Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, madame la rapporteure générale, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à mon tour, et au nom de la commission des affaires européennes, à me féliciter qu’un débat spécifique soit à nouveau organisé sur le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances. Alors que ce prélèvement est évalué à plus de 21 milliards d’euros en 2015, il est en effet plus que justifié que nous puissions en débattre ainsi que, plus généralement, du budget européen.
Il s’agit, il faut le souligner, d’un nouveau temps fort pour l’Europe au sein de notre assemblée, après les deux auditions importantes qui se sont tenues la semaine dernière et qui ont toutes deux constitué des premières institutionnelles, étapes importantes du renforcement de l’implication de notre Parlement en matière européenne. Je veux parler de l’audition de Pierre Moscovici, qui nous a donné l’occasion, pour la première fois, d’entendre le candidat français à la Commission européenne avant qu’il ne soit nommé définitivement, ainsi que de celle de François Rebsamen, que nous avons entendu, avec le président Claude Bartolone, juste avant le Conseil consacré à l’emploi et à la politique sociale, sur l’ordre du jour de ce conseil. L’audition de M. Rebsamen était d’ailleurs la première organisée dans le cadre de la nouvelle procédure d’auditions ministérielles décidée par le président Claude Bartolone, en accord avec le Premier ministre, afin de permettre aux députés d’entendre régulièrement les ministres avant les conseils des ministres de l’Union. Je vous indique à ce sujet qu’il est prévu que nous entendions Michel Sapin.
J’en viens à présent au coeur de notre débat : le prélèvement européen. On note que ce prélèvement sur recettes a connu une progression continue ces dernières années et devrait même, selon les estimations fournies par le Gouvernement, atteindre un pic en 2016, à presque 23 milliards d’euros. Nous sommes bien conscients qu’une telle évolution contraint d’autant les moyens des différents ministères, dès lors que sont prises en compte toutes les dépenses. Nous sommes aussi tous bien conscients que cette inclusion dans la norme de dépenses, ainsi que dans le calcul du solde public retenu dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance, conduit à contraindre le financement des politiques au niveau européen, et ce, alors même que le budget européen est un budget d’investissement, c’est-à-dire un budget qui doit construire l’avenir. De grâce, évitons les écueils d’une logique exclusivement comptable, et rappelons-nous la finalité d’un budget, et tout particulièrement du budget européen, à savoir être un outil au service de l’intérêt général européen.
Nous devons sortir de cette impasse. Pour cela, monsieur le secrétaire d’État, je vous propose d’exclure le prélèvement européen du calcul du solde public présenté à Bruxelles ainsi que de la norme de dépenses. Ce n’est pas aussi farfelu que cela peut paraître : il nous faut arrêter de considérer la participation financière aux politiques européennes comme un fardeau qui pèse sur toutes les finances nationales. Je rappelle d’ailleurs, s’agissant de la norme de dépenses, qu’avant 2008, le prélèvement européen n’était pas inclus en son sein et que c’est une pure décision d’opportunité qui a conduit le gouvernement d’alors à le prendre en considération. Monsieur le secrétaire d’État, j’aimerais connaître votre avis sur ces deux propositions, qui sont, en réalité, de simples mesures de bon sens et qui peuvent être mises en oeuvre à court terme.
S’agissant du prélèvement européen, on relève également, au cours de ces dernières années, des écarts importants entre le montant qui nous est présenté lors de l’examen du projet de loi de finances initiale et celui finalement déboursé, ce qui traduit une exécution heurtée, pour ne pas dire chaotique. Ainsi, en 2013, pas moins de neuf budgets rectificatifs ont été adoptés. On ne peut que déplorer ce type de gestion par à-coups, dont les conséquences sont loin d’être négligeables pour les finances nationales.
Ainsi, au-delà des mesures de court terme relatives au prélèvement européen, je pense, comme l’a soutenu notre commission, qu’il est impératif, pour permettre aux deux branches de l’autorité budgétaire européenne de sortir des débats stériles faits de postures dans lesquels elles s’enferrent, et afin de porter une véritable ambition pour l’Europe, de doter, enfin, son budget de véritables ressources propres. Ce pourrait être, par exemple, la taxe sur les transactions financières – je sais qu’elle est chère à votre coeur, monsieur le secrétaire d’État –, ou la taxe carbone, que ce soit aux frontières externes ou en interne.
La semaine dernière, le commissaire désigné chargé des affaires économiques, Pierre Moscovici, s’est dit, devant notre assemblée, très favorable à la mise en place de nouvelles ressources propres. Quelle est votre position à ce sujet, monsieur le secrétaire d’État, et que peut-on dire à ce stade des travaux menés sous la présidence de Mario Monti ?
J’en viens maintenant au volet « dépenses » du budget européen. La commission des affaires européennes considère que les plafonds retenus dans le cadre financier pluriannuel pour 2014-2020 sont insuffisants pour porter une véritable ambition pour une Europe qui entend se développer et ainsi redonner confiance à nos concitoyens dans le projet européen. On ne peut pas éternellement déplorer l’inefficacité de l’Union et ne pas lui donner les moyens de répondre aux objectifs qu’on lui fixe. Nous estimons, en conséquence, que les mesures de flexibilité introduites dans le nouveau cadre financier doivent être utilisées au maximum. Telle ne semble pourtant pas être la position collective des contributeurs nets. À cet égard, comme cela semble être envisagé par certains, entendez-vous saisir la Cour de justice ?
