Intervention de Philippe Duron

Séance en hémicycle du 18 septembre 2014 à 15h00
Taxis et voitures de transport avec chauffeur — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Duron :

Monsieur le secrétaire d’État, nous nous réjouissons de vous voir de nouveau au banc du Gouvernement, dans un ministère difficile et important pour le quotidien des Français comme pour le bon fonctionnement de l’économie.

Après vous, monsieur le secrétaire d’État, le groupe SRC tient à adresser ses condoléances à la famille du chauffeur de taxi décédé des suites d’une odieuse agression, qui nous rappelle le danger de cette difficile profession de taxi.

Je veux aussi saluer notre collègue Gilles Savary, qui a repris ce rapport avec le brio qu’on lui connaît et qu’il a encore démontré tout à l’heure dans sa présentation.

La proposition de loi relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur, adoptée en première lecture le 10 juillet dernier par notre assemblée, a été mise à l’ordre du jour du Sénat le 23 juillet. Elle revient amendée, améliorée, à l’Assemblée nationale. D’abord, ce fut en commission du développement durable et de l’aménagement du territoire le 10 septembre dernier et puis, ce soir, en séance publique.

Ce calendrier resserré montre, s’il en était besoin, l’urgence qu’il y a à délibérer et à stabiliser une situation de concurrence entre VTC et taxis qui avait provoqué inquiétudes et manifestations de la part des taxis, en France mais aussi dans d’autres pays.

La question des voitures de transport avec chauffeur, que l’on appelait jadis voitures « de grande remise », se pose sous un jour nouveau depuis 2009, et ce pour deux raisons. La première est d’ordre juridique : la loi sur le tourisme du 22 juillet 2009, dite « loi Novelli », avait libéralisé le statut des voitures de tourisme avec chauffeur pour pallier l’insuffisance des taxis et ses effets sur les touristes toujours plus nombreux qui visitent notre pays. La seconde est d’ordre technologique : l’irruption du smartphone et la possibilité de réserver et de payer en ligne une prestation de transport facilitaient la recherche d’une voiture, et le paiement par carte sécurisait le coût de la course.

La question des VTC s’inscrit dans un phénomène plus général de transformation des mobilités urbaines et interurbaines. L’explosion de l’éco-partage, qu’illustre bien Blablacar montre que nos concitoyens, en tant que consommateurs, recherchent des alternatives – plus souples, plus accessibles en termes d’usage et moins coûteuses – aux systèmes habituels de transport, qu’il s’agisse du train pour le transport intercités ou du taxi et des transports en commun pour le transport urbain.

La civilisation numérique rend possible des formes d’organisation et de mise en relation nouvelles, puissantes et diversifiées, qui donnent cette souplesse aux mobilités, permettent d’augmenter la mobilité des personnes sans véhicule et génèrent en même temps des coûts de transport maîtrisés qui se rapprochent de ce que l’on pourrait assimiler à des transports « low cost ».

Ces outils répondent de surcroît aux objectifs de transition écologique et énergétique en réduisant le nombre de véhicules en circulation, et donc la pollution atmosphérique. Ce mouvement puissant n’est pas une réalité nationale, c’est un phénomène que l’on retrouve dans de nombreux pays. Ce n’est pas non plus une économie marginale : les sociétés les plus puissantes s’y intéressent, les start-ups pionnières sur ce segment lèvent aujourd’hui des capitaux importants sur le marché financier, des sociétés de transport historiques s’intéressent à ces nouvelles formes de mobilité et y investissent.

Je pense bien sûr ici à la stratégie de diversification de la SNCF, qui a racheté l’année dernière les deux opérateurs de covoiturage Ecolutis, éditeur du site Easycovoiturage, et Green Cove, qui édite notamment le site 123envoiture.com, après avoir déjà investi dans le service d’auto-partage « Move about » et la start-up de location de voitures entre particuliers « Ouicar ».

En ce qui concerne les VTC, cette évolution connaît ici comme ailleurs un effet rapide et puissant mais dangereux. Qu’on en juge : on comptait 1 286 VTC en 2011 ; elles sont 7 213 en 2014. Une dizaine d’entreprises sont apparues sur le marché et, à côté d’elles, nous avons vu naître des opérateurs autrement puissants : les intermédiaires, qui mettent en relation les chauffeurs et les clients.

