Intervention de Philippe Vigier

Séance en hémicycle du 20 octobre 2014 à 16h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 - projet de loi de finances pour 2015 — Article 30 et débat sur le prélèvement européen

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vigier :

Je rappelle que cette loi de programmation prévoyait qu’en cas d’écart de 0,5 % par rapport aux objectifs, un certain nombre de mesures correctives devaient être prises. C’est un traité que nous avons signé, monsieur Caresche, avec un certain nombre d’obligations. Oui, l’on peut changer de trajectoire… mais ce n’est pas en cassant le thermomètre que l’on fait baisser la fièvre !

Cette politique du fait accompli, que la France n’accepterait de la part d’aucun autre État membre, est profondément irrespectueuse des règles mises en place par l’Union. Je rappelle que renforcer la gouvernance budgétaire était un souhait de la France et qu’elle a voté ces règles.

Mes chers collègues, chacun constate les conséquences de ces reniements. Jamais la France n’a été aussi faible, aussi isolée au sein de l’Union. La nomination de notre ancien ministre des finances, Pierre Moscovici, au poste de commissaire européen aux affaires économiques, qui a suscité la défiance d’une grande partie de nos partenaires et n’a été validée qu’après de vifs débats par le Parlement et des jours d’incertitude, en a été une manifestation éclatante. Comment le ministre, qui n’a pas pu respecter la trajectoire dans son propre pays, fera-t-il, en tant que commissaire, respecter les traités ?

Au lieu d’être un exemple – parce qu’elle a vocation à l’être – pour nos partenaires européens, la France est devenue le mauvais élève de l’Union. Mis sous surveillance renforcée par la Commission, notre pays court aujourd’hui le risque de voir Bruxelles émettre un avis défavorable ou, à tout le moins, de sérieuses réserves, sur son projet de budget pour 2015. D’ailleurs, Michel Sapin et Emmanuel Macron sont en train de faire le voyage de Berlin pour obtenir quelque indulgence vis-à-vis de nos dérapages.

Pour sortir de cette grave crise qui dure depuis 2008, la France devrait être le moteur de la construction européenne, et ce main dans la main avec notre partenaire allemand pour faire naître une Europe de la compétitivité, et non plus seulement du marché intérieur, mais aussi une union bancaire solide et une politique industrielle en pointe dans les secteurs d’avenir tels que les nanotechnologies, le numérique, les énergies renouvelables. Nous devrions convaincre nos partenaires européens de la nécessité absolue qu’il y a à créer une véritable Europe de la défense afin qu’elle puisse être présente sur la scène internationale, notamment au Mali, en Centrafrique ou encore en Irak. Nous devrions défendre l’harmonisation fiscale, et non afficher le taux d’impôt sur les sociétés le plus élevé de la zone euro. Nous devrions persuader nos partenaires européens que l’Europe est la bonne échelle pour apporter des réponses efficaces aux dérèglements climatiques, à la dégradation de la biodiversité ou encore à la spéculation financière. Où en est la taxe européenne sur les transactions financières, monsieur le secrétaire d’État ? Nous devrions enfin plaider pour une Europe plus politique et plus intégrée, à l’opposé de l’Europe intergouvernementale que nous connaissons et qui a montré ses limites.

Vous connaissez l’engagement profond de l’UDI en faveur de l’Europe, monsieur le secrétaire d’État. Oui, une Europe plus forte est nécessaire. Nous n’avons pas le droit de tergiverser, car la crise n’est pas derrière nous, comme nous le constatons tous les jours avec l’explosion du chômage et la multiplication des plans sociaux. Nos compatriotes sont inquiets ; ils attendent une Europe qui les protège – j’insiste : une Europe qui les protège de la crise.

L’Union européenne elle-même doit évoluer et ne saurait rester figée dans le modèle sur lequel elle a été créée – qui était d’ailleurs voué dès l’origine à changer. Alors que les économies asiatiques sont en plein essor mais se heurtent aux difficultés de la surchauffe, et alors que les États-Unis demeurent le seul véritable moteur de la croissance mondiale, l’Europe, elle, est au bord de la déflation et même l’Allemagne – dont le gouvernement a dû revoir ses prévisions de croissance la semaine dernière – est confrontée à des difficultés croissantes.

Nous devons donc faire le choix courageux du fédéralisme budgétaire et doter l’Union d’un budget puissant, et non pas d’un budget en régression comme celui que vous avez fait adopter. Nous appelons de nos voeux un grand emprunt – je pense aux 300 milliards d’euros qui seront déployés dans les prochains mois et les prochaines années – pour mettre en oeuvre des politiques ambitieuses en faveur de l’emploi, de la transition énergétique ou encore des grandes infrastructures. Or, sur tous ces sujets, l’Europe est en panne.

J’attends de la nouvelle Commission européenne qu’elle donne un nouveau souffle à l’Europe. C’est ainsi que nous pourrons sortir de la crise d’ampleur mondiale que nous affrontons et préparer la croissance de demain.

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