Intervention de Arnaud Montebourg

Séance en hémicycle du 22 juillet 2014 à 15h00
Simplification de la vie des entreprises — Présentation

Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique :

C’est pourquoi, aujourd’hui, avec Thierry Mandon, qui est en charge de cet important chantier auprès du Premier ministre, je ferai avec vous l’éloge de la simplicité. Le Gouvernement a fait de la simplification – de la vie des citoyens comme de celle des entreprises – une grande action prioritaire du quinquennat. Ce choc imaginé par le Président de la République au début de son mandat affronte les complexités administratives et réglementaires qui pèsent notamment sur les entreprises ; le ministre de l’économie est évidemment directement concerné par la question de ces obstacles au développement économique et, partant, à la création d’emplois.

Le 14 avril dernier, le Conseil de la simplification pour les entreprises, alors coprésidé par M. Thierry Mandon, devenu aujourd’hui secrétaire d’État chargé de la réforme de l’État et de la simplification – son ancien siège de député étant désormais occupé par M. Laurent Grandguillaume, que je salue – et M. Guillaume Poitrinal, a présenté cinquante premières mesures de simplification.

Pour traduire en actes les recommandations du Conseil, j’ai donc présenté un nouveau projet de loi de simplification de la vie des entreprises en conseil des ministres, le 25 juin dernier. Le projet de loi reprend quatorze des cinquante recommandations formulées au printemps par le Conseil de la simplification pour les entreprises. Les autres mesures ont déjà été intégrées dans d’autres textes législatifs, ou bien ne nécessitent pas un passage au Parlement et seront adoptées par décrets ou arrêtés.

Ce projet de loi se situe dans le prolongement de la loi du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et à sécuriser la vie des entreprises, qui constituait, en quelque sorte, l’acte I de la simplification. Le Gouvernement a immédiatement pris les ordonnances – preuve, parmi d’autres, du volontarisme de l’exécutif – à l’exception d’une seule sur les participations de l’État, qui sera promulguée à la rentrée. Parmi les sujets concernés figurent notamment les procédures collectives, l’immobilier d’entreprise ou la faculté pour les petites entreprises de ne pas publier leurs comptes.

Je sais que vous êtes particulièrement attentifs à l’application des lois que vous adoptez ; nous le sommes d’ailleurs tout autant que vous. À cet égard, je veux saluer les parlementaires, notamment Mme Annick Lepetit, qui avait demandé au Gouvernement de faire appliquer plus rapidement encore les dispositions issues du précédent projet de loi de simplification : madame Lepetit, vous avez été entendue.

Par ailleurs, certaines mesures de simplification arrivent déjà au stade de l’application concrète. Je pense à la mise en oeuvre du nouveau principe en vertu duquel le silence vaut accord – M. Thierry Mandon entrera certainement davantage dans les détails de ce principe au cours de la discussion – issu de la loi du 12 novembre 2013. Toutes les procédures pouvant être soumises à ce nouveau principe – dont le nombre excède le millier – sont désormais inventoriées. Le Conseil d’État sera saisi des premiers décrets dès la fin du mois et les premières mises en oeuvre interviendront dès le mois de septembre.

Pour ma part, j’ai dressé une feuille de route très claire à mes services et à l’administration économique de notre pays : seules les procédures qui impliquent la santé ou la sûreté des personnes doivent rester sous le régime du rejet implicite, toutes les autres devant épouser le nouveau principe. Plus de 75 % des procédures relevant de la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services entrent dans le cadre du nouveau régime de l’accord tacite ; ce taux s’élève à 100 % s’agissant des procédures relevant de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et entrant dans le champ d’application de la loi de novembre 2013.

