Intervention de Jeanine Dubié

Séance en hémicycle du 15 novembre 2012 à 21h30
Abrogation du conseiller territorial — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJeanine Dubié :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un an après le Sénat, l'Assemblée nationale examine la proposition de loi relative à l'abrogation du conseiller territorial. Le mandat de celui-ci devait permettre aux mêmes élus de siéger à la fois au sein du conseil général du département d'élection et au sein du conseil régional de la région dont fait partie le département d'élection. Cette disposition aurait dû entrer en vigueur en mars 2014 et les conseillers territoriaux se substituer aux actuels conseillers généraux et conseillers régionaux. Cette substitution simultanée avait été rendue possible par l'adoption, en janvier 2010, de la loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et régionaux.

L'étude d'impact du projet de réforme territoriale était éloquente : « Il s'agit de rapprocher ces deux collectivités territoriales, département et région, à travers un élu commun. Ce nouvel élu développera à la fois une vision de proximité du fait de son ancrage territorial et une vision stratégique en raison des missions exercées par la région. Sa connaissance du mode de fonctionnement des structures des deux collectivités, de leurs compétences respectives et de leurs modalités d'intervention juridiques, techniques et financières lui permettra de favoriser une articulation plus étroite de leurs interventions respectives afin d'éviter les actions concurrentes ou redondantes sur un même territoire ». Que ces choses-là sont bien dites !

L'objectif affiché par l'exécutif était bien de remplacer les conseillers généraux et régionaux par les conseillers territoriaux. Sous prétexte d'organiser la complémentarité entre régions et départements, il s'agissait de diminuer le nombre d'élus locaux. Parmi les élus concernés on comptait, comme par hasard, deux fois plus d'élus de gauche que d'élus de droite. Toutefois, le nombre d'élus concernés ne représentait que 1 % du nombre total d'élus locaux, dont les indemnités représentent moins d'un millième des budgets des collectivités concernées et 1,2 % de leur budget de fonctionnement.

Ces conseillers territoriaux devaient être élus selon un mode de scrutin complexe : dans un cadre cantonal, 80 % d'élus auraient été élus au scrutin uninominal majoritaire à un tour, et les 20 % restants auraient été élus à la proportionnelle sur des listes auxquelles se seraient rattachés les candidats au scrutin majoritaire.

Déjà, à l'époque, les objections juridiques dirimantes s'accumulaient. Le Conseil d'État, avait exprimé le 15 octobre 2009 de nombreuses réserves d'État sur le mode de scrutin, celui-ci étant de nature « à porter atteinte à l'égalité comme à la sincérité du suffrage compte tenu des modalités complexes de la combinaison opérée entre le scrutin majoritaire et le scrutin proportionnel dans le cadre d'un scrutin à bulletin unique ». La doctrine considérait également que la création de conseillers territoriaux était douteuse d'un point de vue constitutionnel, puisqu'elle impliquait l'assimilation totale des conseils généraux et régionaux et des conseillers généraux et régionaux.

Le Gouvernement et sa majorité se sont, malgré tout, entêtés. S'ils ont abandonné un mode scrutin complexe, vaguement inspiré du mode de scrutin législatif allemand, qui aurait à coup sûr été censuré par le Conseil constitutionnel, le tableau fixant le nombre de conseillers territoriaux a, lui, été censuré à deux reprises : la première fois du fait des écarts démographiques entre différentes circonscriptions électorales, la seconde fois pour non-respect des prérogatives constitutionnelles du Sénat. Ces atermoiements n'étaient que la manifestation de la tentative pour la majorité de l'époque de passer en force une réforme à cadre constitutionnel constant puisque le Gouvernement de l'époque ne disposait pas de la majorité qualifiée requise pour réviser la Constitution afin de regrouper des niveaux de collectivités disposant d'un statut constitutionnel. À défaut d'une fusion entre départements et régions, la majorité a voulu fusionner les élus de ces collectivités.

Les analystes les plus perspicaces avaient prédit, dès 2009, que les conseillers territoriaux ne verraient jamais le jour. Avant même que le Sénat adopte la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui – proposition que les députés du groupe RRDP adopteront, bien évidemment –,…

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