Il n’est pas dans l’esprit du groupe SRC de s’opposer à une évolution technologique et à un service nouveau qui apporte des solutions aux usagers et qui permet la création d’emplois nombreux. Le but de cette proposition de loi est de répondre à une situation de crise et de construire un équilibre entre les taxis et les VTC, c’est-à-dire entre deux formes de service de transport léger de personnes. Il est, bien entendu, d’accepter et de favoriser cette diversité de l’offre pour le transport de personnes, mais en l’encadrant dans un dispositif législatif.

Il faut l’encadrer, parce que nous ne voulons pas d’une concurrence dangereuse générée par l’ultra-libéralisation de 2009, qui n’apporte pas les garanties indispensables de sécurité des passagers, en termes tant d’assurance que de qualification des chauffeurs de VTC.

Les nouvelles règles instaurées par la proposition de loi, qui restent raisonnables, permettront de corriger ces insuffisances en garantissant tout à la fois la traçabilité des taxis et le contrôle des VTC.

Aux taxis, donc, le domaine de la maraude, c’est-à-dire la recherche du client sur la voie publique et les stations, pour peu qu’ils s’inscrivent eux aussi dans un processus de modernisation.

La proposition de loi instaure un registre national de disponibilité des taxis, qui disposera des informations relatives à l’identification du taxi, à sa disponibilité, à sa géolocalisation. Un open data public facilitera la relation entre le client et le taxi. C’est une modernisation de la maraude, une façon d’accélérer la recherche d’un taxi, souvent difficile pour le client.

Un amendement fait aussi obligation aux taxis de disposer d’un terminal de paiement par carte bancaire – la difficulté à payer par carte, anachronisme à l’heure du NFC, exaspérait en effet les usagers.

La réforme du régime des licences met fin à un abus : le marché de la cession, rendu de nouveau possible par la loi Pasqua de 1995 et qui conduisait à des pratiques plus que critiquables. La licence, dont le coût de revente atteignait parfois 250 000 euros à Paris, sera désormais incessible et réservée à des chauffeurs ayant déjà une pratique d’au moins deux ans.

La proposition de loi supprime également le statut de locataire, qui conduisait à une exploitation des chauffeurs – ceux-ci devaient s’acquitter de loyers de 4 000 euros par mois. Le système de location-gérance qui leur sera proposé corrige ces abus.

Devenir taxi est une longue course, qui exige un examen professionnel, la recherche d’une location, puis l’achat d’une licence : un long parcours, des journées de travail harassantes. La contrepartie d’un système clos, protégé, qui offre des garanties au client.

Ces garanties, le client doit aussi les trouver auprès des VTC. C’est la raison des conditions posées pour l’enregistrement des VTC, prévues à l’article 7, incluant notamment la vérification de la carte professionnelle, la souscription d’une assurance par la compagnie de VTC ou les intermédiaires, ainsi qu’un dépôt de garantie.

La discussion au Sénat a porté sur un certain nombre de dispositions qui avaient également fait débat dans notre assemblée.

Il s’agit tout d’abord de la question de la tarification, et celle de sa modification dans le cas où le client souhaite une évolution de la course. Il s’agit également du délicat problème du retour à la base ou sur un parking pour empêcher la maraude, réservée aux taxis. Il s’agit, encore, de la question du montant du dépôt de garantie, qui, s’il doit être suffisant pour s’assurer du sérieux de l’entrepreneur, ne doit pas être pour autant une entorse à la création de VTC. Il serait bon à cet égard, monsieur le secrétaire d’État, que vous éclairiez notre assemblée sur le montant de ce dépôt de garantie.

Les travaux du Sénat ont permis des avancées. Ainsi, le retour à la base n’est plus imposé entre deux courses préalablement réservées, y compris dans les gares et les aéroports.

Vous le voyez, mes chers collègues, le texte qui nous revient ne remet pas en cause le difficile équilibre qui avait été recherché par notre collègue Thomas Thévenoud dans cette proposition de loi. Il améliore des dispositions qui, pour beaucoup d’entre nous, faisaient problème et risquaient d’être lues comme des entraves à la liberté d’entreprendre.

Aujourd’hui, il est temps de conclure. C’est ce que nous demandent les entreprises de VTC. C’est pourquoi le groupe SRC suivra le Gouvernement et le rapporteur, qui nous encouragent à un vote conforme.

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