Nous pourrions aller encore beaucoup plus loin. La volonté de simplifier la vie des entreprises fait partie, pour ainsi dire, de l’ADN du ministère dont j’ai la charge. Depuis le début des fonctions que j’ai l’honneur d’occuper, j’avais demandé au tout nouveau Conseil national de l’industrie de répertorier les freins réglementaires détectés sur le terrain au développement de notre industrie, secteur par secteur. À l’époque, 64 mesures avaient été répertoriées ; toutes ces mesures ont été révisées ou font l’objet d’une procédure de révision. Je prends l’exemple d’un secteur à l’importance majeure auquel nous sommes tous attachés : celui des énergies renouvelables. Huit points de noeuds législatifs avaient été identifiés par le Conseil national de l’industrie – le CNI –, qui sont tous en passe d’être réglés. L’article 8 du projet de loi soumis à votre discussion contient une mesure directement issue d’une proposition du CNI : la création d’une décision unique pour tout projet de production d’énergie renouvelable en mer situé sur le domaine public maritime. Nous vous proposons de simplifier la procédure et de réduire les délais d’instruction. Par ailleurs, la future loi de transition énergétique reprend les sept autres propositions du CNI ; sans les citer toutes, je peux évoquer la simplification des procédures relatives aux installations en mer de production d’énergie renouvelable ou des procédures relatives aux installations utilisant l’énergie des marées.

Mesdames, messieurs les députés, si le volontarisme du Gouvernement en matière de simplification est total, notre méthode est innovante et, je le crois, performante : c’est la méthode collaborative chère à M. le secrétaire d’État Thierry Mandon. Les entreprises évoquant les difficultés concrètes qu’elles doivent surmonter, le Conseil de la simplification pour les entreprises permet de faire émerger, à partir de ces dernières, de leur vécu de terrain, notamment au contact des administrations, tous les noeuds réglementaires ou législatifs qui entravent notre économie.

Ce n’est pas l’administration qui propose au nom et pour le compte des entreprises : ce sont les entreprises qui désignent à l’État les points qui sont source de difficultés. Cette méthode coopérative, qui repose sur la franchise, la liberté des propositions, y compris le refus, lorsque nous ne souhaitons pas aller plus loin que nécessaire, permet de travailler dans un cadre interministériel dont M. le secrétaire d’État Thierry Mandon a la charge, sous l’autorité du Premier ministre. Cela permettra de présenter tous les six mois une série équivalente de mesures de simplification. Nous pourrons ainsi voir évoluer, de manière significative et concrète, ce dossier qui ne peut pas rester incantatoire.

Par ailleurs, par application de cette méthode collaborative, dans le cadre des 34 plans industriels que nous avons bâtis avec les industriels eux-mêmes, j’ai demandé à chaque responsable de plan d’identifier les verrous réglementaires qui empêchent, ne permettent pas ou freinent l’aboutissement de l’innovation. Il est important qu’un pays comme le nôtre, qui consacre un gros effort à se renouveler, à réinventer son industrie, soit capable d’en déduire la fin d’un certain nombre de pratiques ou de règles administratives ou législatives qui freinent son évolution.

Les mesures contenues dans le texte en discussion, qui doivent être mises en oeuvre, pour certaines d’entre elles, d’ici au 1er janvier 2015, concernent différents pans de notre droit : le droit du travail, le droit de la Sécurité sociale, l’urbanisme, l’environnement, le droit des sociétés et les obligations comptables et fiscales. Elles vont de l’harmonisation des notions de « jour » dans le code du travail à la suppression de la déclaration des congés d’été pour certaines professions, dont l’origine remontait à la Révolution française.

Sont également prévus la réduction du nombre de commissions administratives locales, la simplification de la réalisation des projets d’aménagement et de construction et l’ajustement des dispositions des ordonnances des 20 mars et 12 juin 2014 relatives aux autorisations uniques en matière d’installations classées et autres installations soumises à autorisation, pour ne citer que ces mesures.

Je dirai un mot également de l’extension des rescrits à de nouveaux domaines de l’action publique. En cas de doute sur l’application d’une norme à une situation concrète, une entreprise pourra interroger l’administration qui sera tenue de lui délivrer une prise de position formelle et opposable juridiquement, dans la mesure où la situation lui aura été décrite de bonne foi. Cela permettra de prémunir les entreprises d’un changement d’interprétation ou d’appréciation de l’administration.

Le Gouvernement souhaite faciliter la création d’entreprises à travers plusieurs mesures concrètes figurant dans ce texte, telles que l’allégement des autorisations préalables à la création d’entreprise et la possibilité de créer son entreprise avec un seul document en un seul lieu : cette mesure permettra le dépôt d’un seul exemplaire des statuts auprès d’un seul organisme au moment de la création d’une entreprise. Avec un seul guichet et une seule démarche, je crois que nous pouvons dire que créer son entreprise n’aura jamais été aussi simple.

Le projet de loi met l’accent sur la simplification en matière de construction. C’est un secteur essentiel à notre économie, qui représente environ 6 % de notre richesse nationale, qui a besoin d’être encouragé et soutenu. Je sais que les parlementaires de cette assemblée partagent cette conviction. Il s’agit non seulement de réduire les délais de délivrance des autorisations d’urbanisme, mais aussi d’élargir le champ d’application des dérogations aux documents d’urbanisme pour faciliter la réalisation des projets dans les secteurs où la demande est forte, le but étant de réduire les contraintes, de faciliter la construction et de permettre une accélération des projets d’urbanisme.

Je voudrais revenir sur une dernière mesure, avant que mon collègue Thierry Mandon ne me succède à cette tribune : celle de la simplification des règles de la commande publique. C’est un sujet central et crucial pour l’économie de notre pays. J’ai voulu cette simplification car, aujourd’hui, nous devons favoriser l’accès des PME à la commande publique, promouvoir le développement des critères sociaux et environnementaux et permettre un meilleur accès de ces entreprises locales à la commande publique. Nous devons utiliser à plein toutes les options et opportunités que le droit européen nous offre ; or, elles ne sont pas pleinement exploitées, notamment en ce qui concerne les établissements publics industriels et commerciaux, lorsqu’ils évoluent au sein de secteurs concurrentiels. Ces derniers sont aujourd’hui entravés par un système d’appels d’offres et une réglementation de la commande publique qui ne sont pas des plus performants. Or, il faut rappeler que la France consacre 80 milliards d’euros à la commande publique ; nous sommes de loin le premier pays européen par le nombre d’opérateurs adjudicateurs.

Les mesures de simplification de la commande publique seront présentées sous la forme d’un amendement qui sera discuté devant vous, mesdames, messieurs les députés. C’est, j’y insiste, un objectif tout à fait central que de faire évoluer les grands principes de la commande publique. Il n’est pas inutile, à cette fin, d’ériger au rang législatif des mesures jusque-là d’ordre réglementaire. En effet, jusqu’à présent, la commande publique n’avait pas vu son rôle d’instrument au service de notre économie réaffirmé dans notre droit, au niveau législatif. Voilà qui sera chose faite.

Pour conclure, je voudrais remercier l’ensemble des parlementaires – nombreux aujourd’hui, de la majorité comme de l’opposition – qui se sont consacrés et attelés à cette tâche, en particulier les membres de la commission spéciale, qui effectuent un travail de grande qualité. Je salue la présidente de la commission, Mme Descamps-Crosnier, ainsi que la rapporteure, Mme Sophie Errante, qui n’ont pas compté leurs efforts.

Je vous remercie d’autant plus que le recours aux ordonnances n’est pas toujours chose facile à accepter pour les parlementaires, mais c’est là le prix de la vitesse d’exécution. Je veux rassurer un certain nombre de ceux qui s’en inquiètent et leur dire que l’ancien parlementaire que je suis est évidemment tout à fait attentif au respect de la discussion devant la représentation nationale et qu’il est parfaitement possible, dans le cadre des lois d’habilitation, d’accomplir un travail de suivi, au côté du Gouvernement, pour concilier la vitesse, la précision de l’action et la force de l’intervention du législateur et de l’exécutif.

En tout état de cause, mesdames, messieurs les parlementaires, cette simplification constitue un grand changement dans notre pays. Parfois, les acteurs nous font part de leur sentiment – diffus, imprécis – que la France est bloquée, paralysée, que nous serions tombés dans le formol et qu’il est interdit de bouger. Il est vrai que le monde a changé, à l’instar des relations que les citoyens entretiennent entre eux et de celles que les entreprises nouent avec les administrations. Mais les règles, elles, n’ont pas changé. Telle est la raison du travail auquel nous nous attelons les uns et les autres.

Je vous remercie en tout état de cause de votre grand volontarisme qui permettra à la France de se transformer avec votre soin et sous nos yeux.

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