Intervention de Thierry Mandon

Séance en hémicycle du 22 juillet 2014 à 15h00
Simplification de la vie des entreprises — Présentation

Thierry Mandon, secrétaire d’état chargé de la réforme de l’état et de la simplification :

M. le ministre a évoqué le troisième programme, « Le silence de l’administration vaut accord », conforme à l’engagement pris par le Président de la République il y a trois mois. Aujourd’hui, pour de très nombreuses démarches, le silence de l’administration vaut rejet. Le citoyen peut se demander si sa demande a été dûment étudiée ou si elle s’est tout simplement perdue dans les limbes. Le plus souvent, cette absence de réponse, et le rejet qu’elle signifie, induit un rapport entre le citoyen et l’administration que je juge tout à fait obsolète et irrespectueux dans une République. Il s’agit de renverser ce rapport.

Nous sommes en train de passer au tamis les 3 000 démarches administratives pour lesquelles le silence de l’administration pourrait valoir accord. Certaines, pour des raisons d’obligations internationales ou constitutionnelles, ne peuvent être soumises à ce programme, d’autres posent des problèmes d’opportunité que nous examinons les uns après les autres ; pour autant, nous avons d’ores et déjà réussi à établir que 1 200 démarches, concernant l’ensemble des secteurs de la vie administrative du pays, pouvaient être concernées – un chantier très important !

Enfin, il s’agit aussi de faire en sorte que les nouvelles normes, tant législatives que réglementaires, ne créent pas de charges supplémentaires pour les entreprises. Nous pouvons continuer de nous attaquer au stock des normes existantes en les simplifiant, mais il nous faut être attentifs au flux ! Car il serait paradoxal de tenter de vider la baignoire de l’eau des normes excessives tout en laissant le robinet ouvert !

Le 1erjanvier 2015 – c’est presque demain ! –, une autorité indépendante, constituée d’entreprises, sera créée. Elle contre-expertisera l’ensemble des textes législatifs et des décrets créant des charges nouvelles et veillera à ce que toute nouvelle charge soit compensée, à due concurrence, par la suppression d’une norme existante. Ce programme existe ailleurs. Au Royaume-Uni, il a évolué, et de « One in, One out », est devenu « One in, Two out » !

Je dois ajouter à ces changements fondamentaux dans le rapport de la puissance publique avec le monde économique l’une des cinquante mesures proposées par le Conseil de la simplification, et validées par le Président de la République et le Premier ministre : la non-rétroactivité fiscale pour les entreprises, déjà en application depuis le 14 avril.

Enfin, il est toujours de bon ton de faire assaut de scepticisme à l’égard des décisions des pouvoirs publics : je veux insister sur le fait que nous soumettrons l’ensemble de ces programmes à une évaluation indépendante. Les appels d’offres ont été passés auprès des universités françaises afin qu’elles évaluent de manière concrète et indépendante l’effectivité et la portée de ces différentes mesures.

Tel est le cadre de ce projet de loi, que M. le ministre a détaillé lors de son intervention.

En résumé, ce texte s’oriente dans trois directions. La première tient à notre volonté de stabiliser le plus possible l’environnement des entreprises en le rendant plus lisible et prévisible. Ainsi, grâce à l’article 3 relatif au rescrit et aux réponses garanties, une entreprise qui se pose des questions quant à la mise en oeuvre d’un plan d’égalité entre les hommes et les femmes, par exemple, ou d’un plan d’accès aux seniors, pourra saisir l’administration qui sera tenue de lui répondre. L’engagement de l’administration vaudra alors protection législative.

Par ailleurs, ce texte vise à simplifier des moments importants de la vie des entreprises via des mesures concrètes. Citons l’article 4 relatif aux procédures d’autorisation concernant les entreprises, l’article 7 relatif aux différents dispositifs d’aménagement et de construction, l’article 8 relatif à l’autorisation unique pour les projets de production d’énergie renouvelable en mer, l’article 12 relatif à la simplification du droit des sociétés – il met fin à la condition, que nous étions seuls à imposer en Europe, de réunir sept actionnaires pour créer une société anonyme, ce qui ne se justifiait pas et soumettait les entreprises à des gymnastiques tout à fait étranges –, l’article 13 qui vise à simplifier considérablement les obligations déclaratives des entreprises pour éviter les redondances et se diriger vers la déclaration fiscale unique. Le projet de loi comprend enfin des stipulations relatives à l’embauche et à la gestion des ressources humaines, notamment dans les articles 1er et 2.

À ces trois catégories de dispositions qui constituent le premier bloc du texte s’ajoutent des mesures de simplification relevant du ministère de l’écologie – articles 9 et 10 –, du ministère des finances et de l’économie – articles 19 à 31 –, et plusieurs points de clarification du droit – articles 32 et 35. Pour être tout à fait loyal vis-à-vis de l’Assemblée, j’ajoute qu’un certain nombre d’amendements gouvernementaux compléteront ces dispositifs, davantage sur le plan de la clarification du droit que sur celui de la simplification.

Je conclurai par deux remarques. La première concerne la méthode des ordonnances. Beaucoup des mesures de simplification proposées se trouvent, à y bien regarder, à l’interface entre la loi et le décret et nous devons faire preuve de la plus grande vigilance quant à leurs conditions de mise en oeuvre. C’est la raison qui motive le recours à l’ordonnance.

Je vous répéterai ce que j’ai dit aux parlementaires en commission spéciale : je ne crois pas que la méthode collaborative puisse s’arrêter aux portes du Parlement. Aucune ordonnance relevant de ce texte, et notamment des quatorze premiers articles, ne sera prise sans avoir été préalablement discutée avec les parlementaires concernés par ces questions. Il est normal que la méthode collaborative concerne aussi le Parlement. C’est la moindre des choses.

Je remercie à mon tour la commission spéciale, sa présidente, Mme Descamps-Crosnier, et sa rapporteure, Mme Errante, pour son travail. Je me réjouis que désormais, cette assemblée compte des parlementaires convaincus, au-delà de leurs divergences politiques, de l’importance de la simplification pour notre économie et notre société. Il serait d’ailleurs souhaitable, mais je ne sais pas si nos institutions le permettent, qu’un tel groupe de travail perdure dans les mois et les années à venir.

Ma seconde remarque est conséquente à la première. La simplification est une oeuvre de long terme. Elle impose que nous cherchions à nous rassembler, non pas sur du vide mais sur des bases solides. La politique de simplification est menée au nom du droit. Il ne s’agit pas d’une politique de déréglementation en vertu de laquelle moins il y aurait de droit, mieux ce serait. Nous considérons au contraire que le droit n’est efficace que s’il est clair et lisible. C’est ce à quoi nous devons collectivement travailler.

L’accord que nous pouvons trouver dans cet hémicycle, ce dont je ne doute pas une seconde, doit reposer sur ces bases. La volonté politique d’agir sur des conjonctures qui se diluent dans des procédures interminables et des complexités sans nom est une fausse volonté politique. Les Français n’en sont pas dupes.

Simplifier, cela se fait au nom du droit et de la volonté politique. C’est dans cet esprit que j’aborderai les débats et je serai favorable à l’intégration dans ce texte, qui peut toujours être amélioré, comme toute oeuvre, des amendements me semblant aller dans le bon sens.

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