Intervention de Pierre Lequiller

Séance en hémicycle du 20 octobre 2014 à 16h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 - projet de loi de finances pour 2015 — Article 30 et débat sur le prélèvement européen

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lequiller :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, madame la présidente de la commission des affaires européennes, madame la rapporteure générale, madame la rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, le projet de budget de l’Union européenne pour 2015 s’inscrit dans un cadre spécifique. Le budget initial pour 2013, qui a fait l’objet d’une exécution chaotique, avait donné lieu à pas moins de neuf budgets rectificatifs au cours de la même année, ce qui ne s’était jusqu’alors jamais vu, conduisant à l’adoption d’un cadre financier pluriannuel ayant pour but de mettre fin à cette dérive.

Le budget 2014 devenait donc le premier budget inscrit dans ce cadre et son efficacité ne devait pas tarder à se faire sentir puisque seuls trois projets de budget rectificatif virent le jour cette année, pour augmenter le capital du Fonds européen d’investissement, modifier les nomenclatures budgétaires, ou encore réviser à la hausse les prévisions de recettes d’environ 1,5 milliard d’euros.

Le projet de budget 2015 arrive donc dans un contexte plus régulé et mieux cadré que celui de 2014, ce qui ne l’empêche pas d’être chargé d’enjeux politiques forts, puisqu’il s’agit de définir un degré de flexibilité pour ce cadre.

Les plafonds s’élèvent à 960 milliards en crédits d’engagement et 908 milliards en crédits de paiement en euros constants 2011. La Commission, qui souhaitait un cadre financier pluriannuel plus large, a obtenu une gestion plus souple.

Nous ne pouvons que nous féliciter du programme « Initiative pour l’emploi des jeunes », qui bénéficiera dès 2015 de 2,8 milliards en engagements et de 1,2 milliard en paiements, avec pour cible les régions dans lesquelles le taux de chômage des jeunes dépasse les 25 %. Pour autant, nous ne pouvons que regretter que cette initiative soit mal utilisée, en particulier en France.

Ce budget comprend des mesures importantes relatives au Fonds social européen, à la politique agricole commune, au programme-cadre « Horizon 2020 », au canal Seine-Nord, à la ligne ferroviaire Lyon-Turin, mais de nombreuses incertitudes planent encore sur le volet « recettes » du budget 2015, ce qui ne laisse pas entrevoir, de la part de la Commission, un respect strict de la règle de la sincérité budgétaire.

Il convient également d’évoquer les dépenses administratives des institutions européennes, dont les objectifs de réduction prennent malheureusement du retard. Enfin, l’accumulation des restes à liquider est une difficulté récurrente dont il convient de se préoccuper sérieusement, puisque ces derniers ont augmenté de 60 % entre 2007 et aujourd’hui, pour se monter à 223 milliards d’euros.

Le budget 2015, qui propose 145 milliards en crédits d’engagement et 142 milliards en crédits de paiement, voit la France conserver son second rang dans l’ordre des contributions prévisionnelles, derrière l’Allemagne – 17,04 % contre 21,73 %. Cette contribution donne des droits à la France sur le plan européen mais certains oublient un peu trop facilement qu’en tant que bénéficiaire des fonds européens sur de très nombreux plans, elle nous donne aussi des devoirs.

Nous en avons d’abord dans le domaine de l’emploi, puisque c’est le sujet du prochain Conseil européen. Vous devez en effet, monsieur le secrétaire d’État, éviter une fois de plus de reporter sur l’Europe la responsabilité de la situation de la France. Certes, la nouvelle Commission, par la voix de son futur président, Jean-Claude Juncker, compte dégager 300 milliards d’euros d’investissements pour soutenir croissance et emploi. Pouvez-vous d’ailleurs nous dire comment ils seront financés, comme l’ont d’ailleurs également demandé Mme Grelier et Mme Guigou ?

Mais cela ne changera rien au décalage de compétitivité et d’emploi qui s’aggrave entre la France et nombre de ses partenaires européens. Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour comprendre que si la France est l’enfant malade de l’Europe, c’est d’abord parce que les choix gouvernementaux sont mauvais, hésitants, controversés dans la majorité ! Et les déclarations de Martine Aubry, ce week-end, ne sont pas pour rassurer.

Tous les pays européens ont fait des efforts courageux de réformes structurelles, qui permettent à l’Allemagne d’avoir deux fois moins de chômage que nous, mais aussi à l’Espagne ou à l’Irlande, dont la situation était dramatique, de connaître une amélioration sensible en matière d’emploi.

Pendant ce temps, avec pourtant les mêmes données que les autres, avec le même euro bien sûr, nous connaissons une dégradation de notre déficit, de notre dette et de notre taux d’emploi. François Hollande avait promis de ramener le déficit à 3 % dès 2013 ; nous en sommes à une prévision de 4,3 % pour 2015, ce qui a amené le Gouvernement à demander deux ans de délai de grâce supplémentaires. Cela nous attirera sans doute, de la part de la Commission européenne, des remarques humiliantes, mais justifiées. Si justifiées d’ailleurs, qu’elles sont corroborées par la Cour des comptes, par le FMI, encore la semaine dernière, par les agences de notation, et même par notre Prix Nobel, Jean Tirole, qui invite la France à mettre en oeuvre des réformes immédiates sur le marché du travail, qu’il qualifie de « catastrophique ».

L’obstination du Gouvernement à ne pas engager les réformes structurelles indispensables est dénoncée par tous les observateurs. Ceux-ci indiquent que l’objectif de 3 % de déficit ne sera même pas atteint en 2017, c’est-à-dire à la fin du mandat de M. Hollande.

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