Intervention de Marietta Karamanli

Séance en hémicycle du 15 novembre 2012 à 21h30
Abrogation du conseiller territorial — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais insister sur les trois principales critiques qui avaient été développées lors du débat sur la loi de 2010.

La première porte sur la régression que constituait l'abandon d'un mode de scrutin paritaire. Afin d'élire ce conseiller territorial, la loi supprimait deux modes d'élection, celui des conseillers régionaux et celui des conseillers généraux. Cela revenait à supprimer l'un des rares scrutins faisant sa pleine place à la parité.

L'Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes avait estimé que les résultats à l'issue du scrutin de 2014 pourraient être de 20 % de conseillères et de 80 % de conseillers. Avec 48 % de conseillères régionales – contre 12 % dans les conseils généraux – le mode de scrutin régional est clairement une bonne chose. Le supprimer portait un mauvais coup à l'accès des femmes aux responsabilités, à un échelon incontournable de la vie politique.

Il convient ici de rappeler que certains ministres avaient à l'époque avancé l'argument que, la parité progressant au niveau communal, le niveau supérieur pourrait en quelque sorte s'en passer… C'était un peu comme dire que les femmes pouvaient s'asseoir dans les wagons de deuxième classe, occupés jusque-là surtout par les hommes, dès lors qu'était créée une super-première classe majoritairement réservée à ces derniers ! À n'en pas douter, le train de l'égalité a encore du chemin à faire…

Deuxième critique : l'absence de preuve que cette nouvelle institution allait générer des économies. Les partisans de la réforme justifiaient la suppression des actuels conseillers généraux et régionaux, dont l'existence est pourtant consubstantielle de celle des collectivités territoriales, par le fait qu'ils coûteraient cher. M. Marleix a montré le contraire. À l'époque, l'étude d'impact jointe au projet de loi donnait des chiffres sur des dépenses ventilées entre compétences exclusives, non exclusives ou intermédiaires,… mais rien sur les supposées économies qu'apporterait la nouvelle organisation. J'avais d'ailleurs interrogé trois ministres en commission des lois et aucun n'avait été en mesure de me donner un montant !

De façon globale, rien ne permettait de dire que la réforme, en diminuant le nombre des élus, n'entraînerait pas un accroissement des dépenses de fonctionnement liées à leur indemnisation. En effet sa mise en oeuvre débouchait sur la création de véritables professionnels de la politique.

Au final, ce texte de loi ne correspondait guère aux attentes de nos concitoyens, qui souhaitent des élus de terrain qui les défendent, pas qui passent leur temps à régler des problèmes de cohésion entre institutions, de légitimité des exécutifs et de combinaison d'appareils entre majorités départementales et régionales regroupées mais en fait distinctes !

Enfin, la dernière critique était relative à la nouvelle architecture institutionnelle obtenue. La réforme s'appuyait sur la fusion de deux niveaux territoriaux, avec de nouveaux conseillers dont une partie seulement aurait contribué à gérer la région. C'était de nature à réaliser une déconnexion démocratique. Une certaine paralysie, une forme de bureaucratisation étaient à craindre.

Élire des représentants régionaux sur une base cantonale était préjudiciable à l'affirmation de régions que nous voulons fortes à l'échelle internationale, afin de défendre l'aménagement du territoire, 1'économie, l'université, la science, la recherche et l'innovation. Le mode de scrutin préconisé et la conception du conseiller territorial allaient à rebours de cette ambition.

Cette réforme des collectivités territoriales, permettez-moi d'utiliser ces mots ici, marchait sur la tête. Au travers de plusieurs lois discutées sans lien direct entre elles, on avait successivement modifié les ressources des collectivités, créé un élu hybride et posé quelques principes pour partager les compétences.

Le bon sens aurait voulu qu'on se pose d'abord la question du meilleur niveau d'exercice des compétences, puis de la bonne organisation pour les exercer et enfin des ressources nécessaires pour le faire. Les propos liminaires du ministre nous laissent penser que les réformes qui vont être présentées dans quelques mois iront dans ce sens.

Autrement dit, le gouvernement de l'époque défaisait ce qui marchait plutôt bien au profit d'un dispositif injuste et complexe. Il va y être mis fin et nous en sommes heureux. Nous pouvons nous en féliciter et nous mettre à travailler sur la suite. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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