Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission spéciale, madame la rapporteure, chers collègues, le 3 janvier 2005, à l’Élysée, le président du Conseil constitutionnel de l’époque, M. Pierre Mazeaud, évoquait les « lois bavardes », expression pleine de sens et éprouvée.
Le projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises, présenté en conseil des ministres le 25 juin dernier, a été examiné par une commission spéciale, traitant de sujets économiques, fiscaux, sociaux et juridiques. Alors que l’examen de ce texte n’était pas prévu initialement, il a été décidé de l’inscrire à l’ordre du jour à la toute fin de cette session extraordinaire.
Le Président de la République a évoqué la nécessité d’un « choc de simplification ». C’est une manière de retour aux sources, puisque Portalis écrivait déjà qu’il ne faut point de lois inutiles, car elles affaiblissent les lois nécessaires. Or, au fil des ans, les lois et les réglementations diverses, les normes en tous genres se sont empilées les unes sur les autres pour créer un mille-feuille normatif indigeste et incompréhensible.
Ce projet de loi comporte trente-sept articles, dont dix-huit habilitent le Gouvernement à légiférer par ordonnances. Cette procédure, qui semble être devenue la règle ces derniers temps, réduit la marge de manoeuvre des parlementaires, ce qui est regrettable.
Le premier principe novateur de ce texte est, de loin, celui selon lequel le silence de l’administration vaut accord, en vertu de la décision no 19 du comité interministériel pour la modernisation de l’action publique du 17 juillet 2013. Il paraît effectivement essentiel – et je me réjouis de cette disposition – de mettre fin à l’insécurité juridique, qui pénalise aussi bien les citoyens que les entreprises.
Certaines dispositions vont dans le bon sens, comme la suppression de la déclaration des congés d’été pour les boulangers, devenue obsolète et inappliquée. Mais certaines d’entre elles semblent inclure des modifications telles qu’il conviendrait de les qualifier de réformes. Ainsi en est-il précisément des modifications du droit des marchés publics, des partenariats public-privé, et de la loi sur la sous-traitance. De telles dispositions ont-elles vraiment leur place dans cette loi ?
Ce qui semble plus paradoxal, voire anecdotique, ce sont les dispositions venant en aval de lois ou d’ordonnances tout récemment adoptées, comme la modification des pouvoirs de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, et de sanctions introduites par la loi du 17 mars 2014. Il est tout de même problématique que ce texte revienne sur certaines dispositions introduites par des lois votées il y a quelques mois à peine.
Ce projet de loi est particulièrement attendu par les entreprises. Plusieurs lois ont certes été votées depuis deux ans pour simplifier leur vie, mais ces mesures n’ont pas eu l’effet escompté, et les entreprises estiment que la principale motivation de la majorité était dictée par l’urgence d’attendre – car il faudra bien, à terme, prévoir une modification du code du travail et sanctuariser la simplification du bulletin de paie. Je vous ai entendu dire, monsieur le secrétaire d’État, que vous accordiez davantage d’importance à l’établissement des déclarations sociales qu’à celui du bulletin de paie. Je ne partage pas du tout votre vision des choses.
Il importe certes de simplifier les déclarations, mais si elles sont si complexes, c’est parce que le bulletin de paie est lui-même compliqué. Et si le bulletin de paie est compliqué, c’est parce que notre droit du travail l’est. Il ne faut pas tenir compte seulement de la forme, mais également du fond. Comment, en effet, simplifier la procédure d’établissement du bulletin de salaire sans s’attaquer au fond ? Je regrette que cette question ne soit pas abordée dans ce texte, car réformer pour de bon notre droit du travail serait une vraie mesure de simplification.
Par ailleurs, l’amendement du groupe UMP, adopté malgré l’avis défavorable de la rapporteure, et visant à simplifier réellement les obligations de conservation de ces documents, va dans le bon sens, car votre dispositif initial pouvait être une source de complexification. Les documents devront donc être conservés pendant six ans, soit en version papier, soit en version numérique, selon le choix de l’entreprise.
Ce projet de loi s’intitule : « Simplification de la vie des entreprises », mais il pourrait aussi bien s’intituler : « Simplification de la vie de nos concitoyens », tant les domaines qu’il concerne sont nombreux. Hier, dans le cadre du PLFRSS, nous avons adopté un amendement du rapporteur prévoyant deux mécanismes de réduction des cotisations pour les emplois à domicile, en ciblant notamment les personnes âgées dépendantes. Nous avons interrogé Mme la ministre des affaires sociales sur cette terminologie, et celle-ci nous a renvoyés à un décret qui ciblera les bénéficiaires de deux dispositifs d’application concomitante. Il est un peu paradoxal d’avoir ainsi compliqué ce dispositif, à la veille de l’examen d’un projet de loi sur la simplification…
Même si l’amendement de Gérard Bapt traduit une certaine lucidité…