Monsieur le ministre, certaines des dernières interventions montrent bien l’absence de réflexion profonde de certains de nos collègues. Ceux-là de nos honorables collègues – pour faire un anglicisme – font preuve de pensée magique.
Premièrement, deux systèmes d’explication du monde s’affrontent très violemment. D’une part, le système défendu par ceux que nous appelons terroristes : il est totalement antinomique avec le nôtre ; il vise à le détruire et à le remplacer. Les terroristes nourrissent le fantasme profondément réactionnaire du retour à une collectivité originelle rêvée dans sa pureté et son unicité. C’est bien là l’idéologie que défendent les terroristes. Ce n’est pas pour autant que l’on doit parler de maladie !
Je le répète : cela nous paraît peut-être pathologique, mais cela ne relève pas d’une maladie au sens strict. Cela ne peut donc faire l’objet d’un soin ! Quelle est la maladie, au sens médical du terme, que vous voulez soigner ? Encore une fois, nous ne sommes pas dans le domaine de la thérapeutique : le terrorisme n’est pas une maladie identifiée que l’on pourrait soigner ! Tant que l’on ne rejette pas ces présupposés, on ne pourra pas avancer sur le plan intellectuel.
Deuxième dérive : j’ai entendu le terme « précarité ». C’est la deuxième fois, ce soir, que nous l’entendons. Mais c’est bien mal connaître l’être humain, qui n’est pas forcément rationnel, que d’imaginer – comme toujours, par pensée magique – que les terroristes naîtraient toujours dans les milieux défavorisés, opprimés. Mais il est certainement des jeunes gens et des jeunes filles nés dans les beaux quartiers de Paris qui – par rejet de leur famille, par crise d’adolescence, ou que sais-je encore – sont prêts à se révolter, sans être issus du Lumpenproletariat, sans correspondre aux défavorisés que vous décrivez.
Si vous partez dans ce type de raisonnement, vous ne pourrez pas aider M. le ministre de l’intérieur dans ses efforts, car vous n’aurez rien compris à l’essence même du terrorisme, qui relève de sentiments, de sensations, d’une vision du monde profondément enracinée, d’un idéal perverti. Je l’ai déjà dit hier : le terrorisme prend aussi racine dans une conception de la vie brève, d’une vie qui prend son sens dans un combat, dans la violence. Il témoigne du rejet de nos sociétés modernes, desquelles la violence est tellement exclue qu’elle nous revient en boomerang, en fin de compte, par les images télévisées – images que nous laissons d’ailleurs trop facilement voir à nos enfants : là est le véritable traumatisme.
De grâce, abandonnez donc cette idée de la rédemption universelle, y compris pour les personnes qu’on appelle terroristes. Abandonnez vos idées pseudo-psychologisantes à court terme, et vos idées sous-marxistes d’un Lumpenproletariat qui serait destiné à se révolter au moyen de la terreur ! Encore une fois, l’exemple de l’attentat des tours jumelles démontre que votre vision du monde est fausse, et n’est pas opérante.
Le 27/10/2014 à 10:08, laïc a dit :
"le terrorisme n’est pas une maladie identifiée que l’on pourrait soigner "
ça reste à prouver, toute forme d'agressivité excessive pouvant entraîner la mort de l'autre peut être considérée comme pathologique. Ou, si l'on considère l'agressivité comme normale, ce serait alors au tour de la civilisation d'être considérée comme pathologique, comme venant contrecarrer un processus normal et naturel.
L'agressivité est fort mal étudiée dans nos facultés de psychologie ou de sociologie, je ne sais même pas si elle étudiée en tant que telle, tellement l'homme a peur de lui-même et de se connaître vraiment...
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