Intervention de Cécile Duflot

Séance en hémicycle du 20 novembre 2012 à 15h00
Mobilisation du foncier public en faveur du logement et renforcement des obligations de production de logement social — Présentation

Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement :

Aujourd'hui, il nous faut franchir une nouvelle étape et ma détermination à agir, tout comme celle du Gouvernement, est entière. Je vous appelle à partager une même volonté et une même ambition, de manière que ce texte puisse être adopté d'ici à la fin de l'année et qu'il soit effectivement applicable dès le début du mois de janvier.

Sur le fond, le texte que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui, qui a été adopté mercredi dernier en Conseil des ministres et jeudi par la commission des affaires économiques, sous la conduite, toujours aussi éclairée, du président Brottes, est, dans sa quasi totalité, identique à celui qui a fait l'objet d'une adoption dans les mêmes termes par le Sénat et l'Assemblée nationale les 9 et 10 octobre derniers.

Comme j'ai pu le souligner lors des travaux menés par votre commission des affaires économiques, les principales modifications sont des précisions d'ordre juridique, apportées au texte à la suite de son nouvel examen par le Conseil d'État.

Les premières modifications ont pour objet de sécuriser les conditions dans lesquelles la décote accordée sur le foncier public sera assortie de contreparties et de garanties, sujet sur lequel vous êtes, à raison, particulièrement vigilants. Ainsi, il est notamment explicité dans le projet de loi : que l'avantage financier résultant du système de décote sera exclusivement répercuté sur le prix de revient des logements locatifs sociaux, ou sur le prix de cession des logements en accession à la propriété ; qu'un logement social ayant bénéficié d'une décote devra demeurer dans le secteur locatif social pendant une durée minimale de vingt ans ; que seront encadrées les plus-values éventuellement réalisées par l'acquéreur-accédant lors d'une cession ultérieure du bien, ou, pour une opération d'accession sociale, lors d'une mise en location ultérieure ; enfin, que la décote octroyée pour les logements en prêt locatif social ou en accession sociale sera expressément limitée à 50 %, afin de privilégier la construction de logements sociaux réservés aux plus modestes.

Ces dispositions permettent de renforcer la constitutionnalité du dispositif sans en atténuer la portée : je crois que tout le monde aura compris combien je suis sensible à la constitutionnalité parfaite de ce texte.

D'ores et déjà, forts de ce nouvel examen, les services de mon ministère ont pu s'atteler à la préparation des décrets d'application du dispositif, afin qu'ils puissent être transmis au Conseil d'État dès la promulgation de la loi. D'ores et déjà, j'ai, le 13 novembre dernier, mobilisé les préfets de région en leur indiquant que la loi que vous avez l'occasion de voter leur donnerait une responsabilité majeure, en leur confiant le soin d'établir la liste des terrains qui devront être cédés avec décote pour permettre d'équilibrer les opérations de construction comportant des logements sociaux, après avis du comité régional de l'habitat et des communes et EPCI concernés.

Les préfets seront – ils en sont bien conscients – évalués sur leur engagement dans la bonne application de la loi. Je leur ai donc demandé de mettre en ordre de bataille les services chargés de l'évaluation domaniale, de l'aménagement opérationnel et du logement, pour travailler avec les collectivités bénéficiaires et s'assurer de la qualité de la programmation urbaine bénéficiant de l'effort consenti par l'État ou les établissements publics propriétaires. Je leur ai, enfin, rappelé le rôle déterminant de suivi qu'ils devront jouer pour satisfaire aux demandes légitimes que vous avez exprimées en exigeant un compte rendu fiable et exhaustif de l'application du dispositif en passe d'être adopté.

Le projet de loi qui vous est aujourd'hui soumis comporte aussi une modification des dispositions applicables en matière de réquisition de logements vacants, que vous aviez souhaité renforcer à l'initiative du président Chassaigne, auteur de deux amendements sur ce noble sujet.

Je voudrais, à cet instant, redire ma détermination s'agissant de la possibilité de recourir à la réquisition. Je voudrais aussi vous dire que j'ai conscience des limites de la loi adoptée en 1998. À l'occasion du débat devant votre assemblée, j'avais évoqué la nécessité de réviser ce dispositif législatif dans le cadre de la loi qui sera présentée au premier semestre 2013, mais j'avais aussi souhaité donner un avis favorable du Gouvernement à ces amendements, afin de renforcer le signal clair adressé aux propriétaires qui laissent leurs logements vacants.

