La séance est ouverte.
La séance est ouverte à seize heures.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2015 (nos 2234, 2260).
Nous en venons, dans les conditions arrêtées par la Conférence des présidents, à l’article 30 relatif à l’évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, madame la présidente de la commission des affaires européennes, madame la rapporteure générale, madame la rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, mesdames et messieurs les députés, le débat relatif au prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne est important, non seulement parce qu’il porte sur l’une des lignes budgétaires les plus élevées en volume du projet de loi de finances, mais aussi parce qu’il nous donne l’occasion d’évaluer l’utilisation des fonds européens et d’en rendre compte, ainsi que d’analyser les relations financières entre la France et l’Union européenne, et l’apport des politiques communes européennes dans notre pays.
Le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne s’établit dans le projet de loi de finances pour 2015 à 21,042 milliards d’euros, en augmentation de 4 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2014.
Cela représente 8,1 % de nos recettes fiscales et c’est de facto l’un des montants les plus importants en discussion dans le cadre de ce projet de loi de finances.
Ce montant tient également au chevauchement qui existe entre deux périodes de programmation : les paiements qui seront inscrits dans le budget 2015 de l’Union européenne visent à couvrir les engagements de la période 2007-2013, la mise en oeuvre des politiques communes s’étant accélérée en fin de période, en même temps qu’ils assureront le lancement des politiques de la programmation 2014-2020. Ce phénomène classique en début de période a une incidence cyclique sur le niveau des contributions nationales.
La France est et continuera à être un contributeur important au budget de l’Union, le deuxième en volume après l’Allemagne. Son solde net négatif, qui s’est élevé à 8,4 milliards d’euros en 2013, fait de la France l’un des plus importants contributeurs nets – tantôt le deuxième, tantôt le troisième, selon les années.
Cependant, nous ne pouvons pas nous contenter d’une lecture comptable consistant à analyser des flux entre le budget de l’Union européenne et le budget national. Les avantages de notre appartenance à l’Union ne peuvent pas se résumer à cette seule donnée, aussi importante soit-elle dans la définition de notre trajectoire budgétaire nationale.
Parler du budget de l’Union européenne, c’est parler de notre projet pour l’Europe, des politiques européennes qui irriguent l’ensemble des pays de l’Union et chacun des territoires de notre pays, leur tissu économique, mais aussi la recherche, l’agriculture. C’est aussi parler de la réorientation de ces politiques au service de la croissance et de la création d’emploi.
Le budget de l’Union européenne pour l’année 2015, deuxième exercice du cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020, est encore en cours de négociation. Il s’élève à ce stade à 145 milliards d’euros en crédits d’engagement et 140 milliards d’euros en crédits de paiement, dans la position arrêtée par le Conseil.
Il servira, comme nous l’avons souhaité, la création d’activité et la solidarité, deux principes qui nous ont guidés tout au long des négociations du cadre financier pluriannuel 2014-2020. Cela, d’abord, grâce aux grandes politiques européennes dont les enveloppes sont déjà pré-allouées.
La politique agricole commune restera la première politique du budget de l’Union, ses moyens ayant été préservés à un haut niveau pour les sept prochaines années.
Avec un budget de 64 milliards d’euros pour la France sur la période 2014-2020, et une augmentation de l’enveloppe du deuxième pilier en faveur du développement rural, le gouvernement a fait le choix de soutenir encore davantage la production animale, ainsi que l’élevage dans les zones difficiles. La politique agricole commune représentera donc plus de 9 milliards d’euros d’aides directes par an pour les agriculteurs français.
La politique agricole commune réformée sera plus juste, plus verte, mieux régulée. Nous sommes convaincus que le soutien à nos agriculteurs et au secteur agroalimentaire est crucial, non seulement pour assurer une alimentation de qualité des Français mais aussi pour assurer l’avenir d’une filière qui représente un potentiel important en matière de croissance, d’innovation, d’exportations et d’emploi.
La politique de cohésion représente le deuxième poste budgétaire du cadre financier pluriannuel. Elle permettra de soutenir les initiatives portées, là aussi, par nos territoires.
La France a obtenu en août dernier la validation de son accord de partenariat avec la Commission européenne, qui régira l’utilisation de plus de 26 milliards d’euros de fonds structurels et d’investissements en faveur de l’économie locale, de la croissance durable et du développement humain au cours des sept prochaines années.
Il nous faut désormais tout mettre en oeuvre pour que ces crédits puissent être déployés le plus rapidement possible. Les régions et l’État s’y attellent, grâce à un dialogue nourri avec la Commission. Et nous avons toute confiance dans les régions, qui auront autorité de gestion sur la très grande majorité de ces crédits, pour maximiser leur effet de levier sur le développement de nos territoires.
La France pose ainsi un acte de décentralisation fort et rejoint la pratique courante de la majorité de ses partenaires européens. C’est ainsi qu’elle a été le premier État membre à voir son programme opérationnel relatif à l’initiative européenne pour la jeunesse adopté par la Commission.
Ce programme est essentiel, comme j’ai pu le mesurer sur le terrain à l’occasion de plusieurs déplacements : les 620 millions d’euros dont va bénéficier la France à ce titre sur la période 2014-2015 permettront de mieux accompagner les jeunes, afin qu’ils retrouvent une formation, un emploi, et puissent véritablement débuter dans la vie active, afin aussi d’éviter qu’ils ne décrochent du système scolaire et ne restent ensuite à l’écart du marché du travail.
Cette idée de garantie pour la jeunesse, qui a été portée par le Président de la République dans les négociations européennes, est aujourd’hui une réalité en Europe. Elle est en train de s’étendre dans tous les pays dont certaines régions présentent un taux de chômage des jeunes supérieur à 25 %. Au-delà de sa phase d’expérimentation, il nous faudra la pérenniser sur toute la période qui va jusqu’à 2020.
Je me réjouis aussi de l’adoption du programme opérationnel relatif au Fonds social européen car, là aussi, ce sont des crédits – 2,9 milliards d’euros – très utiles pour gagner la bataille de l’emploi. Ils permettront de soutenir le retour à l’emploi des chômeurs, la formation professionnelle, l’inclusion sociale et la lutte contre le décrochage scolaire.
Ce programme national sera complété par vingt-deux programmes régionaux dans l’Hexagone et huit dans les départements et régions d’outre-mer, auxquels le Fonds social européen contribuera à hauteur de 2,88 milliards d’euros. Les départements et territoires d’outre-mer sont de très grands bénéficiaires des politiques européennes. Nous y veillons, évidemment.
Au-delà de ces enveloppes qui sont pré-allouées, nous devons davantage encore développer les réflexes européens dans les différents secteurs de notre vie économique et sociale, en répondant plus systématiquement et de manière plus efficace aux appels à projets et à propositions qui sont lancés par la Commission européenne.
Je voudrais en souligner l’importance dans deux domaines, avec deux politiques européennes décisives pour l’avenir et qui participent également de l’amélioration de notre compétitivité.
Le premier domaine, c’est la politique de recherche et d’innovation, à travers le programme Horizon 2020 dont le budget a été porté à 79 milliards d’euros sur la période 2014-2020, en augmentation de 38 % par rapport à la période précédente.
Ce programme est essentiel si nous – les pays européens dans leur ensemble – voulons atteindre l’objectif que nous nous sommes fixés de consacrer 3 % de notre PIB à la recherche et à l’innovation. L’utilisation des fonds de ce programme est également essentielle car la recherche et l’innovation française ne peuvent se concevoir sans lien ni coordination avec la recherche européenne, avec ses laboratoires et ses universités, voire sans une dimension pleinement internationale.
Ce programme, enfin, est essentiel si nous voulons tirer profit du potentiel de nos laboratoires, en créant des emplois, des activités, et les produits de demain. Destiné pour l’essentiel aux centres de recherche et aux universités, il est aussi utile au tissu économique des entreprises, grandes, petites et moyennes, pour autant qu’elles déposent – à temps – des projets.
Il faut donc que nous allions chercher ces financements, que nous augmentions notre taux de retour, qui est actuellement de l’ordre de 12,6 %, soit moins que le taux de notre contribution au budget de l’Union européenne. C’est un défi qu’il nous faut relever.
Le second domaine, ce sont les grands projets de transports européens qui passent par le territoire français. Nous sommes certes heureux de contribuer d’une façon générale au financement des infrastructures de transport en Europe, mais nous sommes aussi concernés très directement.
Le Premier ministre a annoncé l’engagement fort de la France afin de réaliser le canal Seine-Nord ainsi que la ligne ferroviaire Lyon-Turin. Là encore, nous avons plaidé pour une augmentation très substantielle de l’enveloppe allouée à ces grands projets en ayant à l’esprit que nos deux projets éligibles doivent bénéficier de 40 % de financements en provenance du Mécanisme d’interconnexion pour l’Europe.
Vous le voyez, ce budget européen vise clairement à répondre aux défis de nos territoires, de la cohésion sociale, de l’emploi, de l’économie et de l’avenir. Il permet également de répondre aux crises les plus urgentes.
Je pense d’abord à l’aide humanitaire d’urgence, qui permet de financer des actions sur plusieurs terrains de crise – en Syrie et à ses frontières, au Soudan, en République centrafricaine –, mais aussi à notre action en faveur de l’Ukraine. L’Union vient de débourser dès cette année 250 millions d’euros à travers l’Instrument européen de voisinage pour venir en aide à ce pays.
Je pense aussi plus généralement au financement de l’action extérieure de l’Union qui s’adresse aux pays du voisinage bien sûr, mais aussi à ceux qui ont vocation à rejoindre l’Union, comme les pays des Balkans occidentaux, qui bénéficient des crédits de préadhésion. La politique de voisinage est également très importante pour les pays voisins de la rive sud de la Méditerranée, en particulier la Tunisie que nous devons absolument soutenir dans sa transition démocratique.
Avant de conclure, j’évoquerais le plan de relance de 300 milliards d’euros que le président élu de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a proposé et qu’il précisera après son investiture par le Parlement européen – vraisemblablement cette semaine à Strasbourg – et sa prise de fonctions.
Le soutien à l’investissement, qui a chuté de 15 % dans l’Union européenne depuis 2008, doit constituer notre priorité, d’autant plus que les besoins en la matière sont colossaux, en particulier dans les secteurs décisifs pour la croissance potentielle et future de l’Europe des infrastructures, de l’énergie, des télécommunications et du numérique. Nous devrons mobiliser le budget de l’Union européenne, déjà extrêmement sollicité, mais aussi créer de nouveaux instruments afin de mieux utiliser ce qui existe tels les project bonds créés par la Banque européenne d’investissement. Voilà, mesdames et messieurs les députés, ce que je souhaitais vous dire aujourd’hui. La procédure de conciliation entre le Conseil et le Parlement européen à propos du budget 2015 s’engagera fin octobre. Naturellement, nous ne relâcherons pas notre vigilance afin que les fonds européens soient bien calibrés et dépensés au mieux. Les citoyens européens attendent de nous que nous leur démontrions la valeur ajoutée de l’action menée par l’Union européenne. Je sais pouvoir compter sur le soutien de l’Assemblée nationale.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste
La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames les présidentes des commissions des affaires étrangères et des affaires européennes, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de finances donne lieu cette année à un utile débat sur la contribution de la France au budget de l’Union européenne qui n’a pas eu lieu l’an dernier. Afin d’en préciser le cadre, rappelons quelques chiffres du PLF. La France contribue chaque année à hauteur d’une vingtaine de milliards d’euros au budget européen, 21 milliards en 2015. Elle contribue également à différents mécanismes dont le Mécanisme européen de stabilité financière, le MESF. Une soixantaine de milliards d’euros de notre dette découle directement de notre contribution au budget de l’Union européenne, dont notre pays est le deuxième contributeur.
Mais l’important n’est pas tant la contribution budgétaire de 20 milliards d’euros, soit 1 % de notre PIB, que l’adéquation entre le cap de notre politique économique et celui de la politique économique européenne, question d’autant plus cruciale que le risque de déflation, poison à mort lente, est réel. On ne ressent pas tout de suite les effets insidieux de la déflation. Face à la baisse de la valeur des actifs dans les bilans des entreprises, bancaires en particulier, et à la diminution de l’activité économique, on attend et au fond on ne fait rien. Le meilleur moyen de lutter contre la déflation est de ne jamais y entrer car il est très difficile d’en sortir. Le cas japonais montre bien que la déflation, en tout cas quelques-unes de ses conséquences, n’a pas disparu en vingt ans.
J’ai l’intuition que nous en sommes à un point où l’économie française, mais aussi européenne, court le risque d’entrer en déflation. Cette intuition ne repose pas sur des prévisions mais sur au moins trois éléments : le très faible niveau d’inflation et surtout les anticipations d’inflation à dix ans par les marchés financiers, la faiblesse des taux d’investissement dans toute l’Europe, lesquels ont vraiment décroché depuis 2011, et, bien entendu, le niveau de chômage très élevé de nos économies européennes qui pèse sur les salaires et crée une spirale déflationniste. Face à cette crainte croissante, qu’avons-nous fait ? Tout dépend de qui est « nous ». Si c’est la Banque centrale européenne, elle a pris les devants pour agir. En baissant les taux d’intérêt au plus bas et en accordant des liquidités aux banques européennes, elle a donné le signal très fort de son engagement à faire tout ce qui est en son pouvoir pour faire repartir la machine européenne. Néanmoins, elle a également rappelé que la politique monétaire ne peut être efficace que soutenue par une politique budgétaire ambitieuse.
Si c’est la France, elle a agi dès novembre 2012 en se mobilisant pour que les entreprises relancent l’investissement avec des capacités renforcées, en particulier grâce au crédit d’impôt compétitivité emploi, le CICE, lequel représente 20 milliards d’euros, et veille à l’équilibre entre réduction des déficits et préservation de la croissance. Sacrifier le soutien à la croissance pour assainir rapidement les finances publiques se révèle contre-productif car les recettes publiques diminuent en l’absence de croissance, ce qui contraint à de nouvelles augmentations d’impôts visant à compenser la baisse des recettes et entraîne un cercle vicieux. Abandonner l’objectif de réduction du déficit public est tout aussi contre-productif car cela place à terme le pays en situation de dépendance vis-à-vis des investisseurs étrangers pour le financement de sa dette et finit par nuire à la croissance économique.
Enfin, si c’est l’Europe, le temps est venu de mettre franchement le cap sur l’investissement. Les parlementaires des vingt-huit pays de l’Union européenne, lors de la conférence interparlementaire qui s’est tenue à Rome les 29 et 30 septembre derniers, sont quasiment tous tombés d’accord que le risque économique auquel notre continent est exposé est la déflation. Nous nous sommes collectivement retrouvés face à un problème d’accroissement de la dette publique. En vue de le résoudre, nous avons collectivement mené des politiques de contraction. Si un pays le fait seul, cela n’a pas de conséquence sur la croissance économique globale mais si tous les pays le font en même temps, cela accélère la chute de la demande européenne, restreint les débouchés de nos entreprises et crée du chômage qui lui-même entraîne une baisse de la demande. C’est un cercle vicieux !
Le débat est le suivant : ou bien on persévère à faire de l’assainissement des finances publiques l’objectif numéro un en oubliant tout le reste, auquel cas il y a peu de chances que l’économie européenne redémarre et échappe à la déflation, ou bien c’est la croissance économique dont on fait l’objectif numéro un et on aura alors une chance d’échapper à la déflation. Mais il importe d’écouter tous les pays, en particulier ceux qui ont consenti de gros efforts budgétaires au cours des dernières années comme l’Espagne, le Portugal, l’Italie et la Grèce. Miser sur la croissance économique n’oblige pas à abandonner l’objectif d’assainissement des finances publiques. Les deux peuvent et doivent être menés de pair.
Il s’agit d’un équilibre savant, j’en conviens. Refaire de la croissance économique l’objectif numéro un, c’est mettre en oeuvre dès maintenant le plan d’investissement de 300 milliards d’euros annoncé par le nouveau président de la Commission européenne, M. Juncker. L’évolution de l’Europe et des États-Unis depuis 2011 en matière d’investissement fait apparaître un écart croissant. L’investissement américain est reparti dès 2009 et continue à progresser en pourcentage de PIB. La dynamique européenne, au contraire, a décroché depuis 2011 et se situe en 2013 à l’un de ses plus bas niveaux. Il importe donc de répondre à la question posée à Rome et toujours sans réponse : qui doit mener les investissements ? S’agit-il d’investissements publics ou privés ? Les différents pays européens ont sur ce point des opinions divergentes.
Pour en revenir au débat de ce jour et au projet de loi de finances qui nous occupe, je voudrais dire un mot des amendements relatifs à la contribution de la France au budget de l’Union européenne. J’écarte d’emblée les traditionnels amendements visant à la minorer et m’intéresserai aux deux amendements défendus jeudi et vendredi derniers par nos collègues Pascal Cherki et Pierre-Alain Muet. Le premier vise à soustraire du calcul du déficit public la contribution française à l’Union européenne. Le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne, dont j’ai rappelé qu’il s’élève à 21 milliards d’euros, est une dépense sous norme, c’est-à-dire que son augmentation oblige à en diminuer d’autres. Autrement dit, si la Commission européenne nous demande d’augmenter notre contribution, ce qu’elle fait de temps à autre, il faut diminuer d’autres dépenses. En 2014, la Commission européenne nous a demandé à quatre reprises de revoir notre contribution, ce qui nous a obligé à réduire d’autres dépenses dès lors qu’il s’agit d’une contribution sous norme. L’amendement a été rejeté mais a eu le mérite de soulever la question et d’enclencher au sein de notre hémicycle un débat important.
Le second amendement porte sur la contribution de chaque pays au budget de la défense. La France et le Royaume-Uni, dont les dépenses de défense représentent respectivement 2,2 % et 2,4 % de leurs PIB, supportent à eux seuls 40 % des dépenses militaires de l’Union européenne. Certes, il s’agit de choix de souveraineté qu’il n’est pas question de remettre en cause. Mais la France qui combat Daech ou d’autres extrémistes au Mali et en Centrafrique lutte pour les valeurs européennes. Dès lors, est-il juste qu’elle en supporte seule le coût ? Notre assemblée a également rejeté l’amendement mais il a eu le mérite de soulever la question et d’ouvrir le débat. Il s’agit de questions essentielles pour l’équilibre européen et l’objectif que nous nous fixons. Le débat mérite d’être ouvert avec l’ensemble de nos partenaires européens pour que le terme « juste contribution » procède d’une vraie justice.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste
La parole est à Mme Estelle Grelier, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mesdames les présidentes des commissions des affaires étrangères et des affaires européennes, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, je me réjouis de la réintroduction en séance publique du débat relatif au prélèvement européen en faveur duquel notre commission, sa présidente Elisabeth Guigou en particulier, a toujours plaidé. Nous avons souvent déploré auprès du président Bartolone la mauvaise manière faite aux sujets européens et à la question centrale de la contribution française au budget communautaire, donc des moyens alloués à la mise en oeuvre du projet. Je remercie donc le président Bartolone d’avoir rétabli le débat qui a aussi le mérite de mieux associer les parlements nationaux aux sujets européens, ce que tous nous souhaitons.
La commission des affaires étrangères s’est saisie pour avis, comme elle le fait traditionnellement, de l’article 30 du projet de loi de finances pour 2015 évaluant à 21,042 milliards d’euros le prélèvement sur recettes au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne, ce qui représente près de 7 % du budget de l’État, soit une progression de 2,9 % par rapport à l’année dernière. Ce montant n’est pas définitif et repose sur l’estimation des recettes communautaires dont je souligne qu’elles sont structurellement mal évaluées par la Commission européenne, en particulier les droits de douane, la participation au rabais britannique et le solde constaté en fin d’année sur lequel pèsent de nombreuses incertitudes. L’estimation dépend aussi du budget 2015 de l’Union européenne qui n’est pas encore adopté et fait l’objet de fortes divergences de vues entre la Commission, le Conseil et le Parlement dont je regrette qu’il ne développe aucune stratégie d’usage de la capacité théorique d’imposer son point de vue au Conseil dans la discussion budgétaire que lui confère le traité de Lisbonne.
Même si le montant est prévisionnel par construction, il est assez peu satisfaisant pour les parlementaires de se prononcer sur un montant amené à être modifié en cours d’année, souvent plus qu’à la marge, comme l’a souligné la rapporteure générale. En 2013, l’écart entre la prévision votée par le Parlement et l’exécution constatée s’élevait à 1,8 milliard d’euros. La négociation sur le budget communautaire pour 2015 s’engage. La Commission européenne présentera un projet à la hauteur des ambitions fixées par le Conseil au mois de juin 2014 dans un cadre financier pluriannuel 2014-2020 particulièrement tendu. Sa proposition de budget, qui comprend les instruments spéciaux, s’élève à 145,5 milliards d’euros en crédits d’engagement et à 142 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 2,1 % des crédits d’engagement et de 4,9 % des crédits de paiement.
Au niveau insuffisant, nous avons souvent eu l’occasion de le rappeler, des plafonds prévus par le cadre financier pluriannuel s’ajoutent d’une part, l’impératif de respecter les engagements politiques forts pris en faveur de la croissance, et d’autre part la nécessité de ramener à un niveau convenable les engagements restant à liquider, qui s’établissaient à 222,4 milliards d’euros à la fin de l’année 2013, soit 2,3 années de paiements. Je souhaite d’ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, que vous nous éclairiez sur les moyens de répondre à cette accumulation inquiétante, sur laquelle j’ai souvent eu l’occasion d’appeler votre attention.
Un mot aussi sur le fait que le président de la commission des budgets du Parlement européen, Jean Arthuis, évoque régulièrement, et en ce moment même, une crise des paiements dans l’Union européenne, et qu’elle serait en difficulté pour payer 26 milliards d’euros avant la fin de l’année. Qu’en est-il ? S’agit-il d’une vraie crise des paiements, d’un coup de bluff, ou de l’instrumentalisation d’un président par la Commission européenne ?
Je serai intéressée de connaître votre point de vue.
La proposition du Conseil du 15 juillet 2014 est, comme de coutume, très en retrait. Dans une déclaration des huit États contributeurs nets jointe à sa position, et au motif de faire face à des imprévus de gestion et de garantir la soutenabilité du cadre financier pluriannuel, le Conseil a indiqué vouloir restaurer des marges sous plafonds significatives, donc ne pas valider la proposition de la Commission, qui propose d’atteindre les plafonds. Les baisses de crédits proposées suscitent des inquiétudes, puisque les crédits d’engagement diminuent de 522 millions d’euros et les crédits de paiement de 2,1 milliards d’euros.
De manière peu compréhensible au regard des objectifs affichés, c’est la rubrique « compétitivité » qui concentre l’effort d’économie. Quant aux crédits consacrés à la politique extérieure, ils sont réduits de 70 millions en engagements et de 384 millions en paiements, alors que des crises majeures agitent notre voisinage proche. Le Parlement européen, dont la position sera débattue demain en séance plénière à Strasbourg, propose, quant à lui, une hausse de 4 milliards d’euros par rapport à la Commission. Le compromis entre les deux branches de l’autorité budgétaire, qui devra être trouvé avant le 17 novembre 2014, s’annonce pour le moins délicat. De notre point de vue, il devrait tendre vers la position de la Commission, les hausses de crédits semblant justifiées.
