Intervention de Jacques Moignard

Séance en hémicycle du 23 juillet 2014 à 15h00
Égalité entre les femmes et les hommes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Moignard :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur de la commission mixte paritaire, mesdames et messieurs les députés, si de nombreuses mesures ont été prises au cours des dernières années pour faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes, aucune loi n’a encore eu l’ambition d’aborder de front l’ensemble des thématiques la concernant.

Ce texte issu de la commission mixte paritaire que nous examinons ce soir aborde donc la question de l’égalité dans toutes ses dimensions, et c’est ce qui en fait la force.

J’évoquerai succinctement cinq des dimensions qu’il contient, qui ont d’ailleurs été reprises par mes prédécesseurs : l’égalité professionnelle, la lutte contre la précarité des femmes isolées, la protection des femmes contre toutes les violences, la santé et le bien-être, la juste représentation des femmes dans la société.

L’égalité professionnelle, tout d’abord.

En dépit de l’adoption de nombreuses lois sociales, par exemple la loi Roudy de 1983 sur l’égalité professionnelle, la place des femmes dans la vie économique est toujours marquée par de profondes inégalités. Ainsi, représentant la moitié des salariés du privé, elles n’occupent qu’un cinquième des postes de cadres dirigeants des entreprises du secteur privé.

La situation n’est guère meilleure dans la fonction publique, où l’État et les collectivités locales devraient pourtant être astreints à un devoir d’exemplarité.

Or les femmes, bien que légèrement majoritaires – 52 % –, sont peu présentes dans les fonctions d’encadrement et aux postes de responsabilité.

Ces inégalités professionnelles se reflètent, c’est bien connu, dans les revenus : celui des femmes reste toujours inférieur de 25 % à celui des hommes. Près d’une femme salariée sur trois travaille à temps partiel contre seulement 7 % des hommes, et, pour une part importante d’entre elles, il s’agit d’un temps partiel subi. Ces inégalités de situations se retrouvent jusque chez les personnes âgées : les femmes perçoivent une pension de retraite d’un montant moyen un tiers inférieur à celui des hommes.

Je me dois donc à cette tribune de mettre l’accent sur cette préoccupation majeure qui s’impose aux entreprises : mettre en oeuvre l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. La délégation aux droits des femmes s’est saisie rapidement de cette question et a examiné les améliorations qu’il convenait d’apporter dans l’immédiat. Ainsi, dès novembre 2012, la délégation a adopté des recommandations, notamment la mise en place d’une disposition appropriée indiquant que c’est par la voie de la négociation que sera privilégiée l’écriture du plan unilatéral de l’entreprise. Le projet de loi, en obligeant les organisations professionnelles à faire de la réduction des écarts de rémunérations une priorité, réduira fortement cette inégalité, de même qu’en instaurant une prestation partagée d’éducation de l’enfant, il favorisera le retour des femmes vers l’emploi et rééquilibrera la répartition des responsabilités parentales au sein du couple. D’ici à 2017, quelque 100 000 hommes pourront pendant six mois, s’ils le souhaitent, accéder au congé parental.

Rompre l’inégalité passe également par un renforcement de la lutte contre la précarité des femmes isolées. Une mère sur deux élevant seule ses enfants dit ne pas arriver à boucler son budget sans être à découvert. Et pour cause : presque la moitié des pensions alimentaires sont payées de façon irrégulière, ce qui pénalise des centaines de milliers de femmes et d’enfants. Le projet de loi a donc inventé une nouvelle forme de protection sociale : une garantie publique contre les impayés de pensions alimentaires. Voilà un véritable remède qui, il faut le savoir, va conduire à des attitudes désormais plus volontaristes.

Autre pierre angulaire de ce texte : la protection des femmes contre toutes les violences. Celles-ci sont sans aucun doute la première source d’inégalités entre les femmes et les hommes : il n’y a pas d’égalité pour une femme prisonnière chez elle ou harcelée dans le cadre de son travail. La lutte contre les violences faites aux femmes est un préalable aux politiques d’égalité. Il s’agit d’une réalité difficile à évaluer, notamment parce que, commises dans le huis clos du foyer familial ou à l’abri des regards, une très grande majorité d’entre elles ne sont ni signalées ni détectées. En tout état de cause, les auteurs de ces violences sexuées sont, dans l’immense majorité des cas, des hommes. Outre le plan d’action triennal lancé par le Gouvernement pour mieux protéger les femmes victimes de violences, le projet de loi prévoit notamment l’accélération de la délivrance de l’ordonnance de protection et l’allongement à six mois renouvelables de la durée pour laquelle lesdites mesures de protection sont prises. Il affirme aussi le principe d’éviction du domicile de l’auteur des violences et le maintien de la victime dans le logement. En effet, trop souvent, cette décision demeure encore une exception : ces dernières années, à peine un quart des affaires traitées ont fait l’objet de telles mesures. L’éviction de l’auteur doit devenir le principe, et l’avis de la victime recueilli systématiquement. Cela répond à un principe de justice : pas de double peine pour la victime.

La mobilisation doit également porter sur la santé, le bien-être et le bonheur, et non sur des archaïsmes éhontés. Il faut donc se féliciter de la suppression de la notion de « détresse » pour recourir à une interruption volontaire de grossesse. Désormais, une femme pourra y recourir si « elle ne veut pas poursuivre une grossesse », c’est-à-dire ne plus être enfermée dans une situation qu’elle ne peut maîtriser, qu’elle subit.

Autre volet important du texte : assurer une juste représentation des femmes dans toutes les sphères de la société, à commencer par la nôtre, élus de la nation. Malgré des progrès notables dus aux dispositifs mis en place par la loi constitutionnelle de juillet 1999, qui a inscrit l’objectif de parité dans notre Constitution, les femmes continuent à être sous-représentées dans les assemblées parlementaires et dans les collectivités territoriales – sauf ce soir, où j’ai compté plus de femmes que d’hommes dans l’hémicycle…À cette fin, ce projet de loi traduit l’engagement du Président de la République de renforcer les modulations financières pour les partis politiques qui ne respectent pas les objectifs de parité. La réforme doublera donc les pénalités applicables aux partis qui ne respectent pas la parité aux élections législatives, et elle appliquera le principe d’une représentation équilibrée dans diverses instances – fédérations sportives, chambres de commerce, chambres d’agriculture, etc.

Pour conclure, parce que cette loi s’adresse à toutes et à tous, parce qu’elle est une loi de progrès pour les femmes comme pour les hommes, parce qu’elle porte en elle les conditions d’une égalité réelle entre eux, parce qu’elle fera évoluer durablement les comportements, et enfin, parce que cette loi, au-delà des femmes et des hommes, est une loi pour une humanité en marche, le groupe radical, républicain, progressiste et démocrate y apporte tout son soutien.

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