Le premier de ces amendements visait à accélérer la procédure de réquisition, en abaissant à douze mois le délai pendant lequel un bien devait avoir été laissé vacant pour être réquisitionné : il a été conservé tel quel. Le second amendement visait, quant à lui, à faire obstacle à ce qu'un propriétaire indélicat puisse échapper au régime de réquisition en présentant un échéancier de travaux purement dilatoire. Je partage complètement, aujourd'hui comme hier, et je le dis devant vous, cet objectif fondamental.

Néanmoins, tel qu'il était rédigé, l'amendement supprimait purement et simplement cette possibilité pour tous les propriétaires, y compris pour ceux qui s'engageaient de bonne foi à faire des travaux pour mettre leur bien en location, après avoir été menacés de réquisition par le préfet. Or, cet amendement était, semble-t-il, contraire à la Constitution : c'est en tout cas ce qu'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision de 1998 sur la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions. Une autre rédaction avait donc dû être trouvée à l'époque.

Au-delà des formulations juridiques, permettez-moi de réaffirmer devant vous que mon ambition, partagée publiquement par le Premier ministre, ne fléchira pas. Permettre au plus grand nombre de nos concitoyens, et notamment aux plus démunis, d'accéder à un logement, passe aussi, quand c'est nécessaire, par la réquisition. Faites-moi confiance : compte tenu de la situation dans laquelle nous nous trouvons à la date du 20 novembre, je peux vous dire que nous réquisitionnerons dès cet hiver. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Les démarches de repérage des bâtiments vacants annoncées par le Premier ministre sont en cours de finalisation. Dès la fin de cette semaine, je mandaterai le préfet de la région Île-de-France afin que ses services s'organisent pour mettre en oeuvre les modalités pratiques. Et j'élargirai le dispositif à d'autres régions lorsque le besoin s'en fera sentir. Le nouveau régime des réquisitions nous fournira donc toutes les armes nécessaires.

L'objectif, que le Gouvernement partage pleinement avec le président Chassaigne et la majorité qui a adopté le texte il y a maintenant quelques semaines, est de poser un verrou sur le dispositif de réquisition pour empêcher les manoeuvres dilatoires des propriétaires, qui permettaient jusqu'alors à certains bailleurs de se prévaloir d'un engagement de travaux dont l'unique finalité était d'échapper à la procédure de réquisition, sans mise en oeuvre de location.

Nous sommes obligés de maintenir, dans son principe, cette possibilité de s'engager à effectuer des travaux car elle constitue une composante de la protection du droit de propriété reconnue par le Conseil constitutionnel. Mais elle est désormais clairement encadrée.

Les travaux devront être prévus pour une mise en location, et non pour une autre fonction. Le délai consenti pour réaliser les travaux de remise en location, qui ne connaissait pas jusqu'alors de limite dans la loi, ne pourra désormais plus excéder une durée de vingt-quatre mois.

Je sais que certains, dans cet hémicycle mais aussi en dehors, même parmi mes amis et mes compagnons de route, se sont émus de voir inscrit dans la loi ce délai possible de réalisation des travaux. Je tiens ici à rappeler qu'il s'agit d'un délai maximum, dont la pertinence sera examinée par le préfet, qui en contrôlera précisément les composantes.

Pourquoi vingt-quatre mois plutôt que six ou douze, me direz-vous ? Tout simplement parce que ce délai sera parfois nécessaire pour intervenir sur des bâtiments lourdement dégradés et qui nécessiteraient des travaux de rénovation particulièrement importants. Mais ce délai n'est pas valable pour l'ensemble des opérations, il sera évalué par le préfet, lequel pourra considérer que l'échéancier de travaux qui lui est présenté n'est pas exact.

Ce délai de vingt-quatre mois demeurera toutefois l'exception, je le redis. Je donnerai en effet des instructions de grande vigilance aux préfets pour que les échéanciers qu'ils examineront s'inscrivent dans des délais raisonnables, responsables et volontaristes.

Par ailleurs, je souhaite vous apporter d'ores et déjà, et avant même le débat, certaines précisions sur le décret d'application de cette mesure, qui sera strictement encadrée.

Le propriétaire devra tout d'abord soumettre au préfet l'échéancier de réalisation des travaux dans un délai d'un mois à compter de l'engagement initial de la procédure de réquisition. Un mois, c'est un délai très court, ce qui permettra d'évaluer la bonne foi du propriétaire. Dès ce stade, en plus d'un échéancier, il lui appartiendra de fournir tous les devis d'ores et déjà à sa disposition pour justifier de manière précise son plan de travaux.

Le reliquat des devis exigés par l'échéancier, notamment pour les travaux plus complexes, devra pour sa part parvenir au préfet revêtu de l'accord formel du propriétaire, c'est-à-dire signés, dans un délai maximum de deux mois que le préfet pourra abaisser à quinze jours s'il l'estime justifié au regard des circonstances de l'espèce.

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