J’insiste aussi, monsieur le secrétaire d’État, et c’est une autre question, pour un plein usage des instruments de flexibilité, qui faisait partie du compromis politique trouvé dans le cadre financier pluriannuel en février 2013. Vous le savez, la Commission et le Conseil ont une interprétation juridique différente.
De même, il est important que le Gouvernement soutienne la révision à mi-parcours de ce cadre financier pluriannuel, ce qui permettrait aux parlementaires européens élus cette année de se prononcer sur un cadre qui a été fixé avant même leur élection et qui court jusqu’en 2020.
La position du Conseil sur le budget pour 2015 est donc, de notre point de vue, en pleine contradiction avec les priorités affichées par le cadre financier pluriannuel, par les conclusions du Conseil de juin 2014, voire par celles de M. Jean-Claude Juncker lorsqu’il nous annonce le financement de 300 milliards d’euros d’investissements, mais aussi avec les ambitions portées par la France – je n’oublie pas le plan pour la croissance adressé aux membres du Conseil par François Hollande en amont du Conseil de juin. C’est un signal négatif pour nos concitoyens, qui doutent déjà fortement de la capacité à agir de l’Union européenne.
Enfin, si les Etats membres se soumettent à une discipline budgétaire rigoureuse, alors l’Union doit pouvoir financer les investissements nécessaires à la stimulation de notre croissance, à la modernisation de nos infrastructures, à l’innovation, à la recherche et à la formation des travailleurs. À défaut, c’est une vision court-termiste qui s’impose.
L’enjeu est de taille pour l’Union européenne. La situation est critique, comme l’a rappelé la rapporteure générale. Le mois d’août 2014 a été pour la zone euro un mois d’inflation historiquement basse ; un quart des jeunes Européens sont au chômage, ce qui est inadmissible ; les pays sous programmes ont redressé leurs comptes au prix de sacrifices immenses pour leur population ; et nos concitoyens peinent à se retrouver dans un projet européen qu’ils ont le plus souvent l’impression de subir.
Nous refusons, pour notre part, que des partis populistes instrumentalisent les peurs, piétinent l’idéal de solidarité européen et mentent aux Français. Il est donc utile, et je remercie M. le secrétaire d’État de l’avoir fait dans son propos liminaire, de rappeler que si la France est un grand contributeur au budget européen, elle profite aussi de ses retombées. Les étudiants français bénéficient des programmes comme Erasmus, nos communes et nos régions de la politique de cohésion ; la garantie jeunesse est financée par le budget européen ; les fonds structurels contribuent à créer des emplois ; les dépenses de recherche bénéficient à notre industrie et à nos investissements à l’étranger. Notre économie bénéficiera enfin, nous l’espérons, de l’effet de levier des dépenses européennes, si les 300 milliards d’euros d’investissements annoncés se concrétisent.
Les atouts, l’Europe les a. Qui aurait pu prévoir que notre continent, dévasté en 1945, renaîtrait de ses cendres et survivrait à toutes les crises qui ont marqué son histoire pour devenir une des premières puissances démographiques et économiques mondiales, un espace de paix, de solidarité, de liberté et de justice sans équivalent dans le monde ? Ce n’est pas la force du rêve européen, ni sa valeur, qui ont faibli, mais notre capacité à renouveler le projet communautaire dans un monde qui a changé.
La France milite depuis 2012 pour un rééquilibrage de la politique européenne en faveur du soutien à la croissance et à l’emploi, aux côtés des sociaux-démocrates, comme en témoignent les 300 milliards obtenus du nouveau président de la Commission, de même que nos efforts pour concrétiser l’union bancaire, renforcer la coordination de nos politiques économiques et soutenir l’investissement dans des secteurs d’avenir, que ce soit l’énergie, les transports ou encore la santé. Nous avons aussi plaidé pour l’anticipation de la mise en oeuvre de la garantie jeunesse.
Il faut concrétiser ces engagements et accélérer le rythme de leur réalisation, ce qui ne se fera pas sans moyens. La France assume sa part de l’effort européen par un prélèvement sur recettes de 22 milliards d’euros. Mais le prélèvement étant inscrit dans la norme de dépenses, ce qui est un vrai sujet de réflexion, son augmentation réduit d’autant, comme l’a rappelé la rapporteure générale, les crédits consacrés à d’autres politiques.
C’est pourquoi la proposition d’exclusion des contributions nationales au budget de l’Union du calcul du solde nominal et structurel des administrations publiques doit être étudiée. J’ai entendu la réponse de la rapporteure générale ; c’est l’une des propositions soutenues par les socialistes et les sociaux-démocrates au Parlement européen.
En réalité, c’est le modèle même de financement de l’Europe qui est à bout de souffle. Lors des négociations sur le cadre financier pluriannuel, le Parlement européen a obtenu une clause de revoyure en 2016. La France doit préparer activement cette échéance, monsieur le secrétaire d ’État.
Sa première ambition doit être de continuer à porter un mix intelligent entre croissance et discipline budgétaire. Nous devons le porter avec l’Allemagne, et non contre elle ; c’est le sens de la mission qui a été confiée à Jean Pisani-Ferry et Henrik Enderlein.
Nous devons aussi réaffirmer que dans un contexte budgétaire contraint au niveau national, le budget européen doit jouer un rôle de régulateur conjoncturel et éviter à l’ensemble de la zone euro d’entrer dans un cercle déflationniste dévastateur. Il faut pour cela mieux identifier nos objectifs politiques. Aussi aimerais-je vous entendre, monsieur le secrétaire d’État, sur la part du budget européen qui sera mobilisée pour le financement des 300 milliards d’euros d’investissements annoncés, voire sur la part qu’y prendra la Banque européenne d’investissement, la BEI.
Enfin, nous devons nous donner les moyens de faire du budget européen un instrument de solidarité et d’investissement financé par des ressources propres dynamiques, en nous inspirant des propositions faites par la Commission, notamment en 2011. La position du Conseil est sur ce point décevante. Je pense ici à la fin du système illégitime des rabais et des différents « mécanismes de correction ». Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, des réponses que vous voudrez bien apporter aux membres de la commission des affaires étrangères sur ce point.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires étrangères.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure générale, madame la présidente de la commission des affaires européennes, madame la rapporteure, chère Estelle Grelier, mes chers collègues, l’Union européenne est à nouveau à un tournant de sa jeune histoire. Un tournant d’une importance équivalente, même s’il est de nature différente, à celui que nous avons vécu après la chute du mur de Berlin. Elle a en effet à répondre à la même question qu’il y a un quart de siècle : face au bouleversement de son environnement extérieur, face aussi à des bouleversements internes, l’issue ne se trouve pas dans un repli des nations, et encore moins des régions, sur elles-mêmes, mais toujours – et davantage encore – dans la solidarité.
C’est le choix qui a été fait en 1989 par l’Europe, emmenée par le couple franco-allemand. Et c’est le même choix qu’il nous faut faire aujourd’hui pour notre avenir.
Aujourd’hui cependant, le mal à l’intérieur est insidieux : il porte les noms de récession, de déflation, ou à tout le moins de menace de déflation, de manque d’investissements, de projets communs et de promesses d’avenir.
Depuis 2012, sous l’impulsion de la France, a été amorcé le rééquilibrage des politiques économiques sur notre continent. La réduction des déficits et de la dette est évidemment indispensable. Si l’Union européenne n’existait pas, nous aurions de toute façon à faire cet effort pour nous-mêmes, car nous ne pouvons continuer à vivre au-dessus de nos moyens.
Cela ne suffit naturellement pas, d’abord parce que nous ne pouvons avoir ce seul horizon, mais aussi parce qu’il est nécessaire de stimuler la croissance.
C’est pourquoi a été engagé dans notre pays un triple pari : remuscler notre appareil productif, avec le Pacte de responsabilité, stimuler la consommation des ménages aux revenus modestes et moyens – les mesures ne manquent pas, et ce projet de loi de finances en comporte un certain nombre – ; stimuler la croissance enfin, de manière à aider au redressement de nos comptes publics.
Il est également indispensable, si nous voulons assurer le sauvetage durable de la zone euro, de faire en sorte, puisque nous appartenons à une même zone monétaire, d’avoir une certaine convergence budgétaire. C’est le sens de l’union budgétaire qui a été approuvée ici même, à l’automne 2012, par le traité que nous avons ratifié.
Dans cette perspective, la France tient son rôle. Elle assume ses responsabilités nationales, mais prend aussi sa part de l’effort européen. Elle assume ses responsabilités, mais nous disons aujourd’hui, et je rejoins les propos d’Estelle Grelier, qu’il est urgent que l’Europe prenne aussi les siennes. Il nous faut donner du contenu, de la substance, au pacte de croissance impulsé par la France depuis le Conseil européen de juin 2012. Notre position est constante ; elle a été rappelée par l’Agenda pour la croissance et le changement en Europe que le Président de la République François Hollande a adressé au président du Conseil européen.
Les priorités sont connues et clairement établies. D’abord l’emploi, et particulièrement l’emploi des jeunes. La France propose de renforcer l’initiative pour l’emploi des jeunes, de faire en sorte qu’elle soit appliquée plus rapidement – et j’aimerais, monsieur le secrétaire d’État, que vous nous disiez ce que nous faisons en ce sens –, de développer les qualifications et les formations et de mettre en place, avec les partenaires sociaux, un véritable agenda social de nouveaux droits.
Deuxième priorité, l’investissement au service de la croissance, dans les grandes infrastructures, la recherche, l’énergie ou encore la santé. La Commission européenne a annoncé un plan d’investissement de 300 milliards d’euros. D’où viendront ces 300 milliards ? Quel montant sera financé par le budget européen ? Faudra-t-il à nouveau augmenter le capital de la BEI, et si oui, comment ?
Nous devons hâter la réalisation de ce plan de toutes nos forces et préparer, à l’échelle nationale, nos entreprises, voire nos acteurs nationaux et locaux, à y jouer tout leur rôle. Ce que vous pourrez nous dire à ce sujet nous intéresse au plus haut point.
La priorité, c’est aussi l’énergie, comme le rappellent la crise ukrainienne et la menace que fait peser notre voisin russe sur l’approvisionnement en gaz du continent. Mais tant que chaque pays ira négocier seul son approvisionnement énergétique, nous serons tous vulnérables. Les investissements dans les énergies de demain sont bien sûr essentiels, de même que les économies d’énergie et la maîtrise du coût de la transition énergétique pour les ménages et les entreprises. Où en sommes-nous sur tous ces projets ?
La priorité, c’est enfin l’Europe dans le monde. La France est aujourd’hui trop seule – pas tout à fait seule, mais trop seule – pour assumer la sécurité extérieure de tous, que ce soit au Mali, en Centrafrique ou en Irak, où nos soldats se battent pour défendre nos intérêts et préserver la sécurité des Européens. Or je suis convaincue que l’Europe doit exister comme puissance dans le monde, car si elle-même ne se voit pas comme une entité mondiale, les autres la perçoivent ainsi. Elle n’a d’autre choix que d’assumer la responsabilité qui accompagne son statut de géant économique. N’oublions pas que si l’on consolide les PIB de ses membres, l’Union européenne est la première puissance économique mondiale, devant les États-Unis et la Chine.
Il nous faut préparer l’avenir et répondre à ces défis essentiels que sont l’énergie, l’emploi et la sécurité. Mais avec quels moyens financiers ? La directrice générale du Fonds monétaire international a récemment exhorté les pays en équilibre budgétaire à accroître leur effort d’investissement.
Je crois aussi que l’équilibre entre rigueur et croissance mérite d’être réajusté : les efforts réalisés par les pays sous programmes, le sérieux budgétaire auquel s’efforcent les pays de la zone euro et la menace d’une spirale déflationniste qui serait fatale à l’Europe doivent nous y pousser. Pour cela, il faut un dialogue franco-allemand fructueux, qui existe. À cet égard, monsieur le secrétaire d’État, qu’attendez-vous de la mission qui vient d’être confiée à Jean Pisani-Ferry pour la France et à Henrik Enderlein ?
Des progrès sont en cours. En Allemagne, la nouvelle coalition a décidé de mettre en place un salaire minimum, ce qui est encourageant. Des investissements sont prévus dans les infrastructures, que nous estimons, nous, Français, insuffisants. Pensez-vous que l’on peut obtenir davantage de la part de nos partenaires ?
Nous devons surtout mettre en place le programme décidé conjointement par Angela Merkel et François Hollande le 30 mai 2013, visant à la réalisation d’une union bancaire complète, véritable « saut » fédéral ; il nous faut également assurer la coordination, qui n’a que trop tardé, des politiques économiques et fiscales – j’insiste sur ce dernier mot – pour réduire les disparités entre les économies des États membres ; enfin, nous devons améliorer la gouvernance de la zone euro, qui doit reposer sur des organes spécifiques et faire l’objet d’un contrôle démocratique, dont nous savons tous ici – et nous le déplorons souvent – qu’il laisse à désirer, aussi bien au niveau du Parlement européen que de notre Parlement national, ainsi qu’à la conjonction des deux.
La question essentielle, qui a été soulignée par notre rapporteure, est celle du volume du budget européen. Augmenter le volume du budget communautaire, l’orienter vers l’investissement à long terme, lui permettrait d’assumer un rôle de régulateur conjoncturel que ne peuvent plus prendre en charge les budgets nationaux. À cet égard, je voudrais revenir sur le sujet des ressources propres, pour sortir du débat sans fin entre contributeurs nets et bénéficiaires nets. Il est en effet tentant d’essayer de réduire sa contribution, surtout en période de crise économique et de crise des finances publiques, car il est vrai qu’aujourd’hui le prélèvement s’élève à près de 21 milliards d’euros. C’est une dépense publique sous norme que la Commission européenne nous demande, par ailleurs, de maîtriser. La solution me semble résider dans le découplage de la question du budget communautaire de celle des budgets nationaux, pour plus de solidarité, de la même façon que nous avons su découpler, dans l’Union bancaire, le risque bancaire et le risque souverain : demain, la faillite d’une banque à Chypre n’entraînera plus la faillite de l’État chypriote. De même faudrait-il que demain, l’augmentation du volume du budget européen n’entraîne plus davantage de déficits, et donc de dettes, pour les budgets nationaux.
Plusieurs pistes ont été lancées. La Commission a fait des propositions claires dans ce domaine, notamment sur la création et l’affectation de la taxe sur les transactions financières, auxquelles le Conseil, me semble-t-il, n’a pas accordé toute l’attention nécessaire : monsieur le secrétaire d’État, j’espère que vous nous donnerez votre avis à ce sujet. Il pourrait aussi y avoir demain des prélèvements – on parle parfois d’« écluses » – sociales et environnementales aux frontières de l’Europe.
Nous sommes face à des choix qui détermineront l’évolution de notre continent pour les décennies à venir : nous devons nous mobiliser collectivement, comme d’autres, dans l’histoire européenne, ont su le faire avant nous, pour ouvrir un nouveau cycle, de paix, de solidarité, de prospérité partagée, et peut-être aussi pour redonner de l’espoir et de la confiance dans l’Europe. De fait, même si la France est un grand pays, qui compte, nous avons de plus en plus besoin de la solidarité européenne pour pouvoir peser davantage.
Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et écologiste.
La parole est à Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, madame la rapporteure générale, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à mon tour, et au nom de la commission des affaires européennes, à me féliciter qu’un débat spécifique soit à nouveau organisé sur le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances. Alors que ce prélèvement est évalué à plus de 21 milliards d’euros en 2015, il est en effet plus que justifié que nous puissions en débattre ainsi que, plus généralement, du budget européen.
Il s’agit, il faut le souligner, d’un nouveau temps fort pour l’Europe au sein de notre assemblée, après les deux auditions importantes qui se sont tenues la semaine dernière et qui ont toutes deux constitué des premières institutionnelles, étapes importantes du renforcement de l’implication de notre Parlement en matière européenne. Je veux parler de l’audition de Pierre Moscovici, qui nous a donné l’occasion, pour la première fois, d’entendre le candidat français à la Commission européenne avant qu’il ne soit nommé définitivement, ainsi que de celle de François Rebsamen, que nous avons entendu, avec le président Claude Bartolone, juste avant le Conseil consacré à l’emploi et à la politique sociale, sur l’ordre du jour de ce conseil. L’audition de M. Rebsamen était d’ailleurs la première organisée dans le cadre de la nouvelle procédure d’auditions ministérielles décidée par le président Claude Bartolone, en accord avec le Premier ministre, afin de permettre aux députés d’entendre régulièrement les ministres avant les conseils des ministres de l’Union. Je vous indique à ce sujet qu’il est prévu que nous entendions Michel Sapin.
J’en viens à présent au coeur de notre débat : le prélèvement européen. On note que ce prélèvement sur recettes a connu une progression continue ces dernières années et devrait même, selon les estimations fournies par le Gouvernement, atteindre un pic en 2016, à presque 23 milliards d’euros. Nous sommes bien conscients qu’une telle évolution contraint d’autant les moyens des différents ministères, dès lors que sont prises en compte toutes les dépenses. Nous sommes aussi tous bien conscients que cette inclusion dans la norme de dépenses, ainsi que dans le calcul du solde public retenu dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance, conduit à contraindre le financement des politiques au niveau européen, et ce, alors même que le budget européen est un budget d’investissement, c’est-à-dire un budget qui doit construire l’avenir. De grâce, évitons les écueils d’une logique exclusivement comptable, et rappelons-nous la finalité d’un budget, et tout particulièrement du budget européen, à savoir être un outil au service de l’intérêt général européen.
Nous devons sortir de cette impasse. Pour cela, monsieur le secrétaire d’État, je vous propose d’exclure le prélèvement européen du calcul du solde public présenté à Bruxelles ainsi que de la norme de dépenses. Ce n’est pas aussi farfelu que cela peut paraître : il nous faut arrêter de considérer la participation financière aux politiques européennes comme un fardeau qui pèse sur toutes les finances nationales. Je rappelle d’ailleurs, s’agissant de la norme de dépenses, qu’avant 2008, le prélèvement européen n’était pas inclus en son sein et que c’est une pure décision d’opportunité qui a conduit le gouvernement d’alors à le prendre en considération. Monsieur le secrétaire d’État, j’aimerais connaître votre avis sur ces deux propositions, qui sont, en réalité, de simples mesures de bon sens et qui peuvent être mises en oeuvre à court terme.
S’agissant du prélèvement européen, on relève également, au cours de ces dernières années, des écarts importants entre le montant qui nous est présenté lors de l’examen du projet de loi de finances initiale et celui finalement déboursé, ce qui traduit une exécution heurtée, pour ne pas dire chaotique. Ainsi, en 2013, pas moins de neuf budgets rectificatifs ont été adoptés. On ne peut que déplorer ce type de gestion par à-coups, dont les conséquences sont loin d’être négligeables pour les finances nationales.
Ainsi, au-delà des mesures de court terme relatives au prélèvement européen, je pense, comme l’a soutenu notre commission, qu’il est impératif, pour permettre aux deux branches de l’autorité budgétaire européenne de sortir des débats stériles faits de postures dans lesquels elles s’enferrent, et afin de porter une véritable ambition pour l’Europe, de doter, enfin, son budget de véritables ressources propres. Ce pourrait être, par exemple, la taxe sur les transactions financières – je sais qu’elle est chère à votre coeur, monsieur le secrétaire d’État –, ou la taxe carbone, que ce soit aux frontières externes ou en interne.
La semaine dernière, le commissaire désigné chargé des affaires économiques, Pierre Moscovici, s’est dit, devant notre assemblée, très favorable à la mise en place de nouvelles ressources propres. Quelle est votre position à ce sujet, monsieur le secrétaire d’État, et que peut-on dire à ce stade des travaux menés sous la présidence de Mario Monti ?
J’en viens maintenant au volet « dépenses » du budget européen. La commission des affaires européennes considère que les plafonds retenus dans le cadre financier pluriannuel pour 2014-2020 sont insuffisants pour porter une véritable ambition pour une Europe qui entend se développer et ainsi redonner confiance à nos concitoyens dans le projet européen. On ne peut pas éternellement déplorer l’inefficacité de l’Union et ne pas lui donner les moyens de répondre aux objectifs qu’on lui fixe. Nous estimons, en conséquence, que les mesures de flexibilité introduites dans le nouveau cadre financier doivent être utilisées au maximum. Telle ne semble pourtant pas être la position collective des contributeurs nets. À cet égard, comme cela semble être envisagé par certains, entendez-vous saisir la Cour de justice ?
En effet, monsieur le secrétaire d’État, pourquoi refuser de mobiliser la marge pour imprévus dans le cadre du projet de budget rectificatif no 3 pour 2014 et pourquoi vouloir à tout prix réduire le projet de budget initial pour 2015 proposé par la Commission européenne ? Un refus ne risque-t-il pas de remettre en cause des actions essentielles, dont la mise en oeuvre de la garantie pour la jeunesse, pourtant indispensable dans des pays ou des régions, par exemple en France, où le taux de chômage des jeunes atteint des niveaux inacceptables ? S’agissant de cette garantie, pourriez-vous d’ailleurs nous indiquer comment sera financé le relèvement de son enveloppe, que j’avais appelé de mes voeux l’an dernier et dont je me félicite aujourd’hui ?
Après Estelle Grelier, je voudrais également vous alerter, monsieur le secrétaire d’État, sur la question des restes à liquider, que le projet de budget pour 2015 ne semble, pas plus que les précédents, devoir contribuer à résoudre. Comment entendez-vous endiguer ce reste à liquider, qui a progressé de plus de 40 % au cours des cinq dernières années ? Je note par ailleurs avec étonnement que, dans le projet de budget pour 2015 présenté par la Commission européenne, seuls 12,5 % des moyens devraient être consacrés aux questions liées au climat et à l’environnement, contre 12,7 % en 2014. Monsieur le secrétaire d’État, alors que la France a proposé de réduire le budget global pour 2015, comment entendez-vous atteindre, l’objectif de consacrer au moins 20 % du budget aux questions climatiques, prévu dans le cadre du cadre financier pluriannuel ?
J’en viens enfin au plan d’investissement de 300 milliards d’euros annoncé par le nouveau président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker. Nous soutenons pleinement cette initiative. Il est en effet impératif, alors que la déflation nous menace, d’investir pour l’avenir et de se garder de toute forme d’austérité. Si elle est bienvenue dans son principe, l’annonce de Jean-Claude Juncker ne manque pas de susciter de nombreuses questions : notamment, quel type de développement économique est recherché, et au moyen de quel financement ? Pour ma part, je pense que, pour être efficace, ce vaste plan d’investissement doit être principalement ciblé sur la transition énergétique. De fait, comme l’ont confirmé les débats et le vote de la loi sur la transition énergétique, il est plus que nécessaire d’investir pour accélérer cette transition, à même de créer des emplois, de changer notre modèle de développement économique et de nous rendre plus indépendants, que ce soit vis-à-vis de la Russie ou d’un autre pays.
Je plaide pour une mise en oeuvre très rapide de ce plan. Les trois années avancées par le commissaire désigné chargé des affaires économiques lors de son audition m’apparaissent comme un grand maximum, au vu de l’urgence qu’il y a à sortir l’Europe du marasme économique.
