Intervention de Guy Geoffroy

Séance en hémicycle du 23 juillet 2014 à 15h00
Égalité entre les femmes et les hommes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Geoffroy :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, une fois n’est pas coutume, nous sommes réunis non pas pour avoir le dernier mot sur un texte qui n’aurait pas eu l’heur de satisfaire le Sénat, mais pour adopter, comme l’a fait la Haute assemblée dans l’après-midi, les conclusions positives de la commission mixte paritaire qui s’est réunie il y a quarante-huit heures chez nos collègues du Palais du Luxembourg.

Les conclusions sont positives parce qu’il n’y avait pas, parmi les dispositions encore en discussion entre nos deux assemblées, d’éléments susceptibles de provoquer un blocage. Toutefois, nous avons bien noté que, sur certains points, le travail que se sont efforcés de faire le rapporteur de notre assemblée que je salue et le rapporteur au Sénat n’a pas réussi à régler l’ensemble des questions, puisque la CMP a été amenée à voter, une fois en notre faveur et une fois en faveur de la thèse de nos collègues sénateurs, sur des dispositions pour lesquelles un accord n’avait pas été trouvé préalablement.

Madame la ministre, vous revendiquez une approche intégrée de l’égalité. Soit. Mais on remarquera qu’il y a dans ce texte une différence très notable entre les sujets abordés.

On peut vouloir les intégrer dans une même démarche – pourquoi pas ? –, mais la cohérence d’ensemble n’est pas évidente : on va du congé parental à la parité en politique, en passant par la suppression de la notion de « bon père de famille », et puis, à l’initiative de nos collègues sénatrices, nous évoquons également les concours de miss.

Sur chacun des points, il y a des avancées intéressantes. L’ensemble apportera certainement – et ce sera ma conclusion personnelle, à défaut d’être celle de mon groupe – une amélioration notable, conformément à l’ambition que nous partageons tous. Mais je crois que, sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres, il faut conserver une réelle humilité et ne pas relâcher notre détermination. Nous allons aujourd’hui progresser, mais il faudra encore le faire. Sur le sujet dont je parlerai tout à l’heure et qu’a évoqué notre rapporteur, celui de la réalité des nouveaux droits, celle-ci tiendra peut-être plus à notre capacité à mettre en oeuvre les dispositions que nous votons qu’à l’intitulé de cette loi.

Certaines avancées méritent d’être saluées, parce qu’elles sont positives.

Sur l’égalité professionnelle, un faisceau de mesures va dans le bon sens : la meilleure articulation des différentes négociations, celle qui est spécifique à l’égalité et celle qui porte sur les salaires ; un meilleur accompagnement des retours de congé parental ; la possibilité d’utiliser une partie des droits du compte épargne-temps pour financer des frais de garde d’enfant notamment. Tout cela est bel et bon, il est important de le saluer.

S’agissant de l’accès des femmes aux responsabilités dans l’entreprise publique, notre rapporteur y a fait allusion et vous aussi, madame la ministre, l’extension des lois que je me permettrais d’appeler « Copé-Zimmermann-Sauvadet » aux structures qui en étaient exclues a pour objectif de briser le plafond de verre, dans les fédérations sportives, dans les chambres de commerce et d’industrie, dans les conseils économiques et sociaux des régions et dans les conseils des ordres professionnels, pour ne citer que ces instances. Beaucoup d’autres sont concernées.

Contre la précarité, saluons la facilitation de l’accès des parents modestes aux modes de garde existants, ce qui n’est pas rien, l’expérimentation du versement en tiers payant de la PAJE aux assistants maternels pour éviter les efforts de trésorerie des parents, ainsi que l’accès facilité aux crèches pour les mères s’inscrivant dans un parcours d’insertion. Tout cela est également positif.

Il y a aussi, et personne ne sera surpris que je m’y attarde un instant, concernant les violences faites aux femmes, la confirmation et le renforcement du dispositif de l’ordonnance de protection en faveur des femmes victimes de violences et tous autres, en particulier leurs enfants.

Puisque nous sommes au mois de juillet, rappelons que l’ordonnance de protection a maintenant quatre ans, puisque c’est la loi du 9 juillet 2010 qui l’a mise en place.

Je voudrais remercier la commission mixte paritaire d’être allée au bout du travail que nous avons mené ici, dans cette assemblée ; comme le disait Sandrine Mazetier il y a quelques instants, nous avons obtenu un vote favorable de la CMP sur la disposition que nous souhaitions inscrire dans le texte et qui permet à la femme victime de violence, et obligée de quitter son domicile, de pouvoir élire domicile non seulement à l’adresse de son avocat, mais aussi à celle d’une association ou d’une structure habilitée, « pour les actes de la vie courante ».

