Intervention de Jean-Luc Drapeau

Séance en hémicycle du 15 novembre 2012 à 21h30
Abrogation du conseiller territorial — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Drapeau :

Cette mesure visant à créer un système de cumul obligatoire est mauvaise car elle a déjà un effet très pervers dont notre démocratie n'a aucunement besoin : celui de stigmatiser une fois encore en la réactivant une opposition entre des assemblées, dans le cas présent entre le département et la région, et, plus grave encore, de stigmatiser le travail des élus alors que tous les élus locaux, ceux-là mêmes qui se battent au quotidien pour leurs territoires et pour nos concitoyens, sont les forces vives de la démocratie représentative.

Le fameux bouc émissaire du mille-feuille représentatif est un mythe. Le vrai mille-feuille est celui, insupportable, des méandres administratifs, par exemple le trajet d'un dossier tendant à demander des fonds européens. Non, il n'y a pas trop d'élus. Simplement, il faudra bien clarifier leurs compétences et leur donner les moyens d'agir, mais c'est un autre domaine qui sera bien évidemment à revisiter.

Le refus de cette mesure simpliste, démagogique et prise à la va-vite n'est pas un refus de l'évolution du mode de fonctionnement de nos institutions, au contraire, mais une réforme doit être pensée et réfléchie dans une globalité et une fonctionnalité conformes aux besoins de l'évolution de notre pays.

Ce fameux conseiller territorial que l'on a voulu nous imposer au nom du sacro-saint motif de l'économie, qu'en est-il ? Je rappellerai quelques citations, elles sont édifiantes : « Si cela devait permettre à moindre coût un meilleur fonctionnement de notre démocratie locale, je ne vois pas au nom de quoi nous devrions nous en excuser », affirmait Nicolas Sarkozy ; « L'objectif de la loi est de dégager des économies substantielles », prévoyait M. Alain Marleix. Lors des débats relatifs à la création du conseiller territorial revenait comme argument principal, dans la bouche des ministres et des députés de l'ancienne majorité, celui de l'économie financière. En remplaçant les conseillers généraux et régionaux par les conseillers territoriaux, on devait faire des économies ; en concentrant l'ensemble des conseillers territoriaux dans vingt-deux hémicycles régionaux, on devait faire des économies ; en mettant fin au soit disant mille-feuille représentatif, on devait faire des économies. Or cet argument n'est pas fondé et, comme l'indique le rapport du Sénat sur ce texte, la « création des conseillers territoriaux sera à l'inverse à l'origine de coûts substantiels ».

En effet, comment aurait-on pu croire une seule seconde que ce conseiller territorial n'allait rien coûter pour les finances publiques ? Alors que le coût des élus locaux ne représente aujourd'hui globalement que moins de 0,3 % du budget de fonctionnement des collectivités, l'ancienne majorité a créé un « machin » bicéphale exerçant deux mandats différents, et la liste des surcoûts n'est pas exhaustive : une indemnité supérieure à celle aujourd'hui touchée par les conseillers généraux et régionaux – le texte prévoyait une indemnité égale à celle des conseillers régionaux majorée de 20 % ; les frais de secrétariat ; les frais de déplacement ; les frais de fonctionnement liés au nombre d'élus siégeant à la région ; l'indemnisation des suppléants ; le financement des moyens humains nécessaires à l'accompagnement du travail des élus ; etc. Sans oublier, bien évidemment, le coût relatif à l'aménagement des hémicycles. Faire des économies en engageant des surcoûts substantiels : « Étonnant non ? », aurait dit un humoriste malheureusement disparu.

Il est vraiment très troublant que dans l'étude d'impact faite par la précédente majorité, rien n'était dit sur le coût des aménagements nécessaires à l'accueil de tous ces conseillers. L'Association des régions de France estime, quant à elle, à environ un milliard le surcoût de dépenses qui aurait été nécessaire. Ainsi, l'argument de l'économie n'était que poudre aux yeux pour endormir les Français.

L'objectif de notre majorité n'est pas, comme a voulu le faire croire en début de séance la motion de rejet déposée par le président Jacob, de détricoter de manière aveugle ce qui a été fait précédemment : mes chers collègues de l'opposition, vous ne pouvez pas nous faire un tel procès.

Nous souhaitons construire une alternative à la politique que vous avez menée. Nous avons toujours dit notre opposition totale à ce conseiller territorial. L'acte III de la décentralisation promis par le Président de la République est une loi pour plus d'efficacité, de rapidité, de proximité et de démocratie.

Pour ce qui est des économies, c'est en revenant sur la création du conseiller territorial que nous en ferons. En réalité, éloigner les citoyens de l'élu qui les représente serait remettre en cause la démocratie représentative.

Nous ne voulons pas d'une réforme à la va-vite, comme en faisait souvent le précédent gouvernement. Nous prenons le temps de la concertation et du dialogue, le Président de la République l'a indiqué et s'y est engagé le 5 octobre dernier lors des états généraux de la démocratie territoriale.

Abrogeons le conseiller territorial. À quelques voix près, mes chers collègues, nous avons toute les chances ce soir de recueillir la quasi-unanimité dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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