Intervention de Jacques Moignard

Séance en hémicycle du 20 octobre 2014 à 16h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 - projet de loi de finances pour 2015 — Article 30 et débat sur le prélèvement européen

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Moignard :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mesdames les présidentes de la commission des affaires étrangères et de la commission des affaires européennes, madame la rapporteure générale, chers collègues, au fil des élargissements successifs de l’Union européenne, la participation de la France au budget de l’Union a relativement décru. Alors qu’elle représentait 28 % de l’ensemble des contributions des États en 1971, cette part n’est plus aujourd’hui que de 17 %. La France demeure toutefois le deuxième contributeur européen.

L’article 30 du projet de loi de finances pour 2015 soumis à notre assemblée évalue à près de 21 milliards d’euros le prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne. À titre de comparaison, cette participation représente plus de trois fois le budget de la justice et plus d’un tiers du budget de l’éducation nationale. La contribution française absorbe en effet environ 5 % des recettes fiscales nettes nationales ; en période de restriction budgétaire et de réduction des dépenses publiques, ce débat parlementaire se justifie donc pleinement.

Considérant que le principe de solidarité entre États membres ne va pas de soi, que des conflits opposent les États principalement sur le rapport entre la contribution et le montant reçu et que des déséquilibres se manifestent entre contributeurs nets et bénéficiaires nets, il faut souligner le caractère volontaire et chargé de conviction de la participation de la France au projet européen, et ce, malgré la vague eurosceptique.

En effet, plusieurs amendements ont été déposés par les députés non-inscrits de notre assemblée qui prônent soit la suppression pure et simple de l’article 30, donc de la participation de la France au budget de l’Union, soit le gel dudit prélèvement en cas de procédure de déficit excessif imposée à la France au titre de l’article 126 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Le principe même de la contribution de la France au fonctionnement de l’Union européenne ne saurait être sérieusement remis en cause au moment où l’union politique et la solidarité des États membres doivent être plus que jamais réaffirmées.

De plus, des avancées politiques majeures ont été récemment enregistrées dans l’Union, s’agissant de la résolution des crises financières, pour ne citer qu’un exemple, avec la directive 201459UE établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement. Désormais, en cas de liquidation, la charge portera directement sur le secteur bancaire, et non plus sur les contribuables via les fonds publics, car ce schéma traditionnel tendait à aggraver chaque fois plus encore la crise de la dette. L’Union est ainsi parvenue, grâce à un accord politique, à découpler le risque bancaire du risque souverain. C’est un exemple constructif parmi d’autres, qu’il ne faut pas sous-estimer et qui nous indique toute l’utilité du projet européen et justifie la confiance renouvelée que nous lui portons.

Cela étant dit, il n’en demeure pas moins vrai que les écarts considérables qui ont pu être constatés – il était de 2 milliards d’euros en 2013 – entre la prévision et l’exécution du prélèvement sur recettes au profit du budget de l’Union européenne posent véritablement question. Ces écarts, relevés régulièrement par la Cour des comptes et par notre commission des finances, doivent être mieux anticipés dans un souci de meilleure maîtrise et de meilleure programmation de nos finances publiques.

Je passerai rapidement sur la minoration des crédits de paiement alloués à l’Union délibérée en 2010 dans le but de tenir artificiellement les engagements budgétaires pris dans la programmation 2007-2013, et dont les effets réels se sont fait sentir jusqu’en 2013 ; c’est le résultat de l’héritage d’un passif qu’il nous a fallu solder. Plusieurs régulations substantielles effectuées par la nouvelle majorité ont été nécessaires pour tenir les engagements de la France au plan européen. Nous les avons réalisées avec courage et détermination et avons ainsi apuré le passif laissé par la France et d’autres États à majorité conservatrice durant la précédente législature.

Passons donc sur ce passif, puisqu’il est liquidé. Pour l’avenir, l’évaluation du montant global du prélèvement sur recettes dépend en partie de l’exécution du budget de l’Union, notamment de la part réelle des dépenses réparties sur le territoire britannique dans le total des dépenses réparties au sein de l’Union pour estimer la participation de chacun à ce que l’on appelle le « chèque » britannique.

Ce budget dépend aussi de trois facteurs indissociables : les dépenses réparties au sein des nouveaux États membres, le montant des dépenses de développement territorial et la PAC, la politique agricole commune, dont la nouvelle version entre en vigueur au 1erjanvier prochain.

Surtout, il faut relever que la structure du prélèvement sur recettes de l’État, indexé notamment sur le revenu national brut et sur les recettes de TVA, rend son estimation quelque peu aléatoire étant donné le contexte macroéconomique actuel. Ainsi, la Commission européenne a dû réviser les assiettes de TVA et de RNB dans son projet de budget rectificatif no 4 présenté le 9 juillet dernier, afin de tenir compte de prévisions économiques plus récentes, davantage actualisées de la zone.

L’Union est soumise, tout comme la France et les autres économies du monde, à des aléas forts en termes de trajectoire de l’inflation et d’estimation de ses propres recettes. Ces aléas économiques doivent la conduire à assouplir son interprétation des termes du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, à ne pas s’en tenir à une lecture purement juridique. En ce sens, nous soutenons fermement les négociations en cours menées par le ministre des finances auprès de la Commission européenne pour défendre le budget 2015 de la France.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion