Intervention de Marylise Lebranchu

Séance en hémicycle du 13 novembre 2012 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2013 — Article 68, amendements 494 495 546 133

Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'état, de la décentralisation et de la fonction publique :

La position du Gouvernement est assez aisée : puisque tout cela se fait pour lui à enveloppe constante, il pourrait laisser au Parlement le soin de décider, mais il se trouve qu'il a pris des engagements forts en termes de péréquation.

Certains d'entre vous souhaitent réduire le dispositif, d'autres souhaitent en accélérer l'application, et nous, nous cherchons une position médiane et raisonnable. C'est, du reste, la majorité sortante qui avait imaginé cette progression, à laquelle l'actuelle majorité s'était ralliée au terme d'un débat, et que Mme Pires Beaune et M. Dussopt viennent à nouveau de défendre.

Monsieur Destot, s'agissant du cas de Sevran, ce que vous avez dit n'est pas tout à fait juste : la commune reçoit en effet plus de 8 millions au titre de la DSU-cible ainsi qu'une part du Fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France, ce qui est très important, puisque l'on atteint, au total, la somme de 14 millions d'euros.

Ce que vous dites au sujet des contributions concerne en réalité l'intercommunalité, et vous conviendrez avec moi que c'est une chance de disposer d'un pareil outil. Dans cette intercommunalité, vous avez Tremblay, avec l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, et Villepinte, avec son parc des expositions dont nous nous félicitons tous de la belle réussite – nous espérons même qu'il s'agrandira pour devenir l'équivalent français de celui de Francfort. C'est un outil auquel nous portons beaucoup d'attention, qui est générateur de ressources, et c'est une bonne chose pour cette intercommunalité.

Le président de l'intercommunalité pourra, s'il le souhaite, bénéficier de fonds de concours, de la dotation de solidarité communautaire, la DSC, ou du système de péréquation interne, à la mesure de ce qui relève de la responsabilité des collectivités unies dans cette intercommunalité.

On ne peut pas faire appel à la situation d'une commune en difficulté comme Sevran pour expliquer le fait que des communes, qui ont la chance d'avoir des recettes importantes, souhaitent – même si on peut le comprendre – baisser, ou ralentir, la péréquation. Cela irait exactement dans le sens inverse de ce qui est souhaité pour Sevran, pour d'autres communes et pour des intercommunalités.

Nous avons débattu longuement pour éviter que, du fait de stratifications complexes, il y ait des effets de seuil violents et que des communes soient appelées à contribuer beaucoup, mais il est difficile pour nous de reculer sur la péréquation, parce qu'elle est juste et parce qu'elle crée une solidarité entre les collectivités territoriales.

Le Président de la République et le Premier ministre, lorsqu'ils ont reçu les représentants des grandes villes de France, des régions et des départements, mais en particulier ceux des grandes villes de France, leur ont fait remarquer qu'il existe des situations très différentes. Il y a des grandes villes de France, dont le potentiel fiscal est élevé, et dont le revenu moyen par habitant est plus élevé qu'ailleurs. Il y a, à l'inverse, des grandes villes de France qui ont, malheureusement, un potentiel financier et fiscal beaucoup plus bas, un revenu moyen par habitant très bas et des populations en difficulté, logées pour certaines intra-muros, pour les autres en périphérie. Bref, les situations sont extrêmement différentes.

On ne peut donc pas s'appuyer sur l'idée que les grandes villes doivent porter le développement économique pour abandonner la dimension de solidarité – ce que vous ne voulez pas du tout, monsieur Destot, puisque je vous ai entendu, comme les autres auteurs d'amendement, dire le contraire.

Si nous voulons cette solidarité, c'est parce qu'elle nous paraît indispensable, en particulier en période de crise grave, comme aujourd'hui. Le Président de la République, le Premier ministre et nous-mêmes sommes convaincus de l'effet d'entraînement que ces villes doivent avoir, notamment en matière universitaire, en termes d'accompagnement et de logement des étudiants, pour faire en sorte que ceux-ci ne choisissent pas leur orientation, seulement en fonction des ressources de leurs parents. Sur tous ces sujets, le Président de la République, le Premier ministre, l'ensemble des ministres concernés et moi-même, nous nous engageons devant vous à reconnaître, dans le texte de décentralisation, l'effet métropolitain et les fonctions des métropoles.

Il faut sans doute progresser, abandonner les contrats de projets et les appels à projets, qui favorisent toujours les mêmes, revenir à des notions plus raisonnables, rationnelles et efficaces de planification. Il faut des contrats de plan État-territoire, qui puissent prendre en compte les fonctions métropolitaines et permettre aux régions d'exercer beaucoup mieux leur rôle de stratège en termes de développement économique.

Nous allons donc essayer ensemble, au Parlement, en 2013, de mieux écrire l'action publique régionalisée territorialisée. Puis, à la fin de l'année 2013, nous discuterons d'une révision de la fiscalité mettant en place une fiscalité dynamique afin de réussir le grand rendez-vous de la nouvelle organisation territoriale de la République, plus juste, plus solidaire, mais surtout plus efficace.

Ces engagements sont gravés dans le marbre, et nous sommes certains de trouver une majorité sur tous les bancs de cet hémicycle pour que la réforme de l'action publique aille dans le sens du redressement de la France, et que l'on y ajoute un volet solidarité-justice, car c'est bien de ce volet solidarité-justice dont il est ici question.

Je comprends l'impatience de ceux qui voudraient agir plus vite. Je leur demande simplement, dans un contexte de crise, de considérer que l'effort de redistribution entre les collectivités territoriales qui leur est demandé d'approuver, et qui est toujours difficile à faire, va permettre à ceux qui ont le moins de continuer à investir dans les services – ce qui permet d'ailleurs à la France de mieux traverser la crise que les autres pays –, dans le développement économique, dans l'accompagnement des créateurs, dans les petites entreprises.

Cet effort va faire que le redressement de la France s'opère sur tous les territoires et que ces derniers ne soient pas considérés comme des facteurs de dépenses inutiles : alors que certains, ce que je leur reproche, traitaient l'an passé les collectivités territoriales de laxistes, les territoires, loin d'être un facteur de dépenses inutiles, devraient être au contraire considérés comme un facteur sinon de production – terme qui ne fait pas partie de mon langage habituel – du moins de redressement économique.

C'est pourquoi, si vous êtes d'accord avec le projet que nous avons formulé en commun avec les grandes villes et les départements qui ont accepté d'en discuter, je vous demande, non pas en contrepartie, mais par anticipation et par désir de solidarité pour les communes qui sont dans les situations les plus difficiles et qui vous regardent avec envie, de retirer cet amendement. Ralentir la péréquation, ce serait obérer le futur texte que nous allons déposer sur le bureau du Sénat puis sur celui de l'Assemblée, et ce serait dommage que le redressement de la France se fasse avec un codicille dur à porter, celui de l'inégalité des territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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