Intervention de Christian Eckert

Séance en hémicycle du 13 novembre 2014 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 - projet de loi de finances pour 2015 — Après l'article 44

Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget :

Il nous est proposé de modifier les modalités de calcul du crédit d’impôt recherche pour les groupes de sociétés au titre des dépenses exposées, à compter du 1er janvier 2016. Ainsi, le seuil de 100 millions d’euros de dépenses de recherche au-delà duquel le taux du crédit d’impôt recherche est égal à 5 % s’apprécierait non plus seulement pour chacune des sociétés réalisant des dépenses de recherche, mais pour le groupe, fiscalement intégré.

Le Gouvernement n’est pas favorable à cette proposition. Permettez-moi d’apporter les éléments suivants en faveur du maintien du dispositif actuel.

Tout d’abord, comme vous le savez, le crédit d’impôt recherche est la première source de financement public des dépenses de recherche et développement. Ce dispositif ne favorise pas spécialement les grands groupes puisque les entreprises de moins de 250 salariés constituent une part essentielle des nouveaux entrants dans le dispositif.

Il n’en reste pas moins que ce sont les plus grandes entreprises – des secteurs automobile ou aéronautique, par exemple – qui réalisent les projets de recherche les plus importants. Il est donc logique qu’elles soient autant présentes dans les chiffres du CIR.

À cet égard, je veux appeler votre attention sur les conséquences concrètes de votre proposition. Les grands groupes industriels français sont tous organisés en filiales, qui sont structurées en métiers. Ces différents métiers engagent, s’agissant des principaux groupes, des montants de dépenses de plusieurs centaines de millions d’euros. En effet, les dépenses de R et D des entreprises déclarant plus de 100 millions d’euros d’investissement dans ce domaine représentent 6,4 milliards d’euros.

Votre proposition aboutirait tout simplement à sortir de l’assiette du CIR au taux normal la majorité de ces dépenses, puisque celles bénéficiant du taux de 30 % seraient plafonnées à 100 millions d’euros.

Je vous laisse imaginer l’effet profondément déstabilisateur pour notre industrie d’une telle mesure, dont la rationalité économique m’échappe. L’effet positif des dépenses de recherche et développement pour l’ensemble de l’économie, les fameuses externalités positives dont parlent les économistes, ne dépend pas de la taille des entreprises.

De surcroît, en 2012, plusieurs grands groupes ayant déclaré plus de 100 millions d’euros de dépenses de R et D comptent une ou plusieurs filiales déclarant également plus de 100 millions de dépenses de CIR, certaines filiales déclarant même plusieurs centaines de millions d’euros de dépenses. Rien ne montre donc que les dépenses de R et D sont segmentées par filiale afin d’échapper au taux réduit de 5 %.

Par ailleurs, ces amendements pourraient pénaliser les groupes français par rapport aux filiales d’entreprises étrangères établies en France. En effet, un groupe français bénéficierait du taux de 30 % pour un montant plafonné à 100 millions d’euros de dépenses de recherche réalisées en son sein, alors qu’un groupe étranger pourrait bénéficier de ce même taux au titre des dépenses de recherche, si chacune de ses filiales françaises établies en France n’excède pas 100 millions d’euros de dépenses de R et D.

Enfin, le crédit d’impôt recherche est le principal outil de soutien à la recherche privée qui, vous le savez, reste insuffisante dans notre pays. Pour être efficace, ce dispositif, désormais performant, a aussi besoin de stabilité.

Ces amendements ont été étudiés à plusieurs reprises par votre assemblée. Or, les chiffres ne vont pas nécessairement dans le sens d’une dérive ou d’une augmentation exponentielle de la dépense. En 2014, la créance accumulée par les entreprises au titre du CIR s’élevait ainsi à 6,2 milliards d’euros, contre 6 milliards d’euros en 2015, soit une diminution. Par ailleurs, le remboursement du CIR étant étalé sur plusieurs exercices, la dépense budgétaire, – 5,55 milliards d’euros en 2014 – atteindra 5,34 milliards d’euros en 2015.

Ces chiffres semblent attester qu’un certain plafond a été atteint : les augmentations constatées lors de la montée en puissance de ce dispositif paraissent donc désormais derrière nous.

Je citerai pour finir le crédit d’impôt innovation, instauré par cette majorité. Ce dispositif, qui monte en charge, bénéficie la plupart du temps aux entreprises de taille plus réduite que les grands groupes.

Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements, comme il l’a déjà été à plusieurs reprises il y a des mois. Il souhaite de la stabilité dans le dispositif. Or le signal envoyé par ces amendements pourrait pénaliser un mouvement nécessaire à la compétitivité de nos entreprises, qui s’affirme dans notre pays.

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