Intervention de Harlem Désir

Séance en hémicycle du 20 octobre 2014 à 16h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 - projet de loi de finances pour 2015 — Article 30 et débat sur le prélèvement européen

Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, madame la présidente de la commission des affaires européennes, madame la rapporteure générale, madame la rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, mesdames et messieurs les députés, le débat relatif au prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne est important, non seulement parce qu’il porte sur l’une des lignes budgétaires les plus élevées en volume du projet de loi de finances, mais aussi parce qu’il nous donne l’occasion d’évaluer l’utilisation des fonds européens et d’en rendre compte, ainsi que d’analyser les relations financières entre la France et l’Union européenne, et l’apport des politiques communes européennes dans notre pays.

Le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne s’établit dans le projet de loi de finances pour 2015 à 21,042 milliards d’euros, en augmentation de 4 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2014.

Cela représente 8,1 % de nos recettes fiscales et c’est de facto l’un des montants les plus importants en discussion dans le cadre de ce projet de loi de finances.

Ce montant tient également au chevauchement qui existe entre deux périodes de programmation : les paiements qui seront inscrits dans le budget 2015 de l’Union européenne visent à couvrir les engagements de la période 2007-2013, la mise en oeuvre des politiques communes s’étant accélérée en fin de période, en même temps qu’ils assureront le lancement des politiques de la programmation 2014-2020. Ce phénomène classique en début de période a une incidence cyclique sur le niveau des contributions nationales.

La France est et continuera à être un contributeur important au budget de l’Union, le deuxième en volume après l’Allemagne. Son solde net négatif, qui s’est élevé à 8,4 milliards d’euros en 2013, fait de la France l’un des plus importants contributeurs nets – tantôt le deuxième, tantôt le troisième, selon les années.

Cependant, nous ne pouvons pas nous contenter d’une lecture comptable consistant à analyser des flux entre le budget de l’Union européenne et le budget national. Les avantages de notre appartenance à l’Union ne peuvent pas se résumer à cette seule donnée, aussi importante soit-elle dans la définition de notre trajectoire budgétaire nationale.

Parler du budget de l’Union européenne, c’est parler de notre projet pour l’Europe, des politiques européennes qui irriguent l’ensemble des pays de l’Union et chacun des territoires de notre pays, leur tissu économique, mais aussi la recherche, l’agriculture. C’est aussi parler de la réorientation de ces politiques au service de la croissance et de la création d’emploi.

Le budget de l’Union européenne pour l’année 2015, deuxième exercice du cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020, est encore en cours de négociation. Il s’élève à ce stade à 145 milliards d’euros en crédits d’engagement et 140 milliards d’euros en crédits de paiement, dans la position arrêtée par le Conseil.

Il servira, comme nous l’avons souhaité, la création d’activité et la solidarité, deux principes qui nous ont guidés tout au long des négociations du cadre financier pluriannuel 2014-2020. Cela, d’abord, grâce aux grandes politiques européennes dont les enveloppes sont déjà pré-allouées.

La politique agricole commune restera la première politique du budget de l’Union, ses moyens ayant été préservés à un haut niveau pour les sept prochaines années.

Avec un budget de 64 milliards d’euros pour la France sur la période 2014-2020, et une augmentation de l’enveloppe du deuxième pilier en faveur du développement rural, le gouvernement a fait le choix de soutenir encore davantage la production animale, ainsi que l’élevage dans les zones difficiles. La politique agricole commune représentera donc plus de 9 milliards d’euros d’aides directes par an pour les agriculteurs français.

La politique agricole commune réformée sera plus juste, plus verte, mieux régulée. Nous sommes convaincus que le soutien à nos agriculteurs et au secteur agroalimentaire est crucial, non seulement pour assurer une alimentation de qualité des Français mais aussi pour assurer l’avenir d’une filière qui représente un potentiel important en matière de croissance, d’innovation, d’exportations et d’emploi.

La politique de cohésion représente le deuxième poste budgétaire du cadre financier pluriannuel. Elle permettra de soutenir les initiatives portées, là aussi, par nos territoires.

La France a obtenu en août dernier la validation de son accord de partenariat avec la Commission européenne, qui régira l’utilisation de plus de 26 milliards d’euros de fonds structurels et d’investissements en faveur de l’économie locale, de la croissance durable et du développement humain au cours des sept prochaines années.

Il nous faut désormais tout mettre en oeuvre pour que ces crédits puissent être déployés le plus rapidement possible. Les régions et l’État s’y attellent, grâce à un dialogue nourri avec la Commission. Et nous avons toute confiance dans les régions, qui auront autorité de gestion sur la très grande majorité de ces crédits, pour maximiser leur effet de levier sur le développement de nos territoires.

La France pose ainsi un acte de décentralisation fort et rejoint la pratique courante de la majorité de ses partenaires européens. C’est ainsi qu’elle a été le premier État membre à voir son programme opérationnel relatif à l’initiative européenne pour la jeunesse adopté par la Commission.

Ce programme est essentiel, comme j’ai pu le mesurer sur le terrain à l’occasion de plusieurs déplacements : les 620 millions d’euros dont va bénéficier la France à ce titre sur la période 2014-2015 permettront de mieux accompagner les jeunes, afin qu’ils retrouvent une formation, un emploi, et puissent véritablement débuter dans la vie active, afin aussi d’éviter qu’ils ne décrochent du système scolaire et ne restent ensuite à l’écart du marché du travail.

Cette idée de garantie pour la jeunesse, qui a été portée par le Président de la République dans les négociations européennes, est aujourd’hui une réalité en Europe. Elle est en train de s’étendre dans tous les pays dont certaines régions présentent un taux de chômage des jeunes supérieur à 25 %. Au-delà de sa phase d’expérimentation, il nous faudra la pérenniser sur toute la période qui va jusqu’à 2020.