La question du financement de ce plan est, bien évidemment, essentielle. Certains avancent un mix de financements publics et privés, des interventions de la Banque européenne d’investissement ou la mise en place de garanties. Pour ma part, je plaide pour le lancement d’un grand emprunt européen au service de ce vaste plan d’investissement, pour que nos concitoyens, en particulier ceux qui ont de l’épargne, participent pleinement à ces orientations d’avenir. Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous nous indiquer comment vous concevez l’objet et le financement de ce plan d’investissement, et nous éclairer sur les projets d’infrastructures d’avenir prêts à être lancés ? De manière plus générale, que pensez-vous de la mise en place d’une capacité d’endettement propre à la zone euro, ainsi que nous l’avons appelée de nos voeux à l’Assemblée nationale ?
Avant de conclure, je souhaiterais aborder un dernier sujet : celui de la procédure prévue par le two pack. Monsieur le secrétaire d’État, alors que le Gouvernement a transmis le projet de budget pour 2015 à la Commission européenne le 15 octobre dernier, pourriez-vous nous apporter un premier éclairage sur les échanges que vous avez eus avec la Commission ? De manière plus générale, le président Jean-Claude Juncker a annoncé que la Commission européenne présenterait, d’ici à la fin de l’année, un réexamen de la mise en oeuvre du two pack ainsi que du six pack. Quelles améliorations préconisez-vous pour que tous les sujets soient traités de manière efficace ?
Pour conclure, je veux rappeler que le budget européen est, avant tout, un budget d’investissement. Il constitue à ce titre un outil pertinent de soutien à l’activité et à l’emploi, et ce plus particulièrement dans le contexte économique difficile que nous connaissons. Il se doit aussi de préparer l’avenir, notamment pour investir dans la transition énergétique et dans une politique énergétique commune à l’Union européenne : c’est pourquoi il ne peut être sacrifié sur l’autel de l’austérité. Sur tous ces sujets, monsieur le secrétaire d’État, j’attends vos réponses.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Nous allons maintenant entendre les porte-parole des groupes.
La parole est à M. Jacques Moignard, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mesdames les présidentes de la commission des affaires étrangères et de la commission des affaires européennes, madame la rapporteure générale, chers collègues, au fil des élargissements successifs de l’Union européenne, la participation de la France au budget de l’Union a relativement décru. Alors qu’elle représentait 28 % de l’ensemble des contributions des États en 1971, cette part n’est plus aujourd’hui que de 17 %. La France demeure toutefois le deuxième contributeur européen.
L’article 30 du projet de loi de finances pour 2015 soumis à notre assemblée évalue à près de 21 milliards d’euros le prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne. À titre de comparaison, cette participation représente plus de trois fois le budget de la justice et plus d’un tiers du budget de l’éducation nationale. La contribution française absorbe en effet environ 5 % des recettes fiscales nettes nationales ; en période de restriction budgétaire et de réduction des dépenses publiques, ce débat parlementaire se justifie donc pleinement.
Considérant que le principe de solidarité entre États membres ne va pas de soi, que des conflits opposent les États principalement sur le rapport entre la contribution et le montant reçu et que des déséquilibres se manifestent entre contributeurs nets et bénéficiaires nets, il faut souligner le caractère volontaire et chargé de conviction de la participation de la France au projet européen, et ce, malgré la vague eurosceptique.
En effet, plusieurs amendements ont été déposés par les députés non-inscrits de notre assemblée qui prônent soit la suppression pure et simple de l’article 30, donc de la participation de la France au budget de l’Union, soit le gel dudit prélèvement en cas de procédure de déficit excessif imposée à la France au titre de l’article 126 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
Le principe même de la contribution de la France au fonctionnement de l’Union européenne ne saurait être sérieusement remis en cause au moment où l’union politique et la solidarité des États membres doivent être plus que jamais réaffirmées.
De plus, des avancées politiques majeures ont été récemment enregistrées dans l’Union, s’agissant de la résolution des crises financières, pour ne citer qu’un exemple, avec la directive 201459UE établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement. Désormais, en cas de liquidation, la charge portera directement sur le secteur bancaire, et non plus sur les contribuables via les fonds publics, car ce schéma traditionnel tendait à aggraver chaque fois plus encore la crise de la dette. L’Union est ainsi parvenue, grâce à un accord politique, à découpler le risque bancaire du risque souverain. C’est un exemple constructif parmi d’autres, qu’il ne faut pas sous-estimer et qui nous indique toute l’utilité du projet européen et justifie la confiance renouvelée que nous lui portons.
Cela étant dit, il n’en demeure pas moins vrai que les écarts considérables qui ont pu être constatés – il était de 2 milliards d’euros en 2013 – entre la prévision et l’exécution du prélèvement sur recettes au profit du budget de l’Union européenne posent véritablement question. Ces écarts, relevés régulièrement par la Cour des comptes et par notre commission des finances, doivent être mieux anticipés dans un souci de meilleure maîtrise et de meilleure programmation de nos finances publiques.
Je passerai rapidement sur la minoration des crédits de paiement alloués à l’Union délibérée en 2010 dans le but de tenir artificiellement les engagements budgétaires pris dans la programmation 2007-2013, et dont les effets réels se sont fait sentir jusqu’en 2013 ; c’est le résultat de l’héritage d’un passif qu’il nous a fallu solder. Plusieurs régulations substantielles effectuées par la nouvelle majorité ont été nécessaires pour tenir les engagements de la France au plan européen. Nous les avons réalisées avec courage et détermination et avons ainsi apuré le passif laissé par la France et d’autres États à majorité conservatrice durant la précédente législature.
Passons donc sur ce passif, puisqu’il est liquidé. Pour l’avenir, l’évaluation du montant global du prélèvement sur recettes dépend en partie de l’exécution du budget de l’Union, notamment de la part réelle des dépenses réparties sur le territoire britannique dans le total des dépenses réparties au sein de l’Union pour estimer la participation de chacun à ce que l’on appelle le « chèque » britannique.
Ce budget dépend aussi de trois facteurs indissociables : les dépenses réparties au sein des nouveaux États membres, le montant des dépenses de développement territorial et la PAC, la politique agricole commune, dont la nouvelle version entre en vigueur au 1erjanvier prochain.
Surtout, il faut relever que la structure du prélèvement sur recettes de l’État, indexé notamment sur le revenu national brut et sur les recettes de TVA, rend son estimation quelque peu aléatoire étant donné le contexte macroéconomique actuel. Ainsi, la Commission européenne a dû réviser les assiettes de TVA et de RNB dans son projet de budget rectificatif no 4 présenté le 9 juillet dernier, afin de tenir compte de prévisions économiques plus récentes, davantage actualisées de la zone.
L’Union est soumise, tout comme la France et les autres économies du monde, à des aléas forts en termes de trajectoire de l’inflation et d’estimation de ses propres recettes. Ces aléas économiques doivent la conduire à assouplir son interprétation des termes du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, à ne pas s’en tenir à une lecture purement juridique. En ce sens, nous soutenons fermement les négociations en cours menées par le ministre des finances auprès de la Commission européenne pour défendre le budget 2015 de la France.
La parole est à M. Gaby Charroux, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, permettez-moi de souligner pour commencer le contexte particulier de ce débat. Celui-ci intervient en effet au moment même où nos concitoyens découvrent que la France a perdu sa souveraineté budgétaire.
D’un côté, le gouvernement français s’expose à des sanctions d’une Commission européenne non élue, des sanctions qui seraient prononcées au cas où Paris refuserait de se plier aux injonctions de l’Union européenne ; de l’autre, la représentation nationale est invitée à se prononcer sur la contribution de la France au budget européen mais en sachant que son intervention est strictement corsetée.
Les prescriptions du droit européen tirées du principe de l’autonomie budgétaire de l’Union sont sans équivoque sur ce point : la mise à disposition des ressources propres présente un caractère obligatoire et tout manquement est systématiquement sanctionné. Les obligations de l’État membre placent donc le Parlement français dans une situation de compétence liée qui exclut toute liberté de décision. Le prélèvement sur recettes au profit de l’Union est obligatoire. En cas de vote négatif, l’État membre français n’en est pas moins tenu de verser la contribution due. À défaut, il s’expose à une condamnation par la Cour de justice de l’Union européenne.
Dans ces conditions, notre débat comme notre vote relèvent de la mise en scène. Je voulais le rappeler afin que nos concitoyens ne soient pas dupes de ce qui se joue aujourd’hui, le Parlement étant réduit à une simple chambre d’enregistrement de décisions prises par des technocrates d’une Commission dépourvue de tout mandat démocratique.
Cette critique ne remet nullement en cause notre engagement européen, ou du moins notre engagement pour une autre Europe. J’en veux pour preuve le fait que nous dénonçons et regrettons la faiblesse structurelle du budget européen et les choix qu’il traduit.
Le budget européen pour 2015 s’élève à quelque 142 milliards d’euros. Certes, on peut noter des augmentations ponctuelles, par exemple des crédits de la rubrique « Compétitivité pour la croissance et l’emploi » et, dans une moindre mesure, des crédits de la politique de cohésion. Ces efforts ne sauraient cependant masquer une triste réalité, celle de l’incapacité ou plutôt de l’absence de volonté européenne de se donner les moyens de mener une véritable politique de relance économique, condition sine qua non de la création d’emplois. On ne répétera jamais assez combien il est absurde sur le plan économique que le budget européen ne représente qu’à peine 1 % de la richesse créée dans l’Union européenne. Dans une zone économique intégrée, se doter d’un budget aussi étriqué revient à se priver totalement de l’arme budgétaire pour dynamiser l’activité, d’autant que la rigidité du cadre financier 2007-2013, comme celle du pacte de stabilité, supprime toute marge de manoeuvre politique.
Et pourtant, il est urgent d’agir autrement. Les peuples européens souffrent comme jamais depuis la crise de 2008. L’Union européenne n’a néanmoins nullement pris la mesure de cette crise. Si elle veut réellement sortir du marasme, elle ne peut se contenter d’un budget a minima. Elle doit être ambitieuse pour son avenir et se donner les moyens d’agir. Elle doit accorder la priorité au développement social, à la solidarité, avoir une véritable politique de développement industriel, de recherche et d’innovation. Telles sont les bases d’une croissance durable !
Or, l’Union européenne demeure obsédée par le sacro-saint respect de la discipline budgétaire, à l’image des contraintes budgétaires et économiques qu’elle fait peser sur les États membres. Au motif de la nécessité d’assainir les finances publiques, ce sont nos services publics et notre modèle social qui sont liquidés.
La fonte du budget européen frappe de plein fouet l’aide au développement. Il s’agit là d’un choix significatif de la conception européenne de la solidarité. L’Union européenne souhaite, semble-t-il, remettre en cause son statut de principal donateur au monde en aide humanitaire et en aide au développement. Les États membres tentent en effet de réduire leur contribution annuelle au budget de l’Union européenne, quitte à sabrer dans certains programmes prioritaires, tels que la politique de cohésion, Erasmus ou encore l’aide humanitaire et l’aide au développement.
Les programmes d’aide humanitaire et d’aide au développement de l’Union européenne sont les plus fortement touchés par les impayés de l’Union et les coupes budgétaires prévues pour l’année 2015. Depuis 2011, le budget européen accumule les factures impayées, dont le montant n’a cessé d’augmenter pour atteindre quelque 26 milliards d’euros, dont 23 milliards pour la seule politique de cohésion.
Or, ces impayés ont des conséquences sur l’ensemble des politiques européennes. Celles qui concernent la rubrique « L’Europe dans le monde », qui comprend l’aide au développement et l’aide humanitaire, ont atteint près de 1 milliard d’euros. Faute de crédits disponibles, il a fallu réduire la voilure dans certaines régions en matière d’aide humanitaire. Des projets et des opérations en faveur de la sécurité alimentaire en Afrique et dans la région du Sahel, en Haïti et dans la corne de l’Afrique ont été repoussés aux calendes grecques. Ces régions sont pourtant confrontées à des catastrophes humanitaires exigeant des réponses d’urgence.
Pour 2015, le prélèvement sur recettes est évalué à 21 milliards d’euros aux termes de l’article 30 du projet de loi de finances. Le prélèvement communautaire français que nous examinons porte la marque de ce renoncement à construire un espace européen de progrès et de protection sociale pour des populations confrontées aux ravages du libéralisme et de la concurrence.
Le Gouvernement fait remarquer que le montant de la contribution française au profit de l’Union européenne a été multiplié par six en valeur entre 1982 et 2015, passant de 4,1 milliards d’euros en 1982 à plus de 20 milliards d’euros en 2015. Nous n’ignorons pas cette réalité comptable et financière, mais la réalité politique nous amène à souligner que ce coût est inévitable si l’on souhaite avancer vers un espace européen solidaire et pacifié.
Enfin, permettez-moi de souligner le déséquilibre entre les sommes allouées à la protection des libertés fondamentales et celles qui sont destinées à lutter contre l’immigration. Ce déséquilibre est significatif de la crise morale qui frappe les dirigeants européens.
La politique migratoire européenne finance le retour forcé des immigrés, ainsi que les centres de rétention et de contrôle dans des pays extraeuropéens, une politique que le réseau Migreurop dénonce à juste titre comme une externalisation des politiques migratoires. Amnesty International dénonce la politique européenne en la matière. En quinze ans, quelque 23 000 personnes seraient mortes en tentant de gagner le continent ; ce serait le coût humain de la protection des frontières de l’Europe, estime Bruxelles.
Des milliards d’euros sont, de surcroît, gaspillés. Comment peut-on en effet imaginer que la construction de murs autour de l’Europe nous préservera des conséquences sociales que provoquent nos politiques économiques sur l’ensemble de la planète ? Ces 4 milliards d’euros sont d’autant plus indécents que les pays industrialisés ne tiennent pas leurs engagements en matière d’aide publique au développement. Comment accepter que, partout en Europe, progressent les politiques de rejet de l’autre ? Quand aurons-nous le courage de reconnaître que l’échec économique actuel est celui de ce néolibéralisme promu par l’Union européenne ? L’Union européenne est sans emploi ni croissance, les inégalités augmentent d’ailleurs en son sein même.
Le mot de solidarité communautaire a-t-il encore un sens depuis la tragédie qu’a connue la Grèce ? Il a en effet fallu attendre mai 2010 pour que les États membres volent à son secours et créent, dans l’urgence, un fonds de stabilisation doté de 750 milliards d’euros contre la spéculation financière. Un secours qui n’a rien de charitable, puisque les taux d’intérêt exorbitants des prêts consentis à la Grèce enrichissent les banques européennes au détriment des salariés grecs.
Je conclurai mon intervention par un dernier point : la mise sous tutelle des budgets nationaux au travers de la mise en oeuvre du semestre européen et de sanctions automatiques contre les États ne limitant pas leurs déficits.
Le pacte de stabilité et de croissance a implosé face à l’ampleur de la crise, révélant d’ailleurs ainsi son inutilité. Plutôt que d’opter pour la mise au pas de la finance, l’Union européenne s’attaque aux dépenses publiques. Or, analyser la crise des déficits comme la résultante de dépenses inconsidérées est une contre-vérité absolue.
Contre la régression sociale qu’imposent les marchés financiers avec la complicité des États, les peuples se sont levés et sont déterminés à poursuivre leur mobilisation. Les parlementaires du Front de gauche continueront de réclamer une Europe du progrès social, des droits humains et de la coopération avec les peuples. Ils continueront à proposer la mise au pas de la finance, la suppression véritable des paradis fiscaux et de l’évasion fiscale.
Nous voterons donc contre le projet de prélèvement européen et nous demandons instamment à notre gouvernement de s’opposer à toute tutelle de Bruxelles sur notre budget national.
La parole est à M. Christophe Caresche, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mesdames les présidentes de la commission des affaires étrangères et de la commission européenne, madame la rapporteure générale, je me félicite du retour d’un tel débat dans l’hémicycle ; même si l’assistance est clairsemée, j’y vois le signe d’une reconnaissance au moins symbolique de l’importance de ce sujet. Il est bon que nous le montrions.
Le budget européen est à nouveau marqué par une tension forte. Ce n’est pas une surprise ; on se souvient évidemment des négociations et des débats qui avaient présidé à l’élaboration des perspectives pluriannuelles, ainsi que des questions qui étaient restées sans réponse à l’époque et qui expliquent qu’on rencontre un certain nombre de difficultés aujourd’hui avec ce budget.
Cette tension s’explique par deux éléments. Premièrement, la crise économique oblige la plupart des États à réduire leur déficit, ce qui les rend évidemment moins enclins à augmenter spontanément leur contribution.
Cette tension est également liée à l’approche nationale qui préside à l’élaboration du budget européen, à travers les contributions demandées à chacun des États. Évidemment, lors de l’élaboration du budget européen, les États sont attentifs à leurs intérêts et à ce qu’ils peuvent attendre en retour du budget européen.
La France a accru ces dernières années sa contribution au budget européen alors même que les retours qu’elle pouvait escompter diminuaient. En effet, de premier bénéficiaire du budget européen en volume en 2010, elle occupe en 2013 le deuxième rang après la Pologne et devant l’Espagne et l’Allemagne. Notre pays est ainsi devenu contributeur net au budget de l’Union avec un solde négatif qui avoisine les 9 milliards, selon le mode de calcul retenu. Il est donc très significatif que dans un tel contexte, notre pays augmente sa contribution.
La France, comme tous les pays de l’Union, veille à ses intérêts mais elle prend aussi sa part de la solidarité européenne, d’autant plus qu’elle a été sollicitée de manière importante pour alimenter d’autres dispositifs européens destinés à faire face à la crise – je remercie la rapporteure générale du budget de l’avoir rappelé. Il s’agit du mécanisme européen de stabilité, le MES, pour lequel la part de la France s’élève, de mémoire, à 6 milliards, de la recapitalisation de la Banque européenne d’investissement qui a également représenté un coût important pour notre pays, de l’aide directe à la Grèce, elle aussi substantielle. Félicitons-nous que la question de la solidarité avec la Grèce n’ait pas donné lieu en France à des débats extrêmement virulents comme d’autres pays ont pu en connaître.
La France a par ailleurs oeuvré pour mettre en place un autre dispositif très positif, l’Union bancaire. Certes, il ne s’agit pas d’une contribution de l’État français, mais des banques françaises, qui sera assez significative même si la négociation n’est pas terminée. Espérons que les intérêts français seront aussi préservés dans cette négociation.
Au vu de l’ensemble des dispositifs créés pour faire face à la crise, l’on ne saurait réduire la contribution d’un pays comme la France à sa contribution au budget européen. Pour être objectif, l’on comprend dès lors que des pays sollicités pour alimenter ces nouveaux dispositifs aient souhaité modérer leur contribution au budget européen.
Reconnaissons que le budget européen se trouve écartelé entre des États soumis à de fortes pressions budgétaires et la satisfaction de besoins utiles pour relancer l’économie et réduire les disparités au sein de l’Union européenne. D’où la forme de schizophrénie qu’il y a, du moins en apparence, à demander à l’Union d’intervenir beaucoup plus sans lui accorder pour autant les moyens de le faire.
Quelques pistes sont évoquées pour sortir de ce dilemme, à commencer par celle des fonds propres, des ressources propres. Le débat est ancien mais il peut progresser, notamment grâce à la taxe sur les transactions financières, même si l’on sait qu’une taxe affectée au niveau européen ne le serait pas au niveau national. Nous retombons là encore sur des problématiques nationales et la discussion sera difficile.
D’autres propositions visent à sortir les contributions nationales ou d’autres dépenses d’investissement du calcul du déficit. Si la France souhaiterait que l’on sorte les dépenses de défense, l’Italie a d’autres suggestions. C’est une piste mais ne considérons pas qu’un simple changement de présentation réglera le problème.
J’en ai, pour ma part, une autre qui mérite qu’on en débatte : donner à l’Union la capacité de s’endetter, ce qu’elle ne peut faire aujourd’hui, en s’orientant vers une nouvelle architecture financière, peut-être très ambitieuse, mais que certains proposent via la mutualisation des dettes et la création d’un Trésor au niveau européen, ce qui doterait l’Union européenne d’une capacité financière propre et lui permettrait d’emprunter sur les marchés. Nous le savons cependant, ces propositions, pour intéressantes soient-elles, ne sont pas encore à l’ordre du jour. Pour l’heure, seule l’élaboration entre les États d’une véritable stratégie coordonnée de sortie de crise semble susceptible de débloquer en partie la situation. Sans un tel accord, accepté par tous les pays, il n’y aura pas d’évolution notable du budget européen et du rôle que pourrait jouer l’Union européenne dans une stratégie de ce type. Les bases de cet accord sont en train de se dessiner, à l’initiative, assez paradoxalement d’ailleurs, du président de la Banque centrale européenne qui les a proposées lors d’un récent discours aux États-Unis. Mario Draghi a mis sur la table une proposition de sortie de crise qui pourrait constituer un compromis acceptable par les pays européens et dynamique, c’est-à-dire capable de relancer l’économie européenne et de faire face, comme l’a fort justement souligné la rapporteure générale, au risque de déflation qui menace l’Europe. Certaines de ces propositions vont d’ailleurs dans le sens que prônent le gouvernement français et le Président de la République.
Première proposition : mener une politique monétaire plus accommodante qui permette de stabiliser les prix mais aussi de soutenir la croissance. Mario Draghi a engagé la BCE dans cette direction malgré des résistances qu’il ne faut pas sous-estimer. Une procédure judiciaire a d’ailleurs été engagée à l’encontre du programme de rachat d’obligations souveraines, dit « OMT », de la BCE, la cour constitutionnelle de Karlsruhe ayant saisi la Cour de justice de l’union européenne. C’est dire si les résistances sont fortes mais la BCE a pris ses responsabilités et l’on doit s’en féliciter.
Deuxième piste : utiliser de manière plus ambitieuse et offensive les marges budgétaires existantes. Ce message s’adresse à nos amis allemands. Il ne suffit pas d’accumuler les excédents, peut-être faudrait-il aussi les mettre au service d’une politique de relance dans son propre pays. Ce message pourrait aussi s’adresser à ceux qui, comme la France, voient dans le fait d’avoir un rythme de retour à des déficits acceptables plus lent, la possibilité de modifier ce rythme.
Dernier point : les réformes structurelles. C’est un message qui s’adresse clairement à la France.
Vous êtes vraiment mal placé pour nous en parler, vous ! Ne nous donnez pas de leçon à ce sujet, ce serait mal venu.
Ce message qui s’adresse à la France, le Gouvernement l’a parfaitement entendu.
Engager des réformes est une nécessité pour la France mais aussi l’une des conditions qui permette de rassurer nos partenaires européens en rendant possible un compromis et l’élaboration d’une stratégie.
En tout cas, j’ai l’intime conviction que si nous n’élaborons pas une stratégie commune avec l’Allemagne, si les tensions ne se dissipent pas, si nos orientations économiques continuent à s’opposer, la crise se prolongera et pourrait prendre une tournure beaucoup plus grave.
Le moment est important. Espérons que la France et l’Allemagne s’en saisissent pour aboutir à ce compromis qui est nous est aujourd’hui proposé et qui sera positif pour l’ensemble des pays européens.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Pierre Lequiller, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, madame la présidente de la commission des affaires européennes, madame la rapporteure générale, madame la rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, le projet de budget de l’Union européenne pour 2015 s’inscrit dans un cadre spécifique. Le budget initial pour 2013, qui a fait l’objet d’une exécution chaotique, avait donné lieu à pas moins de neuf budgets rectificatifs au cours de la même année, ce qui ne s’était jusqu’alors jamais vu, conduisant à l’adoption d’un cadre financier pluriannuel ayant pour but de mettre fin à cette dérive.
Le budget 2014 devenait donc le premier budget inscrit dans ce cadre et son efficacité ne devait pas tarder à se faire sentir puisque seuls trois projets de budget rectificatif virent le jour cette année, pour augmenter le capital du Fonds européen d’investissement, modifier les nomenclatures budgétaires, ou encore réviser à la hausse les prévisions de recettes d’environ 1,5 milliard d’euros.
Le projet de budget 2015 arrive donc dans un contexte plus régulé et mieux cadré que celui de 2014, ce qui ne l’empêche pas d’être chargé d’enjeux politiques forts, puisqu’il s’agit de définir un degré de flexibilité pour ce cadre.
Les plafonds s’élèvent à 960 milliards en crédits d’engagement et 908 milliards en crédits de paiement en euros constants 2011. La Commission, qui souhaitait un cadre financier pluriannuel plus large, a obtenu une gestion plus souple.
Nous ne pouvons que nous féliciter du programme « Initiative pour l’emploi des jeunes », qui bénéficiera dès 2015 de 2,8 milliards en engagements et de 1,2 milliard en paiements, avec pour cible les régions dans lesquelles le taux de chômage des jeunes dépasse les 25 %. Pour autant, nous ne pouvons que regretter que cette initiative soit mal utilisée, en particulier en France.
Ce budget comprend des mesures importantes relatives au Fonds social européen, à la politique agricole commune, au programme-cadre « Horizon 2020 », au canal Seine-Nord, à la ligne ferroviaire Lyon-Turin, mais de nombreuses incertitudes planent encore sur le volet « recettes » du budget 2015, ce qui ne laisse pas entrevoir, de la part de la Commission, un respect strict de la règle de la sincérité budgétaire.
Il convient également d’évoquer les dépenses administratives des institutions européennes, dont les objectifs de réduction prennent malheureusement du retard. Enfin, l’accumulation des restes à liquider est une difficulté récurrente dont il convient de se préoccuper sérieusement, puisque ces derniers ont augmenté de 60 % entre 2007 et aujourd’hui, pour se monter à 223 milliards d’euros.
Le budget 2015, qui propose 145 milliards en crédits d’engagement et 142 milliards en crédits de paiement, voit la France conserver son second rang dans l’ordre des contributions prévisionnelles, derrière l’Allemagne – 17,04 % contre 21,73 %. Cette contribution donne des droits à la France sur le plan européen mais certains oublient un peu trop facilement qu’en tant que bénéficiaire des fonds européens sur de très nombreux plans, elle nous donne aussi des devoirs.
Nous en avons d’abord dans le domaine de l’emploi, puisque c’est le sujet du prochain Conseil européen. Vous devez en effet, monsieur le secrétaire d’État, éviter une fois de plus de reporter sur l’Europe la responsabilité de la situation de la France. Certes, la nouvelle Commission, par la voix de son futur président, Jean-Claude Juncker, compte dégager 300 milliards d’euros d’investissements pour soutenir croissance et emploi. Pouvez-vous d’ailleurs nous dire comment ils seront financés, comme l’ont d’ailleurs également demandé Mme Grelier et Mme Guigou ?
Mais cela ne changera rien au décalage de compétitivité et d’emploi qui s’aggrave entre la France et nombre de ses partenaires européens. Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour comprendre que si la France est l’enfant malade de l’Europe, c’est d’abord parce que les choix gouvernementaux sont mauvais, hésitants, controversés dans la majorité ! Et les déclarations de Martine Aubry, ce week-end, ne sont pas pour rassurer.
Tous les pays européens ont fait des efforts courageux de réformes structurelles, qui permettent à l’Allemagne d’avoir deux fois moins de chômage que nous, mais aussi à l’Espagne ou à l’Irlande, dont la situation était dramatique, de connaître une amélioration sensible en matière d’emploi.
Pendant ce temps, avec pourtant les mêmes données que les autres, avec le même euro bien sûr, nous connaissons une dégradation de notre déficit, de notre dette et de notre taux d’emploi. François Hollande avait promis de ramener le déficit à 3 % dès 2013 ; nous en sommes à une prévision de 4,3 % pour 2015, ce qui a amené le Gouvernement à demander deux ans de délai de grâce supplémentaires. Cela nous attirera sans doute, de la part de la Commission européenne, des remarques humiliantes, mais justifiées. Si justifiées d’ailleurs, qu’elles sont corroborées par la Cour des comptes, par le FMI, encore la semaine dernière, par les agences de notation, et même par notre Prix Nobel, Jean Tirole, qui invite la France à mettre en oeuvre des réformes immédiates sur le marché du travail, qu’il qualifie de « catastrophique ».
L’obstination du Gouvernement à ne pas engager les réformes structurelles indispensables est dénoncée par tous les observateurs. Ceux-ci indiquent que l’objectif de 3 % de déficit ne sera même pas atteint en 2017, c’est-à-dire à la fin du mandat de M. Hollande.
Quand comprendrez-vous que la croissance et l’emploi peuvent et doivent être atteints par la diminution des dépenses et le respect des règles du pacte que nous avons ratifié ici même, dans cet hémicycle ? Quand comprendrez-vous que la France court à sa perte quand son endettement dépasse aujourd’hui 2 000 milliards d’euros, soit pratiquement 100 % du PIB ? Vous mettez la France à la merci d’un retournement des marchés, qui pourrait faire subitement augmenter nos taux d’emprunt, ce qui serait catastrophique pour notre pays. On a vu les marchés saisis la semaine dernière d’une fébrilité inquiétante.
Dans l’émission « C dans l’air », M. Moscovici a déclaré : « J’essaierai – et je crois que j’y parviendrai – d’être meilleur commissaire que ministre ».
Déclaration quelque peu stupéfiante ! Il essaiera surtout d’implorer la clémence de Bruxelles et de nos partenaires, comme le font, aujourd’hui même, MM. Sapin et Macron auprès de leurs homologues allemands. Mais quand comprendrez-vous que le seul fait d’obtenir des délais supplémentaires est un échec pour la France et non un succès ? Quand comprendrez-vous que le sort de la France est entre vos mains, et non dans celles de l’Europe ? Une fois de plus, vous l’utilisez comme bouc émissaire, ce qui explique d’ailleurs les résultats aux élections européennes, le plus mauvais signal que la France, pays fondateur, ait envoyé à l’Europe.
Dès lors, entretenir l’idée selon laquelle c’est l’Europe qui va sauver la France est évidemment une chimère de plus. Certes, l’Europe mettra en place, je l’espère, des project bonds et prendre des mesures plus efficaces pour lutter contre le chômage des jeunes, mesures que nous utilisons mal d’ailleurs. Mais je crois beaucoup plus à une politique de convergence fiscale dans la zone euro, indispensable comme l’a souligné Mme Guigou. Je prône depuis longtemps une telle politique, qui n’a pas encore été amorcée. La zone euro doit se doter d’une vraie politique économique commune, comme le plaide Nicolas Sarkozy. C’est aussi le diagnostic que pose Valéry Giscard d’Estaing dans son remarquable ouvrage, préfacé par Helmut Schmidt, Europa - La dernière chance de l’Europe.
Cela amènera d’ailleurs la France à la nécessaire vertu fiscale, puisque le taux des prélèvements obligatoires s’élève à 46,3 % dans notre pays, contre 39% en Allemagne et que la moyenne européenne est à 40,5 %. Il est une expression symptomatique que M. Rebsamen a encore utilisée mercredi, lors de son audition devant la commission des affaires européennes…
… « la convergence vers le haut ». Cessez, là encore, de rêver ! Pour connaître beaucoup de parlementaires et de ministres des pays partenaires, de droite ou de gauche, aucun d’entre eux n’a envie de s’aligner sur nos taux d’impôts et de charges lorsqu’ils voient les résultats en matière de politique d’emploi !
Seule une véritable convergence économique dans la zone euro, incluant un Trésor public commun à terme ainsi qu’un mécanisme de solidarité financière éprouvé, est à même de permettre une sortie de crise. Cette convergence ne pourra être mise en oeuvre que si nous envisageons, dès maintenant, une réduction des écarts fiscaux sur quinze ans, avec un programme précis de resserrement annuel – après le serpent monétaire, pourquoi ne pas envisager un serpent fiscal ?
Cette convergence relève d’ailleurs de la responsabilité de M. Moscovici.
Après avoir fait mes observations sur le prélèvement 2015 et sur la situation de la France, je voudrais, monsieur le secrétaire d’État, vous poser une question soulevée par le commissaire au budget européen, que nous avons reçu tout récemment à la commission des affaires européennes. M. Jacek Dominik défend le fait que les crédits de paiement pourront être assurés, dès lors que les amendes collectées par l’Union européenne pourront être prises en compte dans le cadre de la marge pour imprévus. Cela entraînerait un dépassement en paiements du plafond fixé par le cadre financier pluriannuel. Quelle est la position du Gouvernement sur ce sujet ? Et quelle est sa position sur les ressources propres ?
Enfin, je souhaite vous poser la question, déjà soulevée par Mme Grelier, du budget pour 2016, qui entraînera un ressaut du prélèvement français d’environ 1,8 milliard d’euros.
L’image et l’influence de la France en Europe sont médiocres. Elles ne s’amélioreront que si notre pays est économiquement fort. Mais il est loin de donner l’exemple. Il faut, monsieur le secrétaire d’État, un changement de la politique gouvernementale pour que la France retrouve l’influence et l’image qui étaient les siennes en Europe et dans le monde.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, madame la présidente de la commission des affaires européennes, mes chers collègues, les députés du groupe UDI, profondément européens, ont toujours été convaincus de l’importance de garantir à l’Union européenne un budget solide et pérenne, à la hauteur tant des responsabilités que nous lui avons confiées que des défis à relever.
À ce titre, nous avons toujours regretté que la représentation nationale ne se saisisse qu’à la marge de ces questions pourtant essentielles. En témoigne la faible présence des députés dans l’hémicycle aujourd’hui.
Je rappelle que, lors du Conseil européen du 8 février 2013, la France a accepté le premier budget d’austérité de l’histoire européenne. Cette décision était en totale contradiction avec tous les engagements du Président de la République, qui avait pourtant promis une « Europe de la croissance » et un plan de relance de 120 milliards d’euros, lequel, malheureusement, n’a jamais vraiment vu le jour !
Un tel budget d’austérité constituait un changement de cap historique, une décision lourde, préoccupante et porteuse de conséquences graves. C’est pourquoi, très inquiets, les députés du groupe UDI, par la voix de Jean-Louis Borloo, avaient demandé, et obtenu du gouvernement de l’époque que se tienne un débat sur ce projet de budget 2014-2020 qui engageait l’Europe, la France et les Français pour sept ans.
Ce projet de budget aurait dû préparer la sortie de la plus grave crise qu’ait connue le continent européen en quarante années. Il aurait dû permettre de relever les défis de la croissance, de l’amélioration de la compétitivité, de la nécessaire solidarité, mais aussi des nouvelles compétences conférées à l’Union par le traité de Lisbonne, par exemple en termes de politique extérieure, et de la mise en oeuvre d’une gouvernance mieux intégrée.
Dans cette perspective, la France, pays fondateur de l’Europe, aurait dû être à l’origine d’un sursaut, d’une perspective, de propositions. Mais, alors que le candidat François Hollande avait promis dans son engagement no 6 : « Je défendrai un budget européen ambitieux », la France n’a pas voulu, n’a pas pu ou n’a pas su s’opposer au premier budget en baisse de l’histoire de l’Union européenne.
C’est bien la preuve, s’il en était besoin, de la faiblesse de notre gouvernement et de l’isolement de notre pays au sein de l’Union, ainsi que vient de le souligner M. Lequiller.
Dans le désormais célèbre engagement no 11, le candidat François Hollande déclarait : « Je proposerai à nos partenaires un pacte de responsabilité, de gouvernance et de croissance pour sortir de la crise et de la spirale d’austérité ». Cette initiative n’a pas encore vu le jour à cet instant.
M. Hollande affirmait également : « Je proposerai à notre partenaire l’élaboration d’un nouveau traité franco-allemand ». Le Président, et surtout une partie de la majorité, n’ont cessé de mettre à mal le couple franco-allemand ! Pourtant, nous savons que sans ce partenariat historique, fondateur de l’Union européenne, rien ne pourra se faire. Il faut sans cesse le renouveler et, surtout, le protéger. À défaut d’une initiative forte, que nous avons pourtant appelée de nos voeux sur tous ces bancs, nous aurions espéré que le Gouvernement respecte les engagements pris par la France envers ses partenaires européens. Il n’en a rien été et nous avons malheureusement vu un axe Berlin-Londres remplacer – espérons-le, provisoirement – l’axe Paris-Berlin.
Enfin, le très riche engagement présidentiel no 11 contenait aussi cette promesse : « Je renégocierai le traité européen en privilégiant la croissance et l’emploi ». Mais le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le fameux TSCG, n’était aucunement le « carcan budgétaire » dénoncé par le candidat. Il permettait, au contraire, de construire un cadre commun afin de renforcer le pilier économique de l’union économique et monétaire.
Si l’ambition du candidat François Hollande avait été satisfaite, cela aurait eu des conséquences immédiates graves pour l’Union européenne, en la privant d’outils comme le Mécanisme européen de stabilité mis en place pour combattre la crise, et en la plaçant à la merci des marchés financiers. On sait ce qu’il en est advenu dans certains pays du sud de l’Europe.
Ce reniement est donc bien le seul dont nous nous réjouissions ! Il était salutaire à nos yeux, mais a suscité un grand sentiment d’incompréhension parmi nos partenaires européens. Le groupe UDI a vivement déploré cette situation, au moment où la France, plus que jamais, aurait dû être un élément stable et moteur de l’Union européenne.
Je passe sous silence l’engagement no 9 du candidat.
Il y était promis : « Le déficit public sera réduit à 3 % du produit intérieur brut en 2013. Je rétablirai l’équilibre budgétaire en fin de mandat. »
Nous voyons bien, et je le dis avec tristesse, qu’aucune de ces promesses n’a été tenue.
L’objectif des 3 % a été abandonné dans les premiers mois du quinquennat et plus personne n’ose aujourd’hui espérer que l’équilibre budgétaire puisse être atteint en 2017 ! Peut-être le sera-t-il en 2019, ou en 2021 ? Alors que la Commission européenne a offert un sursis de deux ans à la France, le Gouvernement a décidé de s’octroyer, sans la moindre concertation, deux ans supplémentaires pour revenir à l’équilibre budgétaire.
Le Gouvernement avait présenté, dans la première loi de programmation des finances publiques, une magnifique courbe – celle du fameux déficit structurel qu’évoquait Christophe Caresche, et sur lequel on pourrait débattre pendant des heures. Mais les chiffres ont la tête dure et ils sont là. Et aujourd’hui, comme la courbe ne nous convenait pas, on en a changé.
Je rappelle que cette loi de programmation prévoyait qu’en cas d’écart de 0,5 % par rapport aux objectifs, un certain nombre de mesures correctives devaient être prises. C’est un traité que nous avons signé, monsieur Caresche, avec un certain nombre d’obligations. Oui, l’on peut changer de trajectoire… mais ce n’est pas en cassant le thermomètre que l’on fait baisser la fièvre !
Cette politique du fait accompli, que la France n’accepterait de la part d’aucun autre État membre, est profondément irrespectueuse des règles mises en place par l’Union. Je rappelle que renforcer la gouvernance budgétaire était un souhait de la France et qu’elle a voté ces règles.
Mes chers collègues, chacun constate les conséquences de ces reniements. Jamais la France n’a été aussi faible, aussi isolée au sein de l’Union. La nomination de notre ancien ministre des finances, Pierre Moscovici, au poste de commissaire européen aux affaires économiques, qui a suscité la défiance d’une grande partie de nos partenaires et n’a été validée qu’après de vifs débats par le Parlement et des jours d’incertitude, en a été une manifestation éclatante. Comment le ministre, qui n’a pas pu respecter la trajectoire dans son propre pays, fera-t-il, en tant que commissaire, respecter les traités ?
Au lieu d’être un exemple – parce qu’elle a vocation à l’être – pour nos partenaires européens, la France est devenue le mauvais élève de l’Union. Mis sous surveillance renforcée par la Commission, notre pays court aujourd’hui le risque de voir Bruxelles émettre un avis défavorable ou, à tout le moins, de sérieuses réserves, sur son projet de budget pour 2015. D’ailleurs, Michel Sapin et Emmanuel Macron sont en train de faire le voyage de Berlin pour obtenir quelque indulgence vis-à-vis de nos dérapages.
Pour sortir de cette grave crise qui dure depuis 2008, la France devrait être le moteur de la construction européenne, et ce main dans la main avec notre partenaire allemand pour faire naître une Europe de la compétitivité, et non plus seulement du marché intérieur, mais aussi une union bancaire solide et une politique industrielle en pointe dans les secteurs d’avenir tels que les nanotechnologies, le numérique, les énergies renouvelables. Nous devrions convaincre nos partenaires européens de la nécessité absolue qu’il y a à créer une véritable Europe de la défense afin qu’elle puisse être présente sur la scène internationale, notamment au Mali, en Centrafrique ou encore en Irak. Nous devrions défendre l’harmonisation fiscale, et non afficher le taux d’impôt sur les sociétés le plus élevé de la zone euro. Nous devrions persuader nos partenaires européens que l’Europe est la bonne échelle pour apporter des réponses efficaces aux dérèglements climatiques, à la dégradation de la biodiversité ou encore à la spéculation financière. Où en est la taxe européenne sur les transactions financières, monsieur le secrétaire d’État ? Nous devrions enfin plaider pour une Europe plus politique et plus intégrée, à l’opposé de l’Europe intergouvernementale que nous connaissons et qui a montré ses limites.
Vous connaissez l’engagement profond de l’UDI en faveur de l’Europe, monsieur le secrétaire d’État. Oui, une Europe plus forte est nécessaire. Nous n’avons pas le droit de tergiverser, car la crise n’est pas derrière nous, comme nous le constatons tous les jours avec l’explosion du chômage et la multiplication des plans sociaux. Nos compatriotes sont inquiets ; ils attendent une Europe qui les protège – j’insiste : une Europe qui les protège de la crise.
L’Union européenne elle-même doit évoluer et ne saurait rester figée dans le modèle sur lequel elle a été créée – qui était d’ailleurs voué dès l’origine à changer. Alors que les économies asiatiques sont en plein essor mais se heurtent aux difficultés de la surchauffe, et alors que les États-Unis demeurent le seul véritable moteur de la croissance mondiale, l’Europe, elle, est au bord de la déflation et même l’Allemagne – dont le gouvernement a dû revoir ses prévisions de croissance la semaine dernière – est confrontée à des difficultés croissantes.
Nous devons donc faire le choix courageux du fédéralisme budgétaire et doter l’Union d’un budget puissant, et non pas d’un budget en régression comme celui que vous avez fait adopter. Nous appelons de nos voeux un grand emprunt – je pense aux 300 milliards d’euros qui seront déployés dans les prochains mois et les prochaines années – pour mettre en oeuvre des politiques ambitieuses en faveur de l’emploi, de la transition énergétique ou encore des grandes infrastructures. Or, sur tous ces sujets, l’Europe est en panne.
J’attends de la nouvelle Commission européenne qu’elle donne un nouveau souffle à l’Europe. C’est ainsi que nous pourrons sortir de la crise d’ampleur mondiale que nous affrontons et préparer la croissance de demain.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mesdames les présidentes de la commission des affaires étrangères et de la commission des affaires européennes, mesdames la rapporteure générale et la rapporteure pour avis, chers collègues, il est utile – et même nécessaire – que nous prenions ici le temps de débattre de la contribution de la France au budget européen. Cette réflexion est d’autant plus importante que la tentation existe de réduire son montant, dans un contexte de forte défiance vis-à-vis de la politique européenne ou, tout au moins, d’une situation économique dégradée. Rappelons tout de même que le budget européen est très faible – environ 1 % du revenu national brut européen – et qu’il ne permet pas de mener des politiques structurelles solides, en particulier dans cette période où menace la récession. Le prélèvement en faveur de l’Europe devrait atteindre 21 milliards d’euros en 2015 ; il est en augmentation constante et devrait s’élever à 23 milliards d’euros en 2016.
Nous oublions trop souvent de mentionner le rôle essentiel de l’Europe dans les projets importants qui sont mis en oeuvre en France, comme le développement des transports collectifs. Nous mesurons pleinement son apport lorsqu’il existe un risque que l’Europe se désengage, comme ce fut le cas pour les aides aux banques alimentaires qui ont in fine été maintenues grâce à la mobilisation du Gouvernement et de la majorité, ce dont nous pouvons nous féliciter.
Si les États doivent poursuivre leur effort, le financement propre de l’Union européenne doit, quant à lui, être considérablement renforcé. Il faut pour ce faire une taxe sur les transactions financières plus ambitieuse.
Il est une évidence, tout au moins peut-on l’espérer : l’Europe est au coeur des solutions à la crise économique, sociale et environnementale que nous traversons. Je ne parle pas là de l’Europe libérale qui, avec la directive sur les travailleurs détachés, fragilise l’emploi à l’ouest et accélère la logique du moins-disant social, mais de l’Europe solidaire et innovante qui met en oeuvre la garantie jeunesse ou favorise le virage de la transition énergétique, par exemple.
Dans ce monde multipolaire et ouvert, la mission de l’Europe doit avant tout consister à réguler les flux de toute nature : flux financiers, flux de matières premières, de produits, de services et de personnes, flux de trafics illicites ou encore flux de pollution. L’Europe est l’échelle politique minimale ; elle doit rester ou devenir leader sur ces questions.
De tous ces flux, les flux financiers sont parmi les plus nocifs ; ils nous occupent et nous préoccupent. Face à la dégradation des comptes publics, les pays de l’Union européenne ont convenu ensemble – et de manière souveraine – que la dette constituait un véritable fléau et un obstacle au développement, et qu’elle devait être réduite. Cependant, la méthode qui a été choisie pour y remédier est trop restrictive. D’une part, la brutalité des mesures adoptées dans les pays du sud de l’Europe a fait plus de mal que de bien ; d’autre part, l’Union a choisi le levier exclusif et libéral de la baisse de la dépense publique. De la recette des États européens, il n’est pas question ! La mission de l’Union consiste pourtant bien à protéger ses membres, y compris face à l’érosion de leurs recettes et de leurs bases fiscales via les prix de transfert des multinationales.
Constatant les limites de sa politique, l’Europe tente aujourd’hui de réagir. À cet égard, il faut saluer sa décision de condamner l’Irlande pour ses pratiques fiscales abusives. De même, nous sommes très impatients de constater quelle traduction le sommet de Berlin des 28 et 29 octobre prochains donnera aux mesures de l’OCDE concernant l’optimisation fiscale agressive.
Dans cette période de crise, nous avons trop souvent assisté à une bagarre d’intérêts nationaux au détriment de l’intérêt commun. Au lieu de bâtir une solidarité forte entre eux, les États européens se sont engagés dans une concurrence néfaste. Ils sont entrés dans une course à la baisse du prix du travail, du taux d’imposition des entreprises et de la dépense publique – sans considérer le rôle décisif que celle-ci tient dans l’activité économique. Que l’Union s’intéresse enfin au poids du remboursement des intérêts de dette dans la dépense publique alors que les créanciers des dettes souveraines prospèrent à travers le monde ! Ce sujet devrait être abordé sans tabou parce qu’à la fin de l’histoire, ce sont les créanciers eux-mêmes qui finiront par scier la branche sur laquelle ils sont assis pour avoir voulu engranger trop de bénéfices.
