Vous auriez d’ailleurs pu remonter encore plus loin dans votre démonstration. C’est votre choix, mais nous, nous ne sommes pas de ce côté-là. Nous pourrions débattre longtemps, même si ce n’est pas le débat de ce soir, sur le rôle des juridictions administratives et sur le fait de savoir si l’État doit être jugé par une juridiction procédant, en quelque sorte, de lui-même. C’est un vieux débat. Pendant la dernière législature, quand vous n’étiez pas encore député, lors de la réforme constitutionnelle de 2008, nous avions d’ailleurs été un certain nombre de députés, de votre groupe également, à proposer des principes de réforme très importants. Je ne défends pas l’idée, que vous venez encore de promouvoir, selon laquelle l’action de l’État ne doit en aucun cas être jugée par des décisions judiciaires.
Cela étant, je n’apprécie pas beaucoup ce que vous avez laissé entendre : à savoir qu’il y aurait derrière cet amendement la volonté de remettre en cause perpétuellement l’action de l’État en général et de la police en particulier. Cela est totalement faux. Si vous aviez écouté mon intervention en discussion générale, vous sauriez que j’ai dit très clairement et très fermement notre totale détermination à lutter contre le terrorisme et à faire confiance d’abord et avant tout aux services de police et de renseignement plutôt qu’à des dispositions législatives hasardeuses ou d’affichage. Ne lançons donc pas de faux débats.
Monsieur le ministre, je comprends votre raisonnement, mais nous créons une disposition nouvelle. Ce n’est en effet pas tant un délit à proprement parler que quelque chose de très nouveau : parce que l’on présume qu’il peut y avoir des raisons de croire que quelqu’un pourrait commettre des actions terroristes, y compris à l’étranger, on va lui interdire de sortir du territoire. Il est difficile de faire des analogies avec des situations existantes. Vous avez parlé, monsieur le ministre, des interdictions de stade. Vous serez d’accord avec moi pour considérer que la restriction de liberté dans le cas d’une interdiction de sortie du territoire n’est pas tout à fait de la même portée qu’une interdiction de stade. L’assignation à résidence est encore une autre forme de restriction de liberté, et cela n’est pas de même nature que ce que propose l’article 1er.
Je veux bien entendre qu’il y ait parfois, en matière constitutionnelle, des interrogations et des interprétations. Il arrive d’ailleurs à tout gouvernement, y compris à celui-ci, et à tout parlementaire d’émettre des propositions d’amendement ou des propositions législatives qui, même lorsqu’elles sont votées, peuvent faire l’objet de décisions du Conseil constitutionnel. Il ne serait d’ailleurs pas inintéressant que ce dernier se prononce sur cette disposition très particulière et totalement nouvelle consistant à interdire à un ressortissant français de sortir du territoire. Notre groupe a dit qu’il ne s’opposait pas à cela par principe, ni au fait que la décision soit prise de façon administrative – ce n’est en effet pas une peine qui est prononcée par un tribunal –, parce qu’il existe des caractères d’urgence. Pour autant, l’idée que, par la suite, ce n’est pas à la personne qui fait l’objet de la mesure d’introduire un recours, mais à un juge indépendant de se prononcer, ne peut pas être balayée d’un revers de la main. C’est pourquoi nous maintenons cet amendement.