Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, comme vous l'aurez compris, nous ne sommes pas favorables au conseiller territorial. Nous sommes donc pour son abrogation.
Nous n'avons d'ailleurs pas bien compris à quoi il devait servir : à faire des économies ? À lier les départements à la région ? À recentraliser l'organisation territoriale de la France ? La petite taille des circonscriptions servant à l'élection de ces conseillers aurait en tout état de cause rendu difficile l'élaboration de schémas à l'échelle des régions. Surtout, notre crainte était que l'élection des conseillers territoriaux dans le cadre des cantons entraîne la négation de la région et de sa prospective stratégique.
Avec cet acte de recentralisation que cette réforme représentait à nos yeux, on voit mal comment, avec une base locale très réduite, les régions auraient eu à la fois le pouvoir et la légitimité nécessaires pour mettre en place schémas et politiques.
Déjà, la suppression de la taxe professionnelle a mis à mal l'autonomie fiscale des régions et des départements : leurs budgets étant désormais principalement alimentés par les dotations de l'État central, ce dernier est en position de force pour négocier. Il se trouve donc in fine en mesure d'orienter les politiques des régions, voire même de les faire participer à des politiques qui ne sont pas décidées au niveau régional mais directement par lui. C'est aussi pourquoi nous avons pu parler de phénomène de recentralisation.
La manoeuvre était d'ailleurs à peine voilée : l'ancien Président de la République avait, au cours de la campagne, émis l'idée de moduler les dotations attribuées aux collectivités territoriales en fonction de leur mise en oeuvre de la RGPP. Cette menace faisait là encore planer un doute sur l'autonomie des collectivités territoriales, du point de vue fiscal certes, mais pas seulement.
La création d'un conseiller territorial était également contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales, institutionnalisait le cumul des mandats, tant décrié par nos contemporains, et mettait à mal la parité : on voit mal comment un scrutin uninominal majoritaire pourrait faire élire plus de femmes. Déjà que les conseils généraux comptent très peu de femmes, les analyses montraient que le mode de scrutin retenu pour le conseiller territorial aboutirait à l'élection de 20 % de femmes seulement.
La réforme modifiait également le mode de financement des partis politiques en incluant les résultats obtenus aux élections locales dans la répartition des aides publiques. Fondée sur un scrutin de type uninominal, qui n'est pas favorable aux petits partis, elle nous faisait craindre que le financement de certains de ces derniers, comme le nôtre, diminue.
À cet égard, le principe de la suppression du conseiller territorial étant aujourd'hui arrêté, se pose maintenant la question du futur mode de scrutin. Vous le savez, nous sommes favorables à un mode de scrutin de type régional, c'est-à-dire à un scrutin de liste qui permette à toutes les familles politiques, ou à tout le moins à un certain nombre d'entre elles, de disposer d'élus, sachant qu'un tel mode de scrutin permettrait aussi de mieux respecter la parité. On me dira que les territoires seraient alors moins bien représentés. Mais leur représentation peut être réalisée de la même manière que par les scrutins régionaux, qui se font par département. On peut très bien diviser un département en trois ou quatre sections, sans même qu'il soit nécessaire de doter chaque section du même nombre d'élus, et organiser un scrutin de liste dans ce cadre.
Quant au scrutin binominal à deux tours qui semble aujourd'hui envisagé, il est une anomalie au sein des systèmes de vote actuels. Il n'y a guère qu'au Pays de Galles qu'un système approchant est en vigueur. Nous inventerions donc un nouveau mode de scrutin. Je ne suis pas certain que les citoyens s'y retrouvent alors que le scrutin de liste proportionnel à deux tours a l'avantage d'être déjà en place pour les communes de plus de 3 500 habitants et pour les régions. Il suffirait de l'étendre aux départements pour que les choses soient claires. C'est pourquoi nous souhaitons que ce type de scrutin soit adopté. Nous avons déposé un amendement à cet effet. Nous en reparlerons donc, s'agissant notamment des risques liés à la probable inconstitutionnalité du nouveau mode de scrutin proposé.
Comme vous pouvez le constater, j'ai fait court afin de ne pas allonger ces débats nocturnes, sachant que M. le ministre a déjà fait un voyage assez long aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)