La course excessive et sans fin au moins-disant social et salarial, que j’évoquais à l’instant, et la perspective drastique de réduction de la dépense publique risquent d’entraîner l’Europe dans la spirale de la déflation, même s’il faut bien reconnaître que le soutien à la demande n’a fait que creuser la dette depuis trente-cinq ans. La spirale de la déflation n’est pas loin. Au mois d’août dernier, le taux d’augmentation des prix dans la zone euro s’élevait à 0,3 % en rythme annuel, bien loin des 2 % d’inflation que la Banque centrale européenne a pour obligation de maintenir.
Il faut toutefois saluer le travail de la BCE qui, à plusieurs reprises, a abaissé son taux principal de refinancement, qui proposera bientôt des prêts à long terme aux banques et qui mettra en oeuvre un programme de rachat de titres privés. Elle mobilisera ainsi plus de 1 000 milliards d’euros. Cela étant, cet effort de la BCE ne pourra être couronné de succès que si l’Europe soutient l’investissement. Seule une Europe redynamisée pourra proposer une perspective aux 25 millions de chômeurs de l’Union – j’y reviendrai.
De même, c’est en étant unis que nous pourrons enfin mettre un terme aux fléaux que sont la fraude et l’optimisation fiscales. Chaque année, 1 000 milliards d’euros s’évaporent ainsi en Europe. Aujourd’hui, pourtant, la donne change. Réjouissons-nous des avancées au niveau européen concernant la transparence des banques – avancées dont le groupe écologiste est fier d’avoir été l’un des principaux acteurs – et des industries extractives. De ce point de vue, il faut reconnaître la forte mobilisation des États-Unis et de leur président, qui sont aujourd’hui l’acteur incontournable de politiques intransigeantes face à l’optimisation fiscale agressive.
Enfin, l’OCDE a formulé des recommandations et élaboré un programme de lutte contre l’érosion de la base fiscale : sept actions devraient mises en oeuvre dès la fin 2015 pour lutter contre les montages hybrides, les prix de transferts indus et l’opacité des grands groupes.
Oui, la donne a changé. Dans cette période de crise où les États et les ménages se serrent la ceinture, il n’est plus admissible que des entreprises se détournent de leurs obligations. Si l’Union veut être crédible et faire admettre une trajectoire de réduction des déficits, elle doit assurer les recettes des États en mettant fin à l’évasion fiscale et en programmant l’extinction de l’optimisation fiscale agressive.
C’est pourquoi nous attendons beaucoup du plan européen d’investissement de 300 milliards d’euros. Toutefois, le changement d’orthodoxie n’est pas une garantie de succès. Aussi, il faut rester prudents et vigilants, et se garder de croire que l’investissement sera le nouveau talisman qui réglera tous les problèmes. Trop souvent, l’investissement sert en effet à financer des projets coûteux dans le temps – de trois à cinq fois le prix initial – et dommageables pour l’environnement. Nous ne pouvons plus nous payer le luxe de lancer des investissements trop coûteux dont les calculs de rentabilité sont bien approximatifs. Ce fut le cas de la politique du tout- TGV qui se solde aujourd’hui par des déficits structurels colossaux et a donné lieu à un rapport accablant de la Cour des comptes, qui dénonce une rentabilité au moins deux fois inférieure aux prévisions. Il faut désormais tenir compte du coût des externalités pour hiérarchiser les projets d’investissements, notamment les coûts environnementaux, sanitaires et sociaux.
Entendons-nous bien sur la notion de grands travaux. Nous devons délaisser l’approche étroite qui érige les grands projets d’infrastructures en référence absolue. Au contraire, il faut investir dans les programmes de recherche européens, dans l’équipement numérique et dans la transition écologique, en rénovant notamment le patrimoine immobilier public et en construisant des millions de logements pour les Européens.
La transition énergétique ne doit pas être une cible parmi d’autres, mais bien le coeur de ce plan d’investissements : en effet, les investissements réalisés dans ce domaine sont parmi les rares dont la rentabilité est connue et assurée. En cela, les emprunts destinés à la transition énergétique pourraient faire l’objet d’un traitement particulier dans le calcul des déficits et bénéficier de prêts à durée plus longue en fonction de la durée de l’amortissement. C’est un projet qu’il faut porter haut et fort devant la Commission et le Conseil.
Pour les écologistes, l’Union européenne est une chance – mieux, une nécessité absolue. Elle est un espace de paix. Elle doit également devenir un espace de progrès social. En effet, si nous voulons maintenir l’adhésion des peuples à l’Union, prenons garde à ce que l’action et la dépense publiques ne s’effondrent pas et créons enfin l’Europe solidaire et l’Europe de la transition écologique.
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.
Mesdames les présidentes de commission, mesdames les rapporteures, mesdames et messieurs les députés, ce débat montre avant tout combien l’engagement européen de la France est fort par-delà les clivages politiques. Je forme le voeu que l’ensemble des parlements nationaux d’Europe puissent avoir un échange du même ordre que celui auquel nous venons d’assister, où les représentants d’une nation, dans toute la diversité de leurs opinions, demandent que des moyens toujours croissants soient consacrés aux politiques communes de l’Union européenne.
Je rappellerai tout de même, comme l’ont fait les intervenants, que le prélèvement sur recettes qui figure dans le projet de loi de finances pour 2015 est le plus élevé que la France ait jamais accordé à l’Union européenne. Ce prélèvement, comme l’a indiqué M. Caresche, s’ajoute à d’autres contributions que la France a décidées pour instaurer le Mécanisme européen de stabilité, c’est-à-dire le fonds monétaire européen, en quelque sorte, qui nous protège désormais de nouvelles crises du type de celle qui s’est produite en 2008, mais aussi pour adopter des mécanismes d’aide à la Grèce afin que la crise très grave qui a touché ce pays ne déstabilise pas la zone euro. Il faut y ajouter le mécanisme de résolution unique de l’Union bancaire car, s’il n’est pas financé par des contributions budgétaires, il repose tout de même sur la participation d’entreprises françaises.
Pourquoi la contribution de la France atteint-elle 21 milliards d’euros ? Contrairement à ce qu’ont prétendu certains intervenants, c’est parce que le budget de l’Union européenne lui-même est en hausse. Les autres États membres, en particulier les grands contributeurs nets, ont fait de même. En réalité, l’exécution du budget 2014-2020 sera en hausse par rapport à celle du budget 2007-2013.
En euros courants – c’est la valeur que retient la Commission, qui met à jour ses tableaux chaque année en fonction de l’inflation, même si elle est très faible –, cela signifie que 1 083 milliards seront consacrés aux politiques européennes en crédits d’engagement, et 1 024 milliards en crédits de paiement.
Grâce aux mécanismes de flexibilité voulus par le Parlement européen, avec le soutien de la France, ces crédits de paiement pourront effectivement être consommés et l’exécution 2014-2020 sera, c’est absolument certain, supérieure à l’exécution 2007-2013. Nous préparons donc pour la période à venir un budget à la fois réaliste et ambitieux, qui nous permettra de répondre aux priorités de l’Union.
Il est ambitieux car il prévoit des augmentations pour 2015 – 24 % pour la compétitivité et l’emploi, 15 % pour la sécurité et la justice, 12 % pour les actions extérieures – tout en stabilisant la PAC et la politique de cohésion.
Ce budget satisfait en outre nos priorités puisque 6 milliards d’euros sont consacrés à l’initiative pour la jeunesse pour la période 2014-2015, et près de 80 milliards au soutien à la recherche et au développement pour la période 2014-2020. Les fonds dédiés au mécanisme pour l’interconnexion en Europe – transports, réseaux d’énergie, numérique – s’élèvent à 22 milliards d’euros, soit une augmentation de 67 %.
Nous devons défendre ces avancées contre ceux qui voudraient, comme en témoigneront certains amendements, remettre en cause les moyens dont nous avons besoin pour mener ces politiques européennes.
Il n’en demeure pas moins que des questions se posent concernant la crise des paiements, comme l’ont rappelé la présidente de la commission des affaires européennes et la rapporteure de la commission des affaires étrangères. En effet, le reste à liquider pose problème. Il convient toutefois de distinguer le reste à liquider et le reste à payer.
L’écart entre les engagements et les paiements est un phénomène normal, dû à la construction même du budget de l’Union européenne, composé essentiellement de crédits dissociés. Le reste à payer lui, constaté à la fin de chaque année, est un phénomène nouveau qui a pris des proportions importantes. Les reports de charges d’un exercice sur l’autre, qui sont en règle générale de l’ordre de 6 à 7 milliards d’euros, ont atteint l’année dernière 24 milliards. Ces reports résultent d’une accélération de la mise en oeuvre des politiques communes en fin de période de programmation. De ce fait, ce phénomène devrait se résorber entre 2014 et 2016.
Les tensions sur les paiements, qui risquent de se reproduire en 2014, ne sont donc qu’un phénomène temporaire et devraient en outre être limitées, car le retard pris dans le lancement des nouveaux programmes minore le besoin de crédits de paiement en 2014 sur les crédits d’engagement de la nouvelle programmation financière. Je souligne que des programmes très importants, comme la garantie pour la jeunesse, dont la présidente Danielle Auroi craint qu’elle soit remise en cause, ne sont pas menacés par le problème du reste à liquider.
Cette question sur la flexibilité soulève une question plus générale, que la présidente de la commission des affaires étrangères et plusieurs autres orateurs ont soulignée, à savoir la nécessité d’aller vers des ressources propres pour l’Union européenne. Nous y sommes absolument favorables. La France, en juin 2014, a transmis des propositions au groupe de haut niveau sur les ressources propres de l’UE dont nous avons obtenu la constitution, pour lui demander d’étudier à la fois la création de nouvelles ressources propres et la simplification des ressources existantes. Nous avons également, à cette occasion, réaffirmé notre volonté de réformer l’ensemble du système de correction pour nous conformer au principe de recettes lisibles, transparentes et équitables.
Une taxe sur les transactions financières va enfin voir le jour, sur la base d’une coopération renforcée que nous avons initiée avec nos partenaires allemands et qui concernera un peu plus de dix pays. Cette taxe produira des recettes qui, dans un premier temps, seront affectées par chacun des États membres à la réduction des déficits, à des investissements d’avenir et à la solidarité internationale. Si une telle taxe peut être étendue, ce qui est notre objectif, à l’ensemble des pays de l’Union européenne, elle pourrait devenir l’une des ressources propres permettant de financer le budget de l’Union sans avoir besoin de recourir à des contributions nationales.
Ce débat sur la contribution de la France au budget de l’Union européenne nous a amenés, tous autant que nous sommes, à élargir notre réflexion sur la stratégie de croissance et de création d’emplois en Europe. Comme l’a souligné la rapporteure générale Valérie Rabault, c’est le grand débat du moment, en particulier avec la Banque centrale européenne – même si celle-ci est indépendante. Dans son discours, Mario Draghi, comme l’a rappelé Christophe Caresche, a défini ce que devait être la construction d’une stratégie globale.
Celle-ci doit reposer sur une politique monétaire dynamique. La Banque centrale a pris des mesures tout à fait audacieuses en ce sens, qui font parfois l’objet de critiques, et nous la soutenons. Ces mesures ont contribué à faire baisser le niveau de l’euro et à injecter des liquidités. Cela continuera, notamment en vue de financer l’accès au crédit des acteurs économiques, en particulier les petites et moyennes entreprises.
La politique budgétaire doit être coordonnée dans le respect du pacte de stabilité et de croissance et des engagements pris pour réduire l’endettement et les déficits, et doit tenir compte d’une situation qui se caractérise par une inflation basse, par une stagnation qui pourrait être très longue, à la japonaise, comme l’a souligné la rapporteure générale. Les Américains parlent même de risque de secular stagnation, de stagnation infinie.
Il convient de ne pas ajouter de l’austérité à cette situation si nous ne voulons pas faire plonger l’Europe dans la récession. Peut-être devons-nous envisager que les États qui peuvent se targuer d’excédents de commerce extérieur, voire qui se trouvent en équilibre budgétaire, contribuent davantage que d’autres au soutien à l’investissement, public et privé, et au soutien de la demande. Car, selon le diagnostic établi par le FMI, la Banque centrale européenne et l’OCDE, l’Europe souffre d’un retard d’investissement, en particulier par rapport aux États-Unis, et n’a toujours pas rattrapé son niveau d’avant la crise de 2008.
Nous souscrivons à la nécessité d’un plan spécifique de soutien aux investissements, en plus de ce que permettent les capacités budgétaires des États membres. C’est ce que préconise Jean-Claude Juncker, qui annonce un plan de 300 milliards d’euros. Vous vous demandez tous comment nous allons parvenir à cette somme. Cela sera au coeur des discussions qui auront lieu entre le nouveau président de la Commission européenne, qui sera investi cette semaine, et le Conseil européen qui tiendra le prochain sommet de la zone euro à la fin de cette semaine.
Nous soutenons l’idée d’un mix d’investissements publics et privés. La couverture publique est nécessaire, pour pouvoir lever des investissements dans des domaines essentiels pour l’avenir. Mais aujourd’hui, les investissements font défaut. C’est le constat que font aujourd’hui même les ministres français de l’économie et des finances et leurs homologues allemands, qui se rencontrent en Allemagne : les instituts économiques allemands évaluent le manque d’investissements dans les infrastructures à 80 milliards d’euros par an dans leur pays.
Comme nos amis allemands, nous considérons qu’il y a lieu d’investir beaucoup plus dans les infrastructures et les réseaux de transport d’énergie, le numérique, la recherche, l’innovation et la formation. C’est ce que prévoit le plan de Jean-Claude Juncker.
Nous considérons que tous les moyens doivent être utilisés, en particulier ceux de la Banque européenne d’investissement. Grâce à l’impulsion de François Hollande, une augmentation de capital a été décidée en juin 2012 pour permettre la mise en place du pacte de croissance, ce qui a permis à la BEI d’engager 60 milliards d’investissements supplémentaires.
Nous pensons qu’une réflexion devrait être menée sur la possibilité de mobiliser l’épargne privée, très abondante en Europe, et qui pourrait servir davantage à financer des projets européens.
Enfin, l’Europe doit s’engager fortement dans la transition énergétique et écologique. Ce sera à l’ordre du jour du Conseil européen qui se tiendra jeudi, qui aura vocation à adopter des décisions sur le paquet énergie-climat, dans le cadre de la préparation de la Conférence sur le climat qui aura lieu à Paris en 2015, pour que l’Europe s’engage dans la réduction des gaz à effets de serre, la promotion des énergies renouvelables et la construction d’une véritable union énergétique.
Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie pour votre engagement en faveur de la contribution de la France à ce budget européen ambitieux et tourné vers l’avenir. La France doit être fière de la contribution qu’elle apporte à la relance en Europe.
Oui, il faut faire des réformes structurelles, et nous les faisons. Oui, monsieur Lequiller, ces réformes sont une part de ce consensus européen qu’il nous faut bâtir, sans opposer l’investissement aux réformes mais en engageant les réformes et en soutenant l’investissement car c’est la voie de la relance et de la croissance.
J’ajoute que si nous devons faire aujourd’hui des réformes qui ont déjà été faites dans d’autres pays, c’est qu’elles n’ont pas été faites au moment où elles auraient dû l’être, à savoir dans les années 2000 !
Protestations sur les bancs du groupe UMP.
C’est donc nous qui les faisons, et nous en sommes fiers, en même temps que nous soutenons l’investissement et la croissance en Europe.
Nous en venons à l’examen de l’article 30. Il n’y a pas d’amendement, je le mets donc aux voix.
L’article 30 est adopté.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, cet amendement proposé par le Gouvernement vise à instaurer un taux unique de 0,1 % pour la taxe affectée au financement des centres techniques industriels des secteurs de la mécanique et du décolletage.
Il existe actuellement deux taxes : l’une, dont le taux est de 0,1 %, destinée aux entreprises du secteur de la mécanique et affectée au Centre technique des industries mécaniques, le CETIM, et l’autre, dont le taux est de 0,112 %, est destinée aux entreprises du secteur du décolletage et affectée au Centre technique de l’industrie du décolletage, le CTDEC.
Cet amendement, grâce à une simplification administrative, permettra de rendre plus efficace le recouvrement de cette taxe et en améliorera la lisibilité. Cette unification concrétise par ailleurs le rapprochement de ces deux secteurs industriels et des deux centres techniques industriels. Le CTDEC, qui est le moins important, s’adossera au CETIM. Ils pourront ainsi mobiliser leurs moyens techniques et humains et partager leurs stratégies, notamment en matière de transferts.
L’amendement semble avoir été bien accueilli par les fédérations professionnelles concernées et il a reçu l’avis favorable de votre collègue Clotilde Valter, qui a remis au ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique un rapport sur l’avenir des CTI dans lequel elle réaffirme leur rôle en tant qu’outil de la politique industrielle. J’ajoute que sur le plan financier, les modifications proposées ont un impact infinitésimal.
La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.
La commission ne peut donner son avis car elle n’a pas examiné cet amendement.
L’amendement no 874 est adopté.
Cet amendement très important porte sur l’affectation du produit de la taxe sur les transactions financières – TTF – au Fonds de solidarité pour le développement – FSD.
Les ONG sont à l’origine de la mise en place d’un système vertueux qui consiste à affecter 25 % de cette taxe, appelée à tort taxe Tobin, à l’aide au développement. Or, le présent projet de loi de finances, au lieu des 175 millions qui auraient dû être affectés, fixe un plafond d’affectation à hauteur de 130 millions d’euros.
Cette somme ne correspond pas aux engagements internationaux de la France. Je vous fais observer qu’en Grande-Bretagne, où les coupes budgétaires ont été générales, c’est le seul secteur qui a été préservé.
Nous proposons donc de porter au moins le montant de la taxe affectée au FSD à 140 millions d’euros afin de permettre au secteur de préserver les actions prévues au cours de l’année 2015. Au-delà de la solidarité, et c’est ce qu’a compris la Grande-Bretagne, réduire ce montant aurait des conséquences pour notre économie et la présence de la France dans un certain nombre de pays serait remise en cause.
Avis favorable. Il était effectivement prévu que 25 % du rendement de la taxe sur les transactions financières soit affecté au Fonds de solidarité pour le développement, lequel est pourtant plafonné à 130 millions d’euros. Or 25 % de 700 millions font 175 millions. Votre amendement permet de se rapprocher de cette somme.
Le Gouvernement n’est pas favorable à cette proposition, pour différents motifs.
Tout d’abord, le relèvement proposé n’est pas justifié au regard des engagements pris en matière d’aide publique. Les dispositions du PLF permettent de respecter nos engagements internationaux dans le domaine de la santé et de la lutte contre le changement climatique, et notamment la contribution française pour le Fonds vert. Le relèvement qui est proposé conduirait à une augmentation de 40 % des ressources de la TTF, alors que la fraction de cette taxe affectée au FSD a déjà été augmentée de 30 millions d’euros pour 2015.
Le Gouvernement prévoit bien une hausse progressive de la fraction de TTF affectée au FSD. La programmation triennale prévoit de porter le plafond à 130 millions d’euros en 2015, 160 millions en 2016 et 190 millions en 2017. Cela représente une hausse de 90 % de 2014 à 2017.
Enfin, au-delà de l’effort d’ores et déjà consenti par le Gouvernement, votre amendement conduirait à dégrader notre norme de dépense pour l’année 2015, ce qui devrait nécessairement trouver compensation dans le tableau d’équilibre. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
Merci de vos précisions, monsieur le secrétaire d’État, mais il est essentiel de respecter le principe d’affecter 25 % des recettes de la taxe sur les transactions financières à l’aide au développement. C’est un excellent principe qui avait été arrêté, et que nous avions soutenu. Il faut de temps en temps accepter de respecter la parole donnée, même si c’est difficile.
Monsieur le secrétaire d’État, sur cette question qui ne concerne pas uniquement la solidarité mais également la présence de la France et de l’économie française à l’étranger, une baisse de 20 % des engagements est prévue par rapport à l’an dernier. C’est tout à fait considérable, et ce serait l’une des plus fortes baisses constatées dans ce projet de loi de finances.
Je répète que le gouvernement britannique, qui a pourtant décidé des coupes budgétaires drastiques, est passé en matière d’aide publique au développement de 0,56 % du PIB en 2012 à 0,72 % en 2013. Il remplit ainsi l’objectif international de consacrer 0,7 % du PIB à l’aide au développement, ce que nous ne faisons pas. Si le gouvernement a prévu de sanctuariser cette aide malgré des coupes budgétaires particulièrement importantes outre-manche, c’est bien parce que cette mesure a un double intérêt : celui de la solidarité et celui de l’économie du pays. Je maintiens donc cet amendement.
Monsieur le député, je comprends bien la nécessité de la présence de la France à l’étranger. Je crois qu’en la matière, les récents événements internationaux, plutôt malheureux, démontrent que la France est loin d’être en retrait s’agissant d’aide au développement et d’aide humanitaire. Par exemple, nous sommes très engagés dans la lutte contre l’épidémie du virus Ebola. Nous sommes présents en Guinée, et je dois rappeler à la représentation nationale les conditions extrêmement difficiles dans lesquelles le personnel travaille : les températures sont épouvantablement chaudes et l’humidité proche de 100 %, tandis que les rythmes de travail sont tels que personne ici ne les imagine probablement. Cela mérite d’être salué. La représentation nationale partage, je pense, la fierté du Gouvernement de voir ces femmes et ces hommes travailler dans des conditions si difficiles.
Ceci dit, cela n’occulte pas le débat qu’évoquent Mmes et MM. les députés de l’opposition. Nous avons doublé le taux de la taxe sur les transactions financières. Il est facile de dire que l’engagement d’en affecter 25 % était honoré auparavant, alors qu’elle rapportait le tiers ou le quart des prévisions budgétaires affichées par les gouvernements qu’ils ont soutenus. Aujourd’hui, cette taxe rapporte des sommes de l’ordre de 700 millions d’euros – nous verrons bien sûr comment elle évoluera.
Je maintiens qu’en prévision triennale, la part de la taxe sur les transactions financières réservée à l’aide au développement doit augmenter de près de 90 %, que d’autres crédits sont mobilisés, notamment par le ministère des affaires étrangères, qui gère ces sujets, et que nous sommes probablement l’un des États qui honore le mieux ses engagements sur ces dispositifs. Je maintiens donc l’avis défavorable du Gouvernement.
Je comprends tout à fait l’amendement de M. Giraud, qui me paraît parfaitement fondé : lorsque l’on prend l’engagement public d’affecter 25 % d’une taxe, on respecte cet engagement public. Ou alors il ne sert à rien de prendre des engagements !
En outre, M. Giraud s’est montré modeste : 25 % de la TTF représentent 175 millions d’euros, mais il ne propose que de placer le plafond à 140 millions. Il reste donc encore des recettes en réserve à hauteur de 35 millions d’euros.
Il y a donc deux possibilités : soit le Gouvernement pense que le rendement ne sera pas à la hauteur, ce que je ne souhaite pas, d’autant que nous avons toujours été favorables à une taxe sur les transactions financières ; soit il fait des économies de poche – 35 millions en l’espèce, 10 millions ici ou là, comme je crois savoir que vous le proposerez au cours de la soirée – et c’est un mauvais signal que vous faites passer pour la parole de la France et cette belle action qu’est le Fonds de solidarité pour le développement.
Il faut considérer l’ensemble des éléments budgétaires qui se rapportent à la question. Dans le projet de loi de finances pour 2015, les crédits pour l’action l’humanitaire regroupent les fonds destinés à l’aide publique au développement, à l’Agence française de développement et au fonds d’urgence humanitaire du centre de crise du ministère des affaires étrangères. Ils auront doublé entre 2012 et 2016.
En outre, 8 millions d’euros supplémentaires prévus au programme 209 « Solidarité à l’égard des pays en développement » seront affectés à l’aide publique au développement, qui est une action prioritaire pour chacun d’entre nous.
L’amendement no 503 est adopté.
Monsieur le secrétaire d’État, levez-vous le gage à l’amendement no 503 ?
Oui, et je demande une suspension de séance, monsieur le président.
La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq.
Monsieur le président, en application de l’article 96 du règlement de l’Assemblée nationale, le Gouvernement demande la réserve des votes pour la suite de la discussion.
Monsieur le secrétaire d’État, sur tous les bancs de cette assemblée, des députés sont intervenus pour appuyer cet amendement. Son objectif est de remédier en partie à la dégradation importante de l’aide à l’insonorisation des logements situés autour des principaux aéroports français.
La Direction générale de l’aviation civile a pris des mesures très importantes dernièrement, puisqu’elle a abaissé les seuils de trajectoire. Pour les avions venant de Roissy, ce seuil passe de 3 500 mètres à 2 500 mètres. Surtout, pour les avions venant du Bourget, il passe de 2 500 à 1 500 mètres, voire à 700 mètres dans certains cas.
Cela signifie que désormais, la petite couronne va être survolée par des avions volant à des altitudes comprises entre 700 mètres et 1 500 mètres, alors que ces zones comptent 18 000 habitants au kilomètre carré !
La disposition que le présent amendement vous propose de supprimer a été instituée par la loi de finances pour 2014 dans un article global visant à plafonner la fiscalité affectée aux organismes chargés de missions de service public, dans le souci d’une meilleure gestion budgétaire.
Or, s’agissant de la taxe sur les nuisances sonores aériennes, la TNSA, un tel plafonnement est singulièrement inapproprié, et totalement injuste. En effet, contrairement à l’argumentation développée par le Gouvernement, la TNSA n’est pas en adéquation avec les besoins puisque le produit de la taxe est largement insuffisant – 43,55 millions d’euros en 2013 – par rapport aux besoins d’insonorisation autour des plateformes aéroportuaires – 86,78 millions d’euros en 2013.
Cette TNSA a été instituée sur le principe pollueur-payeur. Elle est donc payée par les compagnies aériennes, et son produit est affecté directement et intégralement au fonds d’aide à l’insonorisation des logements autour des principaux aéroports français.
Cette taxe répond en fait à une logique de prélèvement sectoriel, non susceptible de plafonnement, et correspond indéniablement à une mission d’intérêt général. Telles sont les raisons qui justifient le déplafonnement. J’espère donc que mes collègues voteront l’amendement no 185 à l’unanimité. En tout cas, c’est ce que je leur demande.
Les amendements nos 191 et 185 ont été repoussés par la commission, pour les raisons que nous avons déjà évoquées vendredi. Effectivement, la taxe sur les nuisances sonores aériennes rapporte aujourd’hui 43,5 millions d’euros. Porter le plafond de 49 à 48 millions ne changerait donc rien. Un déplafonnement ne changerait rien non plus, puisqu’il ne générerait pas plus de ressources pour vaincre les nuisances sonores aux abords des aéroports. En revanche, il faudrait peut-être revoir le niveau du prélèvement effectué sur les aérodromes, mais cette problématique n’est pas traitée dans le cadre de ces amendements nos 191 et 185 .
Il est défavorable à ces deux amendements, pour les raisons exposées par la rapporteure générale. Pour autant, je souhaite ajouter quelques précisions.
Vous avez raison, monsieur le député, un déséquilibre s’est formé. Il y a deux raisons à cela. D’abord, au 1er janvier 2012, le taux d’aide est passé de 80 % à 100 %, pour une durée de deux ans prorogée d’un an à la fin de l’année 2013. En outre, dans le périmètre concerné, l’assiette du dispositif a été progressivement étendue, puisque 45 000 nouveaux logements y ont été intégrés. L’engorgement constaté n’est donc pas étonnant.
Dans le cadre du projet de loi de finances rectificatif qui sera discuté en fin d’année, le Gouvernement prépare un article visant à augmenter la part des ressources perçues par Aéroports de Paris au sein de l’enveloppe plafonnée, car il est vrai vrai que, dans le cadre du plan visant à renforcer la compétitivité du secteur aérien, le tarif de la TNSA a été abaissé en 2013. Compte tenu de ces dispositions que le Gouvernement vous proposera d’adopter dans le PLFR, si vous ne retirez pas ces deux amendements, monsieur Bénisti, le Gouvernement y sera défavorable.
J’ai bien entendu vos explications, monsieur le secrétaire d’État, et ni l’amendement no 185 , ni le no 186 qui va suivre ne conviennent. Je vous demande donc d’accepter l’amendement no 191 , qui vise à maintenir le plafond à 49 millions d’euros. Le Gouvernement et un grand nombre de parlementaires seront ainsi satisfaits.
Jean-Pierre Blazy, qui appartient à la majorité, s’est exprimé extrêmement clairement sur ce point : en étendant les zones survolées en petite couronne mais également en Seine-et-Marne, vous augmenterez automatiquement le besoin d’insonorisation d’une grande partie de la population.
Je propose donc un compromis consistant à maintenir le plafond de la TNSA à 49 millions d’euros. Je pense qu’ainsi, l’ensemble des parlementaires de tous les bancs seront satisfaits.
J’attendais la fin de la discussion des amendements de Jacques Alain Bénisti pour m’exprimer sur ce qui est en train de se produire. On n’avait jamais vu cela : plus de 300 amendements dont le vote est réservé d’un seul coup par le Gouvernement ! Si l’on avait envie de museler le Parlement, l’on ne s’y prendrait pas autrement. Nous avons le sentiment qu’il s’agit plus d’une réaction à une nouvelle défaite du Gouvernement que d’une stratégie mûrement réfléchie, et nous ne pouvons être que très choqués par ce qui vient de se produire dans l’hémicycle.
De mémoire de parlementaire, depuis douze ans que je suis les projets de lois de finances, c’est la première fois que pareille chose se produit. Encore vendredi, nous avions fait le compte des votes réservés : il y en avait à peine une dizaine et au fond, il est de coutume que, dans le cadre d’un projet de loi de finances, cela arrive. Mais que l’on puisse réserver le vote sur plus de 300 amendements, que l’on puisse prendre la décision d’interdire au Parlement de s’exprimer librement et légitimement, que l’on cherche à forcer sa majorité, à museler le Parlement et à empêcher les députés de voter en conscience, c’est tout simplement inadmissible pour ce que chacun d’entre nous représente. Car c’est là tout le sens de l’expression « représentation nationale » : le Parlement représente la nation.
La réserve des votes est l’aveu de faiblesse du Gouvernement. Chacun l’a saisi. Il s’agit d’un aveu de faiblesse sans précédent dans l’histoire parlementaire de ces dernières années, qui montre que le Gouvernement est aujourd’hui tellement affaibli qu’il est obligé de forcer, par une seule série de votes, tous les votes sur les articles du projet de loi de finances restant en discussion.
Je m’élève contre cette pratique et j’ai besoin de réunir mon groupe : je demande donc une suspension de séance immédiate, monsieur le président.
Plusieurs autres orateurs ont demandé la parole pour un rappel au règlement. Je propose de leur donner la parole avant de suspendre la séance.
Monsieur le secrétaire d’État, je serai à l’unisson de Jérôme Chartier. La soirée est terminée. Si notre raison d’être ici n’est pas de discuter des amendements et de voter, après un éclairage et un débat contradictoire…
Monsieur Castaner, vous n’étiez pas là il y a quelques années. Moi, je n’ai pas oublié les débats où les députés de votre groupe n’avaient pas de mots assez durs lorsque le Gouvernement demandait une seconde délibération. Je vous vois sourire : relisez les débats de l’époque ! Mais, évidemment, c’était avant, et vous ne voulez rien savoir. Ce n’est pas bien.
On ne peut pas tenir de grands discours sur la démocratie et l’enrichissement des textes au Parlement quand on agit de la sorte.
Monsieur le secrétaire d’État, lors d’une grande émission de télévision il y a quelques jours vous disiez qu’une discussion était en cours avec les parlementaires et qu’on verrait bien ce qui en sortirait. Vous vous faites battre sur un amendement à 10 millions d’euros, et voilà : la soirée est terminée ! Ce n’est pas tout de même pas convenable ! Laissons le débat se dérouler. En cas de défaillance de votre majorité, vous avez toujours la possibilité de demander une seconde délibération.
La discussion de la première partie du projet de loi de finances va se terminer tôt demain matin, puisqu’un nombre d’amendements assez considérable restent en discussion. La soirée sera longue, et commencer dans de telles conditions, cela ne s’était jamais vu. C’est assez regrettable. J’espère que nous pourrons reprendre le travail dans des conditions normales après le dîner.
Ce ne sont vraiment pas des conditions normales pour le Parlement de la République, pour une vraie démocratie – paraît-il.
Les représentants des groupes UMP et UDI prennent leurs désirs pour des réalités…
Vous aviez déjà parlé de déni de démocratie jeudi et vendredi, lorsque le Gouvernement avait estimé, avec l’accord du représentant du groupe majoritaire, qu’il était nécessaire de réserver des votes. Mais je vous rappelle que cette procédure, prévue par le règlement, n’interdit aucunement le débat…
…comme on l’a bien vu jeudi et vendredi et comme on le verra bien ce soir. Elle n’interdit pas non plus les votes : jusqu’à présent, tous les articles et amendements qui avaient été réservés ont finalement été mis aux voix. Le Gouvernement a bénéficié d’une large majorité dans cet hémicycle, et cela continuera ainsi.
Il se trouve qu’un certain nombre de nos collègues devraient être présents dans cet hémicycle mais siègent actuellement en commission élargie, où ils discutent eux aussi du budget,…
…ce qui pose d’ailleurs le problème, monsieur le président, de la concomitance de ces commissions élargies et de la séance publique. Nos collègues sont donc ailleurs mais je vous rassure : dès que la réunion sera terminée, nous pourrons reprendre les votes dans cet hémicycle.
Il faut éviter d’employer des mots excessifs. Le Gouvernement est prêt au débat. Depuis mardi, il a écouté l’ensemble des interventions, il a pris soin de répondre à l’ensemble des suggestions et des argumentations, qui sont tout à fait légitimes dans le débat – certains ont salué son attitude – et il continuera à le faire. Il faut redire à ceux qui nous regardent que réserver le vote n’est en rien amputer le débat.
Chaque parlementaire pourra présenter ses amendements, votre commission et le Gouvernement donneront leur avis et tous les députés qui souhaiteront s’exprimer, dans un sens ou dans l’autre, sur ces amendements pourront continuer à le faire. La seule différence est que, pour des raisons indiquées à l’instant par Dominique Lefebvre, le vote aura lieu…
…au moment où le Gouvernement décidera de lever la réserve. Vous avez d’ailleurs eu la courtoisie de rappeler que cette procédure a déjà été utilisée sur quelques amendements. À titre de précaution, j’ai demandé la réserve des votes sur l’ensemble des amendements, mais le Gouvernement se réserve la possibilité de lever cette réserve, comme le prévoit le règlement, au moment où il le jugera opportun.
La réserve des votes ne nuit pas au débat. Elle permet à chacune et à chacun de s’exprimer, et le Gouvernement prendra ses responsabilités le moment venu.
La parole est à M. Jérôme Chartier, pour un rappel au règlement… Le règlement n’a-t-il pas été assez clarifié ?
Non, monsieur le président, le règlement n’a surtout pas été clarifié. Nous venons d’entendre M. Lefebvre, le porte-parole du groupe SRC, qui est arrivé dans cet hémicycle il y a peu de temps – cela fait maintenant deux ans – et qui n’a donc pas l’habitude de la pratique du règlement. C’est bien normal : on a tous débuté un jour !
Lorsqu’on réserve tous les votes, monsieur Lefebvre, pour voter en une seule fois, cela revient à un vote bloqué. Bien sûr que c’est comme cela que cela se passe ! On sait très bien que c’est l’habitude des socialistes. Depuis quelques jours, le Gouvernement se fait battre régulièrement. Il ne digère pas ces défaites et cherche donc à réserver les votes. Mais se faire battre, c’est la vie ! Si M. Lefebvre n’arrive pas à mobiliser sa majorité, tant pis pour lui ! Quelques députés participent à la réunion d’une commission élargie, nous dit-on, mais la majorité compte 300 membres.
Que faites-vous ? Où êtes-vous ? Pourquoi n’êtes-vous pas en séance ? Qu’est-ce que cela veut dire ? Vous êtes défaits, voilà la vérité. Si M. Lefebvre, responsable et porte-parole du groupe SRC, ne sait pas mobiliser sa majorité, tant pis pour lui, qu’il prenne ses responsabilités ! Est-ce une raison pour bâillonner le Parlement,…
…pour le museler, pour l’enfermer ? Eh bien non ! Ce genre de pratique ne doit pas exister.
Alors, ce n’est pas compliqué : si le Gouvernement prend la décision de lever la réserve et de laisser le débat et le vote se poursuivre de façon légitime, très bien. Mais dans le cas contraire, nous demanderons des suspensions de séance : tout le monde va perdre du temps, et le débat n’y gagnera rien.
À guerre de procédure, guerre de procédure ! Personne ne gagnera rien dans cette affaire.
La parole est à M. Philippe Vigier. Pour un nouveau rappel au règlement ?
Je n’ai pas eu l’impression que l’intervention de M. Chartier ait porté sur le règlement…
J’ai fait le compte, monsieur Lefebvre, vous qui êtes le responsable du groupe SRC sur les projets de lois de finances : vous êtes vingt-six, nous sommes six.
La différence est de vingt. Cela veut dire que vous êtes tellement peu sûr des députés présents que vous ne voulez pas prendre le moindre risque de faire battre une nouvelle fois le Gouvernement !
C’est effectivement exceptionnel. Voulez-vous que nous nous en allions, que vous restiez entre vous ? Dans ce cas, vous arriverez peut-être à gagner douze à huit ! Cela n’a pas de sens.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.
…pour la discussion de vos amendements. Nous avons voté en leur faveur. Il y a donc eu des votes bloqués en rafale, tellement il était urgent d’évacuer ceux qui avaient des idées différentes !
Acceptez, monsieur le secrétaire d’État, que l’on puisse tenir un débat contradictoire et procéder aux votes. Sinon, comme l’a très bien dit Jérôme Chartier, on bâillonne le Parlement, et que nous reste-t-il à faire ici ?
Pire encore : vous nous avez annoncé qu’on verrait, en fonction des députés qui sortent de la commission élargie, si le Gouvernement devenait assez sûr des députés présents pour accepter de lever la réserve des votes.
Une belle pièce de théâtre ne ressemble même pas à cela. Franchement, ce n’est pas sérieux ! Monsieur Lefebvre, je vous avais connu beaucoup plus percutant !
La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-quatre, est reprise à dix-huit heures quarante-sept.
La séance est reprise.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 793 .
Le vote sur l’amendement est réservé.
J’interroge le Gouvernement sur sa décision de réserver les votes. S’il ne revenait pas sur cette décision, je l’informe que sur chaque amendement, systématiquement, moi-même ou le président du groupe UDI demanderions une suspension de séance pour protester contre cette pratique. Le Parlement est bâillonné, il est muselé, il ne peut pas remplir sa fonction ni exercer ses responsabilités. C’est la raison pour laquelle, je demande une suspension de séance.
La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-huit, est reprise à dix-huit heures quarante-neuf.
La séance est reprise.
La parole est à M. Jacques Alain Bénisti, pour soutenir l’amendement no 186 .
Monsieur le président, dès lors que je n’ai pas eu de réponse à ma proposition de compromis avec le Gouvernement, je ne vois pas comment je pourrais défendre l’amendement no 186 .
L’amendement no 186 est retiré.
La parole est à M. Jérôme Chartier, pour soutenir l’amendement no 174 .
Je ne défendrai pas cet amendement, monsieur le président, parce qu’il n’y a ni débat, ni discussion, ni vote. Tout est réglé, le Gouvernement en a décidé ainsi. À quoi bon faire son travail de parlementaire dès lors que le Gouvernement interdit au Parlement d’exercer sa mission et de se prononcer par un vote sur les modifications de la loi de finances ?
C’est par un vote que l’on exprime chacune de ses positions. On ne vote pas d’un seul coup d’un seul, en bloquant tout parce que la majorité n’est pas présente en nombre suffisant dans l’hémicycle, parce que le groupe socialiste n’est pas capable d’avoir une majorité, ce qui en dit long sur ses divisions internes ! Non, ce n’est pas ainsi que doit se dérouler le travail parlementaire.
Si nous avions procédé ainsi ne serait-ce qu’une seule fois, mes chers collègues, lorsque vous étiez dans l’opposition, que n’aurions-nous entendu ! Vous-même, monsieur le secrétaire d’État, alors que vous étiez à l’époque le responsable de votre groupe au sein de la commission des finances, que n’auriez-vous dit ! Cette pratique, nous la récusons et c’est la raison pour laquelle, après avoir entendu l’avis de la commission et du Gouvernement sur cet amendement que je ne retire pas, je demanderai une suspension de séance.
Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement. J’ai évoqué tout à l’heure le contexte de déséquilibre du dispositif d’accompagnement des travaux de protection contre les nuisances sonores. Dans le projet de loi de finances rectificative, le Gouvernement a l’intention, je le répète, de proposer une modification des ressources et le dispositif que nous vous soumettrons pourra recueillir votre assentiment, en totalité ou partiellement. C’est la raison pour laquelle je vous ai tout à l’heure proposé de retirer vos amendements. Je ne peux que réitérer cette demande. À défaut, j’appellerais l’Assemblée à rejeter votre amendement.
Conformément à la décision que nous avons prise, nous demandons une suspension de séance.
La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.
Le vote sur l’article est réservé.
La parole est à M. Gérard Sebaoun, pour soutenir l’amendement no 152 portant article additionnel après l’article 15.
Avec Jean-Pierre Blazy, le maire de Gonesse, François Pupponi, maire de Sarcelles et plusieurs autres collègues dont les communes sont directement touchées par les nuisances sonores aériennes, nous avons souhaité proposer un amendement sur le fonds d’aide à l’insonorisation des logements en l’insérant après l’article 15. Je vais vous expliquer pourquoi.
La taxe sur les nuisances sonores aériennes est affectée aux riverains et repose sur le principe polleur payeur. Surtout, le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires de 2013 classe cette taxe dans la catégorie des agences locales. M. le secrétaire d’État peut-il en premier lieu me donner une explication s’agissant de ce classement ? Pour ma part, je ne connais aucune agence locale qui relève de la TNSA.
Ainsi que l’ont dit M. le secrétaire d’État et M. Bénisti en posant le débat, le taux de prise en charge de l’insonorisation est satisfaisant, puisqu’il est passé de 80 à 100 %. Mais je pose la question de savoir ce qu’il en sera l’année prochaine.
Le taux de la TNSA a été réduit et M. le secrétaire d’État a indiqué qu’on aurait recours à des ressources différentes, notamment pour Aéroports de Paris. Je rappelle que ADP fournit 4,5 millions d’euros. Cette contribution est pérenne et n’a pas changé depuis 2000 si je ne trompe pas. Il faut donc y réfléchir, d’autant que les besoins évalués pour Roissy et Orly représentent plus de 50 millions d’euros. Ce n’est pas moi qui le dis, mais l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires, l’ACNUSA.
Le délai de traitement des dossiers éligibles est aussi passé en peu de temps de moins de dix mois à près de trois ans. La loi de finances pour 2014 avait instauré un plafond de la TNSA à 49 millions d’euros, mais nous avons entendu Mme la rapporteure générale proposer de le ramener à 48 millions. Notre amendement a pour objet de supprimer ce plafond.
On observe aujourd’hui un impact très négatif sur l’investissement local et les entreprises spécialisées agréées par ADP menacent de licencier de nombreux salariés si le blocage des travaux perdurent. Par ailleurs, après avoir voté la loi sur la transition énergétique, il nous paraît important de traiter ce sujet, vertueux à la fois au plan sanitaire, quand on connaît les conséquences délétères du bruit, avec un coût induit important sur l’assurance maladie, et au plan économique, avec des retombées positives sur les territoires. J’espère que le Gouvernement saura nous entendre s’agissant de ce sujet majeur.
La commission a repoussé l’amendement pour les mêmes raisons que précédemment.
J’entends bien, monsieur le député, votre préoccupation tout à fait légitime. Le Gouvernement doit faire face à un effet ciseau que j’ai rappelé tout à l’heure : la participation est passée de 80 à 100 %, alors que l’assiette des secteurs éligibles au dispositif augmentait de 45 000 logements. Voilà pour le premier point.
Ensuite, la filière du transport aérien de voyageurs n’est pas dans une bonne situation. Après avoir rencontré récemment un certain nombre d’acteurs, le Gouvernement et le Parlement réfléchissent à des mesures pour maintenir la filière. Le président Le Roux a été chargé d’une mission sur le sujet et doit faire des propositions, y compris sur la question des différentes taxes, dont celle que vous évoquez, sur laquelle le Parlement débat – parce que le Parlement peut débattre.
Enfin, il existe d’autres réflexions consistant à revoir la répartition du produit de la TNSA entre l’Île-de-France et l’ensemble du territoire national. Le Gouvernement fera des propositions sur ces pistes de réflexion au moment du projet de loi de finances rectificative.
Je suggère d’attendre le PLFR pour prendre une décision sur ce point. Si vous ne retiriez pas cet amendement, dont je comprends la finalité – vous le voyez, nous partageons les mêmes préoccupations – le Gouvernement émettrait un avis défavorable.
Je soutiens l’amendement de M. Sebaoun, qui soulève un problème extrêmement important que connaissent toutes les communes riveraines d’aéroports. En tant qu’élue de la circonscription d’Athis-Mons, Savigny et Juvisy, riveraine de l’aéroport d’Orly, je peux témoigner de la grande difficulté qui existe s’agissant de la TNSA et du traitement des dossiers du fonds d’aide à l’insonorisation. Les délais de traitement sont passés à deux ou trois ans. En 2013, le solde de la TNSA était déficitaire de 48 millions d’euros, suite aux baisses de tarif de la TNSA.
J’ai entendu les réponses du Gouvernement. J’ai également entendu tous les députés concernés insister sur l’existence d’une véritable difficulté s’agissant du fonds d’aide à l’insonorisation. Il ne s’agit que de compenser, pour les riverains, les externalités négatives des aéroports. Si vous avez vécu dans une commune proche d’un aéroport, vous savez combien il est difficile d’y vivre, compte tenu des nuisances sonores mais également de la pollution aérienne.
