Je serai intéressée de connaître votre point de vue.
La proposition du Conseil du 15 juillet 2014 est, comme de coutume, très en retrait. Dans une déclaration des huit États contributeurs nets jointe à sa position, et au motif de faire face à des imprévus de gestion et de garantir la soutenabilité du cadre financier pluriannuel, le Conseil a indiqué vouloir restaurer des marges sous plafonds significatives, donc ne pas valider la proposition de la Commission, qui propose d’atteindre les plafonds. Les baisses de crédits proposées suscitent des inquiétudes, puisque les crédits d’engagement diminuent de 522 millions d’euros et les crédits de paiement de 2,1 milliards d’euros.
De manière peu compréhensible au regard des objectifs affichés, c’est la rubrique « compétitivité » qui concentre l’effort d’économie. Quant aux crédits consacrés à la politique extérieure, ils sont réduits de 70 millions en engagements et de 384 millions en paiements, alors que des crises majeures agitent notre voisinage proche. Le Parlement européen, dont la position sera débattue demain en séance plénière à Strasbourg, propose, quant à lui, une hausse de 4 milliards d’euros par rapport à la Commission. Le compromis entre les deux branches de l’autorité budgétaire, qui devra être trouvé avant le 17 novembre 2014, s’annonce pour le moins délicat. De notre point de vue, il devrait tendre vers la position de la Commission, les hausses de crédits semblant justifiées.
J’insiste aussi, monsieur le secrétaire d’État, et c’est une autre question, pour un plein usage des instruments de flexibilité, qui faisait partie du compromis politique trouvé dans le cadre financier pluriannuel en février 2013. Vous le savez, la Commission et le Conseil ont une interprétation juridique différente.
De même, il est important que le Gouvernement soutienne la révision à mi-parcours de ce cadre financier pluriannuel, ce qui permettrait aux parlementaires européens élus cette année de se prononcer sur un cadre qui a été fixé avant même leur élection et qui court jusqu’en 2020.
La position du Conseil sur le budget pour 2015 est donc, de notre point de vue, en pleine contradiction avec les priorités affichées par le cadre financier pluriannuel, par les conclusions du Conseil de juin 2014, voire par celles de M. Jean-Claude Juncker lorsqu’il nous annonce le financement de 300 milliards d’euros d’investissements, mais aussi avec les ambitions portées par la France – je n’oublie pas le plan pour la croissance adressé aux membres du Conseil par François Hollande en amont du Conseil de juin. C’est un signal négatif pour nos concitoyens, qui doutent déjà fortement de la capacité à agir de l’Union européenne.
Enfin, si les Etats membres se soumettent à une discipline budgétaire rigoureuse, alors l’Union doit pouvoir financer les investissements nécessaires à la stimulation de notre croissance, à la modernisation de nos infrastructures, à l’innovation, à la recherche et à la formation des travailleurs. À défaut, c’est une vision court-termiste qui s’impose.
L’enjeu est de taille pour l’Union européenne. La situation est critique, comme l’a rappelé la rapporteure générale. Le mois d’août 2014 a été pour la zone euro un mois d’inflation historiquement basse ; un quart des jeunes Européens sont au chômage, ce qui est inadmissible ; les pays sous programmes ont redressé leurs comptes au prix de sacrifices immenses pour leur population ; et nos concitoyens peinent à se retrouver dans un projet européen qu’ils ont le plus souvent l’impression de subir.
Nous refusons, pour notre part, que des partis populistes instrumentalisent les peurs, piétinent l’idéal de solidarité européen et mentent aux Français. Il est donc utile, et je remercie M. le secrétaire d’État de l’avoir fait dans son propos liminaire, de rappeler que si la France est un grand contributeur au budget européen, elle profite aussi de ses retombées. Les étudiants français bénéficient des programmes comme Erasmus, nos communes et nos régions de la politique de cohésion ; la garantie jeunesse est financée par le budget européen ; les fonds structurels contribuent à créer des emplois ; les dépenses de recherche bénéficient à notre industrie et à nos investissements à l’étranger. Notre économie bénéficiera enfin, nous l’espérons, de l’effet de levier des dépenses européennes, si les 300 milliards d’euros d’investissements annoncés se concrétisent.
Les atouts, l’Europe les a. Qui aurait pu prévoir que notre continent, dévasté en 1945, renaîtrait de ses cendres et survivrait à toutes les crises qui ont marqué son histoire pour devenir une des premières puissances démographiques et économiques mondiales, un espace de paix, de solidarité, de liberté et de justice sans équivalent dans le monde ? Ce n’est pas la force du rêve européen, ni sa valeur, qui ont faibli, mais notre capacité à renouveler le projet communautaire dans un monde qui a changé.
La France milite depuis 2012 pour un rééquilibrage de la politique européenne en faveur du soutien à la croissance et à l’emploi, aux côtés des sociaux-démocrates, comme en témoignent les 300 milliards obtenus du nouveau président de la Commission, de même que nos efforts pour concrétiser l’union bancaire, renforcer la coordination de nos politiques économiques et soutenir l’investissement dans des secteurs d’avenir, que ce soit l’énergie, les transports ou encore la santé. Nous avons aussi plaidé pour l’anticipation de la mise en oeuvre de la garantie jeunesse.
Il faut concrétiser ces engagements et accélérer le rythme de leur réalisation, ce qui ne se fera pas sans moyens. La France assume sa part de l’effort européen par un prélèvement sur recettes de 22 milliards d’euros. Mais le prélèvement étant inscrit dans la norme de dépenses, ce qui est un vrai sujet de réflexion, son augmentation réduit d’autant, comme l’a rappelé la rapporteure générale, les crédits consacrés à d’autres politiques.