Intervention de Christophe Caresche

Séance en hémicycle du 20 octobre 2014 à 16h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 - projet de loi de finances pour 2015 — Article 30 et débat sur le prélèvement européen

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Caresche :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mesdames les présidentes de la commission des affaires étrangères et de la commission européenne, madame la rapporteure générale, je me félicite du retour d’un tel débat dans l’hémicycle ; même si l’assistance est clairsemée, j’y vois le signe d’une reconnaissance au moins symbolique de l’importance de ce sujet. Il est bon que nous le montrions.

Le budget européen est à nouveau marqué par une tension forte. Ce n’est pas une surprise ; on se souvient évidemment des négociations et des débats qui avaient présidé à l’élaboration des perspectives pluriannuelles, ainsi que des questions qui étaient restées sans réponse à l’époque et qui expliquent qu’on rencontre un certain nombre de difficultés aujourd’hui avec ce budget.

Cette tension s’explique par deux éléments. Premièrement, la crise économique oblige la plupart des États à réduire leur déficit, ce qui les rend évidemment moins enclins à augmenter spontanément leur contribution.

Cette tension est également liée à l’approche nationale qui préside à l’élaboration du budget européen, à travers les contributions demandées à chacun des États. Évidemment, lors de l’élaboration du budget européen, les États sont attentifs à leurs intérêts et à ce qu’ils peuvent attendre en retour du budget européen.

La France a accru ces dernières années sa contribution au budget européen alors même que les retours qu’elle pouvait escompter diminuaient. En effet, de premier bénéficiaire du budget européen en volume en 2010, elle occupe en 2013 le deuxième rang après la Pologne et devant l’Espagne et l’Allemagne. Notre pays est ainsi devenu contributeur net au budget de l’Union avec un solde négatif qui avoisine les 9 milliards, selon le mode de calcul retenu. Il est donc très significatif que dans un tel contexte, notre pays augmente sa contribution.

La France, comme tous les pays de l’Union, veille à ses intérêts mais elle prend aussi sa part de la solidarité européenne, d’autant plus qu’elle a été sollicitée de manière importante pour alimenter d’autres dispositifs européens destinés à faire face à la crise – je remercie la rapporteure générale du budget de l’avoir rappelé. Il s’agit du mécanisme européen de stabilité, le MES, pour lequel la part de la France s’élève, de mémoire, à 6 milliards, de la recapitalisation de la Banque européenne d’investissement qui a également représenté un coût important pour notre pays, de l’aide directe à la Grèce, elle aussi substantielle. Félicitons-nous que la question de la solidarité avec la Grèce n’ait pas donné lieu en France à des débats extrêmement virulents comme d’autres pays ont pu en connaître.

La France a par ailleurs oeuvré pour mettre en place un autre dispositif très positif, l’Union bancaire. Certes, il ne s’agit pas d’une contribution de l’État français, mais des banques françaises, qui sera assez significative même si la négociation n’est pas terminée. Espérons que les intérêts français seront aussi préservés dans cette négociation.

Au vu de l’ensemble des dispositifs créés pour faire face à la crise, l’on ne saurait réduire la contribution d’un pays comme la France à sa contribution au budget européen. Pour être objectif, l’on comprend dès lors que des pays sollicités pour alimenter ces nouveaux dispositifs aient souhaité modérer leur contribution au budget européen.

Reconnaissons que le budget européen se trouve écartelé entre des États soumis à de fortes pressions budgétaires et la satisfaction de besoins utiles pour relancer l’économie et réduire les disparités au sein de l’Union européenne. D’où la forme de schizophrénie qu’il y a, du moins en apparence, à demander à l’Union d’intervenir beaucoup plus sans lui accorder pour autant les moyens de le faire.

Quelques pistes sont évoquées pour sortir de ce dilemme, à commencer par celle des fonds propres, des ressources propres. Le débat est ancien mais il peut progresser, notamment grâce à la taxe sur les transactions financières, même si l’on sait qu’une taxe affectée au niveau européen ne le serait pas au niveau national. Nous retombons là encore sur des problématiques nationales et la discussion sera difficile.

D’autres propositions visent à sortir les contributions nationales ou d’autres dépenses d’investissement du calcul du déficit. Si la France souhaiterait que l’on sorte les dépenses de défense, l’Italie a d’autres suggestions. C’est une piste mais ne considérons pas qu’un simple changement de présentation réglera le problème.

J’en ai, pour ma part, une autre qui mérite qu’on en débatte : donner à l’Union la capacité de s’endetter, ce qu’elle ne peut faire aujourd’hui, en s’orientant vers une nouvelle architecture financière, peut-être très ambitieuse, mais que certains proposent via la mutualisation des dettes et la création d’un Trésor au niveau européen, ce qui doterait l’Union européenne d’une capacité financière propre et lui permettrait d’emprunter sur les marchés. Nous le savons cependant, ces propositions, pour intéressantes soient-elles, ne sont pas encore à l’ordre du jour. Pour l’heure, seule l’élaboration entre les États d’une véritable stratégie coordonnée de sortie de crise semble susceptible de débloquer en partie la situation. Sans un tel accord, accepté par tous les pays, il n’y aura pas d’évolution notable du budget européen et du rôle que pourrait jouer l’Union européenne dans une stratégie de ce type. Les bases de cet accord sont en train de se dessiner, à l’initiative, assez paradoxalement d’ailleurs, du président de la Banque centrale européenne qui les a proposées lors d’un récent discours aux États-Unis. Mario Draghi a mis sur la table une proposition de sortie de crise qui pourrait constituer un compromis acceptable par les pays européens et dynamique, c’est-à-dire capable de relancer l’économie européenne et de faire face, comme l’a fort justement souligné la rapporteure générale, au risque de déflation qui menace l’Europe. Certaines de ces propositions vont d’ailleurs dans le sens que prônent le gouvernement français et le Président de la République.

Première proposition : mener une politique monétaire plus accommodante qui permette de stabiliser les prix mais aussi de soutenir la croissance. Mario Draghi a engagé la BCE dans cette direction malgré des résistances qu’il ne faut pas sous-estimer. Une procédure judiciaire a d’ailleurs été engagée à l’encontre du programme de rachat d’obligations souveraines, dit « OMT », de la BCE, la cour constitutionnelle de Karlsruhe ayant saisi la Cour de justice de l’union européenne. C’est dire si les résistances sont fortes mais la BCE a pris ses responsabilités et l’on doit s’en féliciter.

Deuxième piste : utiliser de manière plus ambitieuse et offensive les marges budgétaires existantes. Ce message s’adresse à nos amis allemands. Il ne suffit pas d’accumuler les excédents, peut-être faudrait-il aussi les mettre au service d’une politique de relance dans son propre pays. Ce message pourrait aussi s’adresser à ceux qui, comme la France, voient dans le fait d’avoir un rythme de retour à des déficits acceptables plus lent, la possibilité de modifier ce rythme.

Dernier point : les réformes structurelles. C’est un message qui s’adresse clairement à la France.

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