En effet, monsieur le secrétaire d’État, pourquoi refuser de mobiliser la marge pour imprévus dans le cadre du projet de budget rectificatif no 3 pour 2014 et pourquoi vouloir à tout prix réduire le projet de budget initial pour 2015 proposé par la Commission européenne ? Un refus ne risque-t-il pas de remettre en cause des actions essentielles, dont la mise en oeuvre de la garantie pour la jeunesse, pourtant indispensable dans des pays ou des régions, par exemple en France, où le taux de chômage des jeunes atteint des niveaux inacceptables ? S’agissant de cette garantie, pourriez-vous d’ailleurs nous indiquer comment sera financé le relèvement de son enveloppe, que j’avais appelé de mes voeux l’an dernier et dont je me félicite aujourd’hui ?
Après Estelle Grelier, je voudrais également vous alerter, monsieur le secrétaire d’État, sur la question des restes à liquider, que le projet de budget pour 2015 ne semble, pas plus que les précédents, devoir contribuer à résoudre. Comment entendez-vous endiguer ce reste à liquider, qui a progressé de plus de 40 % au cours des cinq dernières années ? Je note par ailleurs avec étonnement que, dans le projet de budget pour 2015 présenté par la Commission européenne, seuls 12,5 % des moyens devraient être consacrés aux questions liées au climat et à l’environnement, contre 12,7 % en 2014. Monsieur le secrétaire d’État, alors que la France a proposé de réduire le budget global pour 2015, comment entendez-vous atteindre, l’objectif de consacrer au moins 20 % du budget aux questions climatiques, prévu dans le cadre du cadre financier pluriannuel ?
J’en viens enfin au plan d’investissement de 300 milliards d’euros annoncé par le nouveau président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker. Nous soutenons pleinement cette initiative. Il est en effet impératif, alors que la déflation nous menace, d’investir pour l’avenir et de se garder de toute forme d’austérité. Si elle est bienvenue dans son principe, l’annonce de Jean-Claude Juncker ne manque pas de susciter de nombreuses questions : notamment, quel type de développement économique est recherché, et au moyen de quel financement ? Pour ma part, je pense que, pour être efficace, ce vaste plan d’investissement doit être principalement ciblé sur la transition énergétique. De fait, comme l’ont confirmé les débats et le vote de la loi sur la transition énergétique, il est plus que nécessaire d’investir pour accélérer cette transition, à même de créer des emplois, de changer notre modèle de développement économique et de nous rendre plus indépendants, que ce soit vis-à-vis de la Russie ou d’un autre pays.
Je plaide pour une mise en oeuvre très rapide de ce plan. Les trois années avancées par le commissaire désigné chargé des affaires économiques lors de son audition m’apparaissent comme un grand maximum, au vu de l’urgence qu’il y a à sortir l’Europe du marasme économique.
La question du financement de ce plan est, bien évidemment, essentielle. Certains avancent un mix de financements publics et privés, des interventions de la Banque européenne d’investissement ou la mise en place de garanties. Pour ma part, je plaide pour le lancement d’un grand emprunt européen au service de ce vaste plan d’investissement, pour que nos concitoyens, en particulier ceux qui ont de l’épargne, participent pleinement à ces orientations d’avenir. Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous nous indiquer comment vous concevez l’objet et le financement de ce plan d’investissement, et nous éclairer sur les projets d’infrastructures d’avenir prêts à être lancés ? De manière plus générale, que pensez-vous de la mise en place d’une capacité d’endettement propre à la zone euro, ainsi que nous l’avons appelée de nos voeux à l’Assemblée nationale ?
Avant de conclure, je souhaiterais aborder un dernier sujet : celui de la procédure prévue par le two pack. Monsieur le secrétaire d’État, alors que le Gouvernement a transmis le projet de budget pour 2015 à la Commission européenne le 15 octobre dernier, pourriez-vous nous apporter un premier éclairage sur les échanges que vous avez eus avec la Commission ? De manière plus générale, le président Jean-Claude Juncker a annoncé que la Commission européenne présenterait, d’ici à la fin de l’année, un réexamen de la mise en oeuvre du two pack ainsi que du six pack. Quelles améliorations préconisez-vous pour que tous les sujets soient traités de manière efficace ?
Pour conclure, je veux rappeler que le budget européen est, avant tout, un budget d’investissement. Il constitue à ce titre un outil pertinent de soutien à l’activité et à l’emploi, et ce plus particulièrement dans le contexte économique difficile que nous connaissons. Il se doit aussi de préparer l’avenir, notamment pour investir dans la transition énergétique et dans une politique énergétique commune à l’Union européenne : c’est pourquoi il ne peut être sacrifié sur l’autel de l’austérité. Sur tous ces sujets, monsieur le secrétaire d’État, j’attends vos réponses.