Intervention de Françoise Descamps-Crosnier

Séance en hémicycle du 22 juillet 2014 à 15h00
Simplification de la vie des entreprises — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançoise Descamps-Crosnier, présidente de la commission spéciale :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, chers collègues, plus de 10 000 lois, plus de 125 000 décrets, plus de 400 000 normes : voilà ce que représente le règlement intérieur de notre République, voilà ce à quoi nous demandons à chacun, citoyens comme personnes morales, de se conformer. À de tels niveaux, l’adage « Nul n’est censé ignorer la loi » est à la République ce que la main invisible est au marché : une fiction.

À ce « stock » impressionnant, il faut ajouter un « flux » quasi intarissable, au point que le Conseil d’État a pu parler dès 1991, dans son rapport public, de « logorrhée législative et réglementaire ». Si la quantité ne suffisait pas, nous y avons ajouté une absence de qualité. Entre textes législatifs et réglementaires toujours plus longs, éparpillement des références, technicisation rampante, alourdissements des procédures et imprécisions, le droit devient de plus en plus difficile à comprendre. Même ses praticiens commencent à atteindre la limite de leur expertise.

Le droit est pourtant notre règle de vie commune. S’il n’est ni su ni compris, comment pouvons-nous espérer que la société qu’il prétend organiser puisse s’épanouir ? L’inflation législative et réglementaire, la complexification du droit, contribuent à éloigner le citoyen de la République. L’augmentation continue de l’abstention est là pour nous le rappeler.

Parallèlement à ce problème démocratique se pose un problème économique. La lourdeur et la complexité de notre système normatif, au sens large, priveraient notre pays, d’après l’OCDE, de l’équivalent de 4 % de PIB par année. Dans la période actuelle, le chiffre fait réfléchir !

Guy Carcassonne, dont la voix manque tant au débat public, nous avait plusieurs fois prévenus contre ce qu’il appelait la « boulimie législative ». Face à ce mal, il préconisait une saine « diététique parlementaire ».

Avertis, les pouvoirs publics, et notamment le législateur, ne sont pourtant pas restés sans réagir. Un certain temps a d’abord été nécessaire pour prendre conscience de l’ampleur du problème. Les juristes se sont d’abord saisis du sujet, le Conseil d’État au premier chef. Au-delà du rapport de 1991 précité, il faut mentionner le rapport de 2006 sur la sécurité juridique.

Le Conseil constitutionnel lui-même a entrepris d’encourager non seulement une prise de conscience, mais aussi une action résolue pour améliorer la qualité de la loi. Il l’a fait en affirmant dès 1998 un principe constitutionnel de clarté de la loi qu’il a fait découler de l’article 34 de la Constitution. Il a confirmé ce mouvement en réaffirmant à plusieurs reprises, à partir de 2002, que l’accessibilité et l’intelligibilité de la loi étaient des objectifs de valeur constitutionnelle.

Le Parlement a progressivement pris le relais de ce combat, notamment sous l’impulsion du président Warsmann, dont il faut ici citer les rapports : « Simplifions nos lois pour guérir un mal français », en 2009, et « La simplification du droit au service de la croissance et de l’emploi », en 2011. Récemment, ce sont encore des parlementaires qui ont fait progresser la question de la simplification : le sénateur Doligé a rédigé en 2011 un rapport sur la simplification des normes applicables aux collectivités locales, puis en mars 2013 est paru le rapport de la mission de lutte contre l’inflation normative conduite par MM. Lambert et Boulard, anciens parlementaires.

L’enjeu consiste désormais à passer à l’action. Si nous avons avancé de quelques pas ces dernières années, notamment grâce à la codification et à plusieurs lois – celle du 2 juillet 2003 habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, celle du 9 décembre 2004 de simplification du droit ou encore celle du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit –, la situation exige de passer à une toute autre échelle.

Dès le début de la présente législature, le rythme de simplification s’est accéléré grâce au vote de plusieurs textes. Je pense à la loi du 1er juillet 2013 habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer les projets de construction,…

1 commentaire :

Le 23/07/2014 à 08:44, laïc a dit :

Avatar par défaut

Mettre en avant le nombre trop élevé de lois pour en arriver à la glorification du gouvernement qui peut agir de manière législative sans contrôle du parlement, et donc admettre que de l'autorité soit ajoutée à l'autorité déjà envahissante du pouvoir exécutif, tout cela n'est pas très démocratique...et ne va pas dans le bon sens.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Inscription
ou
Connexion