Il est très positif d’entendre que le Gouvernement a pris la mesure du problème et que des mesures doivent être prises. Il s’agit cependant là de l’application simple et directe du principe pollueur-payeur, qui doit être appliqué à la hauteur des conséquences subies par les riverains et de leurs besoins, ce qui n’est aujourd’hui pas le cas. Les dossiers d’aide à l’insonorisation ne sont pas traités et il y a là un véritable besoin à combler.
M. le secrétaire d’État rappelle à juste titre le problème lié à la TNSA. La baisse de son montant, qui est passé de 19 euros à 17 euros à Charles-de-Gaulle et de 47 à 37 euros à Orly, réduit en effet les ressources disponibles pour l’aide à l’insonorisation, qui est tout à fait indispensable. Le taux de cette aide a été porté à 100 % et de nombreux riverains, ainsi que des établissements publics, peuvent en bénéficier. Lorsqu’il faudra, à la fin de 2014, prendre une décision sur le pourcentage de prise en charge, j’espère que vous pourrez nous donner une réponse satisfaisante.
Enfin, aussi réel que soit ce problème, dont vous êtes du reste bien conscient, les riverains, personnes publiques ou privées, ne doivent pas être doublement victimes : victimes du bruit et victimes de difficultés budgétaires, qui ne devraient pas avoir d’effet sur une taxe affectée directement aux riverains.
Monsieur le secrétaire d’État, si le taux d’indemnisation a été porté de 80 % à 100 %, c’est parce que l’on s’est aperçu que certaines familles n’avaient pas même les moyens de payer 20 % du coût des travaux. L’ancien gouvernement a donc pris cette décision afin que ces familles qui souffrent quotidiennement du bruit des avions puissent réaliser les travaux dans de très bonnes conditions. Il est regrettable que le Gouvernement n’assume pas ses responsabilités et passe le relais à une entreprise privée, ADP. Certaines familles sont aujourd’hui en difficulté parce que dix mois après avoir réalisé les travaux, elles en réclament toujours le remboursement et se trouvent aujourd’hui dans une situation financière grave. Or, ces familles sont parmi celles qui ont les revenus les plus faibles de toute la région parisienne. Je demande donc au Gouvernement de prendre la décision de déplafonner cette taxe.
À défaut de souscrire pleinement à la position du Gouvernement, reconnaissez au moins qu’il est conscient du problème. J’ai rencontré le président de l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires, ainsi que celui d’ADP et des représentants d’Air France. J’ai également rencontré le président Le Roux en présence de M. Alain Vidalies, secrétaire d’État aux transports, et de quelques parlementaires qui connaissent bien ces sujets.
Il existe en effet une difficulté. Que vous le vouliez ou non, le montant de la taxe est un facteur de compétitivité entre nos aéroports et les autres aéroports européens. Tous les représentants de la profession vous diront qu’il existe dans ce secteur un problème de compétitivité, qui ne tient pas seulement à la structuration de nos compagnies aériennes. Nous travaillons actuellement sur diverses taxes, les unes liées à la sécurité dans les aéroports, d’autres à leur environnement, y compris commercial, et ce notamment avec Aéroports de Paris. Nous étudions également l’effort que nous pouvons faire pour soutenir les travaux d’insonorisation réalisés pour les personnes qui subissent des nuisances sonores.
Le passage du taux de remboursement de 80 % à 100 % pose véritablement question. J’ai été moi-même surpris lorsque j’ai découvert le problème, et c’est pourquoi je tiens à rappeler que les montants de l’aide sont tout de même plafonnés. Dans la limite de ce plafond cependant, la dépense est prise en charge intégralement. Ce plafonnement ne rend pas le remboursement vertueux, car les entreprises, qui sont informées de ce dispositif, peuvent parfois y voir une incitation à des pratiques tarifaires peu compétitives.
Certes, c’est le sens du plafonnement que j’ai évoqué. Cependant, même plafonné, un remboursement intégral ne tire pas les prix vers le bas.
Nous pouvons en parler sans faire de mauvais procès à quiconque. Il en va de même d’ailleurs pour d’autres sujets qui passionnent l’opposition, comme l’aide médicale de l’État.
Bref, nous sommes en train de travailler sur ce sujet. Le président le Roux et le Gouvernement feront des propositions qui incluront notamment, comme je l’évoquais tout à l’heure, la répartition du produit de la TNSA entre les aéroports d’Île-de-France et les autres, ce qui permettra, je l’espère, de débloquer une situation dont personne ici ne nie la difficulté.
Monsieur le président, je vous prie de me pardonner mon arrivée tardive en séance. Je siégeais en effet à la commission élargie consacrée aux anciens combattants, dont les travaux se tenaient en même temps que le présent débat.
Permettez-moi d’évoquer dès maintenant certains éléments d’un travail dont je rendrai les conclusions dans deux semaines. J’ai en effet reçu de M. le ministre Cuvillier la mission, confirmée depuis par le Premier ministre et par M. Alain Vidalies, de faire des propositions sur la compétitivité du transport aérien français, car le pavillon aérien français n’est pas immortel.
La taxe dont il est ici question répond à un besoin évident d’équipement, notamment pour des ménages qui ont de faibles moyens et qui résident dans la région Île-de-France, dans l’environnement des deux plates-formes aéroportuaires de Roissy et d’Orly. La réduction ou la disparition de l’aide nécessaire financée par cette taxe n’est du reste pas au centre du débat sur la compétitivité du transport aérien, qui devrait être examinée dans son ensemble. Je tiens donc à vous rassurer sur ce point et à vous inviter à aborder ces questions dans le cadre global du prochain projet de loi de finances rectificatif. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Après avons entendu M. le secrétaire d’État et M. Le Roux, je retire mon amendement. J’espère que le projet de loi de finances rectificatif nous donnera cependant acte du vrai sujet que chacun reconnaît ici.
L’amendement no 152 est retiré.
Mes chers collègues, dans votre recherche désespérée d’économies, vous faites les poches de tout le monde.
Vous avez fait les poches des collectivités locales, et ce n’est pas l’amendement de la semaine dernière qui résoudra ce problème, puis des filiales de l’État. L’article 16 prévoit maintenant une ponction exceptionnelle sur les agences de l’eau.
Je comprends que vous vous efforciez de limiter les frais de fonctionnement de vos différents satellites, car les frais de fonctionnement sont toujours excessifs et il convient toujours de les limiter. Cependant, les agences de l’eau sont les principaux financeurs des investissements des collectivités locales, en particulier en matière d’assainissement, de protection des rivières et de protection des captages d’eau potable. Vous avez là encore trouvé une occasion superbe de tuer l’économie locale et de limiter l’investissement des collectivités.
Cette énorme ponction opérée sur les agences de l’eau aura en effet des conséquences, sous la forme d’une baisse du pourcentage des subventions allouées aux collectivités locales. Les nombreux élus locaux présents dans cet hémicycle doivent savoir que ces pourcentages, actuellement de l’ordre de 40 % ou 50 %, chuteront à 30 %, 20 % ou 15 %, ce qui aura pour résultante qu’ils devront interrompre d’énormes travaux d’assainissement. Or, l’assainissement coûte très cher et les subventions de l’agence de l’eau créent un effet de levier qui permet aux collectivités locales de lancer ces investissements et de soutenir la filière du BTP et du génie civil.
Face à des élus locaux qui lancent des plans de relance en vue de limiter l’assèchement des dotations, vous allez, en supprimant les dotations de l’agence de l’eau, accélérer la déprime de l’économie locale et l’arrêt des investissements locaux, c’est-à-dire faire une fois de plus le contraire de ce qu’il faut en asséchant la relance par l’investissement local.
Nous vous demandons de limiter cette ponction sur les agences de l’eau et de concentrer vos efforts sur les frais de fonctionnement de l’État, qui offrent une vraie source d’économies qui n’obérera pas pour autant l’investissement local.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Nous en venons aux amendements, à commencer par des amendements de suppression. La parole est à M. Jérôme Chartier, pour soutenir l’amendement no 219 .
Comme tout à l’heure, je n’expliquerai pas les raisons pour lesquelles j’ai déposé cet amendement. Il est défendu.
Depuis 40 minutes, et pour la première fois depuis des années, il n’y a plus de droit de vote dans cet hémicycle, sur une loi de finances. On n’a jamais vu ça !
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Certes, lors de l’examen de chaque loi de finances, cela s’est produit pour quelques amendements, et l’on a même vu des deuxièmes délibérations. C’est là une pratique normale : il est légitime que le Gouvernement souhaite exercer sa responsabilité, et qu’il le fasse avec l’assentiment du groupe majoritaire. Mais réserver 300 amendements d’un seul coup ! Cela revient à marquer sa faiblesse : cela signifie que le Gouvernement n’est même pas certain d’obtenir le vote favorable de son groupe pour la deuxième délibération.
À quoi sert-il donc de défendre nos amendements ? Très tard ce soir, ou même très tôt demain matin si nous continuons ainsi, il faudra rappeler chacun des arguments que nous avons développés, ce qui sera impossible, puis il faudra passer à un vote sec, pour ou contre, après un simple rappel des positions du Gouvernement et de la commission. C’est tout, et ce n’est pas un débat parlementaire.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez décidé de bâillonner le Parlement. Le groupe UMP est opposé à cet état de fait et le groupe UDI partage cette position. Nous demanderons donc systématiquement une suspension de séance à la fin de la discussion de chaque amendement.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 749 .
…et notamment des retraités, fait cette fois les poches des agences de l’eau. Cette année, il ponctionne 175 millions d’euros ; l’année dernière, c’était 210 millions. Vous êtes donc coutumiers du fait – je vois, monsieur Faure, que cela vous réjouit.
Derrière ces coupes, c’est de l’assainissement qu’il s’agit. Certains d’entre vous sont encore maires, monsieur Caresche, ou ont des responsabilités locales et devraient donc y penser.Vous ne pouvez pas afficher la volonté d’opérer une transition écologique et d’améliorer l’environnement de notre pays tout en prenant leurs moyens aux agences de l’eau bien gérées. J’imagine que les écologistes sont édifiés ! Parce que vous gérez mal, vous vous permettez d’aller prendre de l’argent dans les poches des agences de l’eau.
Les élus locaux vous regardent : la station d’épuration, les schémas d’interconnexion qui ne seront pas réalisés, c’est vous qui en serez responsables ! Vous semblez oublier, monsieur Caresche, que les agences sont gérées par des élus locaux, des entreprises, des agriculteurs. On voit là combien vous faites de mal aux bons schémas écologiques propres à améliorer l’environnement dans notre pays, et cela au moment même où la France a été condamnée par Bruxelles et où il nous faut lutter, monsieur Faure, contre les nitrates et contre les dérivés atrazinés.
Vous opérez un véritable hold-up sur ces agences, qui ont un vrai rôle à remplir. Or, les agences de l’eau lèvent une fiscalité locale. Ce sont ceux qui paient qui devront donc tout simplement subir un prélèvement complémentaire sur leur facture !
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Voilà comment les choses se passeront, c’est une conséquence logique. Ou alors il faut dire que les agences de l’eau ne servent à rien et qu’elles sont mal organisées !
Il fallait mettre en place une nouvelle organisation des agences de l’eau et faire en sorte que le modèle existant jusqu’à présent, qui a donné satisfaction et a fait ses preuves, puisse perdurer.
J’espère, monsieur le secrétaire d’État, que sur un amendement aussi important…
J’en termine, monsieur le président, mais c’est difficile de traiter de cela en deux secondes !
Je conclus, rassurez-vous, en disant simplement qu’il faut réfléchir un instant à cette ponction. Vous me répondrez que cela a déjà été fait en 2003, monsieur Faure, mais je vous conseille de penser au bon état écologique de ce pays : les engagements de cette majorité, une fois de plus, sont mis à mal !
Pour ma part, en tant qu’élu local, maire d’une ville de cinquante mille habitants qui gère une régie publique depuis une quarantaine d’années, je voudrais appeler votre attention, monsieur le secrétaire d’État, même si je sais que vous ne l’ignorez pas, sur cet enjeu majeur pour la préservation et l’aménagement des espaces urbains et ruraux qui est aujourd’hui sur la table.
Il me semble en effet que les conséquences de cet article risquent d’être importantes pour l’investissement des collectivités territoriales en matière de développement et de maintien de la qualité des réseaux. En outre, cela remet en question l’équilibre budgétaire des régies, lorsque l’eau et l’assainissement sont gérés en régie. Enfin, une telle décision entraînera sans doute une hausse très conséquente du prix de l’eau. Je vous demande donc, monsieur le secrétaire d’État, d’accepter la suppression de cet article.
…mais je voudrais tout de même lui rappeler qu’il faut regarder les chiffres dans le détail avant que de se lancer dans de grandes envolées.
Les taxes en question dans cet amendement, qui s’élevaient à 1,7 milliard d’euros en 2010, sont de 2,2 milliards d’euros en 2014.
Cela représente une augmentation de 24 %. Connaissez-vous beaucoup de budgets qui ont augmenté de 24 % en l’espace de trois ans ? 24 % ! Or le budget des agences de l’eau est inclus dans l’ensemble des dépenses qui constituent la dépense publique. Si vous laissez des budgets augmenter de 24 %, cela signifie que d’autres devront faire des économies. Il faut donc faire preuve d’un peu de mesure et de cohérence. Ainsi, après ces 24 % d’augmentation depuis 2010, je crois qu’un prélèvement de 175 millions ne remet en cause ni les objectifs, ni les missions des agences de l’eau et vise simplement à réguler quelque peu les augmentations qui ont pu être observées. Avis défavorable.
L’argument de votre rapporteure générale est implacable, même si les chiffres que j’évoquerai ne sont pas exactement les mêmes : +27 % entre 2007 et 2013.
J’ai bien remarqué. Il se trouve que, comme un certain nombre d’entre vous, je connais aussi quelque peu ce domaine, ayant été vice-président d’un comité de bassin pendant longtemps.
Du reste, le prélèvement de 210 millions opéré l’année dernière n’a pas conduit cette agence de bassin à réviser son programme, je le note de façon tout à fait intéressée ! J’ai également en tête la disponibilité de trésorerie des agences de l’eau – car en effet, le Gouvernement, au travers de tous ces articles, mobilise toutes les trésoreries existantes : c’est le coeur du sujet ! Sans vous refaire le coup de l’héritage, parce que vous allez encore hurler, telle est bien la situation : un déficit de plus de 7 % peu avant que nous arrivions au pouvoir et aujourd’hui la nécessité de redresser les comptes publics !
Ces taxes, ces produits dynamiques soulèvent de grandes interrogations. Nous en avons discuté avec Jean Launay, qui préside le comité national de l’eau, de même qu’avec nos principaux interlocuteurs au sein des agences de l’eau : peut-être faut-il réfléchir aux missions des agences de l’eau, et peut-être aussi profiter de leur savoir-faire pour étendre leurs missions à certains autres domaines.
Personnellement, même si la question n’est pas tranchée, je suis favorable à ce que les agences de la biodiversité soient rattachées aux agences de l’eau. Cela fait encore débat, d’aucuns ne partageant pas ce point de vue. Les agences de l’eau sont en effet dotées de personnel, d’équipements, de sièges de qualité, qu’elles se sont constitués au fil du temps. L’on pourrait donc proposer, à l’instar d’un certain nombre de responsables d’agences, toutes tendances confondues, d’élargir les missions de ces agences plutôt que de prélever leur trésorerie, et ce à due concurrence des sommes que nous envisageons de prélever. Cela pourrait constituer une piste de réflexion pour les prochains budgets.
Le Gouvernement, vous l’aurez compris, n’est donc pas favorable à ces amendements de suppression. Par ailleurs, puisque vous m’y invitez, monsieur Chartier, et bien qu’il ne reste pas 300 amendements, comme vous l’avez dit, mais seulement 180…
Rires sur les bancs des groupes UMP et UDI
…le Gouvernement, qui n’a par précaution pas limité la réserve dans le temps, souhaite à cet instant, monsieur le président, que l’Assemblée se prononce à nouveau sur les amendements mis en discussion.
Monsieur le président, je souhaiterais aussi une suspension de séance, au moment que vous jugerez opportun dans la discussion sur ces amendements.
Merci, monsieur le secrétaire d’État, en levant cette réserve, de nous permettre de poursuivre notre travail dans des conditions convenables ! Il n’y a pas de mal à être battu sur un amendement si le Parlement fait son travail ; or le travail du Parlement consiste justement à améliorer les textes du Gouvernement, à s’y opposer ou à les conforter.
Madame la rapporteure générale, vous avez raison de souligner une augmentation de 24 %, mais vous avez devant vous un parlementaire qui connaît bien ces questions : pas plus tard que cet après-midi, je réceptionnais les travaux de restauration d’un château d’eau.
Je sais donc bien ce que disent l’agence de l’eau et la fameuse direction des territoires. Depuis quand, madame la rapporteure générale, doit-on obligatoirement définir des périmètres de protection ? Donnez-moi une date ! Depuis le 1erjanvier 2012. Eh oui, monsieur le président Le Roux ! Cela signifie que cette règle s’est imposée : les périmètres de protection sont devenus obligatoires et ont été imposés aux élus locaux. Pour ma petite communauté de communes, qui compte dix-sept châteaux d’eau, cela représente une dépense ! Sommes-nous aidés par les agences ? Non, nous ne le sommes plus !
Par ailleurs, les schémas d’interconnexion des réseaux d’alimentation en eau potable, je dis cela pour nos collègues écologistes, sont le meilleur moyen pour lutter contre les fuites. Or nous avions des réseaux avec 50 %, 60 %, 70 % de fuite : désormais, c’est oublié !
Quant aux stations d’épuration, s’agissant de l’agence de l’eau Loire-Bretagne dont je dépends, et contrairement à ce que vous venez de dire, madame la rapporteure générale, le taux d’intervention a baissé en 2012, 2013 et 2014 ! Lors de l’élaboration du nouveau programme, les taux changent ! Lorsque vous faites des travaux de sectorisation pour chercher vos fuites d’eau – même en Auvergne, madame Auroi ! –, qu’est-ce que cela permet de faire ? Vous ne voyez pas… Je ne vous en veux pas : moi je suis dans l’écologie pratique, pas dans l’écologie théorique !
Exclamations sur les bancs du groupe écologiste.
C’est pourtant vrai ! On rit de ce que je raconte sur les travaux de sectorisation, mais c’est très important !
Ces sujets sont graves. L’écologie au quotidien, pour nous les maires, est une véritable contrainte en termes d’aménagement du territoire et du bon écoulement écologique.
Dernière chose : nous venons de créer dans le beau département d’Eure-et-Loir un syndicat mixte d’aménagement de rivière. Les engagements des agences ont diminué de 30 % par rapport à ce qui était prévu initialement ! Qui paye ? Les collectivités locales ! Avec l’argent de qui ? Celui des contribuables !
Je ne peux pas laisser Mme la rapporteure générale présenter les choses d’une telle façon.
Les chiffres ne sont pas faux, mais on peut en débattre ! Les augmentations que vous avez citées – 24 % pour vous, 27 % selon M. le secrétaire d’État – ont une raison : la directive-cadre sur l’eau ! La charte de l’environnement ! Lorsque M. le secrétaire d’État suggère de réfléchir aux missions, je me tourne vers les écologistes, qui sont un peu silencieux sur le sujet.
Ce sont justement les missions confiées aux agences de l’eau qui ont entraîné des investissements et des dépenses supplémentaires en matière de préservation des milieux aquatiques ou de pollution. C’est devenu un enjeu de société extrêmement lourd, qui justifie ces augmentations. Il ne faut donc pas faire d’amalgame, pas vouloir se servir, comme certains viennent de le faire à propos des chambres de commerce – on en reparlera tout à l’heure – dans les réserves qui existent. Non, ces réserves sont un signe de bonne gestion ! En outre, les dépenses auxquelles vous faites référence ont été pour la plupart imposées par la loi.
Sur ce sujet, je voudrais dire que même si nous ne cumulons pas, nous, nombre d’écologistes ont été élus locaux. C’est mon cas : ayant été longtemps maire adjointe de la ville de Clermont-Ferrand et vice-présidente de l’agglomération en charge de l’environnement, j’ai longtemps géré les questions de l’eau. J’ai ainsi souvent eu l’occasion de travailler avec l’agence de l’eau Loire-Bretagne qui, disons-le clairement, dispose de pas mal de moyens. Il a souvent fallu faire comprendre à un certain nombre de techniciens que les périmètres de captage étaient importants. Il a fallu les former, leur donner des habitudes qui sont aujourd’hui acquises. Mais nombre de communes, comme Clermont-Ferrand, ont pris de l’avance et n’ont pas attendu que cela devienne obligatoire pour faire le travail qui est aujourd’hui attendu.
Enfin, j’en suis désolée mais puisque l’on demande à tous un effort, les agences de l’eau peuvent faire cet effort de 175 millions sur trois ans, d’autant que, dans le même temps, leur travail avec les communes se déroule de mieux en mieux.
J’ai entendu les propos de M. le secrétaire d’État et je tiens à dire très directement qu’il a raison d’être revenu sur sa décision et sur son énervement.
Je ne me suis pas énervé !
Je crois qu’il a raison de se rappeler qu’un Parlement, c’est fait pour voter, c’est fait pour s’exprimer et que par conséquent, il fallait le plus tôt possible revenir à la pratique de la discussion et du débat parlementaire !
Il m’arrive de m’énerver, mais là, ce n’était pas le cas !
Ce furent quarante minutes de trop, quarante minutes pendant lesquelles on a muselé le Parlement, on a voulu le bâillonner. Ce n’était pas acceptable. Nous avons donc maintenu la pression, avec nos collègues du groupe UDI. Vous avez bien fait de revenir sur votre décision ! Nous ne sommes plus dans une république du passé. Nous ne sommes plus dans des pratiques du passé. Que n’aurait-on entendu de votre part si nous avions fait cela lorsque nous exercions les responsabilités ! C’est la raison pour laquelle vous êtes enfin revenu à de meilleurs sentiments, dans le respect de la démocratie et du Parlement : vous avez bien fait ! Par conséquent, je m’arrête là s’agissant des suspensions de séance, monsieur le président, et la discussion va pouvoir reprendre son cours normal !
Certains de nos collègues s’émeuvent des chiffres, mais cette progression de 24% n’est pas anodine. Je souhaite tout de même rappeler à la représentation nationale, et notamment à MM. Vigier et Censi, qu’ils n’ont pas de crainte à avoir. En effet, bien gérer les finances publiques consiste à définir les moyens en regard des objectifs que l’on se fixe. Or, un programme a été défini, le dixième programme des agences de l’eau, qui s’étend de 2013 à 2018 et qui prévoit 13,3 milliards d’euros pour réaliser les investissements. Ce montant, en dépit du prélèvement qui sera fait, est préservé.
Vous voyez donc bien qu’il vaut mieux mettre l’argent là où on en a besoin, afin que les ressources correspondent bien aux investissements. Vous devriez être satisfaits que les ressources soient bien calibrées par rapport au montant des investissements qui sont prévus et aux projets qui sont lancés !
La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à dix-neuf heures trente-cinq.
La séance est reprise.
La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement no 709 .
Cet amendement de repli me semble offrir une « sortie de crise » intéressante.
Je rappelle que l’article 16 institue sur le fonds de roulement des agences de l’eau un prélèvement de 175 millions d’euros au profit du budget général de l’État. Si l’objectif du Gouvernement de faire contribuer les agences de l’eau à l’effort demandé à tous doit être respecté, le rôle de l’État et des collectivités dans la gestion des fonds prélevés par les agences de l’eau doit être préservé.
