Intervention de François-Michel Lambert

Séance en hémicycle du 18 septembre 2014 à 15h00
Taxis et voitures de transport avec chauffeur — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois-Michel Lambert :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur – cher Gilles Savary, que je salue pour avoir su prendre le relais rapidement sur ce texte –, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a pour objet de réguler la concurrence entre taxis et voitures de tourisme avec chauffeur, dites VTC. Elle est une réponse aux nombreuses manifestations de chauffeurs de taxi qui ont eu lieu en France, mais aussi en Europe, en raison de l’émergence soudaine, et en nombre, des VTC. La réglementation bien moins contraignante et les investissements moins nombreux nécessaires aux VTC ont en effet fini par créer une concurrence déloyale avec les taxis.

Mais, disons-le d’emblée, c’est le système de la licence des taxis qui est en réalité la cause principale des dysfonctionnements que subissent tant les clients que les chauffeurs eux-mêmes. La licence peut être transmise à titre onéreux, voire très onéreux. Son prix atteint 230 000 euros en moyenne à Paris, selon les chiffres du rapport rendu par le précédent rapporteur. Dans certaines villes, comme à Nice, le prix peut même atteindre 400 000 euros – encore s’agit-il des chiffres officiels. Il s’agit donc d’un investissement important, d’un patrimoine que se constituent les taxis. Avec ces licences, une grande partie de leur retraite est en jeu.

Mais il existe également des taxis locataires, qui ne sont pas tenus d’acheter une licence pour exercer leur profession, mais doivent en revanche verser une somme importante aux loueurs qui possèdent cette licence. Selon les chiffres du même rapport, cette somme peut atteindre 4 500 euros par mois. Le métier de taxi est quand même l’un des seuls où il faut payer pour travailler, le plus souvent dans des conditions rudes et stressantes, avec des fins de mois difficiles, à Paris comme dans nombre de villes de France.

S’il est de bon ton de se plaindre des taxis – un jeu marseillais –, il faut surtout dire que ce métier est dur et insuffisamment rémunéré. Si les chauffeurs de taxi manifestent, ce n’est pas pour conserver leur rente, mais bien pour tenter d’endiguer la dégradation continue de leurs conditions de travail et de leurs revenus financiers.

Quant aux chauffeurs de VTC, ils doivent acquérir une carte professionnelle de chauffeur de voiture de tourisme, d’un montant d’environ 100 euros, pour exercer leur profession. Leurs tarifs ne pourront donc qu’être déloyaux, dans la mesure où leur investissement de départ est sans commune mesure avec celui des taxis. On voit bien que les deux professions ne font pas face aux mêmes enjeux financiers.

Il fallait donc, sans jeter la pierre à personne, s’attaquer à la racine du problème, c’est-à-dire à cette distorsion de concurrence. À terme, il nous semble que la suppression totale du régime des licences soit la seule solution pour mettre fin aux difficultés que j’énonçais à l’instant. Bien sûr, et j’insiste là-dessus, aucun propriétaire de licence ne doit être lésé. Des solutions existent pour ménager tant les comptes publics que le droit de propriété des taxis. On pourrait, par exemple, convertir l’investissement dans la licence en droits à la retraite – cette proposition a déjà été évoquée par ailleurs. De cette manière, il n’y aurait que des gagnants, puisque tout le monde pourrait commencer à travailler, soit en véhicule de tourisme, soit en taxi, sans débourser des sommes pharamineuses. Bien sûr, un tel bouleversement, bénéfique, nécessite un débat plus approfondi, concernant notamment les sources de financement à trouver pour indemniser les chauffeurs de taxi. Je peux prédire sans grande difficulté que nous y reviendrons très vite.

Je constate que les bancs de la droite sont vides…

Un autre chantier important pour demain consiste à privilégier au maximum le co-partage, des taxis comme des VTC. La technologie connectée et les smartphones le permettent : la loi devra suivre. Il faudra favoriser encore et toujours l’intermodalité entre les différents transports et privilégier les transports collectifs. Il s’agit là d’un gisement extraordinaire, que nous devons savoir exploiter et préparer.

Mais ce n’était pas l’objet de cette proposition de loi, dont l’ambition affichée était de régler rapidement les dysfonctionnements liés à l’arrivée soudaine des VTC. Nous pensons qu’elle le permet, en apportant des solutions concrètes aux difficultés des taxis, sans nuire pour autant aux chauffeurs de VTC, comme l’a indiqué récemment leur fédération professionnelle. La commission n’a pas modifié le texte issu du Sénat : nous sommes donc proches du but.

Cette proposition de loi prévoit plusieurs mesures visant, d’une part, à adapter la profession de taxi à la concurrence – chacun a sa propre expérience de l’accueil dans certains taxis, pas tous, qui n’est pas toujours à la hauteur de nos attentes, nous pourrions en parler longuement –, et, d’autre part, à remettre à plat et mieux réguler la réglementation applicable aux VTC.

Pour résumer, cette loi impose aux taxis de se moderniser en échange d’une meilleure protection face à la concurrence des VTC.

Tout d’abord, la base de données publique et gratuite ouverte aux taxis permettra d’étendre leur monopole de maraude aux nouvelles technologies en en interdisant l’accès aux VTC.

Ensuite, la fin du système actuel de location et son remplacement par une location-gérance donneront à de nombreux taxis locataires la possibilité de disposer d’une réelle protection sociale, qui manque actuellement à nombre d’entre eux, en tant que commerçants indépendants.

En outre, l’incessibilité des nouvelles licences mettra un terme à la spéculation dont les taxis sont les premières victimes.

Enfin, la reprise en main de la procédure d’immatriculation des VTC et l’instauration d’un socle de sanctions permettront de rétablir l’équilibre entre les deux professions, en contrôlant plus étroitement les VTC.

Je ne reviendrai pas sur l’épisode malheureux de l’amendement déposé à la dernière minute dans cette assemblée, qui imposait aux VTC, dès qu’un client était déposé, de « retourner au lieu d’établissement de l’exploitant de cette voiture ou dans un lieu, hors de la chaussée, où le stationnement est autorisé ». Une telle mesure mettait purement et simplement fin aux VTC et détruisait tout le système que nous souhaitions mettre en place. En outre, par ses effets sur la circulation, l’énergie et le climat, elle constituait une aberration, puisqu’elle entraînait l’allongement ou la création de nouveaux circuits qui n’avaient pas lieu d’être. Je remercie donc les sénateurs d’avoir modifié cette disposition, en précisant que l’obligation ne s’appliquerait pas aux chauffeurs disposant de réservations leur permettant d’enchaîner avec une nouvelle course. Je ne doute pas que notre assemblée suivra, en tout état de cause, cette décision du Sénat.

Ainsi, même si la présente proposition de loi ne va pas aussi loin que nous le souhaitons – nous aurions aimé, en particulier, qu’elle s’attaque au problème principal que constituent les licences –, elle a néanmoins le mérite d’apporter un peu de justice et d’équilibre dans un conflit entre deux professions qui n’a que trop duré. Les écologistes voteront donc en faveur de ce texte, pour peu que l’équilibre trouvé soit maintenu au cours de nos débats.

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