Intervention de Pierre Lellouche

Séance en hémicycle du 16 septembre 2014 à 21h30
Lutte contre le terrorisme — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lellouche :

Avec toute l’estime que j’ai pour vous, monsieur le ministre, je ne peux accepter votre réponse. En France, où il existe différentes sortes de mercenaires, le mercenariat est encadré par la loi. L’activité de mercenaire ou de garde de sécurité dans un certain nombre de navires n’a rigoureusement rien à voir avec ce que vous tentez de faire à travers ce texte qui vise à dresser un filet afin d’empêcher des citoyens français et des binationaux résidant en France d’aller commettre des actes terroristes dans des zones où peuvent se produire des actes terroristes, des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité.

En qualifiant à l’avance – et je m’adresse au juriste que vous êtes, monsieur le ministre – les actes de terrorisme, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, vous réduisez l’entonnoir de façon très significative. Une personne pourra invoquer qu’elle n’est pas terroriste, qu’elle va simplement participer à un combat de libération. Ne pouvant pas savoir à l’avance si elle se livrera à des actes terroristes, vous ne pourrez pas la bloquer et le juge confirmera qu’elle est de bonne foi !

Nous y reviendrons à l’occasion de l’examen de mon amendement suivant, mais supposez qu’une personne se rende au Niger. Au Niger, il n’y a ni crimes contre l’humanité ni actes de guerre, mais de là on peut rejoindre Boko Haram ou le nord du Mali, en vue de participer à des opérations terroristes avec tel ou tel groupe comme le Mujao, ou gagner la Mauritanie.

Soyons sérieux ! Si nous voulons vraiment poser un filet pour empêcher que des citoyens français rejoignent le djihad, il faut que l’interdiction du territoire couvre les zones de guerre, et pas uniquement celles où se déroulent des activités terroristes, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. À défaut, nous nous ferons plaisir sur le plan du droit mais nous restreindrons la portée de ce texte jusqu’à le rendre inopérant.

Ce qui m’intéresse, et qui vous intéresse également, monsieur le ministre, c’est de réaffirmer qu’il n’y a aucune excuse et aucune justification au terrorisme. Ou bien nous combattons les terroristes, ou bien nous faisons semblant. Si vous voulez stopper les personnes qui rejoignent le djihad, il faut interdire de se rendre dans les zones où il y a a priori la guerre, sans savoir si se produiront des crimes de guerre ou si la personne se livrera à des activités terroristes.

Une personne peut fort bien partir pour jouer un rôle de soutien. En Irak et en Syrie, les jeunes femmes, qui sont parfois cloîtrées, sont employées à des activités subalternes : cuisine, traductions, interrogatoires. S’agit-il d’activités terroristes ? Expliquerez-vous au juge administratif, et peut-être au juge judiciaire, qu’il s’agit de crimes contre l’humanité ?

Soyons sérieux ! Ne comparez pas les mercenaires et les terroristes, et si vous voulez vraiment intercepter ces derniers, traitez-les comme des terroristes, c’est-à-dire comme des ennemis, et donnez à la loi une assise suffisamment large, tant sur le plan géographique que sur le plan des intentions.

Quant à ce qu’invoque le rapporteur, à savoir que l’ajout que je propose gênerait notre diplomatie, je lui rappelle que j’ai eu l’honneur de servir notre pays au Quai d’Orsay et, à ce titre, je sais quelles notifications le ministère adresse à nos ressortissants en cas de guerre ou de danger dans telle ou telle zone. Oui, il existe des zones de guerre, qui sont actées par le Quai d’Orsay, et ce sont elles que nous visons. Je ne vois pas en quoi cela gênerait notre diplomatie que nous informions nos concitoyens qu’ils ne doivent pas se rendre dans tel ou tel pays qui présente un danger. Et si une personne entend s’y rendre et que nous avons toutes les raisons de penser que c’est pour participer à des opérations de guerre, il faut l’arrêter.

Cessons de nous cacher derrière de faux arguments. Si vous êtes sérieux, nous voterons ce texte, mais si nous continuons à tourner autour du pot toute la soirée, alors la position du groupe UMP évoluera.

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