Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, à l'occasion de la nouvelle lecture de ce projet de loi de mobilisation du foncier public en faveur du logement social, et après avoir dit que nous le voterons, je veux limiter mon intervention à la question de la réquisition des logements vacants.
Aujourd'hui, on compte 4,5 millions de mètres carrés de bureaux inoccupés en Île-de-France, dont 1,1 million dans la capitale. Quant aux logements, 17 000 faisaient l'objet d'un constat de vacance en 2007 à Paris. En France, l'INSEE a recensé près de 2,29 millions de logements vides. Leur nombre n'a jamais été aussi élevé.
Malgré la pénurie, certains propriétaires vont jusqu'à dépenser de l'argent pour garder leur immeuble vide plutôt que de le louer. Ainsi, un article de presse récent mentionnait ces vigiles embauchés pour surveiller jour et nuit les immeubles déserts, ou encore ces automates destinés à allumer la lumière, une fois la nuit tombée, pour donner l'illusion que les bâtiments sont occupés.
Parmi ces biens, nombreux sont ceux qui appartiennent à des compagnies d'assurance, à des banques et autres fonds d'investissement étrangers, ceux-là même qui bénéficient de tant de privilèges fiscaux au nom des politiques de compétitivité et autres prétextes à l'enrichissement.
Alors que ces milliers de mètres carrés sont inutilisés, deux personnes sont déjà mortes depuis l'arrivée du froid cet automne. Le bilan sera beaucoup plus lourd quand les températures chuteront. Le constat est simple, implacable : des gens crèvent dans la rue et des logements sont vides !
Pour remédier à cette situation, il existe une solution. Elle a été utilisée sous les gouvernements de droite, ceux du général de Gaulle et d'Alain Juppé, en 1962 et 1995. Elle a été modernisée par le législateur de 1998 et validée par le Conseil constitutionnel. Elle est codifiée dans les articles 642-1 à 642-28 du code de l'habitation. Il s'agit de la procédure de réquisition.
Mes chers collègues, je voudrais d'abord dédiaboliser cette procédure : la réquisition est une mesure temporaire, dont l'application peut être limitée à un an et aller jusqu'à douze ans en cas de gros travaux.
Cette mesure concerne non pas les personnes physiques, mais uniquement les personnes morales.
Cette mesure est applicable là où existe un important déséquilibre entre l'offre et la demande de logement.
Cette mesure donne lieu à l'indemnisation du propriétaire.
Cette mesure permet le financement par l'État des travaux de mise en état d'habitabilité des locaux inutilisés.
Cette mesure laisse au propriétaire un droit de recours efficace et rapide – dans le cas où il s'estimerait victime d'un abus –, prévu à l'article 642-19.
Cette mesure laisse au préfet, représentant de l'État, une marge de manoeuvre et d'appréciation au cas par cas, lui permettant d'arbitrer et de juger des arguments des bailleurs.
Cette mesure, le Conseil constitutionnel a établi qu'elle respectait le droit de propriété.
Cette mesure est donc l'inverse de la spoliation que certains se plaisent à décrire. La réquisition des locaux ne lèse personne, précisément parce qu'ils sont vides !
Cette mesure d'humanité, de solidarité, cette mesure républicaine, le moment est venu de la mettre en oeuvre.
Lorsque, en 2001, une nouvelle réquisition a été envisagée, les bailleurs ont brandi l'article 642-10, qui leur permet de s'opposer à toute intervention en envoyant un courrier faisant état d'un projet d'aménagement.
Pour supprimer ce blocage, les députés du Front de Gauche ont déposé un amendement lors du premier examen de ce projet de loi. Notre proposition a alors bénéficié du soutien de la rapporteure et de la ministre et a été votée par notre assemblée, puis validée en CMP.
Or, Mme la ministre nous l'a rappelé et expliqué, cette mesure a été retirée du nouveau projet de loi. Une nouvelle disposition a été introduite, accordant vingt-quatre mois supplémentaires aux bailleurs pour réaliser des travaux. Pour les associations, comme pour de nombreux élus de terrain, cette modification apparaît non seulement comme un recul par rapport au texte voté il y a quelques semaines, mais encore comme un durcissement des conditions de réquisition. Je vais essayer d'expliquer pourquoi.
Résumons ensemble le parcours du combattant que doit déjà effectuer un préfet s'il veut réquisitionner un bien vide : deux mois d'enquête préalable par les services de l'État pour établir la vacance du logement ; deux mois, ensuite, pour obtenir la réponse du maire, qui est obligatoirement consulté ; deux à quatre mois pour que le propriétaire réponde au préfet ; un nouveau délai, fixé par décret – sur lequel vous nous avez donné des précisions utiles –, pour faire parvenir un échéancier. Désormais, si le projet de loi est voté en l'état, il y aura vingt-quatre mois, à compter de l'envoi de cet échéancier. Ce délai est certes un maximum, mais il permettra toutes les manoeuvres dilatoires.