Je me réjouis aussi de l’adoption du programme opérationnel relatif au Fonds social européen car, là aussi, ce sont des crédits – 2,9 milliards d’euros – très utiles pour gagner la bataille de l’emploi. Ils permettront de soutenir le retour à l’emploi des chômeurs, la formation professionnelle, l’inclusion sociale et la lutte contre le décrochage scolaire.

Ce programme national sera complété par vingt-deux programmes régionaux dans l’Hexagone et huit dans les départements et régions d’outre-mer, auxquels le Fonds social européen contribuera à hauteur de 2,88 milliards d’euros. Les départements et territoires d’outre-mer sont de très grands bénéficiaires des politiques européennes. Nous y veillons, évidemment.

Au-delà de ces enveloppes qui sont pré-allouées, nous devons davantage encore développer les réflexes européens dans les différents secteurs de notre vie économique et sociale, en répondant plus systématiquement et de manière plus efficace aux appels à projets et à propositions qui sont lancés par la Commission européenne.

Je voudrais en souligner l’importance dans deux domaines, avec deux politiques européennes décisives pour l’avenir et qui participent également de l’amélioration de notre compétitivité.

Le premier domaine, c’est la politique de recherche et d’innovation, à travers le programme Horizon 2020 dont le budget a été porté à 79 milliards d’euros sur la période 2014-2020, en augmentation de 38 % par rapport à la période précédente.

Ce programme est essentiel si nous – les pays européens dans leur ensemble – voulons atteindre l’objectif que nous nous sommes fixés de consacrer 3 % de notre PIB à la recherche et à l’innovation. L’utilisation des fonds de ce programme est également essentielle car la recherche et l’innovation française ne peuvent se concevoir sans lien ni coordination avec la recherche européenne, avec ses laboratoires et ses universités, voire sans une dimension pleinement internationale.

Ce programme, enfin, est essentiel si nous voulons tirer profit du potentiel de nos laboratoires, en créant des emplois, des activités, et les produits de demain. Destiné pour l’essentiel aux centres de recherche et aux universités, il est aussi utile au tissu économique des entreprises, grandes, petites et moyennes, pour autant qu’elles déposent – à temps – des projets.

Il faut donc que nous allions chercher ces financements, que nous augmentions notre taux de retour, qui est actuellement de l’ordre de 12,6 %, soit moins que le taux de notre contribution au budget de l’Union européenne. C’est un défi qu’il nous faut relever.

Le second domaine, ce sont les grands projets de transports européens qui passent par le territoire français. Nous sommes certes heureux de contribuer d’une façon générale au financement des infrastructures de transport en Europe, mais nous sommes aussi concernés très directement.

Le Premier ministre a annoncé l’engagement fort de la France afin de réaliser le canal Seine-Nord ainsi que la ligne ferroviaire Lyon-Turin. Là encore, nous avons plaidé pour une augmentation très substantielle de l’enveloppe allouée à ces grands projets en ayant à l’esprit que nos deux projets éligibles doivent bénéficier de 40 % de financements en provenance du Mécanisme d’interconnexion pour l’Europe.

Vous le voyez, ce budget européen vise clairement à répondre aux défis de nos territoires, de la cohésion sociale, de l’emploi, de l’économie et de l’avenir. Il permet également de répondre aux crises les plus urgentes.

Je pense d’abord à l’aide humanitaire d’urgence, qui permet de financer des actions sur plusieurs terrains de crise – en Syrie et à ses frontières, au Soudan, en République centrafricaine –, mais aussi à notre action en faveur de l’Ukraine. L’Union vient de débourser dès cette année 250 millions d’euros à travers l’Instrument européen de voisinage pour venir en aide à ce pays.

Je pense aussi plus généralement au financement de l’action extérieure de l’Union qui s’adresse aux pays du voisinage bien sûr, mais aussi à ceux qui ont vocation à rejoindre l’Union, comme les pays des Balkans occidentaux, qui bénéficient des crédits de préadhésion. La politique de voisinage est également très importante pour les pays voisins de la rive sud de la Méditerranée, en particulier la Tunisie que nous devons absolument soutenir dans sa transition démocratique.

Avant de conclure, j’évoquerais le plan de relance de 300 milliards d’euros que le président élu de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a proposé et qu’il précisera après son investiture par le Parlement européen – vraisemblablement cette semaine à Strasbourg – et sa prise de fonctions.

Le soutien à l’investissement, qui a chuté de 15 % dans l’Union européenne depuis 2008, doit constituer notre priorité, d’autant plus que les besoins en la matière sont colossaux, en particulier dans les secteurs décisifs pour la croissance potentielle et future de l’Europe des infrastructures, de l’énergie, des télécommunications et du numérique. Nous devrons mobiliser le budget de l’Union européenne, déjà extrêmement sollicité, mais aussi créer de nouveaux instruments afin de mieux utiliser ce qui existe tels les project bonds créés par la Banque européenne d’investissement. Voilà, mesdames et messieurs les députés, ce que je souhaitais vous dire aujourd’hui. La procédure de conciliation entre le Conseil et le Parlement européen à propos du budget 2015 s’engagera fin octobre. Naturellement, nous ne relâcherons pas notre vigilance afin que les fonds européens soient bien calibrés et dépensés au mieux. Les citoyens européens attendent de nous que nous leur démontrions la valeur ajoutée de l’action menée par l’Union européenne. Je sais pouvoir compter sur le soutien de l’Assemblée nationale.

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