Tout cela est important : nous savons qu’il n’y a rien de banal en cette matière et que tout doit être fait pour privilégier ce qui favorise la sortie de crise, le redressement et la reconstruction d’une vie si longtemps abîmée.

Mais vous le savez bien, il y a dans cette loi des dispositions qui suscitent des réserves, lesquelles inspirent la position majoritaire de mon groupe.

Le groupe UMP a fait en effet ce choix d’une abstention qui s’efforce d’être la plus constructive possible, mais il ne peut aller au-delà.

La réforme du CLCA, avec la volonté d’un meilleur partage qui implique les pères, aura peut-être des conséquences auxquelles il nous faudra réfléchir, en particulier dans le cas où le père n’aura pas la possibilité d’utiliser ces six mois avant la fin des trente-six mois durant lesquelles l’arrivée d’un enfant fait bénéficier de cette prestation.

Il y a également, à l’article 3, l’interdiction de soumissionner aux marchés publics faite aux entreprises ne respectant pas l’égalité. Nous avons évoqué ici, au cours des précédentes lectures, la forme de double peine que, pour certains d’entre nous, instaure ce dispositif automatique, au risque de fragiliser certaines entreprises – ainsi que les femmes qui travaillent dans ces entreprises.

Il y avait aussi quelques points de désaccord qu’en fin de session je qualifierai de quasi picrocholins entre le Sénat et l’Assemblée. Nous avons réussi à résoudre ces désaccords en CMP.

II faut se féliciter de l’accord trouvé sur la question de l’entrée en vigueur de certaines dispositions de la loi Copé-Zimmermann, à l’article 20 bis. Nous souhaitions que les dispositions de cette loi du 27 janvier 2011 puissent entrer en application au 1er janvier 2017, tandis que le Sénat souhaitait une entrée en vigueur en 2020. La CMP a fort opportunément retenu notre proposition, de même qu’elle a retenu l’extension – que je salue – du dispositif aux sociétés non cotées de 250 à 499 salariés. Nous avons fait coup double : ne boudons pas notre plaisir. Je crois qu’il nous faut être très volontaristes.

Au final, mes chers collègues, madame la ministre, monsieur le rapporteur, je crois utile et objectif de dire que cette loi fait faire un pas appréciable à la cause des femmes, même s’il en faudra d’autres, car cet ouvrage doit être sans cesse remis sur le métier.

Certaines mesures que j’ai évoquées, en particulier celles des articles 2 et 3, conduisent mon groupe, dans sa grande majorité, à s’abstenir. Vous savez qu’en ce qui me concerne, de manière personnelle, avec mes deux collègues qui siégeaient avec moi au sein de la CMP, nous soutenons ce texte, malgré les réserves et les interrogations que nous pouvons avoir.

En matière d’égalité, il n’y a pas de vrais ni de faux combats : il y a tout simplement des avancées à réaliser, les unes après les autres. Certains combats font avancer la cause des femmes, et d’autres n’y parviennent pas. Bien que soutenant toute avancée en matière d’égalité, je ne peux, au nom de mon groupe, que regretter que certaines dispositions aient créé des tensions entre nous, des tensions qui auraient pu trouver leur place dans d’autres textes mais pas dans celui-ci.

Vous avez – je le dis sans aucune agressivité – imposé ce débat sur la suppression plus symbolique qu’effective de la notion de détresse en matière d’IVG. Vous savez, et il faut que nous l’assumions tous, que cela a provoqué des réactions très vives, qui ont entraîné une grande majorité de mes collègues vers l’abstention. C’est dommage. Je vous le redis, peut-être aurions-nous pu traiter ces questions d’une manière différente.

Et puis, monsieur le rapporteur, nous sommes en fin de séance, nous sommes en fin d’examen de ce texte, je suis au terme de mon propos : permettez-moi, sans aucune agressivité non plus, de noter cet entêtement que vous avez eu à propos du titre de la loi, entêtement qui nous a valu une très belle démonstration, malheureusement non suivie d’effet, du président de la commission des lois du Sénat. J’ai essayé de m’y raccrocher en formulant quelques éléments supplémentaires, qui n’ont pas eu l’heur de satisfaire la CMP. Je renouvelle la question que j’ai posée : notre loi, que je vais voter, va s’appeler « loi pour l’égalité réelle ». Comment s’appellera la prochaine ? Quel vocable trouverons-nous pour faire apparaître que cette fois-ci, c’est la bonne ? Je crains qu’en ayant voulu être trop précis, plus précis que le texte initial, nous ayons minoré l’importance de ce que nous avons tous ensemble réussi à faire.

Je vous demande d’excuser ces quelques minutes supplémentaires pour expliquer la position de mon groupe, qui s’abstiendra majoritairement. Votre serviteur, vous le savez, pour une série de raisons qu’il assume totalement, devant vous et devant son groupe, votera ce texte,…

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