Nous proposons donc un jugement de Salomon, aux termes duquel l’effort financier demandé aux agences de l’eau serait réparti de la façon suivante : 95 millions seraient affectés au budget de l’État qui en disposerait librement ; 80 millions du programme 113 « Eau et biodiversité » seraient désormais gérés par l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques et les agences de l’eau, dans le cadre de leurs missions actuelles relatives aux problématiques de l’eau.
On préserverait ainsi le principe « l’eau paie l’eau ». Le domaine de compétences des agences de l’eau ne serait pas modifié. Cette modification serait donc in fine sans incidence budgétaire.
Je ne recommencerai pas, à l’occasion de cet amendement de repli, le débat que nous avons eu précédemment. Le montant de ce prélèvement a été calibré de façon à préserver le financement du programme en cours, comme Mme la rapporteure générale l’a rappelé. Je serais donc défavorable à votre amendement, monsieur Giraud, si vous le mainteniez.
L’amendement no 709 est retiré.
La parole est à Mme Danielle Auroi, pour soutenir l’amendement no 158 .
Le présent amendement, qui avait déjà été proposé dans le budget pour 2014, vise à préserver pour les années 2015 à 2017 les programmes de préservation et de reconquête de la biodiversité et l’objectif de bon état des masses d’eau dont les agences de l’eau ont la charge.
En effet, même si ce prélèvement me semble pouvoir être supporté par les agences de l’eau, il faut prendre en compte les difficultés spécifiques aux zones rurales et aux têtes de bassin.
Il faut donc éviter que les agences de l’eau privilégient les projets relevant de leur coeur de métier, tels que l’assainissement ou l’entretien du réseau d’eau potable, au détriment de la reconquête des continuités écologiques et de la préservation de l’état des eaux pour les générations futures.
Ces projets présentent en outre l’avantage d’être sources d’emplois pérennes.
Cet amendement a été accepté par la commission. Le prélèvement ne remet nullement en cause le programme d’investissement de 13,3 milliards d’euros, qui est bien entendu préservé dans sa totalité.
Le Gouvernement partage votre analyse, madame la députée, quant à la nécessité de ne pas remettre en cause le programme de préservation et de reconquête de la biodiversité et à l’objectif de remise en bon état des masses d’eau, dans le respect de la directive-cadre sur l’eau.
Il s’agit d’un objectif ambitieux et dont nous mesurons tous, sur nos territoires, combien sa réalisation sera complexe. Elle suppose l’aboutissement des programmes en cours, dont les agences ont la charge en partenariat avec les collectivités territoriales. Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement.
Il faudrait savoir ! Quand nous vous prévenons que le fait de raboter les crédits des agences de l’eau risquerait de déstabiliser l’investissement local, vous nous répondez qu’il n’y aura aucune incidence et qu’elles ont largement les moyens de financer les investissements gigantesques que vous imposez aux collectivités locales. Bref, aucun problème pour l’eau.
Mais voilà qu’un amendement vous reproche de remettre en cause les programmes d’investissements, craint que les agences de l’eau ne doivent privilégier certains projets, et la rapporteure générale et le secrétaire d’État s’y déclarent, d’une façon assez mielleuse d’ailleurs, favorables ! Vous venez de nous dire que le prélèvement de 175 millions n’aurait aucune impact sur les programmes d’investissements, et soudain vous vous dites conscients des problèmes et vous admettez clairement que sans l’amendement, les programmes seront remis en cause !
Quel beau jeu de rôles : d’un côté la méchante droite qui veut raboter les dotations des agences de l’eau, et de l’autre les gentils écologistes qui demandent que la pérennité des programmes d’investissement, dont nous sommes les premiers à reconnaître l’importance, ne soit pas remise en cause !
Franchement ne nous prenez pas pour les autres. Il n’y a là qu’un jeu de rôles destiné, dans la guerre civile qui déchire la majorité, à préserver les quelques voix écologistes.
Nous sommes quand même un peu plus intelligents que ce que vous pensez.
Moi aussi, je vais vous faire un compliment, monsieur Chrétien : en matière de jeu de rôle, vous vous posez là !
La question est sérieuse : les agences de l’eau ont accompagné des programmes de façon fort utile, mais le temps est venu de hiérarchiser leurs priorités. Pour connaître un peu ces questions, j’estime, et je l’assume, qu’il eût fallu faire preuve de plus discernement pour certains programmes, et cela est reconnu dans toutes les agences de l’eau.
Nous connaissons tous des collectivités territoriales à qui on a vendu des programmes clés en main pour résoudre des problèmes qui auraient pu être traités d’une façon plus économique.
Ce n’est pas un aveu. J’assume ce que je dis : la hiérarchisation des missions des agences de l’eau doit être un souci constant, à une époque où une gestion rigoureuse de l’argent public s’impose.
Cet amendement est utile en ce qu’il fixe des priorités.
C’est vous qui voulez nous faire jouer un jeu de rôles, monsieur Chrétien !
Calmez-vous, monsieur Chrétien. Personne ne vous a interrompu quand vous avez fait votre numéro, alors permettez-moi d’aller au bout de mon propos.
Il faut donc trouver des priorités dans les actions des agences. La priorité qui ne doit jamais être remise en cause, c’est celle qui vient d’être exposée. Voilà pourquoi le Gouvernement est favorable à cet amendement.
L’amendement no 158 est adopté.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 794 rectifié .
Nous venons d’assister à un beau débat hors sujet. Depuis le début, on nous dit que les finances de l’État doivent faire des efforts. Dans ce but, on rabote les crédits des agences de l’eau et d’un seul coup, le secrétaire d’État au budget se prend pour le ministre de l’environnement et détermine des priorités dans la politique de l’eau ! Faites donc venir la ministre de l’environnement pour que nous sachions si elle est d’accord, ou faites venir le Premier ministre pour qu’il nous dise quelle est la politique du Gouvernement sur l’eau…
… mais ce n’est pas au secrétaire d’État au budget de déterminer la politique de l’eau dans cette assemblée, surtout à propos de l’article 16 qui ne représente qu’un ajustement budgétaire pour combler les trous des déficits.
Vous n’avez jamais vu un débat budgétaire ?
Je ne savais pas qu’il y avait eu un remaniement ministériel durant les nombreuses suspensions de séance que nous venons de vivre et que désormais M. Eckert était secrétaire d’État au budget et à l’eau, que c’était lui qui définissait la politique de l’eau.
C’est une bonne nouvelle, sinon pour l’eau, du moins pour les finances publiques.
C’est ubuesque ! C’est surréaliste ! Vous êtes tombé sur la tête, il faut vous faire soigner !
Monsieur le ministre, vous dites que cet amendement est intéressant et qu’il définit des priorités. Que je sache, il appartient aux agences, qui sont des établissements publics, de définir leurs priorités. Ou alors il faut tout simplement aller au bout du chemin : si vous considérez qu’elles doivent se contenter d’appliquer les décisions gouvernementales, il faut les dissoudre et mettre un autre outil en place.
Laissez les conseils d’administration des agences définir les priorités en fonction des programmes !
Monsieur le président, c’est surréaliste, je n’ai jamais vu ça ! Il faudrait que dans le débat budgétaire, le secrétaire d’État ou le ministre au banc se contente d’aligner des chiffres, sans parler des politiques qu’il y a derrière !
Mais enfin, contestez-vous au secrétaire d’État au budget la capacité de parler de la politique publique qu’entend mener le Gouvernement, y compris avec des agences qui je le rappelle sont financées par des prélèvements assimilés à des impôts et taxes de toute nature et dont les dépenses participent de ce qu’on appelle dans son ensemble « la dépense publique » ?
Votre serviteur est secrétaire d’État auprès d’un ministre, celui des finances et des comptes publics !
Dans les comptes publics, il y a tous les budgets de toutes les agences de l’État, dont nous savons tous, dans cet hémicycle, l’indépendance avec laquelle elles utilisent les taxes affectées que vous votez. Le Parlement ne se prive pas d’exercer son contrôle…
… et c’est son rôle. Et vous prétendriez que le Gouvernement ne jette pas un coup d’oeil sur la politique conduite par les agences de l’État, par Pôle Emploi, par les agences de l’eau ?
Mais enfin, monsieur Chrétien ! Pardonnez-moi d’insister. Quelle que soit l’attitude de chacun, le Gouvernement entend aller au bout du débat et, même s’il a été amené à réserver des votes, à n’esquiver aucun débat.
Il assume toutes les mesures qu’il préconise, que ce soit pour le Gouvernement, pour les agences ou pour tous ceux qui travaillent avec l’argent public.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Et dussions-nous siéger jusqu’à six heures du matin !
C’est une tempête dans un verre d’eau. Je ne sais pas quelle mouche vous a piqué, cher collègue, mais vous faites un esclandre en expliquant par ailleurs que vous êtes totalement d’accord avec nous sur le fait que la préservation des milieux soit prioritaire ! Vous nous faites le procès de vouloir discuter des priorités alors que défendez la hiérarchie que nous venons de proposer ! Vous reprochez au secrétaire d’État au budget d’avoir un avis, alors que c’est lui qui représente le Gouvernement et que je suppose qu’avec le sérieux qui le caractérise, il a préparé la discussion avec l’ensemble des ministres concernés !
Vous êtes comme moi jeune parlementaire, mais nous avons quand même trois ans d’expérience !
Sourires.
Nous savons maintenant comment ça se passe dans cette maison. Et puisque nous représentons tous deux la même région, la Franche-Comté, vous savez comme moi depuis des années que les maires reconnaissent que les 40 % de subventions qu’ils percevaient à une époque étaient totalement abusifs ! Il y a eu beaucoup trop d’argent, vous le savez très bien !
Eux-mêmes reconnaissent que dans la période difficile dans laquelle nous sommes, le moment était venu de faire quelques efforts. Et puisque vous voulez accomplir quelque 110 milliards d’économies, ce serait peut-être le moment de vous y mettre !
Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.
L’amendement no 794 rectifié est adopté.
L’article 16, amendé, est adopté.
L’amendement no 191 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’amendement no 185 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’amendement rédactionnel no 793, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
L’amendement no 174 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’article 15, amendé, est adopté.
Cet article prévoit d’opérer un prélèvement de 500 millions d’euros sur les ressources affectées en 2015 au fonds de financement des chambres de commerce et d’industrie. Permettez-moi de vous dire que cette nouvelle contribution risque de remettre en question l’autonomie fiscale des CCI ainsi que les actions de soutien au développement économique qu’elles mènent, tout particulièrement dans les territoires ruraux.
Les petites CCI rurales, notamment celle de mon département, la Lozère, déjà fortement affectées par la baisse de la taxe, voient à cause de ce nouveau prélèvement leur capacité d’intervention largement diminuée par rapport aux CCI des grandes villes. Le ministre Emmanuel Macron a lui-même eu l’occasion, le 18 septembre dernier, d’affirmer qu’il apporterait une attention particulière aux CCI rurales.
Je pense que ce dispositif de l’article 17 devrait être supprimé pour ces chambres rurales, ou à tout le moins adapté dans une sorte de péréquation qu’elles réclament.
C’est pourquoi je soutiendrai l’amendement déposé par le député Calmette et plusieurs de ses collègues, qui propose une nouvelle répartition du prélèvement de 500 millions d’euros selon la pesée économique de chaque chambre. Il s’agit d’un critère objectif permettant d’appréhender les besoins financiers des chambres les moins dotées.
Monsieur le secrétaire d’État, le débat qui va s’ouvrir sur l’article 17 devrait vous permettre de fixer la volonté réelle du Gouvernement sur un dispositif de péréquation entre les différentes CCI de notre pays.
Monsieur le secrétaire d’État, vous allez encore nous dire que les CCI sont assises sur un tas d’or, illégitimement, et qu’il est nécessaire de piocher dedans pour compenser la mauvaise gestion de certains.
C’est moi qui dirai ce que j’ai à dire, pas vous ! Ne parlez pas en mon nom !
Là encore, nous ne pourrons pas être d’accord avec vous. En d’autres temps, vous parliez de stigmatiser certains groupes sociaux. Vous disiez que la droite montrait du doigt les collectivités, mais vous, mes chers collègues, vous montrez du doigt des acteurs économiques essentiels.
Après les chambres d’agriculture, nous parlons maintenant des chambres de commerce. Là encore, vous faites croire aux acteurs économiques qu’elles sont assises sur de l’argent qu’il faut ponctionner, pour combler le déficit. Ces décisions uniformes sont en train de porter un préjudice considérable à l’action des chambres de commerce, qui sont déstabilisées, désavouées, montrées du doigt, en complète contradiction avec votre volonté de relance de l’économie locale.
Vous rabotez les crédits des agences de l’eau pour tuer l’investissement local dans l’assainissement. Vous rabotez les dotations des collectivités locales pour tuer l’investissement des communes et des départements. Et maintenant, vous rabotez les frais et les dépenses des chambres de commerce pour limiter l’impact qu’elles peuvent avoir sur les politiques de l’emploi, sur les politiques de l’innovation, sur les politiques de soutien. Quelle contradiction entre vos grands discours volontaristes et le travail de sape que vous menez contre tous les acteurs locaux qui engagent des politiques volontaires pour lutter contre le marasme économique que vous avez créé depuis que vous êtes au pouvoir !
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Nous sommes contre ces mesures unilatérales. Ayez un peu d’intelligence, rabotez les crédits en fonction du potentiel économique de chaque CCI, tout comme M. Eckert, je le reconnais, a eu l’intelligence de dire qu’il fallait réformer la dotation globale de fonctionnement en tenant compte des réalités locales. Les ponctions que vous faites sur les CCI, nous ne les contestons pas : ce que nous voulons, c’est qu’elles soient justes, légitimes et équitables.
Nous revenons sur le sujet des chambres consulaires, que nous avons déjà abordé vendredi avec les chambres d’agriculture. Au moins, ce débat parlementaire nous aura appris trois choses sur nos collègues de l’opposition : vous êtes amnésiques, vous êtes incohérents et vous êtes inconséquents.
À chaque fois que, dans ce texte, viennent des propositions de maîtrise de la dépense publique, vous les rejetez, alors que dans le même temps, vous dénoncez l’effort annoncé de 50 milliards d’économies en disant qu’il faudrait en faire 130.
Tout ce qu’on retiendra de votre présence dans l’hémicycle, c’est que vous aurez proposé la suppression de l’ISF et l’augmentation de trois points de la TVA.
Sur ce sujet des chambres consulaires, je veux réaffirmer la position du groupe SRC. Il considère que, sur la base des travaux réalisés sur l’existence de fonds de roulement importants dans les chambres de commerce et d’industrie, le niveau de plafonnement proposé par le Gouvernement, à 500 millions d’euros, est parfaitement supportable par l’ensemble des chambres de commerce qui, comme les autres, doivent se réformer et se restructurer. En revanche, des propositions doivent être faites sur des modalités de répartition qui tiennent davantage compte de la richesse relative des différentes chambres et qui introduisent une volonté de péréquation et de mutualisation au niveau des chambres régionales.
Les travaux qui ont été conduits sur ce sujet montrent que cela est parfaitement possible. Je pense que dans la discussion, nous interviendrons sur les modalités de répartition mais l’objectif doit être tenu, comme le plafonnement doit être respecté. On a parlé vendredi d’une perte de 213 millions. Par rapport à ce que les CCI auront perçu en 2014, l’effort demandé sera de 45 millions.
C’est pourquoi le groupe SRC espère sur ce point une nouvelle délibération en fin de discussion budgétaire.
Je vais d’abord essayer de rassurer le porte-parole du groupe SRC. Je pense que les Français se souviendront de l’intervention du groupe UMP dans cet hémicycle pour tous les amendements qu’il a réussi à faire passer, avec d’ailleurs l’aide d’une partie de la majorité.
Le dernier en date est cet amendement très important qui vise à préserver l’aide au développement prélevée sur le produit de la taxe sur les transactions financières. Ce n’est que l’une de la petite dizaine de mesures que nous avons réussi à faire adopter contre vous monsieur Lefebvre, contre la partie du groupe sur laquelle vous avez manifestement la main, que vous contrôlez, ce qui n’est pas le cas de l’autre partie.
Oui, on va se souvenir du rôle des groupes UMP et UDI dans l’examen de ce projet de loi de finances. Nous agissons au nom des Français, au nom des principes, au nom du respect de quelques règles, comme celle qui consiste à ne pas museler le Parlement lorsque l’organisation de la majorité disconvient au Gouvernement.
En tout cas, sur cet article extrêmement important, il faut que nous ayons un vrai débat, monsieur le secrétaire d’État, sur le rôle des chambres de commerce et d’industrie partout en France. Des inquiétudes se sont exprimées, pas seulement dans les rangs de l’opposition mais aussi dans ceux de la majorité, parce que les chambres de commerce et d’industrie, ce sont des écoles, ce sont des centres de formation, ce sont des actions utiles pour les générations futures. Beaucoup craignent qu’après les prélèvements que vous comptez faire, moins de centres de formation des apprentis puissent se réorganiser, se développer, voire que certains viennent à fermer… bref qu’on amenuise le rôle de formation des chambres de commerce.
C’est en tout cas mon inquiétude et c’est pourquoi je suis heureux qu’un large débat ait lieu et que chacun puisse y contribuer. J’espère qu’à son terme le Gouvernement sera en mesure de proposer une solution satisfaisante pour faire face aux contraintes budgétaires de l’État, nous les connaissons tous, mais en même temps pour préserver cet outil fantastique que sont les CCI et particulièrement le réseau de leurs écoles, quel que soit leur niveau, depuis les centres d’apprentissage jusqu’à de très grandes écoles. Les CCI doivent poursuivre leurs missions extrêmement utiles à la France.
Monsieur le secrétaire d’État, nous avons déjà débattu de cette question vendredi mais elle est majeure et chacun, sur tous les bancs, en voit bien les difficultés. En effet, on ne peut entendre qu’il ne faille rien toucher, mais on peut comprendre qu’il soit nécessaire d’être attentif à l’organisation du réseau tout en faisant des efforts en termes de dépenses publiques.
En tout cas, monsieur Fauré, je vais vous envoyer quelques publications de l’UDI afin que vous ne racontiez plus que nous réclamons 100 ou 110 milliards d’économies. Nous avons toujours tenu des propos très raisonnables à ce sujet, en considérant que 50 milliards serait très bien, mais que vous n’y parviendriez pas. Vous ne trouverez aucun autre propos de ma part à ce sujet et je ne laisserai pas travestir la vérité.
Parce que nous sommes tous élus des territoires, nous connaissons tous le rôle de maillage territorial des CCI…
… mais seront-elles encore au rendez-vous demain lorsque vous serez allé prélever 713 millions dans leurs poches ? 713 millions ! Une somme considérable.
Monsieur Lefebvre, je vous ai écouté, ayez au moins l’élégance d’en faire de même avec vos collègues !
Dans le département d’Eure-et-Loire, dont je suis l’élu, par qui le secteur de l’enseignement supérieur est-il porté, monsieur Lefebvre ? A 85 % par les CCI ! Le déploiement pour l’accompagnement économique, la transmission d’entreprises, les pépinières d’entreprises, qui en est le maître d’ouvrage ? Eh bien, les CCI !
Vous n’aimez pas que l’on vous le répète, mais au moment où l’on parle de l’apprentissage – un fiasco pour le Gouvernement – je n’oublie pas que dans le PLF pour 2014 vous aviez fait chuter de 25 % les crédits dédiés, à tel point que le nouveau Premier ministre Manuel Valls avait dû rajouter 200 millions !
Alors qu’en est-il des chiffres, concernant l’apprentissage ? Demain, en faisant les poches des CCI, les investissements seront encore moins nombreux, vous le savez très bien.
Au-delà de tout cela, il y a des hommes et des femmes, ce facteur humain qu’une fois de plus vous vous apprêtez à massacrer. Sur les 26 000 collaborateurs des CCI, près de 6 000 risquent de perdre leur emploi !
Dans mon seul département, le prélèvement sera de 975 000 euros, madame la rapporteure générale, le 15 mars 2015. Or vous savez que des règles de financement public, en l’occurrence de trésorerie, s’appliquent aux CCI, fixées à 120 jours. Cette CCI ne disposera pourtant plus que de 36 jours de trésorerie devant elle et enfreindra donc les règles que le Gouvernement a pourtant lui-même érigées !
Ce sujet est important et, à certains égards, très préoccupant tant son impact est grand sur nos territoires : les CCI, comme les autres chambres consulaires d’ailleurs, participent en effet à un maillage territorial qui, en temps de crise, comme c’est le cas aujourd’hui, est encore plus essentiel.
Avec la mesure que vous proposez, ce sont les établissements les plus vertueux qui sont pénalisés, ce qui est franchement injuste et absolument inacceptable. Il faudra vraiment que nous réfléchissions à la suppression de cet article inique.
Sourires
Je ne peux pas laisser dire que sur d’autres bancs, on aimerait les CCI et que sur les nôtres, on ne les aimerait pas.
Nous sommes d’accord sur le fait que le maillage territorial des CCI est très intéressant. Or, pour avoir reçu un prix de la part de M. Lellouche avec la CCI des Pays de la Loire…
Sourires
…je peux vous dire qu’alors, le Gouvernement UMP n’aimait pas les CCI : vous ne trouverez en effet jamais ce sigle ni les mots « chambres de commerce et d’industrie » dans aucun des discours qui ont été prononcés de 2010 à 2012.
Ne laissons donc pas dire que, nous, nous n’aimerions pas les CCI !
Lorsqu’on travaille sérieusement, on sait qu’un prélèvement de 500 millions sur le fonds de roulement est tout à fait supportable.
Ce qui est difficile, Dominique Lefebvre l’a fort bien dit, c’est la répartition. La question est de savoir si c’est à nous ou non de faire des propositions en la matière. Nous en discuterons tout à l’heure mais ce qui serait à mes yeux insupportable, c’est que chacun d’entre nous parle de sa propre CCI et de son propre territoire.
Ce n’est pas ce que nous avons fait ! Nous parlons des CCI les plus vertueuses !
Nous sommes des législateurs mais depuis vendredi, chacun d’entre nous évoque « sa » CCI ! Nous devons réfléchir et travailler sur un plan national.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Sourires
Faire un prélèvement sur les fonds de roulement, comme cela est suggéré par le Gouvernement, a donné des idées à de nombreuses CCI. Sur l’ensemble du territoire, des sociétés se sont créées avec une forte participation des CCI afin d’apporter une aide aux entreprises ou d’augmenter leur capital. Ça, c’est une bonne initiative ! Ça, c’est le rôle d’une CCI !
On se demande d’ailleurs pourquoi les CCI ont gardé pendant si longtemps un tel fonds de roulement.
… que des millions, presque un milliard dormaient, sans aucune utilité pour l’économie. Or les CCI ont pour mission d’aider et de soutenir l’économie, pas de laisser dormir un milliard.
Le prélèvement de 500 millions n’a jamais été remis en cause par les CCI, qui l’ont accepté. Pourquoi vous, ici, sur ces bancs, prétendez-vous que nous leur faisons du tort ?
Non, elles ont accepté le prélèvement, alors de grâce, n’engagez pas un faux débat ! En revanche, il est important de travailler ce soir à la question de la répartition. Nous y reviendrons un peu plus tard.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2015.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures dix.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly