerai pas dans les détails, car ce serait scabreux. À chacun sa gestion !
S’agissant de la désindustrialisation du pays, qui explique en partie la baisse des recettes, rappelons qu’en dix ans le taux d’industrialisation est passé de 23 % à 12 %, hélas !
Il fallait réagir et c’est ce que nous faisons, avec modération, en aidant les entreprises via le CICE, en diminuant leurs cotisations en 2014 pour soutenir le nécessaire redressement du pays.
Nous menons une politique juste et raisonnable en proposant de réaliser une économie de 50 milliards, ce qui est déjà important, quand vous auriez voulu économiser 118 milliards d’euros sur les trois prochaines années.
Nous ne voterons pas cette motion de renvoi en commission, car ce texte relativement bien construit nous permettra de redresser le pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Alain Chrétien, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Le groupe UMP votera avec conviction cette motion de renvoi en commission car vous vous apercevez bien tard, mes chers collègues, des erreurs que vous avez commises depuis le début de ce mandat. De graves erreurs qui se traduisent par des objectifs de déficit non tenus, par des réductions de dépenses non documentées, excepté dans le domaine de la défense sur laquelle vous tapez à tour de bras, par pure démagogie électoraliste.
Vous essuyez des échecs malgré un contexte économique favorable, des taux d’intérêt relativement bas, non pas en raison de la confiance que les investisseurs pourraient mettre dans notre pays, mais parce que l’Union européenne alimente le marché monétaire de milliards d’euros pour favoriser cette croissance qui revient partout sauf en France.
En effet, vous avez tué le retour de la croissance en France. La croissance revient en Espagne, en Grande-Bretagne ; elle est forte en Allemagne, mais elle est inexistante en France, parce que votre politique économique tue la croissance dans notre pays !
Cette politique se traduit par des baisses de rentrées fiscales – 15 milliards d’euros en moins par rapport à vos prévisions. Avec les socialistes, plus l’impôt augmente, moins il rentre. M. Lamour en a apporté la preuve avec la courbe de Laffer.
Il faudrait par ailleurs que vous reconnaissiez enfin vos erreurs passées. Le matraquage fiscal recule suite au matraquage électoral que vous subissez depuis le début de l’année. Il fallait bien que vous fassiez plaisir à vos électeurs déçus et que vous réduisiez les impôts de ceux qui, malheureusement, avaient voté pour vous et à qui vous avez notamment supprimé les heures supplémentaires défiscalisées.
Recul sur tous les sujets ! Zigzag sur tous les sujets ! Nous devons absolument revenir en commission des finances pour travailler à nouveau ce projet de loi, d’autant plus que les baisses d’impôt sont repoussées aux calendes grecques, 2015 voire encore plus tard.
Finalement, les frondeurs ont vidé le pacte de responsabilité de son sens. Mes chers collègues, c’est en 2015 que la vérité vous sautera aux yeux, mais les Français n’auront plus que leurs yeux pour pleurer !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Notre groupe votera la motion de renvoi en commission pour deux raisons. Tout d’abord, monsieur le secrétaire d’État, il faut trouver 1,4 milliard d’économies supplémentaires pour maintenir le déficit conformément à vos prévisions. Pour cela, il faut travailler en commission, d’autant plus que ce sont 3 ou 4 milliards qui seront nécessaires si vous voulez tenir l’objectif du déficit initial dû aux pertes de recettes supplémentaires, au-delà des 5,2 milliards affichés dans le collectif. Ce qui nous pend au nez est de cet ordre de grandeur, mes chers collègues.
Il reste évidemment la solution de la réserve, monsieur le secrétaire d’État, mais nous devons déjà amputer de 600 millions la réserve de 7 milliards. Il ne restera plus grand-chose pour faire face au strict maintien du déficit du budget de l’État et de celui de la Sécurité sociale.
Ensuite, il y a eu un débat très intéressant sur les contreparties du CICE. Mais il semble qu’une partie de la majorité ayant voté ce dispositif ne se souvienne plus du tout de ce qui s’est passé.
Le débat a déjà eu lieu une première fois : aucune contrepartie au CICE n’est prévue. Nous n’avons cessé de dire au Gouvernement qu’il eût été si simple de prendre deux grandes mesures. La première aurait été de supprimer progressivement toutes les cotisations sociales patronales alimentant la branche vieillesse – 30 milliards – plutôt que de créer le CICE et baisser ensuite les cotisations sociales patronales, ce qui est incompréhensible.
La deuxième aurait été, non de supprimer la C3S et de baisser d’un point le taux de l’IS en 2017, ce qui est illisible, mais de baisser d’un point par an tous les taux d’IS.
Ces mesures auraient eu le mérite d’être claires, simples et compréhensibles par tout le monde.
Vous avez miné votre retournement de politique, que nous avions salué d’ailleurs car nous sommes ouverts, à l’UDI – nous pensons qu’à tout pêcheur miséricorde !
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Il ne faut pas être sectaire, monsieur le secrétaire d’État ; il faut être ouvert. Vous menez une politique illisible.
La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.
En première lecture de ce projet de loi de finances rectificative, puis lors de l’examen du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, nous avons déposé des amendements constructifs, pour proposer un changement de cap de la politique gouvernementale. Nous visions trois objectifs simples : mieux cibler les aides aux entreprises, aider directement l’emploi au travers des contrats d’apprentissage et des emplois d’avenir, et investir dans la transition écologique.
Nous avons été constructifs en proposant d’abord un ciblage plus précis des aides aux entreprises, notamment le crédit d’impôt compétitivité emploi – CICE – et le crédit d’impôt recherche – CIR –, afin d’éviter les effets d’aubaine pour les entreprises qui, parfois, n’ont pas besoin de ces aides.
S’il faut soutenir les PME, simplifier leurs démarches administratives, aider leur développement, à l’inverse, nous ne pouvons pas nous permettre de gaspiller l’argent public, fruit de l’effort des contribuables, pour que de grands groupes champions de l’optimisation fiscale bénéficient d’une manne dont ils n’ont pas besoin. Il faut rappeler ici que les entreprises du CAC 40 captent 1 milliard sur les 5 milliards d’euros du CIR, alors même que ce crédit d’impôt était destiné, à l’origine, aux PME.
Cette mesure est utile, il faut la développer, la simplifier et la sécuriser pour les PME, mais elle ne doit plus être détournée de son objectif premier. Le rapport de la Cour des comptes de juillet 2013 est très clair. Nous pouvons mieux cibler le dispositif « sans remettre en cause son efficacité ». Alors que tant de PME éprouvent des difficultés à obtenir le CIR, il est particulièrement anormal que les grands groupes, eux, en captent facilement une part aussi importante.
Les amendements que nous proposions étaient simples : plafonner le CIR au niveau des groupes, interdire l’utilisation du crédit d’impôt compétitivité pour l’augmentation des dividendes ou la rémunération des dirigeants. Pourtant, nous n’avons pas été entendus.
Nous avons été constructifs, ensuite, en proposant de soutenir les emplois d’avenir. Ces contrats que l’on dit « aidés », le sont en fait beaucoup moins que ceux créés par le CICE, qui coûteront au contribuable 60 000 euros par emploi, alors qu’un emploi d’avenir ne revient qu’à 12 000 euros par an. Ce sont des contrats utiles, qui permettent à notre jeunesse de construire son parcours professionnel.
Nous avons été constructifs, également, en proposant de développer les contrats d’apprentissage, dont les chiffres sont en baisse constante depuis 2012. Cette baisse a même atteint 13,7 % au premier trimestre 2014. L’amendement de Mathieu Hanotin a ainsi manqué d’être adopté, à 4 voix près. Et s’il a reçu un tel accueil dans l’hémicycle, c’est parce que ce sont des mesures simples et efficaces qui préparent l’avenir de la jeunesse et de nos entreprises.
Nous avons été constructifs, enfin, en proposant de soutenir la transition écologique pour faire émerger un nouveau modèle de développement, porteur d’emplois et protecteur de l’environnement. J’y reviendrai, mais cela supposait, a minima, de maintenir le budget du ministère de l’écologie.
Au travers de ces propositions, nous avions un objectif central : utiliser au mieux l’argent public, qui est le fruit de nos impôts, renforcer l’efficacité de nos politiques de création d’emplois et construire un nouveau modèle économique porteur d’avenir autour de la transition écologique. Nous avons défendu ces amendements en convergence avec une partie de la majorité. Malgré cet esprit constructif, force est de constater que nos demandes n’ont pas été entendues, comme d’autres émanant d’autres parties de votre majorité.
Plus gênant encore, lors de l’examen du PLFRSS, comportant l’autre volet de votre pacte de responsabilité, vous avez dû recourir à la réserve des votes concernant une partie du texte, notamment pour éviter que le Parlement n’adopte l’allégement de la CSG pour les ménages aux revenus modestes et les classes moyennes. Ces allégements d’impôts auraient pourtant répondu aux attentes des Français, à qui vous avez demandé tant d’efforts depuis le début de cette législature.
Nous avons effectué notre travail de parlementaires et fait des propositions pour améliorer ce projet de loi, en défendant des mesures souhaitées par une grande partie des Français. Vous n’avez pas voulu les adopter à ce stade, et nous le regrettons. Mais Paris ne s’est pas fait en un jour, et si des mesures sont prises demain en faveur des ménages, ainsi que l’a laissé entendre le Président de la République hier, nous pourrons dire que nos débats n’auront pas été inutiles.
En revanche, nous n’avons pas décelé de volonté quelconque en matière d’écologie dans les propos du Président de la République. Si nous nous sommes engagés chez les écologistes, c’est que nous avions la conviction profonde que l’écologie doit être au coeur de nos politiques publiques.
Nous ne pouvons plus rester sans rien faire devant la dégradation de notre environnement et l’épuisement de nos ressources. Notre qualité de vie s’en ressent chaque jour, les nuisances liées au trafic routier et aérien s’amplifient, les particules fines sont responsables de 42 000 morts prématurées chaque année, la qualité de notre alimentation se dégrade et nous n’agissons pas assez face au principal danger qui menace l’avenir de nos enfants : le réchauffement climatique. Le dernier rapport du GIEC est malheureusement clair : au rythme où la température de la terre se réchauffe, nous aurons dépassé les deux degrés Celsius supplémentaires d’ici à 2030, le niveau de la mer pourrait s’élever d’un mètre d’ici à la fin du siècle, et les événements climatiques extrêmes, que nous connaissons déjà, se multiplieront. Nous ne pouvons rester sans rien faire.
Comme le disait Pierre Radanne, j’ai deux nouvelles : une mauvaise et une bonne. La mauvaise, c’est que c’est grave ; la bonne, c’est que nous avons les solutions. Vous connaissez les solutions : une agriculture biologique accessible à tous, des économies d’énergie avec, d’abord, l’isolation des logements, le développement des énergies renouvelables – éolienne et solaire –, des projets de transports collectifs. Non seulement ces solutions nous apporteront une meilleure qualité de vie, à nous et à nos enfants, mais elles peuvent aussi créer des emplois. Vous ne pouvez l’ignorer, car les études se multiplient et vont toutes dans le même sens.
La Commission européenne a évalué, en janvier, qu’une politique d’investissements dans la transition énergétique pourrait créer 1,2 million d’emplois en Europe à l’horizon 2030, pour un coût proche de zéro car les investissements, estimés à 22 milliards d’euros par an, seraient entièrement compensés par les économies réalisées sur la facture énergétique. Dans le cadre du débat national sur la transition énergétique, les auditions d’entreprises comme Saint-Gobain ou du syndicat des énergies renouvelables ont montré également que 220 000 emplois pouvaient être créés dans l’isolation des logements et 150 000 dans les énergies renouvelables.
Alors, qu’attendons-nous pour soutenir le développement de l’économie verte ? Pourquoi constatons-nous, au contraire, dans ce collectif budgétaire, que l’écologie ne fait pas partie de vos priorités, puisque vous amputez son budget de 288 millions d’euros ? Pourquoi choisissez-vous de couper les crédits des investissements d’avenir consacrés à l’innovation pour la transition écologique et énergétique, aux villes et aux territoires durables ?
Pis encore, vous introduisez dans ce PLFR une révision à la baisse de la taxe poids lourds, devenue simple péage de transit, dont le réseau taxable est divisé par trois et les recettes par deux. Que sont devenues les ambitions du Grenelle de l’environnement de diminuer le trafic des poids lourds sur nos routes ? Comment favorisera-t-on le développement du fret ferroviaire et du transport fluvial ? Sans cette taxe, comment réalisera-t-on demain les projets de bus, de métros, de tramways, nécessaires pour permettre à tous de se déplacer et désengorger nos villes, congestionnées par le trafic automobile ?
Pour toutes ces raisons, vous comprendrez que nous abordons cette nouvelle lecture avec quelque inquiétude. Nous avons déposé un nouvel amendement visant à rétablir le budget de l’écologie. C’est pour nous une priorité. Nous vous demandons, parce que notre planète en a besoin et parce que c’est le modèle de développement de demain, de partager notre conviction qu’il faut miser sur l’économie verte et sur l’écologie. En un mot, nous vous demandons de faire enfin de l’écologie l’une des priorités du Gouvernement.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, chers collègues, nous entamons la nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2014, rejeté par le Sénat le 8 juillet.
En première lecture, le débat à l’Assemblée nationale a permis d’amender le texte en bonne intelligence, ce que le groupe RRDP a salué lors des explications de vote le 1er juillet. L’Assemblée a notamment prolongé l’exonération de taxe d’habitation et le dégrèvement de contribution à l’audiovisuel public pour les personnes de condition modeste âgées de plus de soixante ans, ou veuves quel que soit leur âge. Elle est également revenue sur l’une des dispositions de la loi de finances rectificative pour 2013 qui prévoyait qu’à partir des impositions dues au titre de l’année 2015, la taxe communale sur la consommation finale d’électricité serait perçue systématiquement par le syndicat intercommunal. Il s’agissait d’une demande des radicaux de gauche.
Le Gouvernement s’est également engagé, lors de la discussion de l’un de nos amendements qui faisait suite à la fin des « surplus laitiers », à mettre en place un dispositif de déclaration permettant aux producteurs laitiers faisant don de leur production, une fois transformée, à des organisations caritatives, de bénéficier de la réduction d’impôt au titre du mécénat.
En outre, le ministre des finances a annoncé que, dans le projet de loi de finances pour 2015, les bases de calcul de la dotation forfaitaires de la Corse seraient revues, conformément à ce que prévoit l’amendement RRDP et aux recommandations du comité des finances locales, leur rendant ainsi leur spécificité, ignorée en loi de finances pour 2014.
Enfin, je veux évoquer la création d’un Observatoire des contreparties, à laquelle visait l’amendement défendu par le président du groupe Roger-Gérard Schwartzenberg. L’Observatoire sera chargé de suivre l’usage que feront les entreprises des allégements de charges et d’impôts, conformément à l’engagement du Président de la République. Celui-ci a en effet déclaré le 14 juillet, à propos du pacte de responsabilité et du CICE : « Ces contreparties doivent être définies au plan national et déclinées par branches professionnelles. Elles porteront sur des objectifs chiffrés d’embauches, d’insertion des jeunes, de travail des seniors. Un Observatoire des contreparties sera mis en place et le Parlement y sera associé. » L’installation d’un tel observatoire fait, depuis, l’objet de débats et a pris tout son sens lors de la dernière Conférence sociale, notamment concernant l’avancée des négociations par branche des contreparties au CICE.
En première lecture, d’autres amendements déposés par le Gouvernement ont fait évoluer positivement le texte. Je pense à la prorogation du taux de TVA de 5,5 % appliqué aux constructions de logements en zone « ANRU », à l’extension du bénéfice des aides du Fonds d’amorçage pour la réforme des rythmes scolaires dans le 1er degré – FARRS – aux communes ou aux EPCI, à la simplification de l’éco-prêt à taux zéro, à l’extension du régime de l’intégration fiscale aux groupes constitués entre plusieurs EPIC soumis à l’impôt sur les sociétés ou encore à la création, en remplacement de l’éco-taxe, d’un « péage de transit poids lourds », dont les contours, néanmoins, gagneront à être précisés.
Nous saluons également des amendements d’origine parlementaire, tels ceux de nos collègues socialistes Pierre-Alain Muet et Sandrine Mazetier, relatifs à l’optimisation et à l’évasion fiscales des grands groupes, la mesure concernant les « titres reconstitués », ou encore la création, grâce à Laurent Grandguillaume, d’un fonds de mutualisation et de péréquation entre les chambres de métiers et d’artisanat, neutre pour l’État.
Pour cette nouvelle lecture, le groupe RRDP a déposé peu d’amendements. Ils concernent deux articles nouveaux introduits en première lecture. Dans sa rédaction actuelle, l’article qui vise à définir le champ de l’exonération de la contribution versement transport exclurait les associations et les fondations oeuvrant dans le secteur sanitaire, social et médico-social. Bon nombre d’entre elles nous ont alertés. Ce n’était pas l’objectif de l’amendement de nos collègues. Nous avons déposé un nouvel amendement visant à réintégrer ces associations et ces fondations dans le périmètre de l’exonération du versement transport.
Sur l’article additionnel de simplification de l’éco-prêt à taux zéro, introduit par le Gouvernement, nous proposons deux aménagements. Le premier, rédactionnel, adopté avec l’avis favorable du Gouvernement en première lecture à l’initiative du groupe RDSE, permet de clarifier le cas où différentes entreprises interviennent dans la réalisation d’un bouquet de travaux financé par un éco-prêt à taux zéro. Ainsi, l’entreprise commettant une erreur dans la déclaration de ses travaux éligibles ne peut être sanctionnée que sur sa seule part des travaux, indépendamment des travaux réalisés par d’autres entreprises. Le second aménagement, adopté également au Sénat, a pour objet de préciser le recours possible de l’entreprise à un « tiers-vérificateur » pour vérifier l’éligibilité des travaux.
Enfin, l’article 5 ter nouveau a introduit en première lecture une augmentation à 8 euros du tarif maximal par nuitée et par personne de la taxe de séjour. Ce plafond, très significatif voire excessif, a suscité de vives réactions. Depuis, la commission des finances a adopté le 10 juillet dernier, en nouvelle lecture, une simplification des barèmes de la taxe de séjour et de la taxe de séjour forfaitaire : les collectivités resteraient libres de fixer les tarifs pour un montant compris entre 20 centimes et 3,50 euros par personne et par nuitée.
Néanmoins, une telle mesure structurelle trouverait plus sûrement sa place en loi de finances pour 2015, ce qui permettrait de conduire avant la fin de l’année les concertations adéquates avec les professionnels du secteur, comme le préconise d’ailleurs la mission parlementaire d’évaluation et de contrôle sur la fiscalité des hébergements touristiques.
Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, depuis le début de l’examen de ce collectif budgétaire, les projecteurs de la communication gouvernementale sont braqués sur l’article 1er et la mesure exceptionnelle de baisse d’impôts pour les catégories de contribuables les plus modestes. Après le gel du barème, le renforcement de la décote puis le dégel du barème, cette mesure favorise peut-être les plus modestes, mais elle favorise aussi l’illisibilité totale de notre système fiscal en suscitant l’incompréhension de ceux qui, bien que modestes, n’en bénéficieront pas.
L’empilement des mesures au fil des projets de loi renforce la suspicion de ceux qui croient devoir payer plus de prélèvements ou bénéficier de moins de prestations que les autres. Avec son maquis de règles disparates, d’exemptions et de statuts, notre système de redistribution, comme le soulignait récemment le sociologue Philippe Guibert, est « une vaste machine à ressentiment ». Il ajoutait que « le redressement dans la justice est impossible sans remise à plat préalable ». C’est pourquoi nous ne devons pas faire l’économie d’une remise à plat de la fiscalité dans son ensemble, et de la fiscalité des ménages en particulier, pour la rendre à la fois plus lisible, plus progressive et donc plus juste.
Pour en revenir au collectif budgétaire, il ne faudrait pas que l’article 1er occulte les autres mesures de ce projet de loi, à commencer par « l’ajustement des crédits » – que c’est joliment dit pour désigner une baisse ! – votés en loi de finances initiale. Le texte propose en effet une baisse de 1,6 milliard d’euros, qui concerne peu ou prou tous les ministères. Il s’agit de la première étape visant à réaliser l’économie en dépenses de 50 milliards d’euros qu’ont annoncée le chef de l’État et le Premier ministre. Entre 2015 et 2017, rappelons qu’il est prévu de réaliser 18 milliards d’euros d’économies sur le budget de l’État. C’est une logique austéritaire, qui met en oeuvre les recommandations de la Commission européenne pour laquelle libéraux ou sociaux-libéraux s’entendent comme larrons en foire, au plus grand bonheur de M. Juncker.
Le Gouvernement a annoncé que ces économies proviendront pour l’essentiel de « la réduction du train de vie de l’État » et du « recentrage des interventions ». Il s’agit donc, à bien vous entendre, de cantonner toujours plus l’État à ses fonctions régaliennes.
Les déficits publics ne doivent cependant pas servir de prétexte à une stratégie de démantèlement de l’État. Il faut en effet rétablir certaines vérités, même si elles peuvent être désagréables à nos collègues de droite – car à droite mais aussi, hélas, très loin à gauche de cet hémicycle, on ne regarde que les dépenses et jamais les recettes.
L’État a progressivement provoqué un déficit de recettes. Le choix d’exonérer systématiquement les ménages les plus aisés et les grandes entreprises a entraîné une diminution de cinq points en trente ans de la part des recettes de l’État dans le PIB. Souvenons-nous du rapport rédigé en 2010 par Jean-Philippe Cotis sur la situation des finances publiques – je sais que M. le président de la commission le connaît par coeur. Ce rapport indiquait qu’en l’absence des baisses de prélèvements intervenues depuis 2002, « la dette publique serait environ vingt points de PIB plus faible aujourd’hui qu’elle ne l’est en réalité ». Une telle constatation devrait nous conduire à nous montrer plus vigilants, mais aussi plus entreprenants sur le terrain de la dépense fiscale.
Nous avons insisté en première lecture sur la nécessité prendre à bras-le-corps la question des niches fiscales. L’an dernier, les dix premières niches fiscales ont représenté près de 30 milliards d’euros, soit 40 % des quelque 70 milliards d’euros que totalisent ces niches.
Rappelons encore le fameux rapport du Conseil des prélèvements obligatoires qui, en 2010, dressait le bilan des nombreux dispositifs dérogatoires qui bénéficient aux entreprises, particulièrement les plus grandes d’entre elles. Ce rapport pointait à mots couverts la responsabilité écrasante de la majorité d’alors dans la multiplication des mesures en faveur des entreprises et des titulaires des plus hauts revenus. Ces mesures se sont succédé au rythme de douze nouvelles dépenses fiscales par an entre 2002 et 2010. À ces dépenses fiscales répertoriées comme telles s’ajoutent les nombreux dispositifs dérogatoires qui ont été déclassés en 2006 pour devenir des modalités de calcul de l’impôt. La hausse spectaculaire du coût de ces modalités a eu pour origine principale certains régimes qui bénéficient aux grands groupes comme le régime des sociétés « mères-filles », le régime d’intégration fiscale des groupes et la taxation au taux réduit des plus-values à long terme provenant de cessions de titre de participation – la fameuse « niche Copé ».
Aujourd’hui encore, 43 000 entreprises bénéficient du régime « mères-filles » entraînant la non-imposition des produits de participation représentant au moins 5 % du capital d’autres sociétés, pour un coût estimé en 2013 à 24 milliards d’euros. D’autre part, 105 000 entreprises bénéficient du régime d’intégration fiscale, pour un coût de 18 milliards d’euros en 2013, et 5 300 entreprises bénéficient d’une exonération sur certaines plus-values, pour un coût de 3 milliards d’euros en 2013.
Si vous cherchez 18 milliards d’euros, monsieur le secrétaire d’État, il y a, on le voit, matière à faire quelques économies substantielles dans la réduction des niches et la révision des modalités de calcul des impôts. Nous avons d’ailleurs formulé quelques propositions en ce sens lors de nos débats en première lecture.
La chose serait d’autant plus utile que les efforts déployés en ce sens sont encore insuffisants. Comme le soulignait le Premier président de la Cour des comptes devant notre Assemblée, les économies sur ce chapitre ont été l’an dernier de 500 millions d’euros seulement, bien loin des 3,6 milliards d’euros attendus.
Venons-en à l’optimisation et à la fraude fiscale, deux domaines dans lesquels des progrès sensibles ont été réalisés. Nous nous félicitons d’ailleurs du renforcement du contrôle des prix de transfert, notamment en cas de transfert vers les paradis fiscaux.
Nous pensons néanmoins qu’il faut encore pousser les feux de l’échange automatique d’informations en matière fiscale ; c’est un enjeu essentiel. Il ne faut pas laisser croire que le seul retour des exilés « repentis » vers Bercy afin de régulariser leur situation suffira à éradiquer le scandale de l’évasion fiscale. L’essentiel de l’évasion et de la fraude passe par les entreprises transnationales et non par les individus. C’est toute une machinerie, toute une industrie qu’il faut démanteler afin d’espérer récupérer un jour les dizaines de milliards d’euros qui manquent au budget de la République. Il faut aussi pousser les feux de la transparence totale sans dérogation. C’est l’une des conditions de la réussite de la bataille à livrer pour la justice fiscale. C’est d’autant plus impérieux qu’il s’agit là de la principale cause des déséquilibres d’imposition entre grandes entreprises et PME. La concentration des régimes dérogatoires et l’optimisation fiscale au plan international aboutissent aux écarts qui pénalisent lourdement les PME et, par extension, les ménages et les comptes publics.
Je ne peux m’empêcher de vous citer l’exemple de Radiall, l’entreprise dirigée par le Président du MEDEF.
La part des impôts payés en France par cette entreprise est passée de 25 % à 3 % entre 2010 et 2013 alors que son chiffre d’affaires global a augmenté de 27 % entre 2010 et 2013.
Voilà la réalité de l’optimisation fiscale !
Il faut donc avant toute chose rééquilibrer l’impôt sur les sociétés entre grandes entreprises et PME en veillant à ne pas en affecter le rendement global, sauf à vouloir reporter sur les ménages les conséquences de nouvelles baisses des contributions des entreprises, ce qui serait, une nouvelle fois, particulièrement injuste, mais aussi particulièrement inefficace en termes de relance de l’activité.
Sur le terrain des dépenses fiscales, il faudrait également, si nous en avions le temps, évoquer les points suivants : les baisses successives du taux marginal de l’impôt sur le revenu, la fiscalité de l’épargne, qui est très largement favorable aux personnes disposant d’importants portefeuilles d’actions et d’obligations, mais aussi la multiplication des incitations fiscales à l’investissement immobilier ou encore les larges exonérations en matière d’ISF. Toutes ces mesures et autres niches fiscales rentables ont un coût pour les finances publiques et ont constitué un puissant levier de l’aggravation des inégalités – aggravation que démontre d’ailleurs la dernière enquête de l’INSEE, selon lequel les inégalités ont atteint leur plus haut niveau depuis 1996. L’année 2011 fut particulièrement faste pour nos concitoyens disposant de hauts revenus, comme le rappelait tout récemment le magazine Challenges, tandis que la pauvreté n’a cessé d’augmenter et touche aujourd’hui 8,7 millions de personnes, soit un niveau historique.
Dans ce contexte, devons-nous privilégier la baisse des dépenses publiques, des dépenses d’investissement utiles au redressement économique, ou devons-nous nous attaquer à retricoter ce que la droite a détricoté pendant des années en aggravant la dette publique dans des proportions vertigineuses ? Je n’oublie pas l’effet récessif des 50 milliards d’austérité qu’a relevé notre rapporteure générale, et la manière dont ces économies sont réalisées, avec le risque d’une perte de 250 000 emplois d’ici 2017.
Dans le contexte actuel d’atonie de la croissance, la baisse de la dépense publique condamne toute perspective de relance. Ce dont notre pays, nos entreprises et nos finances publiques ont aujourd’hui besoin, c’est de sortir de ce marasme persistant. Or, à nos yeux, cette sortie ne peut s’entrevoir sans que l’État et les collectivités locales n’engagent les dépenses utiles à l’investissement et à la préservation d’un environnement propice à l’activité économique, aussi bien en termes de santé et d’éducation que de services publics.
Soutenir l’intervention publique et la protection sociale tout en réduisant les inégalités sociales n’est pas une ambition hors de portée, à condition de sortir des dogmes libéraux qui servent aujourd’hui de boussole à l’Europe. Ce n’est pas le cas avec ce PLFR. Les députés du Front de gauche ne pourront donc pas vous suivre sur ce collectif budgétaire !
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, au début de la discussion de ce projet de loi de finances rectificative en première lecture tout comme au début de la discussion du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, le tout formant un bloc, j’avais, au nom du groupe SRC, appelé au courage, à la constance et à la cohérence. Il va de soi que c’est de nouveau à cela que je nous appelle en début de nouvelle lecture, tout en me réjouissant que notre assemblée ait adopté ces deux textes en première lecture avec de larges – quoique différentes – majorités.
Nous entamons cette discussion en nouvelle lecture en étant éclairés par le débat d’orientation budgétaire qui s’est tenu la semaine dernière dans l’hémicycle et qui nous a ouvert de nouvelles perspectives – je pense en particulier aux informations que le Gouvernement a données concernant le budget triennal.
L’ensemble repose toutefois sur une seule et unique question, par laquelle je commencerai : la question de la croissance et de son contenu en emplois. Je gage que chacun ici, quel que soit le banc sur lequel il siège, en fait une priorité.
La croissance est là, mais elle est faible. Comme l’a constaté hier le Président de la République, elle est insuffisante et cette situation – je le cite – n’est « pas acceptable ». L’emploi en est pour partie le résultat : le chômage continue de progresser. Je rappelle tout de même que l’économie française crée de nouveau des emplois, mais de manière insuffisante par rapport à notre dynamisme démographique et à l’augmentation de la population active. À chaque fois que nous comparons notre taux de chômage avec celui d’autres pays européens, il est bon, en effet, de rappeler que nous ne connaissons pas le même contexte démographique.
Quoi qu’il en soit, notre objectif est simple : retrouver davantage de croissance et lui donner plus de contenu en emplois. Il est normal que nous ayons eu en première lecture un large débat sur les voies et moyens permettant de dynamiser la croissance. Ce débat se poursuivra, mais je souhaite rappeler d’emblée que nous ne saurions le faire en dehors des réalités.
Deux éléments sont particulièrement importants. L’affaiblissement continu de notre tissu économique et de nos entreprises, tout d’abord : quoi qu’on en dise, notamment à la droite de l’hémicycle, ce n’est pas en deux ans, d’un simple claquement de doigts, que l’on peut revenir sur la destruction de 750 000 emplois industriels, sur l’absence de politique industrielle et sur le paradoxe en vertu duquel la France, qui est probablement un des champions mondiaux de l’innovation, n’est pas en mesure de traduire cette capacité en création d’entreprises et d’emplois sur son territoire.
Nous partons donc de cet affaiblissement, attesté par les statistiques du commerce extérieur – il était équilibré en 2002, son déficit dépassait 70 milliards d’euros en 2012 –, mais aussi par la perte des emplois industriels ou encore la faiblesse du taux de marge des entreprises. Celle-ci n’est pas nouvelle. Certains semblent l’avoir découverte en 2012. Pas nous.
Le second élément, c’est la situation de nos finances publiques, qu’on ne peut pas balayer d’un revers de main. La dépense publique n’a jamais été aussi élevée. Les prélèvements obligatoires n’ont jamais été aussi élevés. La dette n’a jamais été aussi élevée. Ce que je vais dire s’adresse notamment à nos collègues qui siègent du côté gauche de cet hémicycle, mais qui ne partagent pas toutes les orientations de la majorité.
Nous devons, d’une part, faire en sorte que notre économie retrouve du muscle et que nos efforts pour la soutenir profitent d’abord aux entreprises françaises – ce qui n’est pas forcément le cas aujourd’hui lorsqu’on soutient la demande. Nous avons un déficit très important du commerce extérieur et le positionnement de nos entreprises est très mauvais. Nous devons aussi, d’autre part, tenir compte de nos marges de manoeuvre budgétaires. Dans le débat public, on parle de l’exemple italien. L’Italie a, certes, une dette plus élevée que la nôtre, mais elle a un déficit primaire bien inférieur, pour ne pas dire un solde primaire positif, avec un déficit inférieur à 3 % du PIB. Nous n’avons pas, en France, cette marge de manoeuvre budgétaire. On peut le regretter, encore qu’il faudrait aussi s’interroger, dans l’économie mondialisée que nous connaissons aujourd’hui, sur les effets réels d’une relance keynésienne ou néokeynésienne.
C’est pour cela, monsieur le secrétaire d’État, qu’en nouvelle lecture, le groupe socialiste, républicain et citoyen restera constant et cohérent dans son choix de mettre en oeuvre le pacte de responsabilité et de solidarité dans les deux textes que j’ai évoqués tout à l’heure et qui forment un bloc.
Ce pacte a fait l’objet d’un dialogue constant, permanent, entre le Gouvernement et le groupe majoritaire. Il a débouché, non pas sur des compromis, mais sur des convergences qui sont inscrites dans ce texte et que nous avons eu l’occasion d’adopter en première lecture. Je pense notamment aux mesures visant à améliorer le pouvoir d’achat des ménages. Ce dialogue doit se poursuivre. Nous évoquerons certains sujets au cours de cette nouvelle lecture et je ne doute pas que nous trouverons le moyen d’avancer.
Le triptyque de ce pacte est simple. C’est d’abord le soutien aux entreprises, pour leur permettre de retrouver de la compétitivité. Je m’étonne, chers collègues de l’opposition, de votre attitude. Sans doute vos débats internes vous minent-ils. Peut-être aussi que, face à l’urgence de la situation, vous ne voulez pas, pour des raisons politiciennes, vous engager dans ce nécessaire rassemblement national.
Le Président de la République a rappelé, hier encore, l’allégement de 40 milliards d’euros consenti aux entreprises. Cela n’avait jamais été fait, et vous ne l’avez jamais fait. Si vous faisiez le bilan de vos mesures concernant les entreprises depuis 2002 – parce que la situation des entreprises en 2014, c’est d’abord le résultat de la politique que vous avez menée entre 2002 et 2012 –…
…vous reconnaîtriez que c’est bien notre politique qui doit être suivie.
Concernant le soutien aux entreprises, comme j’ai eu l’occasion de le dire la semaine dernière, c’est un message de confiance que nous envoyons. Nous avons voté ces mesures en première lecture, nous les voterons en nouvelle lecture.
Les chefs d’entreprise, les partenaires sociaux doivent aujourd’hui s’engager sur ces dispositifs que nous avons garantis, pour ne pas dire sanctuarisés, parce que c’est la voie nécessaire pour permettre à notre économie de retrouver de la compétitivité.
Le deuxième aspect du triptyque, c’est le soutien à la demande. Le pacte de responsabilité et de solidarité prévoit 5 milliards d’euros d’allégements fiscaux pour les ménages, avec une première mesure, dès cet automne, qui permettra à près de 2 millions de ménages de ressortir de l’impôt et à plus de 3 millions de voir leur impôt allégé. La perspective pour 2015, je suppose, monsieur le secrétaire d’État, repose toujours sur la base des réflexions du groupe de travail sur la fiscalité des ménages, qui a fixé comme priorité les classes moyennes, c’est-à-dire, au regard des revenus fiscaux en France, les classes qui…
Qui ont subi la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires !
…sont aujourd’hui au bas du barème de l’impôt sur le revenu. Ce sont celles qu’il faut aider aujourd’hui, car ce sont elles qui sont souvent les plus pénalisées par les effets de seuil.
Il faudra donc poursuivre cet effort. Sachant – je l’ai dit la semaine dernière à l’occasion du débat d’orientation budgétaire – qu’une approche visant à établir un équilibre entre entreprises et ménages n’est pas adaptée à la situation, même si je comprends l’idée politique qui la sous-tend. Encore faudrait-il savoir : quels allégements pour quelles entreprises et quels impôts pour quels ménages ?
Quand on augmente d’un milliard d’euros l’impôt de solidarité sur la fortune et que l’on baisse d’un milliard d’euros l’impôt sur les TPE, on mène une politique de gauche, qui est efficace pour l’économie et la solidarité.
Pour conclure, j’évoquerai la maîtrise de la dépense publique.
C’est une exigence, c’est une nécessité, car nous ne redresserons pas le pays et nous ne retrouverons pas de la croissance si nous ne savons pas maîtriser nos dépenses publiques. Tout à l’heure, en défendant les motions de procédure, la droite nous a accusés de ne pas aller assez vite. Il y a une différence entre vous et nous : vous avez peut-être réduit plus vite le déficit nominal, mais, depuis 2006, vous n’aviez fait qu’augmenter le déficit structurel. Nous, nous le baissons. Nous, nous le baissons, au rythme qu’il faut, en faisant ce que nous savons faire, à savoir maîtriser la dépense publique comme vous n’avez jamais su le faire en dix ans. Nous stabiliserons en valeur la dépense publique de l’État au cours des trois prochaines années.
Pour le reste, nous n’entendons pas conduire des politiques d’austérité, qui mettraient en cause le redémarrage de l’économie et une croissance qui reste aujourd’hui trop faible.
Ne comptez pas sur nous pour cela, mais comptez sur nous pour assurer la maîtrise de la dépense publique, au service le compétitivité et de l’économie !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite que cette discussion en nouvelle lecture nous permette au moins de dialoguer.
D’abord, je répondrai à notre collègue Lefebvre que ce collectif budgétaire, c’est trop peu.
C’est trop peu au regard d’un certain nombre d’objectifs budgétaires importants que nous pourrions partager, mais qui sont trop peu et trop mal servis, et c’est assurément trop peu pour engager le rassemblement auquel vous avez appelé.
Le collectif budgétaire, c’est trop peu, monsieur le secrétaire d’État, au regard des ajustements conjoncturels qui seraient nécessaires. Le Gouvernement n’avoue qu’à moitié la perte de recettes et l’évolution de la conjoncture, très en deçà des objectifs que vous vous étiez fixés, très en deçà de ce que sont les besoins du pays, très en deçà, enfin, de ce que permettrait l’évolution de la conjoncture dans le monde et en Europe.
Votre stratégie économique est tout entière fondée sur une amélioration conjoncturelle externe dont la France pourrait, par bonheur, profiter. La réalité est que la France ne profite que très insuffisamment de ce qu’est en effet l’évolution conjoncturelle en Europe. J’y reviendrai.
Ce collectif, c’est trop peu, monsieur le secrétaire d’État, s’agissant des économies nécessaires au rétablissement des finances publiques. Ces économies restent insuffisamment documentées, et vous faites preuve d’incohérence en poursuivant les recrutements dans certains domaines de la fonction publique où ils sont peu justifiés et techniquement impossibles. cela a été rappelé ces dernières heures encore. Je vous l’avais dit il y a deux ans, et l’an dernier encore, les jurys de recrutement des concours de l’enseignement, pour l’agrégation de mathématiques, par exemple, ne pourvoient pas la totalité des postes proposés. Vous portez, depuis le début de cette législature, la faute originelle de recrutements nouveaux qui sont impossibles techniquement. Il nous est donc impossible d’atteindre le montant des économies budgétaires dont notre pays a besoin.
Ce collectif, c’est trop peu dans le domaine de la fiscalité. Nous avons compris que vous vouliez baisser l’impôt pour les salaires les plus modestes, inférieurs à 1,13 SMIC, mais tout cela se fait dans la plus grande confusion.
Confusion, d’abord, au regard de la cohérence d’une baisse d’impôt au bas du barème. J’ai rendu hommage à la qualité du travail de notre collègue Lefebvre dans le cadre de la mission Lefebvre-Auvigne, à laquelle j’ai participé au début de cette année. Il n’en reste pas moins que l’analyse intelligente et les propositions cohérentes qui ont été faites dans cet excellent rapport sont mal traduites et mal interprétées dans la mesure d’urgence que vous décidez aujourd’hui.
Avec votre majorité, vous prenez une direction, vous menez des travaux et vous parvenez à obtenir un certain consensus. Je le dis sous le contrôle de nos collègues du groupe UDI, nous avons trouvé qu’il y avait des pistes intéressantes et pertinentes pour corriger certains défauts de l’impôt sur le revenu. Mais à peine quelques semaines après, vous faites le choix de contredire ce rapport et d’ajouter une strate de complexité et d’incohérence.
Confusion encore, monsieur le secrétaire d’État, avec l’annonce du Premier ministre, ces derniers jours, d’une baisse à venir de l’impôt sur le revenu des classes moyennes – on aura du mal à considérer qu’elles sont concernées par la première mesure sur les revenus inférieurs à 1,13 SMIC. Les annonces ont été rapidement démenties. Quels moyens seront disponibles en la matière dans le budget 2015 ? Nous ne le savons pas. Je sais bien que nous ne discutons aujourd’hui que d’un collectif budgétaire. Il n’empêche que que nous sommes dans la plus grande confusion et la plus grande incohérence !
Ce collectif, c’est aussi trop peu pour ce qui concerne la réduction de la dette. Vous le savez, le niveau de déficit actuel fait que la dette de la France dépassera les 100 % du produit intérieur brut à la fin de 2015.
Si ces derniers mois, nous avons pu, collectivement – et tant mieux ! – profiter d’une baisse des taux d’intérêt, la remontée de ceux-ci, à court et moyen terme, est extrêmement menaçante. La reprise mondiale, l’évolution de la politique monétaire américaine, les tensions financières sur la zone euro, l’évolution du profil de la dette en Allemagne, tous ces éléments font que la comparaison entre la France et l’Allemagne, dans les mois qui viennent, se fera au désavantage de notre pays, et que les tensions sur la dette risquent d’être sévères et coûteuses, monsieur le secrétaire d’État – et vous le savez.
Enfin, ce collectif, c’est trop peu, s’agissant de la stratégie économique que vous poursuivez.
Depuis le début de cette législature, les chefs d’entreprise, les analystes et nous-mêmes, au sein de l’opposition, avons été amenés à constater qu’il y a, dans votre majorité, deux politiques économiques contradictoires : l’une, qui est particulièrement rude à l’égard des entreprises, l’autre qui, par moments, se veut plus aimable.
Chiche à la proposition de rassemblement de Dominique Lefebvre ! Peut-être aurions-nous pu entendre, dans le pacte de responsabilité et de solidarité – enfin ! – un éclaircissement de votre politique économique. La réalité est tout le contraire, dans le collectif comme dans les autres choix politiques que vous faites.
Je l’ai dit en première lecture, je le répète en nouvelle lecture, s’agissant de la fiscalité des entreprises, la seule mesure que contient ce collectif est négative. C’est le report de la surtaxe exceptionnelle de l’impôt sur les sociétés. Les mesures plus aimables qui visent à la baisse de l’IS, annoncées à moyen terme par le Gouvernement, ne se concrétisent pas dans le collectif. Pourquoi ? Parce que vous avez peur d’une partie de votre majorité.
Aurez-vous une relation plus aisée avec votre majorité à la fin de l’année ou dans les mois qui viennent ? La réponse est non ! Il y a, de toute évidence, des mesures défavorables aux entreprises dans ce collectif. Pour ce qui est des mesures favorables, il n’y en a aucune, et les entreprises, aujourd’hui, ne vous font plus confiance.
Le rassemblement que vous prônez suppose de la confiance, il suppose aussi, monsieur le secrétaire d’État, que le Gouvernement et la majorité aient une vision claire de leur relation avec les entreprises. Or, sans tomber dans la facilité, qu’entend-on ? D’une part, le discours que vous tenez, monsieur le secrétaire d’État. D’autre part – certains de nos collègues ont tout à l’heure posé fort judicieusement des questions au Gouvernement –, la position du ministre de l’économie, et, vous le savez, ce n’est pas la même.
Il y a le discours et il y a les actes. Il y a l’entrée de l’État au capital d’Alstom, dont on ne comprend pas la cohérence et la nécessité dans la stratégie adoptée concernant Alstom et General Electric.
Au fond, votre stratégie quant à la vision entrepreneuriale de l’entreprise et à la stratégie d’avenir d’Alstom est simplement un habillage de votre retraite par une entrée au capital de l’entreprise qui n’a pas beaucoup de sens d’un point de vue stratégique.
Le projet de loi sur la transition énergétique, qui prévoit un plan stratégique de l’État, constitue un autre exemple. Un plan stratégique de l’État, cela veut dire quoi ? Cela veut dire, de nouveau, une tutelle quotidienne de l’État sur l’entreprise ? Mais attendez, l’État est actionnaire très majoritaire d’EDF, comme vous le savez, monsieur le secrétaire d’État : il peut jouer son rôle d’actionnaire ! Malheureusement, il ne le joue pas, ou mal, ou bien ne sait pas le jouer. Vous concevez donc un nouveau dispositif, un plan stratégique, contrainte supplémentaire dont on n’avait pas entendu parler depuis des années et qui nous ramène aux grandes heures des années 1980. Cela signe l’échec de votre politique économique. Ne faites-vous pas preuve, parfois, d’un peu de bonne volonté ? Sans doute, de-ci de-là. Est-elle servie par la continuité et la cohérence et par des actes concrets, en l’espèce, monsieur le secrétaire d’État, dans votre domaine de responsabilité, par des choix budgétaires et fiscaux cohérents ?
Je l’ai dit à propos de l’impôt sur les sociétés, la réponse est non. Quelques bonnes paroles et un appel au rassemblement ne confèrent hélas aucune réalité à la mise en oeuvre concrète des décisions de politique publique par le Gouvernement ! En fait de décisions concrètes et de conséquences immédiates à court, moyen et long terme sur les finances et l’économie de notre pays, on trouve bien trop peu dans le collectif budgétaire. Quant à la stratégie consistant à soutenir notre économie et améliorer sa compétitivité, elle est caractérisée par beaucoup d’incohérence, bien peu de confiance et ne constitue aucunement un motif de rassemblement !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dès l’annnonce, par le Président de la République, du lancement du pacte de responsabilité et de solidarité, le 31 décembre 2013, le groupe UDI s’est dit ouvert au dialogue. Nous aurions en effet pu le soutenir car il reposait sur une idée simple que nous avons toujours défendue : baisser fortement les charges fiscales et sociales pesant sur les entreprises en diminuant corrélativement les dépenses publiques pour financer ces baisses, afin de faire remonter le niveau de l’emploi en France. En nous abstenant majoritairement sur le programme de stabilité budgétaire pour 2015-2017, nous avons répété notre souhait que ce pacte tourne définitivement la page des deux premières années du quinquennat en apportant une réponse puissante à l’urgent problème du chômage. Malheureusement, plus de six mois après les annonces, il est à présent clair que M. le Premier ministre n’a pas la majorité de sa politique. Face à une majorité qui se fissure, le Gouvernement n’ose plus avancer et recule même parfois.
Le collectif budgétaire pour 2014, que le Sénat, dans sa grande sagesse, a rejeté, comme d’ailleurs tous les textes budgétaires depuis le début de la législature, est donc un quadruple aveu d’échec du Gouvernement, qui a échoué à redresser les comptes publics de notre pays dans la justice, à relancer la compétitivité de nos entreprises, à améliorer le pouvoir d’achat des ménages et à renouer avec la croissance.
En premier lieu, alors que le Gouvernement avait voulu faire croire que la hausse massive des impôts serait payée par les ménages les plus riches, ce sont en fait les classes modestes et moyennes qui ont été les plus affectées par la hausse massive des prélèvements obligatoires sur les ménages. Rappelons que le Premier ministre d’alors promettait, le 27 septembre 2012, que « neuf contribuables sur dix » ne seraient pas concernés par la hausse de la fiscalité.
Mais le peuple français a bien vu que l’augmentation des impôts et des cotisations sociales a bien davantage frappé les classes moyennes que les très riches et que ce sont les deux tiers des Français qui ont payé la note. Oui, ce sont bien les classes moyennes qui ont payé en 2013 la majorité des 14 milliards d’euros d’impôts nouveaux sur les ménages décidés par le Gouvernement. Gel du barème de l’impôt sur le revenu, fin de la défiscalisation des heures supplémentaires, amputation de 0,3 % des retraites perçues par les retraités imposables, augmentation de 6 euros de la redevance audiovisuelle, relèvement du forfait social sur la participation et l’intéressement constituent autant de mesures qui ont gravement amputé le pouvoir d’achat des ménages. Celui-ci a connu une baisse globale de 0,9 %, une première depuis 1984, soit une baisse moyenne de 1,9 % du pouvoir d’achat de chaque ménage, puisque le nombre de ménages augmente d’environ 1 % par an.
En 2014, la politique menée a également eu des effets désastreux sur les ménages modestes. La suppression de l’exonération d’impôt sur le revenu des majorations de retraite ou de pension pour charges de famille et la suppression de l’exonération fiscale de la participation de l’employeur aux contrats collectifs de complémentaire santé, ajoutées à l’extension en année pleine de la fiscalisation des heures supplémentaires et à l’abaissement du plafond du quotient familial pour chaque demi-part, ont fait entrer dans l’impôt sur le revenu un nombre considérable de nos concitoyens. Ce nombre est estimé à près d’un million de foyers en deux ans et demi, d’après les chiffres de notre rapporteure générale.
Pourtant, les revenus de ces concitoyens souvent modestes n’ont pas augmenté. La pause fiscale promise par le Président de la République en réponse au ras-le-bol fiscal des ménages n’a donc été qu’un mirage. N’oublions pas les 6,5 milliards d’euros liés à l’augmentation de la TVA au 1er janvier 2014, qui a touché l’ensemble de nos concitoyens. Vous dénonciez cette mesure lorsque vous étiez dans l’opposition, chers collègues socialistes, mais une fois majoritaires, vous l’avez rétablie après l’avoir annulée. Il ne s’agissait plus, semble-t-il, d’une mauvaise solution, contrairement à ce que vous disiez quand vous étiez dans l’opposition.
La France, selon le rapport publié par Eurostat la semaine dernière, est le troisième pays d’Europe pour le poids de ses prélèvements obligatoires. C’est pourquoi le Gouvernement, voyant les tensions s’accroître fortement, a présenté en urgence une mesure visant à compenser en partie les effets catastrophiques de sa politique. Ainsi, les mesures proposées à l’article 1er du présent projet de loi visent à rendre non imposables 1,9 million de foyers qui seraient, sinon, soumis à l’impôt sur le revenu. Mais la moitié d’entre eux étaient probablement devenus imposables du fait des mesures prévues par la loi de finances pour 2014. Votre politique, monsieur le secrétaire d’État, c’est deux pas en arrière, un pas en avant ! Après avoir ponctionné le pouvoir d’achat des ménages français de plus de 20 milliards d’euros en deux ans, vous leur en rendez 1,16, soit 6 % de la hausse ! Votre politique relève de l’amateurisme le plus complet et ne fait que renforcer la défiance de nos concitoyens à l’égard du Gouvernement. Le pacte de confiance est rompu et les mesures proposées ne sont pas à la hauteur des enjeux.
En outre, comme le dit dans un style très « Cour des comptes » notre collègue Dominique Lefebvre, la mesure du Gouvernement fait sortir de l’impôt sur le revenu autant de contribuables qu’il y en était entré, mais il n’est pas certain que ce sont les mêmes. Nous vous le confirmons. Nous sommes même certains du contraire ! À cet égard, monsieur le secrétaire d’État, nous souhaiterions obtenir une réponse précise à une question toute simple : combien de foyers fiscaux non imposables au titre des revenus de 2012 et devenus imposables au titre des revenus de 2013 en raison des mesures prévues par la loi de finances pour 2014 vont redevenir non imposables ? Nous n’avons toujours pas la réponse à cette question simple.
En outre, qu’en est-il des pertes de recettes de l’État, de la Sécurité sociale et des collectivités territoriales découlant de la sortie de l’impôt sur le revenu de 1,9 million de foyers fiscaux ? Vos errements économiques placent la représentation nationale mais aussi, et de manière bien plus grave, l’ensemble des Français dans une incertitude peu supportable. C’est pourquoi le groupe UDI vous demande, par le biais d’amendements, de revenir immédiatement sur les trois mesures injustes qui ont fait basculer plus d’un million de nos concitoyens dans l’impôt sur le revenu.
En second lieu, votre politique a échoué à redresser les comptes publics de notre pays. Rappelons que le candidat Hollande promettait pendant la campagne présidentielle de ramener le déficit de la France à 3 % dès 2013. Les déficits publics se sont réduits beaucoup plus lentement en raison des erreurs de stratégie économique et budgétaire du Gouvernement et de sa majorité. Les déficits publics atteindront, selon la Cour des comptes, environ 4 % du PIB en 2014 et l’objectif de 3 % fixé par Bruxelles pour 2015 semble d’ores et déjà hors d’atteinte, à moins de prendre des mesures drastiques pour le soutien desquelles le Gouvernement n’aura pas de majorité. Le gouvernement dont vous êtes membre, monsieur le secrétaire d’État, sera donc condamné à demander un nouveau report de cet objectif, parions là-dessus dès ce soir une bouteille de champagne – une bouteille de chez moi.
En matière de recettes, il manquait 14,6 milliards d’euros au budget de l’État pour 2013 et la situation se répète en 2014 en raison d’un excès de fiscalité imposé tant aux ménages qu’aux entreprises depuis maintenant un peu plus de deux ans. En matière de réduction de la dépense publique, une grande partie des 50 milliards d’euros d’économies promis est encore virtuelle. En effet, selon la Cour des comptes, environ 20 des 50 milliards d’euros d’économies envisagées sont inventoriés ou supposent le prolongement d’efforts déjà engagés. Il manque donc à peu près 30 milliards d’euros qui sont peu ou pas du tout documentés, voire incertains car dépendant d’économies qui doivent être réalisées par des administrations publiques, au sens de la comptabilité nationale, dont l’État ne maîtrise pas les dépenses. C’est le cas des régimes complémentaires d’assurance vieillesse, de l’UNEDIC et surtout des collectivités territoriales. Car telle est la vraie question, monsieur le secrétaire d’État : la réduction de 11 milliards d’euros en trois ans de la dotation globale de fonctionnement ne se traduira-t-elle pas par une augmentation de 2, 3 voire 4 milliards d’euros des impôts locaux ?
Il ne s’agira donc pas d’une économie nette de 11 milliards d’euros consolidée sur l’ensemble des dépenses publiques. Les collectivités territoriales risquent de compenser en partie la baisse des dotations versées par l’État par une hausse des taux des impôts locaux ou un accroissement de leur endettement, car aucune mesure d’encadrement des dépenses comme des recettes n’est prévue pour l’heure.
J’ajoute que vous avez multiplié les fusils à un coup, monsieur le secrétaire d’État, même si pour être tout à fait honnête vous n’êtes pas le premier. Vous ne pourrez pas décaler deux fois la revalorisation des retraites du 1er avril au 1er octobre ni recommencer les petits hold-up traditionnels comme les prélèvements sur les chambres consulaires, le Centre national du cinéma voire la Caisse des dépôts et consignations, ce à quoi M. Emmanuelli s’opposerait d’ailleurs farouchement.
Quant au déficit de l’État, il se dégrade de 1,4 milliard d’euros. En effet, les recettes baissent de 4,8 milliards alors que les dépenses ne sont réduites que de 3,4 milliards. Pourquoi les dépenses ne sont-elles pas réduites de 1,4 milliard d’euros supplémentaire, à hauteur du recul des recettes, pour stabiliser le niveau du déficit ? En définitive, nous assistons à la dérive non seulement des dépenses publiques – certes petite, mais c’est tout de même une dérive –, mais aussi de la dette, qui dépassera les 2 000 milliards d’euros fin 2014 et atteindra 100 % du PIB dès l’année prochaine. Selon le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques 2013 de la Cour des comptes, « d’importantes sources d’économies peuvent être mobilisées sans dégrader la qualité des services publics et diminuer l’ampleur de la redistribution ». Il est temps d’agir !
En fin de compte, tous les voyants sont au rouge. Il est grand temps de prendre les mesures qui s’imposent pour redresser les finances publiques de notre pays ! C’est pourquoi le groupe UDI demande solennellement au Gouvernement d’accélérer le calendrier mais aussi d’inscrire immédiatement dans la loi l’ensemble des mesures de baisse des charges et de baisse des prélèvements obligatoires annoncées, en traçant une perspective claire jusqu’en 2017. Le refus de concrétiser ce qui a été annoncé il y a maintenant six mois constitue l’aveu que vous-même, monsieur le secrétaire d’État, ne croyez pas vraiment au pacte de responsabilité. Une telle attitude sème le doute chez nos concitoyens comme dans les entreprises françaises et met plus que jamais à mal la crédibilité de votre politique. Il y va pourtant du retour de la confiance, donc de la croissance, dans notre pays.
Faute de grandes et courageuses réformes de structures tant attendues par le pays depuis maintenant presque trente ans, il est impossible de maîtriser durablement la dépense publique, comme le montre d’ailleurs le Gouvernement. Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UDI votera contre ce projet de loi de finances rectificative.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, j’ai insisté lors de la première lecture sur la stratégie macroéconomique du pacte de responsabilité pour restaurer en profondeur l’économie française et pour desserrer les contraintes de nos déficits non pas jumeaux mais triplés, les déficits d’emplois, des finances publiques et de compétitivité. La loi de finances rectificative est non simplement la pierre angulaire de cette stratégie mais aussi un instrument d’intervention sociale et économique. Honnêtement, objectivement, ceux qui émettent des réserves sur le texte et ne le votent pas, que trouvent-ils à lui reprocher ? L’opposition critique le texte mais a-t-elle oublié qu’il consacre avant tout une baisse d’impôt pour les plus modestes ? À la rentrée 2014, dans quelques semaines, 350 euros d’impôt en moins pour un célibataire et 700 euros pour un couple parmi les plus modestes de nos concitoyens, ce n’est pas rien ! Que, dans quelques semaines, l’impôt de 3,5 millions de Français baisse et que 1,8 million de Français qui auraient dû payer des impôts n’en paieront finalement pas, ce n’est pas rien ! Et l’opposition ose dire que ce n’est pas assez ! Serait-elle devenue amnésique ?
De 2010 à 2012, en quoi consistaient les lois de finances qu’elle a votées ? En raison du non-relèvement du barème de l’impôt sur le revenu dans les lois de finances pour 2011 et pour 2012, de la suppression de la demi-part des veuves et célibataires et de l’instauration du taux intermédiaire de TVA, combien de millions de Français modestes ont eu à payer plus d’impôts, voire à en payer, et ainsi à payer des impôts locaux ? À l’époque, la stratégie fiscale consistait à baisser l’impôt sur la fortune des plus fortunés et à faire entrer dans l’impôt sur le revenu les plus modestes ! La contribution exceptionnelle sur les hauts revenus 2012 ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt d’une politique fiscale de droite qui aura été, mesdames et messieurs de l’opposition, très allégeante, que dis-je, très obligeante à l’égard des riches mais aura considérablement augmenté le nombre de contribuables modestes, et les impôts qu’ils paient !
Ah, les riches ! Ce ne sont pas les riches que vous taxez, mais les classes moyennes !
Le ras-le-bol fiscal date d’abord et avant tout de la présidence Sarkozy ! La politique fiscale était alors non seulement injuste mais irresponsable car les allégements d’impôts étaient payés par la dette, c’est-à-dire par des chèques en blanc qu’ont dorénavant à payer les générations et surtout les gouvernements suivants !
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Aujourd’hui, les baisses d’impôts de notre majorité sont gagées par des économies sur les dépenses – c’est moins facile à réaliser, c’est vrai, mais c’est plus responsable –,…
…mais aussi par une accélération de la lutte contre la fraude fiscale. Oui, aujourd’hui n’est plus hier. Ça change !
L’opposition formule une autre critique à propos de cette loi de finances rectificative : elle raille le niveau de la dette, vilipende le fait que son niveau soit de 94 % du PIB et s’épouvante à l’idée qu’elle puisse atteindre les 100 % ! Mais oublie-t-elle qu’elle est responsable, non seulement de l’essentiel du niveau atteint par cette dette, mais aussi de sa dynamique ?
Monsieur le président Carrez, vous aviez moins de préventions en matière de dette et d’évolution de la dette lorsque vous étiez rapporteur général,…
…et que vous couvriez de votre autorité les dérives et dérapages du gouvernement que vous souteniez à l’époque, qui est le premier responsable des chiffres actuels.
À l’automne 2010, je m’en souviens très bien, et vous aussi, je pense, j’étais rapporteur spécial de notre commission des finances sur les engagements financiers de l’État. Qu’écrivais-je dans mon rapport sur le projet de loi de finances pour 2011 ? Je dénonçais des perspectives alarmantes, en reprenant les scénarios d’évolution de la dette que vous, rapporteur général du budget, n’aviez pas voulu inscrire dans votre propre rapport tellement ils étaient mauvais ! Ils annonçaient comme probable, compte tenu du stock de dette, de la dynamique acquise, et évidemment du taux de croissance, une dette publique d’un niveau de 100 % du PIB en 2014-2015.
Je ne doute pas, chers collègues, cher président Carrez, que vous vous en souvenez. Tout cela est écrit, et peut être vérifié.
Alors, mesdames et messieurs de l’opposition, pousser des cris d’orfraie parce que la dette est aujourd’hui à 94 % et en dénoncer le niveau et l’évolution, c’est un déni de réalité.
La réalité est que, la dette, c’est vous, largement vous ! Et c’est au contraire l’honneur de ce gouvernement que d’avoir pu éviter jusqu’à présent, grâce aux taux d’intérêt qu’il obtient par sa crédibilité économique, à la réduction des déficits et à la recherche de la croissance, que la dette ait atteint le seuil des 100 % vers lequel vous vous dirigiez, vous, inexorablement.
Ce n’est pas vrai ! Et si les taux sont bas, ce n’est pas grâce à vous !
Voilà pourquoi, chers collègues, face à cette loi de finances rectificative, il n’est pas, il ne peut pas être question de postures. Il est question d’actions pour redresser la France dans la justice sociale, et notre vote est avant tout une question de responsabilité politique !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, nous nous retrouvons, aujourd’hui, pour débattre en nouvelle lecture d’un texte qui a été rejeté par le Sénat et sur lequel la commission mixte paritaire n’a pu s’accorder. Ce projet de loi de finances rectificative pour 2014 souffre, n’en déplaise à la majorité, monsieur le secrétaire d’État, des mêmes tares qu’en première lecture. Après l’adoption de soixante-neuf amendements en première lecture à l’Assemblée nationale, ce projet de loi de finances rectificative, qui ne comprenait, outre l’article liminaire, que six articles à l’origine, s’en est vu ajouter vingt-neuf nouveaux. C’est dire à quel point on a considérablement modifié ce texte !
Cela montre deux choses : d’une part, l’impréparation de ce texte ; d’autre part, l’activité et la détermination des frondeurs. Le gouvernement Ayrault avait augmenté impôts et charges de manière démesurée, on l’a dit et redit. Cette augmentation pesait à hauteur de 28 milliards d’euros sur les entreprises et, selon les calculs de Mme la rapporteure générale du budget, à hauteur de 20 milliards d’euros sur les ménages. C’est dire !
L’ajustement auquel vous procédez en matière fiscale manifeste tardivement que votre politique a bien affecté, d’abord, les classes modestes et les classes moyennes. Par l’article 1er, vous signez un aveu.
La Cour des comptes a souligné « les limites d’une stratégie concentrée trop exclusivement sur l’augmentation des recettes ». Cette stratégie a provoqué un affaiblissement des recettes de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les sociétés en 2013 et de la TVA en 2012 et en 2013.
Aujourd’hui, le gouvernement Valls réduit l’impôt sur le revenu de 4 millions de foyers fiscaux ; 1,7 million sortent du barème de l’impôt sur le revenu, alors que le gouvernement précédent les y avait fait entrer. Vous faites un geste fiscal à l’égard des ménages modestes ; soit, mais c’est bien parce que vous les avez fait entrer dans l’impôt en refiscalisant les heures supplémentaires – 200 000 foyers concernés en année pleine –, en baissant le plafond du quotient familial, en intégrant dans le revenu la participation de l’employeur à la complémentaire santé, sans oublier la fiscalisation des 10 % de retraite supplémentaires pour les personnes qui ont eu au moins trois enfants. Ce sont 340 000 foyers qui sont concernés par cette dernière mesure.
Votre gouvernement est celui des records, n’en déplaise à la majorité. On relève 395 000 chômeurs supplémentaires, c’est un premier record que vous détenez. Une dette qui avoisine les 2 000 milliards d’euros, c’en est un deuxième, et cela représente environ 30 000 euros par habitant.
Selon la Commission européenne, le déficit commercial de notre pays s’aggrave. La trajectoire budgétaire dérape. Le déficit public s’établirait à 3,8 % du PIB dans le meilleur des cas, au lieu des 3,6 % initialement prévus. Le mécanisme de correction budgétaire est désormais déclenché. Vous nous annoncez 50 milliards d’euros d’économies d’ici à 2017, et vous affirmez poursuivre l’assainissement des finances publiques en le fondant sur des économies de dépenses, mais la réalité de ces 50 milliards d’euros d’économies reste très mystérieuse.
Il faudrait près de 17 milliards d’euros d’efforts par an pour atteindre l’objectif annoncé. À part les baisses de dépenses liées à la diminution de la charge d’intérêts de la dette, qui dépendent des marchés, et la baisse des dotations aux collectivités territoriales, où sont les réelles économies ? Quand mettrez-vous en application les préconisations de la Cour des comptes, dont vous devriez vous inspirer aujourd’hui ? Quand mettrez-vous en application les injonctions de la Commission européenne ?
Je voudrais vous faire un petit rappel, puisque vous nous reprochez d’être frappés d’amnésie. Je voudrais rappeler à la majorité – j’en parlais tout à l’heure avec mon collègue Vigier – que la TVA compétitivité, que nous avions adoptée avec les transferts de prélèvements sociaux et qui devait entrer en vigueur dès l’année 2013, aurait dû rapporter aux entreprises, directement, 13 milliards d’euros par an ; 13 milliards d’euros dès 2013, c’était à la fois plus fort et plus tôt, au profit de l’emploi !
Vous ne pouvez pas parler sans cesse du problème de l’emploi sans regarder ce que vous avez cassé à votre arrivée en 2012.
Et puis, lorsqu’on parle de finances publiques, normalement, trois principes s’imposent : l’équilibre, du moins pour les finances locales, l’annualité et la sincérité. Je ne parlerai pas de l’équilibre – il y a longtemps que l’État s’est affranchi de cette obligation – et nous nous inscrivons bien dans une perspective d’annualité, mais, quant à la sincérité, trois éléments me font dire, aujourd’hui, que ce budget est insincère : tout d’abord, l’hypothèse d’une croissance du PIB de 1 %, que vous maintenez pour l’année 2014 alors qu’on sait très bien que c’est irréaliste ; ensuite, l’ajustement des prévisions de recettes fiscales, dont vous estimez qu’elles seront inférieures de 5,3 milliards à ce qui était annoncé en loi de finances initiales, alors que l’écart sera plus important, et c’est la Cour des comptes qui le dit ; enfin, la prévision d’un déficit de 3,8 % du PIB est très certainement optimiste, ce qui pourrait représenter un handicap considérable pour le niveau des taux d’intérêt.
Votre majorité, le Gouvernement, le Président de la République seraient bien avisés, monsieur le secrétaire d’État, de faire preuve de courage dans les actes, et de sortir enfin de ces grandes déclarations, de ces éléments de langage qui, au fond, nous paraissent chaque jour plus éloignés de la réalité que connaissent les Françaises et les Français.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, quand la politique rejoint la logique de l’épicerie, il vient toujours un temps où les gouvernements doivent passer à la caisse. La note, si elle était payée sur les fonds propres des ministres, entraînerait une faillite de l’ensemble des membres du Gouvernement, qui, alors, agiraient sûrement différemment. Hélas, ils s’appuient sur les finances des citoyens qui, eux, en ont assez !
La gestion en bon père de famille ayant laissé place à une notion moins genrée, les comptes de l’économie socialiste s’en sont immédiatement ressentis : 15 milliards d’euros de recettes manquantes sur les douloureuses augmentations d’impôts, 5,3 milliards d’euros d’écart entre le projet de loi de finance initial et ce projet de loi de finances rectificative, 3,8 milliards d’euros de déficit contre les 3,6 prévus. Votre cher Zola avait très certainement voulu écrire Les Riches heures de la présidence Hollande quand il rédigea La Curée.
Quelques anges gardiens tentent d’orienter quelque peu les prévisions si hypothétiques de nos mauvais gestionnaires. Ainsi, le Haut conseil des finances publiques, comme la Cour des comptes, répète indéfiniment que les économies sur les dépenses publiques ne compensent pas assez l’augmentation des prélèvements obligatoires, que les prévisions de croissance demeurent par trop optimistes, et que le taux d’inflation sera très certainement plus faible que celui prévu par le Gouvernement, mais les rêveurs en charge de nos finances publiques n’en ont cure. La rue de Solférino a promis de raser gratis demain, et les promesses publicitaires doivent être tenues.
La concurrence, pourtant, est rude et la France ferait bien d’accorder plus d’attention à sa santé économique et financière. Les vautours qui la surveillent ont des noms bien inquiétants : agences financières, officines mondialistes néolibérales, colossaux consortiums bancaires prêts à payer 7 milliards d’euros d’arrangements avec le Trésor américain pour que ne soit pas révélée l’ampleur de leurs méfaits. Autant le dire d’emblée, les danses de Salomé du ministre des finances n’apaiseront pas leurs appétits voraces et, devant un tel amateurisme nous en serons bientôt quittes pour une France asservie, essoufflée et sans lendemains car livrée à la grande finance.
Même l’épicière de nos villages aurait l’intelligence concrète de concevoir qu’avec des charges d’impôts aussi délirantes, la consommation et la confiance de ses clients ne pourrait que s’affaisser.
Depuis le mois de juin 2012, le nombre de foyers fiscaux a considérablement augmenté et le prétendu geste du Gouvernement en faveur des foyers fiscaux les plus modestes ne trompera personne. Personne en effet n’a oublié les augmentations de la TVA, des cotisations retraite, des charges. Personne n’a oublié qu’il aura fallu attendre l’avènement de François Hollande pour que croquants et canuts fassent leur retour en France, incarnant une France exaspérée par le trop d’impôts. Personne n’est dupe du report d’un an de la suppression de la contribution exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés.
Alors, en commerçants désespérés, vous marchandez le temple France grâce à quelques nouveaux produits, mais comment croire un seul instant qu’ils parviendront à susciter autre chose que l’exaspération des Français ? Ce sont la création d’une taxe de séjour régionale pour financer les transports en Île-de-France plutôt que la lutte contre la resquille et les dégradations dues à des populations à qui on donne tous les droits sans devoirs,…
…la création d’un observatoire des contreparties plutôt qu’une vraie décision politique visant à imposer la coopération des entreprises à la suite du pacte de responsabilité et la création d’une taxe sur les transits poids lourds, qui ravive la colère des Bonnets rouges.
La mise en faillite est décidément toute proche, faillite qui sera certainement appréciée par l’ensemble des Français qui commettront le nouveau crime de non-présentation du permis de conduire en vue de son renouvellement et devront, en ce cas, s’acquitter d’un droit de timbre de 25 euros. Cette idée, cette révolution en matière d’économies budgétaires résume à elle seule la nature de votre projet de loi : indigne. Indigne car toujours aussi contraignant pour les Français, indigne car ne prenant pas en compte les dangers qui menacent notre pays après tant d’années de dérapages budgétaires et fiscaux, indigne car ne reposant sur aucune vision, sur aucun projet, ne témoignant d’aucun courage. On pourrait espérer que cette indignité soit masquée aux yeux de quelques étrangers tombant par hasard sur la France. Séduits par l’originalité, voire par la franche singularité de nos gouvernants, ils pourraient se laisser séduire par la France en mutation socialiste – après tout l’identité, même coûteuse, est toujours une option. Mais voilà, même ces derniers seront déçus après la proposition de relèvement de la taxe de séjour, faite sans aucune concertation avec les professionnels du secteur. Bel exemple de votre tendre et remarquable dialogue social !
La vérité, que l’on ressent dans nos lointaines provinces, est que la coupe est pleine. Le socialisme rêve jusqu’au cauchemar, et la France tremble et enrage de s’être offerte à de si mauvais gestionnaires.
La discussion générale est close.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.
Je n’aurai pas la prétention, à ce stade, de répondre à l’ensemble des orateurs. Je souhaite néanmoins revenir sur un certain nombre de points.
Votre collègue Éva Sas nous a quittés il y a quelques instants ; je veux malgré cela répondre à son intervention, qui avait tendance à faire croire que la transition énergétique ne serait qu’un discours, qu’elle ne se traduirait pas en actes. Je rappelle que le texte que nous examinons est un projet de loi de finances rectificative – M. Mariton aussi l’a dit. Or les mesures fiscales prises dans le cadre d’un collectif budgétaire doivent être considérées comme des mesures de milieu d’année.
Les mêmes règles ne semblent pas s’appliquer au projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale !
J’ai déjà dit que sur la base du rapport sur la fiscalité des ménages réalisé par Dominique Lefebvre et François Auvigne, nous sommes tout à fait disposés à travailler, y compris avec le Parlement – ou du moins avec les parlementaires qui le voudront –, à une mesure à caractère plus pérenne, plus structurel, sur le bas du barème de l’impôt sur le revenu. Je rappelle que l’entrée dans le barème de l’impôt sur le revenu ne concerne pas les ménages aux revenus les plus faibles ; ces derniers ne paient pas d’impôt sur le revenu. Il s’agit donc de ce que l’on pourrait appeler les classes modestes, voire les classes moyennes inférieures.
Permettez-moi de revenir sur toutes les mesures qui ont été prises en loi de finances initiale. Certains disent qu’il faudrait prendre, en milieu d’année, de grandes mesures fiscales pour la transition énergétique. Nous avons tout de même appliqué un taux réduit de TVA de 5,5 % aux travaux de rénovation énergétique – ce qui a représenté une baisse de recettes de 450 millions d’euros pour l’État. Nous avons bonifié les prêts de la Caisse des dépôts pour la rénovation thermique, à hauteur de 130 millions d’euros. Nous avons créé une prime de 1 350 euros, à laquelle deux ménages sur trois sont éligibles, en élargissant les conditions d’accès aux primes du FART, le Fonds d’aide à la rénovation thermique. Cela représente également 450 millions d’euros. Quelques-uns des investissements d’avenir de l’ADEME, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, ont été transférés, mais il en reste quand même pour un montant de 1,1 milliard d’euros. Les aides à la reconversion des véhicules très polluants ont été maintenues, avec une aide de 10 000 euros. Concernant les énergies renouvelables, il existe une contribution au service public de l’électricité, qui coûte au contribuable 5,7 milliards d’euros.
Je ne peux donc pas laisser dire dans cet hémicycle – et ceux qui le disent s’appuient sur ce que j’appellerai des rapprochements de circonstances – qu’il n’y a pas eu de mesures fiscales ni de mesures budgétaires en faveur de la transition énergétique.
Il en va de même pour les emplois d’avenir.
On peut toujours dire qu’il en faut 20 000, 50 000 ou 100 000 de plus, cela ne change rien au fait que c’est bien ce gouvernement qui a mis en place ce dispositif ! Le volume initialement prévu pour cette année était de 50 000 emplois d’avenir ; au second trimestre, le Gouvernement a décidé d’en ajouter 45 000. Pour le reste, c’est une question d’équilibre, de dosage budgétaire.
Vous avez tué les emplois d’avenir, et maintenant vous voulez les ranimer !
Par ailleurs, je vous rappelle que nous avons pris plusieurs mesures en faveur de l’apprentissage – sujet qui a été évoqué à plusieurs reprises par certains d’entre vous. Nous aurons l’occasion d’en reparler au cours du débat, quand nous aborderons un article touchant à cette question. Nous vous proposerons d’ailleurs de le compléter par un mouvement de 150 millions d’euros.
Je remercie celle et ceux qui se sont manifestés pour appuyer ce projet de loi de finances rectificative.
Mesdames et messieurs les députés de l’opposition, on peut toujours, à propos de la dette et de l’évolution des déficits, dire que la coupe est pleine…
…en oubliant que les responsables ne sont pas ceux qui ont versé la dernière goutte, mais ceux qui l’ont remplie à ras bord !
Je vous appelle non pas à un esprit d’unité nationale, mais à un esprit de responsabilité collective.
Vous pourriez avoir l’humilité de reconnaître que votre contribution à l’augmentation de la dette est significative – pour ne pas dire plus ! Si vous assumiez cela, vous nous épargneriez vos leçons !
Oui, mesdames et messieurs les députés, il nous faudra aborder plusieurs sujets qui font débat. S’agissant de la taxe de séjour, les membres du groupe RRDP ont évoqué l’opportunité de mener une concertation : j’ai bien pris note de leurs réflexions. Plus largement, plusieurs d’entre vous ont insisté sur le fait qu’une concertation était plus que souhaitable, nécessaire. Le Gouvernement s’exprimera à ce sujet.
Certains sujets restent ouverts. Il est maintenant temps de nous lancer dans l’examen des articles. Il n’y a pas, de notre part, de revirements ; au contraire, nous construisons ce projet de loi de finances rectificative de manière pragmatique, pour prendre en compte les réalités économiques et budgétaires. Tout en conservant le souci de réduire les déficits, nous voulons prendre un certain nombre de mesures favorables à l’emploi et à la relance de l’économie.
Voilà les éléments que je voulais donner aux orateurs qui se sont exprimés au cours de la discussion générale. Ils me pardonneront de ne pas les avoir tous cités nommément.
J’appelle maintenant les articles du projet de loi de finances rectificative pour 2014, dans le texte précédemment adopté par l’Assemblée nationale et rejeté par le Sénat.
Nous avons eu, en commission puis en séance publique, une discussion intéressante sur les notions de déficit structurel et de déficit conjoncturel. Mes chers collègues, le concept de déficit conjoncturel est-il encore pertinent aujourd’hui ? Les hollandistes croient encore à l’existence d’un taux de croissance potentiel, d’une tendance sous-jacente affectée par des cycles de fluctuation d’une durée de cinq ans.
Qui est encore hollandiste aujourd’hui, à part François Hollande lui-même – et encore ?
On peut, au contraire, penser que le monde a changé, que nous ne sommes pas sortis de la crise économique. Dans ce cas, la différence entre les notions de déficit structurel et conjoncturel s’estompe, et n’existe même plus. D’ailleurs, notre rapporteure générale – qui est une femme prudente – évoque rapidement ce débat à la page 9 de son rapport.
Les députés du groupe UDI ont déposé cet amendement pour poser l’équivalence suivante : déficit structurel égale déficit effectif. En d’autres termes, nous disons que nous sommes dans une crise structurelle, dans un contexte de croissance très faible : la composante dite conjoncturelle du déficit n’existe donc pratiquement plus. Il n’y a pas de fluctuation autour d’une tendance de fond ! Voilà le sens de cet amendement, qui est un amendement de réflexion, bien entendu.
En première lecture, nous avons été beaucoup étonné par un amendement adopté par une courte majorité des membres de la majorité. Ces députés ont estimé pouvoir déterminer, à la place des instituts d’évaluation, les soldes structurels et conjoncturels. Cet amendement, défendu par notre collègue Karine Berger, fragilise en effet, comme M. le secrétaire d’État l’a rappelé, ce projet de loi de finances rectificative.
Je pense donc qu’il serait intéressant, monsieur le secrétaire d’État, que vous nous disiez quel est, pour vous, le taux actuel de croissance dite potentielle. Ce taux était fixé aux alentours de 1,6 ou 1,7 %. Est-il descendu à 1 %, ou plus bas encore ?
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 51 .
Comme nous l’avions annoncé à l’issue de la première lecture, le Gouvernement propose de rétablir la rédaction initiale de l’article liminaire. L’amendement adopté en première lecture a pour effet de réduire le niveau du déficit structurel, sans justification technique et en méconnaissance de la loi de programmation des finances publiques. Au-delà de ces aspects techniques sur le calcul du solde structurel, le maintien de l’article liminaire dans sa rédaction actuelle présente un risque que j’ai évoqué tout à l’heure, lors de mon intervention à la tribune. Le Haut conseil des finances publiques a validé l’article liminaire dans sa rédaction initiale proposée par le Gouvernement. C’est sur cette base que le Conseil d’État a examiné la sincérité du projet de loi de finances rectificative. La modification de l’article liminaire présente donc un risque.
Par ailleurs, cet amendement permettra de rétablir la cohérence entre le projet de loi de finances rectificative et le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale. Je rappelle en effet que les articles liminaires de ces deux textes doivent être identiques, ce qui ne serait pas le cas si nous n’adoptions pas cet amendement. À ce stade de nos travaux, en effet, l’Assemblée nationale a maintenu la rédaction initiale de l’article liminaire du PLFRSS. Je vous invite donc à rétablir la version initiale de l’article liminaire du PLFR.
Avec votre permission, madame la présidente, j’en profiterai pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement de Charles de Courson.
Je connaissais les amendements d’appel et les amendements de provocation ; vous nous faites découvrir ce soir, monsieur de Courson, les amendements de réflexion !
Bien entendu, nous acceptons toujours la réflexion.
Des débats techniques ont eu lieu, et peuvent se poursuivre. Pour ma part, je me bornerai à réfuter un argument avancé par M. de Courson. Vous dites, monsieur le député, que la différence entre déficit structurel et déficit conjoncturel n’a pas lieu d’être. Je vous rappelle que la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et la gouvernance des finances publiques fait expressément référence à ces notions. Il n’y a donc que vous pour considérer qu’il n’y a pas lieu de différencier déficit structurel et déficit conjoncturel ! C’est d’autant plus vrai que les standards internationaux et européens y font tous référence.
Vous m’avez également interrogé, monsieur le député, sur la croissance potentielle prise en compte dans ces modèles. Vous connaissez déjà la réponse à cette question : la croissance potentielle est estimée à 1,5 % du PIB. C’est sur ce taux de croissance potentielle que le HCFP s’est prononcé.
Le Gouvernement serait donc défavorable, s’il était maintenu, à « l’amendement de réflexion » de M. de Courson.
Nous présentons un amendement identique à celui du Gouvernement : cela montre bien son intérêt.
Ce débat a le mérite de souligner à quel point il est difficile d’apprécier le solde structurel et le solde conjoncturel. M. le secrétaire d’État a rappelé l’adoption de la loi organique du 17 décembre 2012. Dès cette époque, nous vous avions alertés à propos de la difficulté d’apprécier ces notions ; nous avions insisté sur l’importance, pour le Gouvernement, de bien justifier les éléments pris en compte pour définir le taux de croissance potentiel. Les chiffres qui nous sont proposés doivent être justifiés par une solide argumentation !
Des débats assez caricaturaux ont conduit la majorité à adopter en première lecture un amendement modifiant l’article liminaire. Si nous en restions là, cela poserait une difficulté constitutionnelle évidente : M. le secrétaire d’État l’a reconnu. Cet amendement se justifie donc par le souci de corriger ce défaut.
Cela ne dispense ni le Gouvernement ni le Parlement de travailler de manière plus approfondie sur ce point. Grâce au débat interne à la majorité que j’ai évoqué, d’une certaine manière, cela a été le cas. Nous, députés de l’opposition, y avons assisté simplement comme témoins. Le Gouvernement, aussi bien que la commission des finances et l’Assemblée elle-même en séance publique, devrait donc se pencher davantage sur ces articles liminaires, et mieux examiner le taux de croissance potentielle retenu ainsi que ses conséquences sur les soldes structurel et conjoncturel.
Pour conclure, je rappellerai ce que nous avons dit bien des fois : en fin de compte, c’est le solde réel que nous devrons couvrir, notamment par l’endettement. Car la dette que nous devons financer est, elle, bien réelle !
Je commencerai par rappeler à nos collègues de l’opposition – et principalement à Hervé Mariton – qu’effectivement, la notion de déficit structurel est compliquée. C’est la première fois que nous votons un objectif de solde dans le cadre d’un projet de loi de finances – en l’occurrence, un projet de loi de finances rectificative. Il est normal que ces données suscitent des débats, des interrogations, tout comme il est normal que notre assemblée se prononce sur les chiffres qui lui sont proposés.
J’en reviens aux trois amendements qui nous sont proposés. Tout d’abord, comme en première lecture, l’avis de la commission est défavorable à l’amendement de M. de Courson. C’est la négation absolue du contexte actuel de crise non plus financière, mais économique.
Il s’agit bien de cela, puisque vous voulez réduire le solde au déficit structurel. Vous refusez ainsi de reconnaître qu’il y a une crise économique, et que la conjoncture a un effet sur le déficit.
Le deuxième amendement, proposé par le Gouvernement, vise à restaurer la cohérence entre le PLFR et le PLFRSS. Je suis favorable à cet amendement. Quant à votre amendement, monsieur Mariton, il sera satisfait si l’amendement du Gouvernement est adopté.
Monsieur Mariton, vous avez aussi soulevé la question du taux de croissance potentielle. Comme évaluer le véritable potentiel de notre pays ? L’avons-nous atteint, ou pas encore ? Nous en débattrons sans doute à l’occasion de l’examen des prochains projets de loi de finances. C’est un débat important. Comme vous l’avez rappelé, cela ne change rien au fait que nous devrons, l’an prochain, emprunter un montant égal au solde nominal.
Pour autant, distinguer la notion de déficit structurel de celle de déficit conjoncturel permet de déterminer notre position dans le cycle économique. Ces notions sont donc extrêmement importantes.
En résumé, j’émets un avis défavorable sur l’amendement no 23 , favorable sur l’amendement no 51 et je demande le retrait de l’amendement no 23 .
Je ne peux que regretter le dépôt de ces amendements. À cet égard, le retour au texte initial du Gouvernement ne permettra pas de clore le débat sur la politique économique. De surcroît, monsieur le secrétaire d’État, vous justifiez votre position en évoquant une contradiction avec l’article liminaire du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, sur lequel vous m’avez personnellement demandé de ne pas déposer d’amendement ! J’essaie simplement d’être cohérente et de ne pas ouvrir un débat technique, quand la discussion est d’ordre politique.
J’espère que nous ne regretterons pas cette évaluation de la politique économique. Certes, les débats vont se poursuivre, car nous ne faisons que commencer à analyser le déficit conjoncturel et structurel. Néanmoins, si, comme je le crois, le déficit conjoncturel est beaucoup plus important que vous ne le pensez, monsieur le secrétaire d’État, monsieur Mariton, cela signifie que la situation conjoncturelle de la France est beaucoup plus dégradée et que les efforts de lutte contre le chômage conjoncturel, ou keynésien, devraient être beaucoup plus importants, et ce, dès maintenant, non pas dans un ou deux ans.
Par ailleurs, je répète ma question, posée déjà plusieurs fois : cet amendement signifie-t-il que l’écart de production, c’est-à-dire la fin du cycle précédent, a eu lieu en 2012 ? Autrement dit, la crise économique se serait achevée en 2012, comme en atteste le niveau de l’écart de production, qui correspond à la fin d’un cycle. Je ne le crois pas.
Si tel n’est pas l’avis du Gouvernement, je demande à nouveau quelle est la dernière année pendant laquelle le cycle économique de la France s’est caractérisé par un écart de production de zéro. Aux États-Unis, c’est un institut indépendant, le National Bureau of Economic Research, le NBER, qui établit ces chiffres et estime la position du pays dans le cycle économique. En France, c’est un texte gouvernemental. Puisque le Gouvernement a présenté cet amendement visant à modifier l’article liminaire, je voudrais connaître son avis sur la date de fin de cycle.
Merci, monsieur le secrétaire d’État, de me rappeler le texte de la loi organique, que je n’ai pas oublié, je vous rassure.
La vraie inquiétude que devrait avoir le Gouvernement concerne l’écart entre le solde effectif et le solde structurel : il était de 0,7 point de PIB en 2012, de 1,2 point en 2013 et, selon vos estimations, il sera de 1,7 point en 2014 – entre nous, ce sera au moins 1,9 point, car nous atteindrons un solde effectif, non pas de 3,8 %, mais de 4 %.
C’est sur ce point que je rejoins Mme Berger : cet écart croissant montre que l’hypothèse implicite concernant le taux de croissance potentielle est totalement surévaluée. Sinon, comme l’a dit Mme Berger, cet écart devrait se réduire progressivement. Or, non seulement il ne se réduit pas, mais il augmente.
Comme l’a rappelé le Haut conseil des finances publiques, vous continuez à retenir une hypothèse de taux de croissance potentielle de l’ordre de 1,5 % ou 1,6 %, mais vous êtes bien les seuls. La Commission européenne elle-même l’évalue à 1,1 % au maximum.
Pour abonder dans le sens de Mme Berger, si nous tentons de calculer le taux de croissance potentiel cohérent avec cet écart croissant, nous obtenons un taux autour de 0,5 % ou 0,6 %, guère plus. D’ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, la croissance a été de 0,3 % en 2013. Pour cette année, vous maintenez une perspective de 1 %, mais les dernières estimations prévoient un taux maximum de 0,7 %, et les indices conjoncturels ne sont pas bons.
Cela dit, je retire mon amendement car je suis respectueux de la loi organique. Je voterai même l’amendement de M. le secrétaire d’État, car je ne veux pas que les textes soient annulés pour des motifs purement formels. Mais, monsieur le secrétaire d’État, contrairement à ce que dit Mme Berger, votre choix n’est pas politique.
L’amendement no 5 est retiré.
Merci, madame la présidente, pour votre excellente façon de présider. J’allais m’étonner que deux amendements identiques aient un sort différent, selon qu’il est déposé par le Gouvernement ou l’opposition. Il faut effectivement être cohérent.
De surcroît, je voudrais rappeler, ne vous en déplaise, chers collègues de la majorité, que vous nous avez appelés à faire preuve d’unité nationale. Eh bien, nous vous avons pris au mot : nous avons déposé le même amendement que le Gouvernement.
Je rappelle que, lors de la première lecture, ce n’est pas nous qui avons posé des problèmes sur le sujet des différentiels de solde, mais bien les députés de la majorité appelés les « frondeurs ». Ils étaient présents en masse et ont contredit le Gouvernement en modifiant la rédaction initiale de l’article liminaire. Quant à nous, nous partageons la vision du Gouvernement sur la répartition entre le déficit structurel et le déficit conjoncturel.
Plus sérieusement, je crois sincèrement que, pour faciliter l’examen des projets de loi de finances, il faudra à l’avenir que nous ayons accès à une documentation sérieuse permettant de mesurer l’effet de la croissance potentielle sur le déficit conjoncturel. Aujourd’hui, nous avons des difficultés à l’évaluer. L’examen du texte en première lecture nous a peu éclairés, puisque les débats ont eu lieu, pour l’essentiel, au sein même de la majorité.
Madame Berger, un chômeur, keynésien ou non, reste avant tout chômeur. Nous devons donc parler du déficit nominal ou effectif, plutôt que d’établir des distinctions hypothétiques, qui n’ont pas de lien avec la résorption de notre déficit.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
Je voudrais rappeler que ce type de débats, aussi important soit-il, ne doit pas nous faire perdre de vue l’essentiel, à savoir l’endettement effectif lié au déficit réel.
Je pense notamment au débat sur le solde structurel et au lancement d’un programme d’investissements d’avenir de 35 milliards d’euros sous la précédente majorité, auquel la majorité actuelle a ajouté un programme de 12 milliards d’euros, ce qui représente au total plus de deux points de PIB. Je pense également à l’initiative du vice-chancelier allemand, Sigmar Gabriel, visant à exclure certains types d’investissements du calcul du déficit, débat qui a été immédiatement fermé par la chancelière, Angela Merkel.
En réalité, ces débats ont comme seule conséquence de détourner notre attention de la question du besoin de financement. Or, il est très inquiétant d’observer que celui-ci va augmenter considérablement en 2015. Il est lié au déficit réel, qu’il faut bien financer, mais également au refinancement de la partie en capital des 2 000 milliards de dettes qui vient à échéance.
Or, à partir de 2015, vont tomber les échéances des emprunts importants auxquels nous avons dû souscrire pendant la crise, en 2009 et 2010, comme l’ont fait tous les autres pays européens. Notre besoin de financement va donc s’élever à plus de 200 milliards d’euros à partir de 2015, voire 220 milliards en 2016 ou 2017, contre 180 milliards d’euros jusqu’à présent. Nous allons être le premier emprunteur au monde en euro. Il faut donc que nous surveillions constamment le pourcentage de notre dette par rapport au PIB, dont il est maintenant quasiment certain qu’il dépassera les 100 % à la fin de 2015. Je voulais rappeler ces quelques éléments qui me paraissent tout à fait essentiels.
Nous avons le droit, voire le devoir, d’avoir des débats de fond, et je ne voudrais pas laisser penser que celui qui nous occupe est secondaire. À cet égard, contrairement à ce que vient de dire M. le président de la commission des finances, nous n’éludons pas le débat sur le déficit nominal et le besoin de financement ou de refinancement de la dette de l’État.
Encore faut-il confronter clairement les positions de chacun sur ce sujet. Ayant été rapporteur sur la loi organique, qui a été construite sur la base de ces notions, je voudrais ajouter plusieurs éléments.
En premier lieu, madame Berger, nous estimons que l’écart de production est devenu quasiment nul à la fin de l’année 2011. Telles sont, du moins, les indications transmises par les services sur ce point technique. Je croyais vous l’avoir dit en première lecture.
En second lieu, pour répondre à ceux qui contestent les chiffres de la croissance potentielle, j’indique que l’OCDE l’évalue à 1,4 % et l’INSEE entre 1,2 % et 1,9 %. De notre côté, nous l’estimons à 1,5 %,...
…ce qui n’est pas complètement incohérent par rapport aux prévisions de ces deux organismes reconnus.
Les taux de 1 % et de 0,7 %, que vous mentionnez, renvoient au décalage entre la croissance constatée et la prévision : il ne faut pas confondre ces données avec la croissance potentielle observée au cours des trois dernières années, qui donne une trajectoire.
Enfin, sans avoir l’intention d’éluder le débat, j’indique que nous aurons l’occasion, lors de la loi de programmation des finances publiques que nous examinerons à l’automne, de débattre à nouveau de ce sujet, peut-être plus en amont et en concertation.
On peut toujours gloser sur les motivations politiciennes censées animer les groupes de l’opposition ou de la majorité mais, en tout état de cause, les hypothèses de chacun seront confrontées. Nous examinerons un nouvel article liminaire, dans des conditions probablement différentes, puisqu’il s’agira d’une nouvelle loi de programmation triannuelle des finances publiques. La précédente étant toujours en vigueur, nous devons reprendre les hypothèses déjà établies.
L’article liminaire, amendé, est adopté.
Nous abordons l’examen de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2014.
Sur l’article 1er, plusieurs orateurs sont inscrits.
La parole est d’abord à M. Christian Estrosi.
Cette nouvelle lecture confirme que vous persistez à porter atteinte notamment aux plus modestes et aux plus faibles, après deux ans de hausse continue de la fiscalité et en dépit des grandes déclarations du Président de la République le 31 décembre dernier à vingt heures et de celles du Premier ministre aujourd’hui même, selon lesquelles les impôts sont devenus insupportables pour les Français.
Or, à force d’augmenter la pression fiscale dans notre pays, vous avez rendu l’impôt improductif, à tel point que le rendement de l’impôt a baissé de près de 12 milliards d’euros. C’est bien la preuve que vous avez atteint le point où, selon l’expression, trop d’impôt tue l’impôt.
Nous sommes arrivés à un moment où les Français ne savent plus pourquoi ils sont soumis à l’impôt sur le revenu, alors que depuis 1945 chacun savait, dans notre pays, pourquoi on payait l’impôt et au service de quelle cause on le faisait.
Lorsque l’on sait notamment que, au mois de septembre prochain, lorsque les Français recevront leur feuille d’impôt sur le revenu, ce seront non seulement près de 4 millions de foyers de retraités qui verront leur imposition augmenter de 320 euros en moyenne, mais également 10 millions de salariés dont le revenu imposable va augmenter en moyenne de 288 euros par an.
Il s’agit bien là de mesures injustes pour les classes moyennes inférieures, qui vont, de ce fait, connaître un déclassement économique.
Au moment où, pour régler le problème des déficits, il n’y a qu’une solution…
Je suis désolée, mais chaque député inscrit sur un article dispose de deux minutes.
Cette nouvelle lecture du collectif budgétaire me donne l’occasion de rappeler qu’en 2012 le candidat François Hollande avait parlé, de façon d’ailleurs très juste et avec un sens politique très fort, d’une remise à plat de la fiscalité pour davantage de lisibilité, de stabilité et d’égalité.
Après deux ans de mandat présidentiel de M. Hollande, quelle est la situation ? Où est le changement ? Depuis deux ans, on constate un matraquage fiscal sur tous les Français, principalement les classes moyennes : fin de la défiscalisation des heures supplémentaires, ou encore baisse du quotient familial.
Ce collectif budgétaire est à l’image de votre politique : inadapté et décalé par rapport aux réalités économiques et budgétaires de notre pays. Il n’y a pas de cap, d’où une grande incertitude dans notre pays : les Français doutent du pouvoir. Le travail est taxé, mais cela ne résoudra pas le problème du chômage, qui augmente en permanence. Ce collectif ne va pas les rassurer.
Les Français nous le disent, sur le terrain : ils attendent des réformes structurelles pour diminuer la dépense publique, réduire le déficit public, régler le problème de la dette, qui augmente et atteindra même, dans les prochains mois, les 2 000 milliards d’euros. Ils ne veulent pas d’une fiscalité confiscatoire, illisible et instable.
Nous attaquons une nouvelle lecture de ce PLFR, avec cette mesure qui se voulait une mesure phare, de ce nouveau gouvernement qui se dit moderniste et qui voulait oublier les erreurs que son prédécesseur avait faites, notamment en dilapidant le pouvoir d’achat des Français. En effet, nous l’avons redit lors de la discussion générale, pour la première fois depuis 1984, le pouvoir d’achat des Français a baissé.
Pourquoi a-t-il baissé ? Eh bien, c’est le résultat de votre politique fiscale, justement, à l’encontre de ceux que vous prétendez aujourd’hui protéger, ces millions de foyers fiscaux que vous avez matraqués à coups de suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires – qu’ils ne font plus ou qu’ils déclarent maintenant sur leurs feuilles d’impôt –, de baisse du quotient familial et de majoration de 10 %.
Bref, vous faites croire aux Français que vous êtes avec eux, alors que depuis deux ans, vous les avez étouffés. Cet article 1er ne doit pas faire oublier l’échec de votre politique fiscale depuis tant d’années.
Qui plus est, dire que ces baisses d’impôt seront financées par le produit de la lutte contre la fraude fiscale, c’est aussi un peu court, monsieur le secrétaire d’État : l’année prochaine, par quelle ressource supplémentaire financerez-vous ces nouvelles baisses d’impôt ? En effet, la fraude fiscale n’a qu’un but : disparaître. Lorsque son produit sera nul, par quoi financerez-vous ces baisses d’impôt pour les plus modestes ?
Une fois de plus, vous menez une politique fondée sur l’illusionnisme et le mensonge. Vous tentez de réparer toutes les erreurs des années 2012 et 2013, mais personne en France n’est dupe. Le matraquage fiscal continue et il va continuer. Rassurez-vous, le matraquage électoral – votre matraquage électoral – va lui aussi se poursuivre.
Merci pour ces propos très nuancés ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC)
Il est intéressant de passer en revue ce qui s’est passé depuis maintenant un peu plus de deux ans. Or je pose la question : quel pourcentage des ménages a été touché par l’ensemble des mesures fiscales décidées, en matière d’impôt sur le revenu, par la majorité ?
Il est énorme, même si seuls nous ont été fournis les chiffres analytiques, détaillant mesure par mesure.
Je les rappelle : 3,8 millions de ménages pour les seuls avantages liés à la retraite, c’est-à-dire les majorations pour enfants ; plus de 13 millions par l’imposition des cotisations patronales sur les complémentaires santé ; enfin, 8 à 9 millions, de mémoire, par la taxation des heures supplémentaires.
Quand vous faites la somme de tout cela – et en tenant compte du fait que certaines catégories se recoupent –, ce sont probablement près des deux tiers des foyers français qui ont été taxés.
L’aspect positif des choses, c’est que l’on s’est enfin rendu compte – M. le secrétaire d’État, en son ancienne qualité de rapporteur général du budget, l’avait d’ailleurs dit à l’automne dernier – que l’on courait à la catastrophe.
En effet, nos concitoyens vont recevoir des feuilles d’impôt présentant des hausses massives : 14 milliards d’euros pour cette seule année, auxquels s’ajoutent les 6 milliards de l’année précédente, ce qui fait 20 milliards. Il fallait donc absolument prendre une petite mesure : ce sont les 1,2 milliard d’euros, qui ne représentent jamais que 6 % des 20 milliards que j’évoquais à l’instant.
Il y a une question à laquelle nous n’avons toujours pas de réponse : sur les 1,9 million de foyers qui vont redevenir non imposables en raison des dispositions de cet article 1er, si nous le votons, quelle est la proportion d’entre eux qui étaient devenus imposables du fait des mesures fiscales prises dans le cadre de la loi de finances pour 2014 ? Selon moi, monsieur le secrétaire d’État, cela doit être la moitié. Pouvez-vous nous donner une indication sur ce sujet ?
Cet amendement, présenté par Marc Le Fur, vise à rétablir l’exonération d’impôt sur le revenu pour les majorations de retraite ou de pensions pour charges de famille, supprimée dans la loi de finances pour 2014 à compter de l’imposition des revenus de l’année 2013.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 65 .
Nous ne cesserons de protester contre la mesure qui a été prise. Je rappelle que les majorations pour charges d’enfants ne sont pas de 10 % à partir de trois enfants : elles vont de 10 % à 30 %. Dans le régime IRCANTEC, par exemple, si vous avez six enfants, vous avez 30 % de majoration. On voit d’ici les conséquences pour les gens modestes quand vous intégrez ces majorations : 3,8 millions de foyers concernés sont taxés, dont une partie était auparavant non-imposable – on en trouve le détail dans le rapport de notre rapporteure générale.
Quel est le fondement de cette majoration ? Il s’agit de compenser le niveau de vie qui est nécessairement moindre quand vous avez cinq ou six enfants. En effet, à revenus constants, le niveau de vie d’une famille baisse en proportion du nombre d’enfants.
Taxer cela, c’est fondamentalement injuste. Vous auriez pu prévoir un seuil – c’est l’objet de l’un de mes amendements –, afin d’exonérer jusqu’à tel ou tel montant. Nous aurions pu discuter d’une telle disposition, mais l’imposition au premier euro de toutes les familles qui ont eu trois enfants et plus, alors même qu’elles ont maintenu le dynamisme démographique de notre pays, nous paraît scandaleuse. C’est un signe épouvantable à l’égard de la politique familiale.
Volontiers, madame la présidente.
Comme je le disais à l’instant, il y avait une solution très simple : fixer un seuil.
Je propose, à travers l’amendement no 66 , de fixer un seuil à 1 000 euros par mois. Pourquoi cette somme ? Le taux minimum pour trois enfants étant de 10 %, cela veut dire que les personnes ayant une pension annuelle de 12 000 euros, c’est-à-dire des gens modestes, disposent d’une retraite inférieure à 1 000 euros par mois, ne seraient plus concernés par la mesure. Ce serait le minimum, me semble-t-il, en termes de justice sociale. J’espère qu’il reste encore quelques membres de la majorité qui ont le sens de cette justice.
L’amendement no 67 concerne quant à lui l’exonération fiscale de la participation de l’employeur aux contrats collectifs de complémentaires santé, sur laquelle l’actuelle majorité est revenue à l’occasion de la loi de finances initiale pour 2014.
C’est l’exemple même d’une disposition tout à fait contraire à ce dont a besoin la France, c’est-à-dire plus de dialogue social, au sein des branches comme des entreprises, de manière à trouver de bons accords. Tout cela, on le détruit. J’ai même entendu des chefs d’entreprise me dire : « Eh bien, puisque cette participation est fiscalisée, on va dénoncer l’accord et essayer de trouver d’autres solutions avec nos partenaires sociaux ». Cela ne va pas du tout dans le sens d’une meilleure couverture, réalisée grâce à des accords collectifs d’entreprises, de branches ou de groupes. Une telle mesure revient à détruire le dialogue social.
Sur les trois premiers, portant les nos 28, 65 et 66, qui avaient été présentés sous une forme équivalente – et même, pour certains, totalement identique – en première lecture, mon avis est défavorable. En effet, s’agissant des dispositions contenues dans cet article 1er, proposé par le Gouvernement, vos propositions ne concernent que les retraités. Vous écartez donc du bénéfice de la disposition l’ensemble des salariés et le reste de la population.
Sur l’amendement no 67 , l’avis est également défavorable. Sans doute souhaitez-vous, monsieur de Courson, relancer le débat que nous avions eu dans le cadre du PLF pour 2014…
Avec l’article 1er, proposé par le Gouvernement, nous sommes parvenus à une solution d’équilibre, qui vise à mettre en place une réduction d’impôt, que ce soit pour des retraités, pour des personnes qui sans travail ou pour des salariés.
Nous sommes en loi de finances rectificative. Je veux bien qu’on recommence in extenso tous les débats de la loi de finances initiale, puis de la première lecture de ce collectif, mais enfin je crois pouvoir me contenter, en nouvelle lecture, d’argumenter de façon assez succincte sur des éléments dont on a déjà eu à plusieurs reprises l’occasion de débattre.
J’en profite pour répondre à M. Estrosi, qui voulait s’exprimer cinq minutes, mais qui est déjà parti.
Sourires.
Il faut faire attention : tous les mots ont un sens. Ceux qui nous disent que le produit de l’impôt sur le revenu diminue sont les mêmes qui nous expliquent que ce produit explose.
Merci de votre éclairage, monsieur Woerth. Il est vrai que M. Estrosi n’est pas très familier de nos débats.
Il est venu, selon la technique de Lourdes, faire une apparition.
Sourires sur les bancs du groupe SRC.
J’aurais aimé lui dire qu’en 2011 – nous n’étions pas au pouvoir – l’impôt sur le revenu rapportait 51,5 milliards d’euros ; en 2012, 59,5 milliards et en 2013, 67 milliards. Il est prévu qu’il rapporte, après les corrections de cette année, 71,2 milliards d’euros en 2014. Certes, trop d’impôt tue l’impôt, mais on ne peut pas dire à la fois que le produit explose et qu’il diminue. Certes les assiettes et les taux d’imposition étaient modulés, mais je suis parti de 2011, pour que chacun puisse mesurer le poids de ses propres responsabilités.
Sur les débats qu’a évoqués Charles de Courson et qui ont déjà eu lieu à plusieurs reprises, je rejoins la rapporteure générale dans son avis défavorable sur les quatre amendements.
Je regrette les réponses qui viennent de nous être données, d’autant qu’elles sont très peu argumentées.
Jusqu’à présent, les retraités bénéficiaient d’un très modeste avantage parce qu’ils avaient élevé trois enfants ou plus. En perdant cet avantage, ils ont le sentiment qu’on modifie les règles du jeu, en ce qui concerne, non pas le montant de leur retraite, mais les conditions de fiscalisation. Nous vous invitons à éviter de commettre cette erreur.
En ce qui me concerne, je suis de ceux qui pensent que nous avons commis, par le passé, une erreur pour ce qui est des veuves. Je constate d’ailleurs que vous n’avez pas remis en cause les évolutions qui sont intervenues sur ce sujet dans le passé, ce que je regrette.
Là, vous allez porter préjudice à une catégorie de gens modestes qui sont très nombreux – vous évoquez 3,8 millions de foyers fiscaux – et qui ont concouru à l’effort national en essayant d’élever leurs enfants le plus correctement possible. Or ce sont précisément leurs enfants qui paient les retraites des autres. Nous ne comprenons pas, alors que vous avez, semble-t-il, de bonnes intentions en voulant corriger les erreurs des deux dernières années, que vous ne reveniez pas sur celle-ci, qui est grossière.
L’article 1er est adopté.
L’article 1er bis est adopté.
Cet amendement tend à préciser la rédaction de l’article 1er ter pour prévoir que, lorsque plusieurs entreprises participent à la réalisation d’un ensemble de travaux énergétiques et que certains d’entre eux n’ont pas été justifiés dans le devis ou la facture, ne sont redevables de la nouvelle amende que les travaux non justifiés et non l’ensemble des travaux qui auraient pu être réalisés.
Il s’agit d’un amendement rédactionnel qui a été adopté par le Sénat, après avis favorable du Gouvernement, sur proposition du groupe RDSE. Il permet de clarifier le cas où différentes entreprises interviennent dans la réalisation d’un bouquet de travaux financés par un éco-prêt à taux zéro. Dans ce cas, l’entreprise commettant une erreur dans la déclaration de ses travaux éligibles ne peut être sanctionnée que sur sa seule part des travaux, indépendamment des travaux réalisés par d’autres entreprises.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 63 .
C’est un amendement de bon sens et de clarification qui vise à éviter qu’une entreprise soit responsable de travaux réalisés par une autre. Je ne doute pas que M. le secrétaire d’État émettra un avis favorable sur ces trois amendements identiques.
Effectivement, ces amendements identiques permettent de clarifier les choses. Ils ne sont pas purement rédactionnels puisqu’ils précisent ce que la doctrine administrative aurait certainement fini par établir. Inscrire cette disposition dans la loi sécurise tout le monde. Le Gouvernement est donc favorable à ces amendements.
Cet amendement vise à préciser le dispositif qui confie aux entreprises réalisant les travaux le soin d’attester de leur éligibilité à l’éco-prêt à taux zéro.
Nous proposons que les entreprises puissent recourir à un tiers-vérificateur pour attester de cette éligibilité. Toutefois, en cas d’erreur dans la déclaration des travaux éligibles, l’amende reste due par l’entreprise, le contrat la liant au tiers vérificateur pouvant, le cas échéant, prévoir la participation de celui-ci au paiement de l’amende.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 60 .
Chacun se souvient que nous avons eu un débat intéressant, en première lecture, avec M. le secrétaire d’État, sur la question du tiers vérificateur.
La mesure proposée ici nous a été soufflée par la Fédération du bâtiment. Pour les petites entreprises, attester que les conditions sont remplies présente un inconvénient. En effet, si elles se sont trompées, les amendes qui peuvent leur être infligées risquent de les mettre en difficulté. Nous avions donc pensé ouvrir la possibilité – ce n’est pas une obligation – de recourir à un tiers vérificateur qui attesterait que l’éligibilité des travaux est conforme ou non. L’amende resterait de la responsabilité de l’entreprise, quitte à ce qu’elle se retourne contre le tiers vérificateur qui a attesté de la conformité si les services fiscaux découvraient, lors d’un contrôle, que ce n’est pas le cas.
Monsieur le secrétaire d’État, j’ai cru comprendre que vous étiez ouvert à ce débat, mais on m’a répondu que la disposition était trop compliquée.
Pour ma part, je considère que cette suggestion de la profession est de bon sens. De surcroît, je le répète, il ne s’agit que d’une possibilité. Il paraît que le Gouvernement craint qu’il y ait un surcoût, mais le surcoût décharge les petites entreprises qui, sinon, refuseront de faire les travaux et répondront de s’adresser aux grandes entreprises.
Il s’agit donc d’un amendement en faveur des petites et moyennes entreprises.
La commission a repoussé ces deux amendements pour deux raisons liées à l’incertitude juridique qu’ils créent.
Premièrement, la tierce personne que les auteurs de l’amendement prévoient n’est pas définie. Aucune précision n’est donnée quant à son statut.
Deuxièmement, et vous venez de le dire monsieur de Courson, ce serait toujours l’entreprise qui s’acquitterait de l’amende, même en cas de défaut de conseil du tiers vérificateur. Or cette précision ne figure pas dans l’amendement. Il y a donc une incertitude juridique : on risque de multiplier les intermédiaires et, ce faisant, d’entrer dans des procédures compliquées, voire infinies. Nous préférons donc en rester à la proposition du Gouvernement. C’est pourquoi la commission a repoussé ces deux amendements.
Je vous remercie, monsieur de Courson, de donner par avance la position du Gouvernement.
Sourires.
Il rêve également du Conseil constitutionnel !
Permettez au Gouvernement, monsieur de Courson, de penser librement.
En l’espèce, le Gouvernement rejoint plutôt la position de votre rapporteure générale. Vous avez dit vous-même, monsieur de Courson, que, malgré cet amendement, le problème ne serait absolument pas réglé.
Comme vous le dites à fort juste titre, le fait qu’une entreprise fasse appel à un conseil ne la décharge en aucun cas de la responsabilité de payer une amende si les choses ne sont pas conformes à ce qui a été dit. La mesure que vous proposez peut d’ailleurs induire en erreur l’entreprise en laisser penser que le fait de faire appel à un tiers va la décharger de ses responsabilités. Comme je l’ai dit en première lecture, cette couche supplémentaire n’ajoute rien, ni en termes de droits ni en termes de devoirs et elle ne donne pas davantage de sécurité aux entreprises, en particulier aux plus petites. Elle peut même avoir un coût et constituer un frein. Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements, même si j’en comprends le sens.
S’agissant de l’insécurité juridique, le rapport entre l’entrepreneur et le tiers vérificateur est contractuel. Pour une petite entreprise, pouvoir faire appel à quelqu’un qui peut vérifier l’éligibilité des travaux constitue un plus.
Madame la présidente, j’ai trouvé que Mme la rapporteure générale était très fermée dans son analyse.
Elle indique qu’il y aurait insécurité juridique quant au choix du tiers vérificateur, mais cet argument ne tient pas. L’entreprise peut avoir recours à qui elle veut, au bureau Veritas ou toute autre société qui fait de la certification. Il s’agit là de la liberté contractuelle, comme le rappelait Mme Dubié.
Par ailleurs, dans l’exposé des motifs de mon amendement, il est bien indiqué que l’amende reste due par l’entreprise.
C’est écrit dans l’exposé des motifs de l’amendement, mais pas dans l’amendement lui-même !
Cela dit, le contrat peut tout à fait stipuler que, si le tiers vérificateur a constaté que les travaux étaient éligibles alors qu’il y a un redressement et une amende, l’entreprise demande le remboursement.
Je vous trouve, monsieur le secrétaire d’État, plus ouvert que Mme la rapporteure générale.
Si j’ai bien compris votre analyse, mon amendement n’est pas nécessaire. En effet, l’entreprise pourra faire appel à un tiers vérificateur, dans un cadre contractuel à définir entre eux. Si tel est le cas, je veux bien retirer mon amendement puisque vous me donnez satisfaction.
Je veux rassurer M. de Courson : une entreprise est tout à fait libre de passer un contrat avec n’importe quel tiers pour assurer une mission de conseil consistant à lui expliquer comment marche l’éco-prêt à taux zéro. Mais la mesure que vous proposez peut créer une incertitude juridique. Vous dites que l’exposé des motifs de l’amendement précise que l’amende reste due par l’entreprise. Certes, mais cela ne figure pas dans le texte que vous proposez et qui vise à modifier l’article 1er ter.
Je rejoins, là encore, Mme la rapporteure générale. L’entreprise a effectivement la possibilité, madame Dubié, de passer un contrat avec un tiers vérificateur – le texte du Gouvernement ne l’interdit pas –, mais cela ne décharge en rien l’entreprise de sa responsabilité. J’espère que ces paroles vous confirmeront l’esprit de la loi et que vous retirerez vos amendements.
La réponse de M. le secrétaire d’État est claire. Mon amendement est donc satisfait. Aussi, je le retire.
L’amendement no 60 est retiré.
L’amendement no 57 est retiré.
L’article 1er ter, amendé, est adopté.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 130 visant à rédiger l’article 1er quater.
Cet amendement vise à récrire l’article 569 du code général des impôts.
En première lecture, l’Assemblée a adopté un amendement qui modifie l’article 569 et qui prend en compte une partie du contenu de la directive publiée le 3 avril 2014, mais pour laquelle il nous manque encore un certain nombre d’actes dérivés, c’est-à-dire de textes d’application.
Le Gouvernement a parfaitement entendu la volonté du Parlement. Cela dit, il souhaite que soit adoptée une rédaction qui ne soit que la transcription de la directive européenne, dans la mesure où celle-ci nous est connue.
En effet, si l’amendement adopté par votre assemblée en première lecture avait un avantage – il traitait la question des produits dérivés du tabac et non des seules cigarettes, ce qui est un progrès et va dans le sens souhaité par le Gouvernement –, il avait néanmoins deux inconvénients.
Tout d’abord, il ne traitait pas la question du stockage des données sur la traçabilité et de la gestion de ce stockage, alors même que la directive précise le cadre dans lequel il doit se faire.
Ensuite, la date de mise en oeuvre de ces dispositions posait problème.
Le débat fait actuellement rage sur certains réseaux, ainsi que dans la presse – et c’est légitime –, mais la position du Gouvernement consiste à transcrire l’ensemble du contenu de la directive. Le présent amendement traite donc – c’était votre volonté en première lecture – la question de l’ensemble des produits liés au tabac : cigarettes, cigarillos, tabac à rouler… Il traite, en retranscrivant la directive – toute la directive et rien que la directive –, la question du stockage des données et de la gestion des informations.
En ce qui concerne la date, enfin, puisqu’il faudra un décret pour préciser ce qui relève du domaine réglementaire, au sein de la liste des sujets figurant dans la directive, le Gouvernement publiera ce décret dès que les actes dérivés de la directive seront connus, ce qui permettra, et je crois que c’est un souhait général dans le cadre de la lutte contre la fraude et les méfaits du tabac, une action plus précoce que la date qui figure dans l’article et que celles évoquées par d’autres parlementaires.
C’est la position du Gouvernement, qui a été clairement affichée. Il n’y a aucune volonté de privilégier tel ou tel gestionnaire pour la traçabilité des produits en vue de lutter contre la contrefaçon et la contrebande. Il est nécessaire de transcrire la directive telle qu’elle vient d’être publiée, au mois d’avril 2014. Pardon d’avoir été un peu long, mais ce sujet fait aujourd’hui l’objet de débats assez vifs et méritait que la position du Gouvernement soit clairement exprimée.
La commission n’ayant pas examiné cet amendement, je donnerai un avis personnel. Cet amendement répond à deux des demandes formulées par les auteurs de l’amendement voté par notre assemblée en première lecture.
Tout d’abord, il transpose dans leur intégralité les articles 15 et 16 de la directive sur les produits du tabac, qui est très récente puisqu’elle date, comme vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État, d’avril 2014. Par rapport à l’amendement adopté en première lecture, la directive étend le périmètre à l’ensemble des produits du tabac, au lieu de se limiter aux cigarettes. Pour ces deux raisons, je donne, à titre personnel, un avis favorable à l’amendement.
Je m’exprime en tant que représentant du groupe écologiste mais aussi en tant qu’animateur d’un groupe de parlementaires qui travaille, notamment avec le Comité national contre le tabagisme, sur la question de l’ingérence de l’industrie du tabac. Nous avions soutenu l’amendement de Laurent Grandguillaume adopté ici et au Sénat.
Je ne fais pas du tout, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, la même interprétation que vous du présent amendement. L’amendement de M. Grandguillaume visait à assurer une traçabilité totalement indépendante de l’industrie, ce que la présente proposition ne fait pas, non plus que l’amendement présenté par M. Terrasse, lequel ne sera d’ailleurs pas soutenu en séance. Ces deux amendements tendent à confier, au contraire, une partie de la traçabilité à l’industrie du tabac. Vous avez raison de dire que cela suffit à répondre aux exigences de la directive, dont le contenu est insuffisant à cet égard, mais c’est absolument contraire, et vous le savez, au protocole de l’OMS sur le contrôle des ventes illicites de tabac, signé par la France.
La directive n’est pas contradictoire avec le texte adopté en première lecture ici puis au Sénat : elle ne nous interdit pas d’aller plus loin et de prévoir une traçabilité totalement indépendante de l’industrie. Vous revenez donc en arrière par rapport à l’amendement de M. Grandguillaume en laissant une grande partie de la traçabilité aux mains de l’industrie, ce qui est contraire, non seulement au protocole de l’OMS, mais encore aux préconisations de la Cour des comptes, qui souligne que le contrôlé ne doit pas être le contrôleur. En tant qu’animateur du groupe de travail sur l’ingérence de l’industrie du tabac, je ne peux que m’insurger contre l’action que mène aujourd’hui le Gouvernement.
Je suis coauteur de l’amendement de Laurent Grandguillaume adopté en première lecture par notre assemblée et adopté à l’identique au Sénat. L’objectif est bien sûr de transposer la directive, mais aussi – et surtout – d’assurer une traçabilité indépendante de l’industrie du tabac.
J’avais noté, en première lecture, l’opposition du Gouvernement à notre amendement, opposition qu’il a confirmée depuis lors dans la presse. Il ne s’agit pas d’une affaire de gauche ou de droite ; nous sommes souvent nombreux à être d’accord sur le sujet. Nous n’avons pas à nous soumettre au lobby du tabac. Je souhaite que notre assemblée confirme son vote en première lecture et rejette le présent amendement.
J’ai quelques questions à poser au Gouvernement.
Tout d’abord, pourquoi la CNIL doit-elle être consultée ? En effet, en quoi les libertés individuelles sont-elles susceptibles d’être atteintes du fait de l’existence du fichier ? En quoi les données en question sont-elles personnelles ? Je n’ai pas compris ce point de votre amendement, monsieur le secrétaire d’État.
Ensuite, les critiques de nos collègues à l’égard de l’industrie du tabac me paraissent infondées. En effet, de deux choses l’une : soit il s’agit d’une production française, auquel cas les services du ministère exercent leur contrôle et l’on peut se demander quel est le danger que l’identification soit erronée, soit la production est étrangère et le problème est alors celui de l’application de la directive dans les autres États. Je ne comprends pas bien l’argument de nos collègues.
Je rejoins les propos de Charles de Courson. Je ne vois pas pourquoi, sur ces questions de traçabilité, nous serions plus exigeants vis-à-vis du tabac que vis-à-vis de l’eau pour les biberons des nouveaux nés, par exemple.
La traçabilité est assurée par l’entreprise mais celle-ci est sous le contrôle du ministère, comme Danone, par exemple, est sous le contrôle du ministère de la santé. J’ai rencontré des salariés inquiets, des organisations salariales inquiètes, dans une entreprise qui fabrique en France ; j’appelle l’attention de mes collègues sur ce point.
Je citerai juste un chiffre qui aidera nos collègues à comprendre la situation : l’ensemble des majors du tabac ont accepté de verser 2,15 milliards d’euros à l’Union européenne et à certains de ses États membres en raison de la contrebande. Vous comprenez ce que cela signifie, des « innocents » qui acceptent de payer une amende de 2,15 milliards d’euros ? Les industriels, qui fabriquent dans le monde entier – il y a bien longtemps que le tabac vendu en France n’est plus produit en France –, ne sont pas ceux qui souffrent du commerce illicite du tabac : ce sont les politiques de lutte contre le tabagisme, et peut-être nos bureaux de tabac nationaux, qui en souffrent. Les industriels gagnent toujours autant d’argent, que ce soit grâce au commerce illicite ou dans les bureaux de tabac officiels.
Ne mélangeons pas les sujets. Vous faites allusion, monsieur Roumegas, à une affaire qui date de 2008, je crois, concernant un accord entre l’Union européenne et un grand producteur de tabac américain.
La Commission avait d’ailleurs été déboutée par le droit américain, mais un accord est tout de même intervenu pour reconnaître que certains producteurs de tabac avaient alimenté les circuits de contrebande. C’est justement l’absence de traçabilité qui permettait ce genre de pratique. Un versement a effectivement eu lieu ; cela a donné lieu, en 2008, à maints commentaires et contestations. L’affaire est close à présent.
À la suite de ces événements, une directive européenne a été prise pour assurer le suivi de la fabrication, du transport et de la commercialisation des produits, de façon que, lorsque l’on rencontre des produits sur un marché illégal, on puisse connaître leur provenance, grâce à un marquage des paquets.
Cela nécessite une référence à la CNIL, monsieur de Courson, car la directive demande que soit protégé ce fichier qui dira où tel ou tel produit a été produit, comment il a été transporté, dans quel circuit de distribution il a été introduit. Si le carton est tombé du camion, nous pourrons ainsi savoir de quel camion il vient et si c’est volontaire ou non – pardon pour ces raccourcis. Cela concerne environ 5 % ou 6 % de la consommation, ce qui est loin d’être négligeable.
La mobilisation est totale sur cette question. Nous avons en France l’un des meilleurs laboratoires d’Europe pour identifier les produits contrefaits et ceux issus de la contrebande. Avec ces techniques, il est possible de retrouver, en analysant très précisément les produits, leur lieu de production et de savoir si la contrebande a été organisée par les producteurs.
Le Gouvernement n’est pas fermé à des évolutions, à une amélioration de la législation. Des travaux sont en cours, y compris au Parlement, animés par Thomas Thévenoud et Jean-François Mancel. Certaines propositions de rédaction des textes – disons-le puisqu’il est question d’un groupe de pression – ne permettraient plus guère de concurrence pour la fourniture des systèmes de contrôle et de traçabilité des produits. Je ne peux être plus clair. Nous devons veiller à ne pas fermer complètement le marché, ce qui pourrait d’ailleurs être source de contentieux. Le problème n’est pas seulement français, il s’étend à toute l’Europe puisque ces produits sont fabriqués à l’étranger et franchissent les frontières. Le système de contrôle représente par conséquent un marché phénoménal.
Vous nous dites, monsieur Roumegas – j’ai déjà entendu l’argument –, que la directive ne serait pas conforme à l’accord de l’OMS sur le sujet, signé par la France. Nous sommes membres de l’Union européenne et nous devons transcrire les directives ; dans le cas de la présente directive, tout concourt à nous le faire faire rapidement.
J’aurais préféré, comme je l’ai dit en première lecture, que nous continuions à travailler pour adopter, en loi de finances initiale et après un travail approfondi, cette disposition qui soulève des questions très complexes. Toutefois, dans la mesure où le Parlement a voté un amendement qui, ainsi que je l’ai expliqué tout à l’heure, ne résout que partiellement les choses et ne transcrit qu’en partie la directive, le Gouvernement, afin qu’il n’y ait pas d’équivoque et que personne ne puisse l’accuser de protéger tel ou tel intervenant de ce dossier, propose de modifier immédiatement la rédaction de l’article 569 du code général des impôts afin d’y transcrire in extenso la directive européenne, laquelle est notre cadre juridique. Personne ne pourra dire que nous avons gagné du temps ou favorisé tel ou tel groupe. On peut être en désaccord, mais c’est la position, très claire et très ferme, du Gouvernement.
Il est nécessaire d’instituer une telle traçabilité ; personne ne s’y oppose. J’ai pris la parole pour défendre l’outil industriel de centaines de salariés qui travaillent en France – je vous invite d’ailleurs à Riom, qui est en France, chers collègues – et pour dire qu’il faudrait surtout s’attacher à faire de la prévention, notamment en prenant les mesures qui s’imposent pour que les jeunes ne fument jamais leur première cigarette.
Sourires.
…s’embrouille. Je ne sais si cela est volontaire.
Selon la proposition du Gouvernement – je ne fais que la lire –, l’industrie est chargée du relevé des données et c’est seulement leur stockage qui est confié à un organisme indépendant.
L’amendement de M. Grandguillaume que nous avons soutenu était simple : il s’agissait de confier à un organisme totalement indépendant l’ensemble de la question de la traçabilité, ce que n’interdisait pas la directive européenne. Pourquoi revenez-vous sur l’avancée apportée par cet amendement ?
Vous n’êtes pas favorables à une traçabilité assurée par l’État, mais j’ai pour ma part bien plus confiance en l’État qu’en n’importe quelle autre entité, car je souhaite que la traçabilité soit totale. Je ne veux pas que l’on confie aux premiers intéressés le relevé des données, qui n’est rien d’autre que la première phase de la traçabilité. Cela n’est pas satisfaisant. Je ne comprends vraiment pas pourquoi vous revenez en arrière. À cet égard, votre explication ne tient pas.
La disposition adoptée en première lecture ne préjuge en rien de l’identité de ceux auxquels pourrait, après un appel d’offres, être confiée cette traçabilité, laquelle, je le répète, doit selon nous être assurée principalement par l’État, et ce du début de la chaîne jusqu’à sa fin.
Je soutiens la position du Gouvernement. Le ministre a donné des explications extrêmement claires.
Ce débat n’est pas nouveau et, depuis deux ans, à chaque projet de loi de finances, un jeu de postures voudrait que celles et ceux qui ne seraient pas favorables à l’amendement, qui a été voté au mois de juin, si ma mémoire est bonne, par trente-trois voix contre vingt-neuf, soient des suppôts du lobby du tabac.
Sur cette question, j’ai un peu d’avance sur vous, mon cher collègue. En effet, j’étais collaborateur de Michel Rocard quand se sont tenues les multiples réunions interministérielles, souvent enfumées,
Sourires
sur le projet de loi Évin sur le tabac et l’alcool.
Les producteurs de tabac produisent des paquets de cigarettes et ce seront toujours eux qui le feront. À partir de là, la question est simplement de savoir comment s’organise la traçabilité.
Vous dites qu’il faudrait que ce soit un tiers – on voit bien, depuis deux ans, quels sont ceux qui sont sur les rangs – qui garantisse la règle d’inviolabilité. Or cela se ferait en faveur des producteurs de tabac, puisqu’il leur suffirait de ne pas donner l’ensemble des paquets pour pouvoir organiser un circuit parallèle – le problème est bien là.
À mon sens, le texte du Gouvernement permet soit que la traçabilité soit assurée par le producteur et la gestion des données à l’extérieur soit que la traçabilité soit garantie autrement, la gestion des données demeurant extérieure, puisque c’est là l’élément le plus important.
Nous avions dit que nous y verrions plus clair à l’automne, car il nous reste, suite à la directive, à déterminer des mesures d’application. Cela fait deux ans que l’on tient ce discours et je n’accepte pas que notre position, qui est une position de responsabilité et de sérieux juridiques, soit balayée d’un revers de la main sous prétexte que nous serions des suppôts de l’industrie du tabac, alors que nous avons été les premiers, comme moi en 1990 avec Claude Évin, à faire adopter une loi anti-tabac dans ce pays.
L’amendement no 130 est adopté.
L’article 1erquater, amendé, est adopté.
L’article 1er quinquies est adopté.
L’article 1er sexies est adopté.
L’article 1er septies est adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq :
Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de finances rectificative pour 2014 ;
Discussion du projet de loi relatif à la délimitation des régions.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures vingt.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly