La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Ce matin, l’Assemblée a commencé l’examen des articles non rattachés à des missions, s’arrêtant à l’amendement no 344 portant article additionnel après l’article 42.
À la demande du Gouvernement, nous examinerons d’abord les amendements nos 663 à 739 portant articles additionnels après l’article 44, puis nous reprendrons le cours normal de nos travaux, avec l’examen des amendements nos 344 à 730 portant articles additionnels après l’article 42, des articles 43 et 44 ainsi que des amendements nos 83 à 70 portant articles additionnels après l’article 44.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, chers collègues, cet amendement a été plusieurs fois discuté par notre assemblée.
Le crédit d’impôt recherche – CIR – est calculé avec un taux de 30 % sur la fraction des dépenses de recherche inférieure à 100 millions d’euros, et un taux de 5 % sur la fraction excédant ce montant. Par cet amendement, nous proposons que ces 100 millions d’euros s’appliquent non filiale par filiale, mais à la base consolidée d’un groupe.
Ainsi, une entreprise dont les dépenses éligibles au CIR atteindraient 120 millions d’euros percevrait un montant de crédit égal à 30 % de 100 millions d’euros plus 5 % de 20 millions d’euros, soit 31 millions d’euros. Le même montant, réparti dans plusieurs filiales, conduirait à un montant égal à 30 % de 100 millions plus 30 % de 20 millions, soit 36 millions d’euros.
Le dispositif du crédit d’impôt recherche, créé par la loi de finances pour 1983, vise à soutenir l’effort de recherche en France. Il a montré son efficacité. Pour préserver ce mécanisme, qui représente une dépense assez importante dans le budget de l’État, une approche par groupe consolidé est donc proposée.
L’exposé sommaire de cet amendement, qui a été adopté par la commission, présente certaines évolutions du CIR. Il n’est naturellement pas question d’opposer les grands groupes aux petites et moyennes entreprises, mais nous observons qu’entre 2007 et 2012, le CIR des grands groupes a augmenté de 483 %, alors que les dépenses de recherche progressaient de 15 %.
Pour les PME, la logique est différente. L’argent public doit naturellement être utilisé de manière efficace, avec un fort effet de levier pour la recherche de notre pays. Rappelons que la France participe à l’innovation mondiale à hauteur de 13 %, ce qui la classe au troisième rang mondial.
Le groupe écologiste a déposé un amendement identique. En effet, nous sommes bien entendu favorables au maintien du crédit d’impôt recherche, un outil important pour la recherche en France, notamment dans les domaines de la transition écologique, des nouvelles mobilités et des énergies renouvelables.
Toutefois, afin de maintenir cet outil, il est nécessaire de mieux l’encadrer et d’éviter toute forme d’optimisation fiscale qui constitue un détournement du crédit d’impôt recherche et de son principal objectif. Dès son origine, en effet, le CIR était destiné à financer la recherche dans les petites et moyennes entreprises, d’où le plafond fixé.
C’est la raison pour laquelle, depuis 2012, notre groupe n’a cessé de proposer des amendements allant dans le sens d’un encadrement du crédit d’impôt recherche. Il a également soutenu la proposition de nos collègues en commission.
Cet amendement vise donc à consolider le crédit d’impôt recherche, plutôt qu’à l’affaiblir. Il permettra non seulement d’éviter la dérive de cette dépense fiscale qui, comme vous le savez, croît d’année en année, mais également de rendre le CIR à son objectif initial : le soutien à la recherche et développement dans les PME.
Il devrait être complété par un autre volet : la sécurisation juridique du CIR. En effet, nombre de PME ignorent si elles bénéficieront ou non du crédit d’impôt recherche. Une clarification juridique s’impose donc, en complément de cet encadrement.
Cet excellent amendement permettrait d’éviter les effets d’optimisation fiscale sur ce bon dispositif.
Cet amendement s’inscrit dans une logique similaire. En effet, les groupes se livrent à un nouveau sport, consistant à faire entrer et sortir les entreprises de leur périmètre d’intégration pour bénéficier, de manière optimisée, du crédit d’impôt recherche. Or il est exclu que ce CIR, qui – chacun le rappelait à l’instant – est extrêmement efficace, puisse servir à de l’optimisation fiscale.
La Cour des comptes, elle-même, s’est émue de la situation après avoir constaté que les dépenses de recherche et développement des grandes entreprises avaient très peu augmenté. De surcroît, le ratio de leur créance sur les dépenses de R et D déclarées est faible au regard de celui des autres entreprises.
Cet amendement permettrait non seulement une économie, estimée à 530 millions d’euros, mais surtout, en supprimant l’optimisation, une moralisation du crédit d’impôt recherche, très importante d’un point de vue éthique.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget, pour donner l’avis du Gouvernement.
Il nous est proposé de modifier les modalités de calcul du crédit d’impôt recherche pour les groupes de sociétés au titre des dépenses exposées, à compter du 1er janvier 2016. Ainsi, le seuil de 100 millions d’euros de dépenses de recherche au-delà duquel le taux du crédit d’impôt recherche est égal à 5 % s’apprécierait non plus seulement pour chacune des sociétés réalisant des dépenses de recherche, mais pour le groupe, fiscalement intégré.
Le Gouvernement n’est pas favorable à cette proposition. Permettez-moi d’apporter les éléments suivants en faveur du maintien du dispositif actuel.
Tout d’abord, comme vous le savez, le crédit d’impôt recherche est la première source de financement public des dépenses de recherche et développement. Ce dispositif ne favorise pas spécialement les grands groupes puisque les entreprises de moins de 250 salariés constituent une part essentielle des nouveaux entrants dans le dispositif.
Il n’en reste pas moins que ce sont les plus grandes entreprises – des secteurs automobile ou aéronautique, par exemple – qui réalisent les projets de recherche les plus importants. Il est donc logique qu’elles soient autant présentes dans les chiffres du CIR.
À cet égard, je veux appeler votre attention sur les conséquences concrètes de votre proposition. Les grands groupes industriels français sont tous organisés en filiales, qui sont structurées en métiers. Ces différents métiers engagent, s’agissant des principaux groupes, des montants de dépenses de plusieurs centaines de millions d’euros. En effet, les dépenses de R et D des entreprises déclarant plus de 100 millions d’euros d’investissement dans ce domaine représentent 6,4 milliards d’euros.
Votre proposition aboutirait tout simplement à sortir de l’assiette du CIR au taux normal la majorité de ces dépenses, puisque celles bénéficiant du taux de 30 % seraient plafonnées à 100 millions d’euros.
Je vous laisse imaginer l’effet profondément déstabilisateur pour notre industrie d’une telle mesure, dont la rationalité économique m’échappe. L’effet positif des dépenses de recherche et développement pour l’ensemble de l’économie, les fameuses externalités positives dont parlent les économistes, ne dépend pas de la taille des entreprises.
De surcroît, en 2012, plusieurs grands groupes ayant déclaré plus de 100 millions d’euros de dépenses de R et D comptent une ou plusieurs filiales déclarant également plus de 100 millions de dépenses de CIR, certaines filiales déclarant même plusieurs centaines de millions d’euros de dépenses. Rien ne montre donc que les dépenses de R et D sont segmentées par filiale afin d’échapper au taux réduit de 5 %.
Par ailleurs, ces amendements pourraient pénaliser les groupes français par rapport aux filiales d’entreprises étrangères établies en France. En effet, un groupe français bénéficierait du taux de 30 % pour un montant plafonné à 100 millions d’euros de dépenses de recherche réalisées en son sein, alors qu’un groupe étranger pourrait bénéficier de ce même taux au titre des dépenses de recherche, si chacune de ses filiales françaises établies en France n’excède pas 100 millions d’euros de dépenses de R et D.
Enfin, le crédit d’impôt recherche est le principal outil de soutien à la recherche privée qui, vous le savez, reste insuffisante dans notre pays. Pour être efficace, ce dispositif, désormais performant, a aussi besoin de stabilité.
Ces amendements ont été étudiés à plusieurs reprises par votre assemblée. Or, les chiffres ne vont pas nécessairement dans le sens d’une dérive ou d’une augmentation exponentielle de la dépense. En 2014, la créance accumulée par les entreprises au titre du CIR s’élevait ainsi à 6,2 milliards d’euros, contre 6 milliards d’euros en 2015, soit une diminution. Par ailleurs, le remboursement du CIR étant étalé sur plusieurs exercices, la dépense budgétaire, – 5,55 milliards d’euros en 2014 – atteindra 5,34 milliards d’euros en 2015.
Ces chiffres semblent attester qu’un certain plafond a été atteint : les augmentations constatées lors de la montée en puissance de ce dispositif paraissent donc désormais derrière nous.
Je citerai pour finir le crédit d’impôt innovation, instauré par cette majorité. Ce dispositif, qui monte en charge, bénéficie la plupart du temps aux entreprises de taille plus réduite que les grands groupes.
Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements, comme il l’a déjà été à plusieurs reprises il y a des mois. Il souhaite de la stabilité dans le dispositif. Or le signal envoyé par ces amendements pourrait pénaliser un mouvement nécessaire à la compétitivité de nos entreprises, qui s’affirme dans notre pays.
Je partage tout à fait l’analyse qui vient d’être développée par M. le secrétaire d’État sur le crédit d’impôt recherche. Un bon impôt, c’est un impôt stable, identifié, connu.
Le crédit d’impôt recherche, l’un de nos rares avantages relatifs, constitue l’un des moyens pour l’entreprise, notamment l’industrie, d’être compétitive. Ce n’est pas votre crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi qui produit de tels résultats : ce dispositif dirige moins de 20 % des crédits vers l’industrie. L’essentiel va ailleurs, en particulier à la grande distribution. Vous le savez et vous devriez plutôt vous interroger sur ce point.
Le crédit d’impôt recherche est un dispositif qui transcende tous les bancs de cet hémicycle. Il a favorisé le développement de la recherche dans les entreprises, les grandes mais aussi les moins grandes. Il me semble donc indispensable de conserver pour ce dispositif un minimum de stabilité et c’est pourquoi je considère que l’adoption de ces amendements serait particulièrement funeste.
Ce que je vais dire n’est pas très différent et j’espère n’être pas interrompu par tel ou tel collègue de mon groupe. Nous prenons bien entendu toutes les précautions lorsque nous engageons ce débat et nous répétons à chaque fois que ce dispositif est utile et que s’il doit être corrigé, c’est à la marge qu’il faut le faire.
Pourtant, l’effet est le même chaque année. Depuis quelques jours, nous assistons aux demandes successives de tous les grands groupes français qui souhaitent déposer des brevets – c’est le cas de Peugeot, première entreprise française en matière de nombre de brevets, mais aussi des industries relevant du GIFAS, Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales, qui sont présentes dans chacun de nos territoires, et des entreprises dans le domaine de l’innovation.
Chaque année nous nous félicitons de ce dispositif car il est un élément moteur pour la recherche et l’innovation.
Pourquoi donc vouloir déstabiliser un dispositif qui fonctionne si bien ? D’autant que si nous devions aujourd’hui en faire évoluer les règles, les groupes français risquent d’en être les premières victimes et cela aurait un impact sur la façon dont ils sont structurés sur notre territoire ?
Je vous appelle donc à faire preuve de prudence quant au signal que nous envoyons, car chaque année de grands groupes français suspendent leur décision à la façon dont nous débattons, ici, à l’Assemblée.
J’en appelle à votre sens de la responsabilité. Donnons de la stabilité à un dispositif qui fonctionne ! Disons aux grands groupes français, mais aussi aux groupes étrangers qui souhaitent s’installer sur notre territoire pour y faire de la recherche et de l’innovation qu’ils sont les bienvenus, que nous les accueillons, et qu’ils ont raison d’investir dans notre pays.
C’est d’ailleurs ce que font certains groupes américains et chinois – le groupe Huawei vient d’annoncer d’importants investissements dans notre pays. J’espère que ce sont nos dispositifs d’incitation à l’innovation et le crédit d’impôt recherche qui les ont décidés à venir ici plutôt que d’aller en Angleterre ou en Allemagne.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC et sur les bancs du groupe UMP.
Je voudrais apporter mon soutien aux propos qu’ont tenus le secrétaire d’État, Bruno Le Roux et Marc Le Fur.
Pour une fois, mes chers collègues, que nous avons un outil qui marche ! Le CIR, qui a été mis en place en 1982 et dont l’assiette a évolué depuis, est un formidable instrument d’attractivité et de compétitivité.
Madame Berger, si nous vous écoutons, le groupe Saint-Gobain aurait dû multiplier ses filiales puisque l’ancienne majorité a plafonné à 100 millions d’euros la déductibilité pour l’obtention du CIR. Or, l’entreprise Saint-Gobain, qui est une grande entreprise internationale, n’a pas multiplié le nombre de ses filiales ces dernières années. Il faut donc de la stabilité fiscale.
Ensuite, un programme de recherche, cela se fait non pas sur deux ou trois ans, mais souvent sur cinq, dix ou quinze ans, et cela demande un plan de retour sur investissement. De grâce, ne touchons pas à cela !
J’ai lu ce matin dans la presse les propos de Louis Gallois qui doute de la capacité du CICE à accompagner les emplois industriels en raison du plafond à 2,4 SMIC. Cet outil formidable aurait dû être complété par une baisse massive des charges : cela aurait permis d’éviter les trappes à bas salaires qui se mettent en place dans notre pays.
Soyons sur cette question responsables, visionnaires, et faisons en sorte que le crédit d’impôt recherche permette à nos entreprises françaises de préparer leur avenir, ce dont notre pays a tant besoin.
J’aimerais que nous réfléchissions à une chose. Nous parlons beaucoup de l’optimisation fiscale agressive des entreprises. Je me suis donc interrogé sur le lien entre le succès de cette politique, l’appétence des entreprises à l’égard du crédit d’impôt recherche, et le fait que cette politique puisse un jour être soupçonnée d’inciter certains grands groupes à l’optimisation fiscale.
Dans la mesure où nous sommes très volontaristes en matière de lutte contre l’optimisation fiscale, j’espère donc que nous ne serons pas un jour rattrapés et pris à revers sur cette question du CIR.
Cet amendement vise à faire évoluer le crédit d’impôt recherche afin qu’il soit utilisé de la meilleure façon.
Actuellement, le dispositif du CIR est limité aux titulaires d’un doctorat. Nous souhaitons qu’il soit ouvert aux personnes menant des travaux scientifiques originaux dans le cadre d’une formation doctorale. En bref, nous considérons que les personnes qui poursuivent une thèse doivent être éligibles au crédit d’impôt recherche.
J’ajoute, madame la présidente, puisque vous n’avez pas souhaité me donner la parole sur le précédent amendement, qu’une façon de rassembler nos collègues dans cet hémicycle, puisqu’ils sont tous attachés au crédit d’impôt recherche, serait simplement de changer le seuil de celui-ci en fixant un plafonnement unique pour tous les groupes et en prévoyant un seuil non plus de 100 millions, mais de 300 millions.
Les interventions du Gouvernement, du responsable de mon groupe et de divers membres de l’opposition me laissent penser que nous parviendrons un jour, dans un autre texte, à nous mettre d’accord sur un amendement visant à faire passer le seuil de 100 à 300 millions d’euros. Ainsi personne ne multipliera les rendez-vous, comme vient de le décrire Bruno Le Roux, et cela permettra d’éviter que le CIR soit considéré un jour comme une patent box par la Commission européenne qui nous a un peu dans le viseur.
Madame Berger, je vous indique, à vous-même et à l’ensemble de nos collègues, que je n’ai pas à souhaiter ou non donner la parole : si j’appliquais rigoureusement le règlement, je ne laisserais s’exprimer qu’un député pour l’amendement et un député contre, ce qui priverait de parole beaucoup d’entre vous.
J’essaie donc de laisser l’ensemble des groupes s’exprimer et de répartir les prises de parole à l’intérieur de chaque groupe. Mais si vous le souhaitez, nous pouvons appliquer le règlement de manière stricte, et nous irons beaucoup plus vite.
Quel est l’avis de la commission ?
Lorsque le titulaire d’un doctorat coûte 1 000 euros, en termes de dépenses, il compte pour 2 000 euros au regard des dépenses éligibles au crédit d’impôt recherche. Cet amendement, qui a été adopté par la commission, vise à étendre cet avantage aux personnes qui préparent le diplôme de docteur.
Le régime applicable au recrutement des jeunes docteurs est déjà très favorable, comme vient de le décrire parfaitement la rapporteure générale.
Vous proposez par cet amendement d’ouvrir le doublement de l’assiette des dépenses occasionnées par les jeunes docteurs, qui est prévu dans le dispositif du CIR, aux doctorants, à savoir les personnes qui mènent des travaux de recherche scientifique originaux dans le cadre d’une formation doctorale.
Le Gouvernement n’est pas favorable à votre proposition, le dispositif en faveur de l’embauche des jeunes docteurs étant déjà très efficace. Quelques chiffres en témoignent : le bilan établi par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche au titre de l’année 2012 montre que de 2007 à 2012, le nombre d’entreprises déclarant des dépenses relatives à l’embauche de jeunes docteurs a été multiplié par trois, pour atteindre 1 305 jeunes docteurs en 2012.
Par ailleurs, la loi de finances pour 2014 a déjà assoupli le régime en en subordonnant le bénéfice au maintien de l’effectif du personnel de recherche salarié de l’entreprise, et non plus au maintien de l’effectif total des salariés de l’entreprise, ce qui permet de vérifier que le nombre de jeunes docteurs est stabilisé.
Vous souhaitez aller au-delà. Le Gouvernement n’y est pas favorable et, si l’amendement était maintenu, je ne pourrais que proposer à l’Assemblée de le rejeter.
Je maintiens l’amendement. Je suis désolée de n’avoir pas réussi à convaincre le Gouvernement, car je pense qu’il est absolument nécessaire de rendre encore plus favorable le crédit d’impôt recherche auquel les entreprises ont droit dans notre pays car c’est un magnifique mécanisme d’innovation et de recrutement des jeunes docteurs.
L’amendement no 772 n’est pas adopté.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 664 .
Cet amendement de précision vise à donner une définition plus précise du doctorat afin de conforter la sécurité juridique du dispositif et d’éviter de fausses interprétations.
Vous proposez de préciser la notion de docteur en faisant référence à l’article L. 612-7 du code de l’éducation. Le Gouvernement est favorable à cette précision utile.
L’amendement no 664 est adopté.
Cet amendement a le même objectif que le précédent, il est donc satisfait. Je le retire.
L’amendement no 771 est retiré.
Cet amendement vise, lui aussi, à soutenir le recrutement des jeunes docteurs dans le cadre du crédit d’impôt recherche. Le mécanisme, qui est très favorable, comme le souligne le secrétaire d’État, se limite au premier recrutement de docteur puisque le bénéfice du doublement de l’assiette n’est accordé que pour le premier contrat.
Mais un certain nombre de jeunes docteurs partent à l’étranger faire des « post-doc » et cette période est comptée, d’une certaine façon, comme une première expérience. C’est pourquoi l’amendement vise à faire reposer le crédit d’impôt non pas sur le critère de première embauche, mais sur celui d’embauche ayant eu lieu durant les vingt-quatre premiers mois suivant l’obtention du doctorat.
Le Gouvernement comprend l’intention affichée par les auteurs de l’amendement, mais souhaite vous apporter les précisions suivantes.
Vous expliquez, madame Berger, que le premier recrutement d’un jeune docteur intervient généralement dans le cadre de ses recherches doctorales, et non après l’obtention de son titre de docteur, ce qui exclurait du dispositif la majeure partie de la catégorie de personnels visée. Cette situation est d’ores et déjà résolue par la doctrine fiscale, qui prévoit que dans le cas où le jeune docteur a déjà conclu un contrat à durée indéterminée dans l’entreprise avant l’obtention de son doctorat, le premier recrutement est réputé avoir lieu soit à la date à laquelle a été signé un avenant au CDI initial reconnaissant la qualité de jeune docteur après l’obtention du doctorat, soit à la date prévue dans une clause du CDI initial qui détermine la reconnaissance de la qualité de jeune docteur après l’obtention du doctorat.
Par ailleurs, il n’est pas souhaitable d’apporter une restriction relative à la période de recrutement qui réserverait le bénéfice du dispositif aux seuls jeunes docteurs depuis moins de vingt-quatre mois. Limiter l’embauche à un délai de vingt-quatre mois après l’obtention du doctorat constituerait une restriction par rapport à la situation actuelle, incompatible, de surcroît, avec la mobilité des chercheurs. Je crains donc que votre amendement n’aille à l’encontre de l’objectif recherché, qui est partagé par le Gouvernement.
C’est pourquoi je vous invite à retirer cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Permettez-moi de faire part de mon étonnement, s’agissant de cette série d’amendements concernant le crédit d’impôt recherche, devant la distorsion que nous observons entre les débats dans l’hémicycle et le travail de la commission des finances, où siègent pourtant des représentants de l’ensemble des groupes. Certes, c’est ici qu’a lieu le débat, mais je suis tout de même surpris de constater que certains de nos collègues sont conduits à remettre en cause les décisions qui ont été prises en commission, comme cela a été le cas sur le premier amendement que nous avons examiné. Pour démocratique qu’elle soit, cette logique nous interroge. Je tenais à le dire, car cela explique pourquoi nous soutenons ces amendements : non seulement nous sommes convaincus de leur bien-fondé, mais le travail de la commission est reconnu et valorisé en tant que tel.
Le Gouvernement nous a invités tout à l’heure à rejeter un amendement de Karine Berger, que nous avions voté en commission, visant à ce que les doctorants puissent être recrutés dans le cadre du CIR, pour nous dire, trois amendements plus tard, que la doctrine fiscale autorise à recruter des doctorants. Je ne sais si la cohérence est totale entre ces deux attitudes séparées par cent trente secondes…
J’ai bien écouté les arguments des uns et des autres, notamment ceux de Mme Berger, qui a présenté cet amendement.
Nous sommes ici dans le cas, très courant aujourd’hui, où quelqu’un qui a validé son doctorat fait un « post-doc » à l’étranger, donc occupe un premier emploi, avant de revenir dans notre pays pour y travailler dans une entreprise. Parce qu’il a eu un premier emploi à l’étranger, cette entreprise ne bénéficiera pas à plein du crédit d’impôt recherche. Ce cas très courant mérite de retenir notre attention. Le délai de vingt-quatre mois est très large – d’ordinaire, on parle plutôt d’un « post-doc » de six mois, d’un an tout au plus. Retenir un délai maximum de vingt-quatre mois, comme le propose l’amendement, évitera que quelqu’un qui aurait fait toute une partie de sa carrière professionnelle à l’étranger et occupe un premier emploi en France ouvre droit à plein, pour l’entreprise qui l’emploie, au crédit d’impôt recherche. C’est pour toutes ces raisons, qui sont pour moi des évidences, que je soutiendrai cet amendement.
L’amendement no 783 n’est pas adopté.
Il existe deux types de leviers pour faire appel au crédit d’impôt recherche : un levier direct, celui dont nous parlons depuis l’ouverture de la séance, la recherche étant alors réalisée par l’entreprise déclarante elle-même, et un levier indirect – l’entreprise fait alors appel à un organisme public ou privé de recherche ou à une autre entreprise pour réaliser des travaux de recherche qu’elle finance. Or contrairement à ce qui se passe dans le premier cas, dans le deuxième cas, l’organisme auquel l’entreprise fait appel n’a pas l’obligation de réaliser ces travaux de recherche sur le territoire français. Nous proposons donc d’ajouter les mots « réalisées sur le territoire national « après le mot « opérations » à la première phrase du d bis du II de l’article 244 quater B du code général des impôts. L’entreprise pourra bien sûr faire appel à un opérateur étranger, mais pour ouvrir droit au crédit d’impôt recherche, il faudra que ce dernier réalise les travaux en question sur le territoire national.
Comme l’ont rappelé M. le secrétaire d’État et M. Le Roux tout à l’heure, il s’agit bien, avec ce crédit d’impôt financé par les contribuables français, de renforcer la compétitivité des entreprises françaises, et donc de la recherche française. Nous savons bien que la libre circulation doit être assurée à l’intérieur de l’espace européen, mais nous ne proposons que de rendre cohérents, à l’intérieur du crédit d’impôt recherche, deux mécanismes qui répondent aujourd’hui à des logiques un peu différentes.
Le Gouvernement estime que cet amendement est contraire au droit de l’Union européenne.
Vous souhaitez réserver le bénéfice du crédit d’impôt recherche aux entreprises qui ont recours à des sous-traitants privés situés dans l’Union, à condition que ceux-ci localisent les opérations de recherche en France. Vous écrivez en effet dans l’exposé des motifs que votre amendement vise à conserver la possibilité de faire appel à des prestataires étrangers, mais à réserver le crédit d’impôt recherche aux activités localisées en France.
Permettez-moi de vous rappeler qu’en droit fiscal, le droit communautaire s’intéresse non pas à la nationalité des entreprises, mais au lieu où celles-ci poursuivent leurs activités.
Il n’est donc pas possible de limiter le bénéfice du crédit d’impôt recherche, pour une entreprise fiscalisée en France, aux activités exercées en France. La Cour de justice de l’Union européenne a ainsi condamné la France, par un arrêt Laboratoires Fournier du 10 mars 2005, pour atteinte au principe de libre établissement, car le dispositif limitait le bénéfice du crédit d’impôt aux opérations de sous-traitance réalisées en France. La Cour a été très claire sur ce point : « L’article 49 s’oppose à une réglementation d’un État membre qui réserve aux seules opérations de recherche réalisées sur le territoire de cet État membre le bénéfice d’un crédit d’impôt recherche. » C’est précisément ce que vous proposez dans votre amendement. Je ne peux donc que vous inviter à le retirer. À défaut, je suggérerai à l’Assembler de le rejeter.
Si l’amendement est contraire au droit européen, je vais bien évidemment le retirer. Mais nous touchons là à un vrai problème. Ceux qui ont combattu le premier amendement que nous avons examiné cet après-midi l’ont fait au motif que le crédit d’impôt recherche amène de la recherche sur le territoire français – ils ont tous invoqué l ’attractivité de notre territoire. Vous venez pourtant de nous dire, monsieur le secrétaire d’État, que le crédit d’impôt recherche bénéficie à toute entreprise qui conduit des activités de recherche sur le sol de l’Union européenne, même si celles-ci ne sont pas réalisées en France, c’est-à-dire que le dispositif n’aura pas nécessairement un impact sur l’activité de recherche et d’innovation française. C’est très problématique.
Je retire l’amendement, mais il nous faudra trouver une solution lors des prochaines discussions budgétaires pour rendre l’ensemble du mécanisme cohérent.
L’amendement no 773 est retiré.
Nous avions déjà présenté cet amendement, mais je me permets d’insister, car il répond à une recommandation de la Cour des comptes, qui a relevé que le crédit d’impôt recherche et le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE – pouvaient être obtenus sur une même base éligible. Je rappelle que cette assiette fiscale commune est de 400 à 560 millions d’euros. L’enjeu n’est donc pas considérable. Sur le principe, en revanche, il est anormal que les mêmes dépenses de personnel puissent ouvrir droit aux deux crédits d’impôt. C’est pourquoi je me permets de présenter à nouveau cet amendement de bon sens.
La commission a rejeté cet amendement. Vous souhaitez en effet, madame Sas, supprimer la possibilité de cumuler le crédit d’impôt recherche et le CICE, alors que les dépenses éligibles à ces deux crédits d’impôt ne sont pas nécessairement les mêmes : le CICE s’applique à des salaires inférieurs à 2,5 fois le SMIC, tandis que l’assiette du crédit d’impôt recherche prend en compte l’ensemble, y compris les salaires des docteurs.
Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
J’ajouterai un autre argument, celui de la complexité. Le principal reproche adressé par les entreprises au crédit d’impôt recherche tient à la notion de contrôle fiscal. Je reçois au moins une fois par semaine des courriers émanant qui de parlementaires, qui d’entreprises, au sujet de dossiers bloqués parfois depuis plusieurs mois. Si cela ne fonctionne pas aussi bien que nous le souhaiterions, c’est parce que des homologations et des validations sont nécessaires – et c’est une bonne chose – pour vérifier que le crédit d’impôt recherche s’applique à de vraies dépenses de recherche et développement. Cela peut nécessiter des échanges d’informations entre plusieurs ministères. Quelle que soit la qualité des fiscalistes de Bercy, ils ne sont en effet pas toujours assez spécialisés pour estimer que telle ou telle dépense a un caractère de dépense de recherche ; nous faisons donc appel à d’autres ministères, notamment celui de l’enseignement supérieur et de la recherche, pour valider les dossiers avant de procéder à des versements ou à des crédits d’impôt recherche qui déclenchent d’ailleurs parfois eux-mêmes des paiements ou des remboursements de TVA, ce qui complexifie encore davantage les choses.
Donc, madame Sas, indépendamment des arguments liés au fait que les publics ne sont pas les mêmes, compte tenu des fourchettes de salaires visées – même s’il peut y avoir ici ou là quelques recoupements –, il faut également prendre en compte l’argument de la complexité : c’est pourquoi le Gouvernement estime que l’adoption de cet amendement serait inopportune. Je propose donc à votre assemblée de le rejeter.
Madame la rapporteure générale, vous me dites que cela ne concerne pas les mêmes salaires, mais je vous ai communiqué le montant de la masse salariale concernée ; de fait, il y a bien une masse salariale commune ouvrant droit à ces deux crédits d’impôt. Comme je vous l’ai dit, cela représente entre 400 et 560 millions d’euros et concerne parfois les mêmes personnes.
J’entends tout à fait l’argument de M. le secrétaire d’État ; j’irai d’ailleurs dans son sens. Il est vrai que nous avons tous été interpellés par des PME qui demandent une sécurisation juridique et une clarification de l’accès au crédit d’impôt recherche et des dépenses comprises dans son périmètre.
Néanmoins, je pense qu’il faut engager simultanément une double action, c’est-à-dire, d’une part, réaliser une clarification et une sécurisation juridiques du crédit d’impôt recherche et, d’autre part, encadrer ce dispositif, éviter les effets d’aubaine et les effets d’optimisation fiscale. Or, nous sommes en train d’en évoquer un : à partir du moment où il existe déjà un crédit d’impôt, il me paraît inutile d’en ajouter un autre ; je ne vois pas, en effet, en quoi cela produirait un effet de levier supplémentaire.
Je maintiens donc cet amendement, en continuant à penser qu’il faut suivre la recommandation de la Cour des comptes. Si ses préconisations sont habituellement suivies d’effet, je constate que, lorsqu’il s’agit de mettre fin à des effets d’aubaine et de toucher au crédit d’impôt recherche, cette institution est malheureusement moins entendue.
Je pense que si la Cour des comptes fait cette recommandation, c’est qu’elle lui apparaît juridiquement possible.
Le cumul de deux crédits d’impôt est très rare et n’est pas conforme à la stratégie fiscale habituelle. Il n’est en effet pas d’usage de réserver deux situations privilégiées différentes à la même personne, ce qui est le cas que nous rencontrons ici. Cela ne serait pas grave, si je puis dire, s’il n’y avait pas à financer ces mesures. Or ce ne sont pas des mesures que nous pourrions voter sans savoir qui les financera.
S’agissant du CICE, une partie de son financement provient d’une augmentation de la TVA de 6,5 milliards à compter de janvier 2014. Les mesures que nous prenons ne sont donc pas simplement théoriques ou académiques ; il faudra les financer ou continuer à les financer. Est-il absolument indispensable de surprivilégier les entreprises, souvent de grande dimension, au détriment, parfois, des particuliers ?
Au-delà du principe général de la stabilité du dispositif fiscal, je voudrais rappeler qu’il existe deux crédits d’impôt aux objectifs tout à fait différents. Même si une petite partie de leurs assiettes respectives se recoupe – qui ne concerne, en réalité, qu’une fraction des dépenses de personnel –, le crédit d’impôt compétitivité emploi est une mesure d’allégement général du coût du travail en dessous d’un certain niveau de salaire, tandis que le crédit d’impôt recherche est un dispositif ciblé sur les dépenses de recherche et développement.
En tout état de cause, l’adoption de cet amendement n’aurait qu’un effet : peser sur les entreprises – en particulier les grands groupes, qui sont aujourd’hui un moteur important du développement de la recherche privée en France – en diminuant l’aide qui leur est apportée. Je pense donc que, dans le contexte actuel, cela irait à l’encontre de l’intérêt national.
L’amendement no 735 n’est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 693 .
Cet amendement a trait à l’application du CICE, dont chacun sait qu’il a été présenté, à sa création, comme l’outil devant permettre une amélioration de la compétitivité des entreprises. Il avait donc vocation à s’appliquer à l’ensemble de ces dernières.
Je ne reviendrai pas sur les limites du CICE – on aura, je l’imagine, l’occasion d’y revenir dans la suite du débat – mais je ne comprends pas, monsieur le secrétaire d’État, pourquoi certaines entreprises, comme celles qui sont imposées au titre du régime forfaitaire, en sont exclues. Je pense en particulier au secteur de l’agriculture : les exploitations agricoles concernées par le forfait, qui font appel à de la main-d’oeuvre saisonnière dans le cadre d’un certain nombre d’activités, sont exclues de son bénéfice. Or cette main-d’oeuvre donne naturellement lieu au versement d’une rémunération et de charges sociales. L’application du CICE à ce secteur – cela peut d’ailleurs en concerner d’autres : je sais que notre collègue Marc Le Fur interviendra par la suite au sujet du domaine maritime – constituerait un facteur de compétitivité important.
Je vous rappelle, pour mémoire, que l’Allemagne a devancé pour la première fois la France, en 2012, sur le marché de l’industrie agroalimentaire. On a commencé à inverser la situation en 2013.
Je ne comprendrais pas que l’on ne veuille pas étendre le champ du CICE à ces entreprises, qui sont pourvoyeuses d’emploi, paient des charges sociales et contribuent à la compétitivité de notre pays. Il n’y a donc pas de raison qu’elles ne puissent pas bénéficier de ce dispositif, fût-il imparfait.
Monsieur Vigier, vous proposez d’annuler deux principes qui sont généralement appliqués, non pas seulement au CICE, mais à tout crédit d’impôt : d’une part, on ne peut bénéficier d’un crédit d’impôt que si l’on se trouve imposé au régime réel et non au régime forfaitaire – fromage ou dessert, il faut choisir, monsieur Vigier – et, d’autre part, son bénéfice est réservé aux associés participant directement à l’exploitation de l’entreprise. Pour ces deux raisons, l’avis est défavorable.
L’analyse du Gouvernement étant tout à fait identique à ce qui vient d’être dit, j’émets un avis également défavorable.
Je ne suis pas persuadé que les mots « fromage ou dessert » soient particulièrement adaptés.
Les entreprises du secteur apprécieront ces termes à leur juste mesure.
Dans votre département, madame la rapporteure, un certain nombre d’entreprises sont concernées : j’imagine qu’elles sauront vous le rappeler le moment venu.
Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC.
L’amendement no 693 n’est pas adopté.
Lorsque le CICE a été créé, on nous a expliqué qu’il avait pour objet de permettre aux entreprises d’être plus compétitives. Chacun s’est imaginé que cela allait favoriser les entreprises les plus engagées dans les secteurs particulièrement compétitifs. Bien au contraire, on constate que le CICE a bénéficié à des secteurs tels que la grande distribution et les professions réglementées.
En revanche, il est un domaine pleinement exposé à la concurrence internationale – celui du transport maritime – qui, paradoxalement, ne bénéficie pas du CICE. Pourquoi ? Parce qu’il ne paie pas l’impôt sur les sociétés mais la taxe au tonnage, ce qui revient au même. Or, certaines de ces entreprises sont de grandes utilisatrices de main-d’oeuvre : je pense en particulier aux entreprises de transport maritime, qui réalisent du transport de passagers, en particulier sur la Manche.
Cet amendement a donc pour objet de mettre un terme à une anomalie préjudiciable à des entreprises actives sur des marchés extrêmement compétitifs et soumises à une concurrence très rude : Philippe Vigier évoquait tout à l’heure la concurrence allemande, mais, en l’occurrence, les entreprises françaises font face à une concurrence qui peut être, entre autres, britannique ou irlandaise. L’amendement no 644 vise à ce que ces entreprises puissent bénéficier du CICE. D’autres que moi, notamment dans les rangs socialistes, ont d’ailleurs défendu cet amendement par le passé : j’espère que l’on va enfin parvenir à une solution, faute de quoi un secteur entier de notre économie ne comprendrait pas, en toute objectivité, notre attitude.
Cet amendement a été repoussé par la commission au terme d’un débat extrêmement intéressant. Un amendement avait été déposé par nos collègues, dans le droit-fil des propositions de la mission d’information sur la mise en oeuvre du CICE, qui était présidée par Yves Blein.
Il faut rappeler que les personnes optant pour le régime d’imposition forfaitaire font ce choix afin de bénéficier d’un avantage fiscal, c’est-à-dire afin de payer moins d’impôts que dans le cadre du régime réel ; en contrepartie, elles doivent s’engager sur une certaine durée.
L’amendement qui a été débattu en commission avait pour objet d’offrir la possibilité à une entreprise de modifier son choix dans le cas où l’on souhaite bénéficier du CICE.
Les entreprises ne choisissent pas, le régime actuel s’impose à tout le transport maritime !
Cet amendement soulevait un certain nombre de questions, notamment au regard de nos partenaires européens ; c’est pourquoi il n’avait pas été redéposé.
Par conséquent, la commission a rejeté votre amendement.
Je m’inscris en faux contre votre propos, monsieur Le Fur : cela ne s’impose pas, c’est une option qui est offerte et qui dure dix ans.
Pour reprendre les termes de votre rapporteure générale, quand on s’est déterminé en faveur d’une option, on sait devoir le faire pour dix ans.
Monsieur Le Fur, pourquoi les entreprises optent-elles pour la taxe au tonnage ? Parce que ce dispositif est destiné à soutenir ce secteur et qu’il est plus favorable que l’impôt sur les sociétés. J’ajoute, si besoin était, que ce secteur est également soutenu par deux autres mesures : depuis le 1er janvier 2006, une exonération de la contribution patronale à la Caisse de retraite pour les équipages employés à bord des navires de commerce et, depuis le 1er janvier 2007, une exonération des cotisations d’allocations familiales et des contributions à l’allocation d’assurance chômage dues par les employeurs pour les équipages qu’elles emploient à bord des navires de transport de passagers. Aussi accordez-moi qu’il existe des dispositifs favorables.
Deuxième élément : la Commission mène actuellement une enquête sur la compatibilité du régime de la taxe au tonnage avec le droit européen. Il paraîtrait donc inopportun d’appeler un peu plus son attention en adoptant une disposition qui viendrait conforter le dispositif de la taxe au tonnage.
En revanche – je ne sais si cela vous rassurera – le Gouvernement est ouvert à une proposition de votre collègue Arnaud Leroy tendant à exonérer de l’imposition des plus-values la cession des navires dès lors que les conditions de réemploi pour la même utilisation – à savoir l’investissement dans un bateau – seraient remplies. Je pense que nous pourrions nous accorder, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, sur cette disposition supplémentaire destinée à soutenir le secteur.
Mais, en tout état de cause, pour toutes les raisons que j’ai indiquées, le Gouvernement serait défavorable à votre amendement si vous le mainteniez.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, pour cette ouverture, mais il n’empêche qu’au moment où un grand nombre de compagnies maritimes, notamment de transport de passagers, ont choisi la taxe au tonnage, le CICE n’avait pas encore été décidé. Si elles avaient su que cette opportunité se présenterait, elles n’auraient peut-être pas fait ce choix. Enfin, j’observe que certaines de ces entreprises ont décidé de maintenir leur personnel sous pavillon français, ce qui, à l’heure actuelle, n’est pas toujours aisé : cela mérite, à mes yeux, d’être encouragé.
J’ai bien noté une esquisse d’évolution de la part du secrétaire d’État ; nous regarderons cela plus en détail lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative qui, je l’espère, ne contiendra pas que des mauvaises nouvelles fiscales.
Par cet amendement no 644 , je pense à certaines entreprises, en particulier Brittany Ferries, qui est aujourd’hui l’armateur employant le plus grand nombre de salariés et qui connaît une situation très difficile : il vient de renoncer à un très gros investissement et, par là même, s’interdit des perspectives de développement, car tel est bien l’enjeu.
J’insiste sur le fait que ce secteur est en proie à de grandes difficultés. En effet, le trafic des passagers est très erratique et la concurrence extrêmement vive. On ne se livre donc pas ici, pour reprendre l’expression du professeur Schwartzenberg, à une réflexion académique : on est dans l’urgence. Aussi me semble-t-il indispensable que nous puissions évoluer sur cette question, peut-être à l’occasion du projet de loi de finances rectificative – c’est du moins ce que j’espère.
De manière sous-jacente, ce sont des milliers d’emplois qui sont aujourd’hui, si ce n’est menacés, du moins incertains.
L’amendement no 644 est retiré.
J’imagine que les chances d’adoption du présent amendement sont limitées. Un certain nombre de dispositions fiscales sont favorables aux nouvelles entreprises ; je vous propose d’agir de la même façon pour les jeunes agriculteurs.
Je souhaite simplement indiquer que cela entre dans le champ de la réflexion que M. André et moi-même avons engagée sous l’autorité du président de la commission des finances et de la rapporteure générale dans le cadre de la mission d’information sur la fiscalité agricole, qui vient d’être constituée. Il me semble indispensable d’appliquer le droit commun au régime agricole, c’est-à-dire de faire en sorte que les affiliés qui s’installent et qui, de ce fait, connaissent des périodes un peu plus compliquées, puissent également bénéficier de dispositions fiscales favorables.
Je comprends parfaitement que cet amendement n’ait pas sa place à cette étape de nos discussions, mais nous devons engager une réflexion positive dans ce domaine.
Cet amendement est satisfait, monsieur Le Fur, car un jeune agriculteur bénéficiant de l’abattement relève du régime réel, et peut donc prétendre au CICE ; je parle évidemment sous le contrôle de M. le secrétaire d’État.
Le Gouvernement n’a bien sûr pas la prétention de contrôler votre rapporteure générale, mais il confirme les propos que celle-ci a tenus : les jeunes agriculteurs bénéficient d’un abattement de 50 % pendant les cinq premières années d’activité et sont alors imposés sur la base des bénéfices réels. S’ils ont des salariés, ils ont donc droit au CICE de la même façon que les entreprises de cette nature.
Votre amendement peut ainsi être considéré comme satisfait. Je vous propose donc de le retirer ; à défaut, l’Assemblée ne pourrait que le rejeter.
L’amendement no 309 est retiré.
La parole est à M. Jean-Marc Germain, pour soutenir l’amendement no 148 .
Le débat que nous avons depuis une heure me fait penser à la parabole du réverbère, selon laquelle un automobiliste cherche les clés de sa voiture sous le réverbère non pas parce qu’elles s’y trouvent mais parce qu’il y a de la lumière.
Je partage pour ma part l’avis de tous ceux qui ont dit que le crédit d’impôt recherche était un très bon outil ; nous en avons la démonstration dans nos circonscriptions tous les jours. Je soutenais d’ailleurs les amendements qui visaient à élargir le dispositif, même si peu d’entre eux ont été adoptés, notamment celui qui avait pour objet de favoriser l’embauche de doctorants. Il faudra travailler sur ce sujet, en veillant à ce que l’activité de recherche soit implantée sur le territoire national, ainsi que l’indiquait à juste titre Karine Berger.
Par conséquent, chers collègues, s’il y a des économies à trouver, cherchons-les plutôt du côté du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi ; c’est l’objet de mon amendement, pour lequel je me suis inspiré du crédit d’impôt recherche afin d’en retenir le meilleur. Il a été cosigné par mon collègue Pierre-Alain Muet et 45 autres collègues, et j’espère que bien d’autres députés le soutiendront au moment où il sera mis aux voix.
Il ne s’agit pas de conditionner ou de forcer à l’embauche ; on sait bien que, pour embaucher, les entreprises doivent gagner des marchés. Il s’agit plutôt de flécher les dépenses.
M. le secrétaire d’État, lorsque vous étiez rapporteur du budget, nous avions adopté un certain nombre d’amendements pour flécher ce crédit d’impôt, amendements que l’administration fiscale avait jugés littéraires, car elle estimait ne pas avoir à contrôler ces dépenses. Le présent amendement vise au fond à transformer ces précédentes propositions en un dispositif réellement contraignant, dans l’esprit du crédit d’impôt recherche. Les dépenses éligibles au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi sont listées : il s’agit des dépenses de recherche et de développement, évidemment, qui sont les plus importantes pour générer de la croissance et de l’emploi, des dépenses de formation, mais aussi des dépenses liées au processus de fabrication – c’est dans ce domaine, me semble-t-il, que l’industrie française est en retard par rapport à d’autres – et des dépenses en matière de mutation écologique de l’industrie.
J’en viens au deuxième élément de ma proposition, et je passerai ensuite rapidement à la conclusion, madame la présidente : éviter les effets d’aubaine. Nous avons tous exprimé le souhait, à l’occasion de l’examen d’un amendement sur le crédit d’impôt recherche, que cet outil ait un effet de levier sur les dépenses de recherche. L’amendement propose donc une franchise de 1,5 % de la valeur ajoutée : seules les dépenses réalisées au-delà de ce seuil seront remboursées.
Enfin, il est proposé de fusionner les deux outils en 2016, ce qui permettrait au passage de réaliser plusieurs milliards d’euros d’économies. Si j’étais taquin, monsieur le secrétaire d’État, je dirais qu’il serait plus facile de faire rentrer l’édredon des dépenses publiques dans la valise sans augmenter les impôts si on n’avait pas commencé par baisser les impôts au travers de ce crédit d’impôt. Surtout, on pourrait utiliser ces crédits-là – 10 milliards d’euros selon l’amendement – pour soutenir les investissements publics locaux et le pouvoir d’achat.
La commission a repoussé cet amendement.
Vous proposez en effet d’apporter plusieurs modifications au CICE, monsieur Germain, mais celles-ci ne concernent que le titre I du dispositif, ce qui ne change rien à l’existant. Certains objectifs sont ainsi modifiés, mais pour changer l’assiette il faut remanier le II, ce qui, contrairement à ce qui est inscrit dans l’exposé des motifs, n’est pas prévu dans l’amendement. L’avis est donc défavorable.
Monsieur Germain, la rapporteure générale vient de donner un argument suffisant pour motiver le rejet de votre amendement qui, comme on dit entre nous, ne fonctionne pas et n’atteint pas l’objectif proposé. Cela mérite cependant débat, et je suis prêt à amorcer la discussion, car rien ne serait pire que de donner l’impression de refuser le débat de fond pour des questions de forme.
Ce débat est ancien ; j’y ai d’ailleurs participé sous une autre casquette à un moment donné. Pour ma part, j’ai été convaincu de la pertinence du CICE du fait de la simplicité du dispositif, une caractéristique que nous n’avons pas su mettre en avant auprès de l’opinion, pour différentes raisons : certains d’entre nous avaient des doutes, certains ont émis des messages contradictoires. Aujourd’hui, par exemple, circule encore l’idée que la demande de crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi provoquerait de fait un contrôle fiscal. C’est bien le cas pour le CIR, je l’évoquais voilà quelques instants, mais pas du tout pour le CICE, puisque toutes les entreprises peuvent le demander et que beaucoup d’entre elles, même si ce n’est pas la totalité, le font. L’argument ne tient donc pas, puisqu’il serait impossible de contrôler la totalité des entreprises.
Une telle uniformité, certes, crée des effets d’aubaine et, dans quelques cas, laisse des trous dans la raquette – j’avais parfois utilisé cette expression –, mais elle a au moins le mérite de la simplicité.
L’esprit de cet amendement, dont la rédaction ne permet pas la mise en oeuvre de ce que vous avez décrit, marque par sa complexité. Vous additionnez des dépenses d’investissement, de recherche, d’innovation, de formation, de recrutement, de prospection de nouveaux marchés, de transition écologique et énergétique et de reconstitution des fonds de roulement. Il est par exemple assez difficile de déterminer ce que serait un fonds de roulement dont la reconstitution devrait entrer dans l’assiette d’un crédit d’impôt, dont les taux seraient d’ailleurs différents selon le nombre de salariés de l’entreprise. Cela entraînerait immanquablement des effets de seuil, puisque les entreprises de moins de 2 000 salariés et celles de plus de 2 000 salariés seraient soumises à des taux différents ; les entreprises auraient ainsi du mal à s’engager au-delà de certains plafonds.
Vous avez posé un principe, la rédaction que vous avez retenue ne fonctionne pas. Les choses ont progressé par rapport au début de l’année ou, a fortiori, par rapport à l’année précédente : la prise de conscience de la simplicité du CICE et du montant que ce dispositif peut représenter est de plus en plus forte. Alors que quelques-uns parlent de faire évoluer l’outil, d’autres – j’ai bien écouté ce qui se disait lors d’une émission de télévision diffusée récemment – des entrepreneurs, concèdent que cet outil qu’ils croyaient compliqué est plutôt fonctionnel et qu’il ne faut pas y toucher car il leur convient plutôt bien.
Cela ne veut pas dire qu’il ne faudra pas faire évoluer le dispositif, mais il me semble qu’il serait prématuré de le faire aujourd’hui. Votre dispositif demeure complexe, il additionne des choses très diverses, parfois mal définies, avec des taux différents qui entraîneraient des effets de seuil indésirables. Pour toutes ces raisons, l’adoption de cet amendement ne me paraît pas souhaitable.
Je conteste les arguments qui viennent d’être avancés au sujet des aspects juridiques de mon amendement, même si je les ai bien entendu écoutés attentivement. J’ai eu un dialogue approfondi sur ce sujet avec le président et les administrateurs de la commission des finances. L’interprétation qui est faite de ce que nous avions pourtant nous-mêmes voté me paraît contestable.
Je prendrai un seul exemple, monsieur le secrétaire d’État, celui d’un amendement que nous avions signé en commun, avec M. Guillaume Bachelay, Pierre-Alain Muet et tous nos collègues du groupe socialiste.
Mais il ne s’agissait pas de celui-ci !
Laissez-moi poursuivre, monsieur le secrétaire d’État. Vous aviez dit que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi ne devait pas servir à alimenter les dividendes et les hautes rémunérations. J’ai lu cet après-midi sur le site Internet du ministère que l’administration fiscale ne contrôlera en aucun l’utilisation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, dont la description par l’entreprise est qualifiée de littéraire, c’est-à-dire qu’il s’agit, selon mon interprétation, d’élucubrations de parlementaires.
Par ailleurs, le I de l’article que je propose d’ajouter établit une liste des dépenses éligibles, à l’instar de celle qui est établie pour le crédit d’impôt recherche. L’argument que vous avez développé au sujet de la complexité du dispositif que je propose est donc tout à fait recevable, mais celle-ci n’est pas plus importante que pour le crédit d’impôt recherche. Quant au II, il prévoit un allégement égal à x % – 4 %, 6 % – de la masse salariale, qui apparaît donc comme un maximum. Par conséquent, je ne partage pas votre interprétation juridique.
La question reste cependant de savoir si nous nous retrouvons sur le raisonnement de fond, et il faudra que nous y travaillions.
Premièrement, il faut se concentrer sur un outil unique pour aider la recherche, l’innovation et la formation, c’est-à-dire les facteurs de compétitivité hors prix. Il faudra donc se poser la question à un moment donné de la fusion du crédit d’impôt recherche et du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. J’y suis pour ma part favorable, et souhaite que le dispositif ainsi créé soit proche de l’actuel crédit d’impôt recherche.
Deuxièmement, et c’est sans doute le débat le plus fondamental, l’arbitrage s’effectue entre la complexité et l’efficacité. Je considère que si l’argent, les 10, 15 ou 20 milliards d’euros, converge vers de la recherche, de la formation et de l’innovation, il y aura alors un effet levier massif sur l’emploi. En revanche, s’il n’est utilisé que pour baisser le coût du travail, alors le nombre d’emplois créés ne dépassera pas 150 000, ce qui correspond à un coût de l’emploi très important avec un impact relativement faible sur l’inversion de la courbe du chômage.
Je souscris aux arguments que vient de développer Jean-Marc Germain. Le débat que nous avons consiste à choisir entre, d’un côté, un outil simple – monsieur le secrétaire d’État a bien présenté cet enjeu – qui vise un seul objectif, la baisse du coût du travail – j’appelle cela plus volontiers les coûts salariaux, car le travail n’est pas qu’un coût pour une entreprise, c’est aussi un résultat, notamment parce que cela crée des compétences –, et, de l’autre, l’efficacité de l’argent public engagé, en l’occurrence de dépenses fiscales. Alors que l’argent public se raréfie, comment maximiser l’efficience de la dépense publique ?
J’entends les défauts qui sont reprochés à cet amendement que j’ai choisi de cosigner avec d’autres collègues. Néanmoins, et nous l’avons constaté dans une émission de télévision diffusée la semaine dernière, la question de l’évolution du CICE dans les mois ou les années à venir se pose, s’agissant tant de la forme, que de l’objectif et du résultat du dispositif. C’est pourquoi veiller à l’efficacité des dépenses fiscales et faire en sorte qu’elles créent des emplois en France, en aidant celles de nos entreprises qui sont les plus soumises à la concurrence internationale à gagner des marchés à l’étranger ou à résister à la concurrence internationale sur notre territoire me paraît aller dans le bon sens. Je soutiens donc cet amendement.
L’amendement no 148 n’est pas adopté.
La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour soutenir l’amendement no 762 .
Dans la première phrase du I de l’article 244 quater C du code général des impôts, l’adverbe « notamment » est placé avant l’énumération des objectifs de l’utilisation du CICE. Ces objectifs sont déjà au nombre de huit, et ils couvrent des secteurs assez larges. L’emploi de cet adverbe ouvre donc la porte à toutes sortes d’utilisations qui ne seraient pas prévues par le texte actuel. C’est la raison pour laquelle cet amendement vise à supprimer le mot « notamment ».
La commission a rejeté cet amendement. Pour que votre intention soit satisfaite, monsieur le député, il faudrait modifier le II de l’article 244 quater C, qui définit l’assiette du CICE. Supprimer le mot « notamment » ne changerait rien au dispositif tel qu’il existe aujourd’hui.
Cet amendement procédant de la même motivation que l’amendement précédent, je me permettrai de revenir sur l’amendement no 148 . Je ne voudrais pas, monsieur Germain, que vous vous mépreniez sur les propos que j’ai tenus tout à l’heure. Tel qu’il était rédigé, votre amendement ne permettait pas de modifier l’assiette.
Vous avez soulevé un autre problème, celui de la conditionnalité du CICE ou de la possibilité de récupérer le crédit d’impôt. Je respecte le point de vue que vous avez exprimé et je sais que nous avons des difficultés pour mettre en oeuvre un dispositif tel que celui que nous avions évoqué à l’époque – puisque vous avez fait allusion à un travail commun.
Quant à l’amendement no 762 , j’y suis défavorable. Certes, l’usage de l’adverbe « notamment » dans la loi pose régulièrement question, et je viens d’entendre dans les travées quelques réflexions à ce sujet. Mais comme l’a dit Mme la rapporteure générale, un tel amendement ne changera pas l’assiette. La question pourrait se poser s’il y avait des dispositifs de contrôle, de restitution ou d’amende, mais c’est un autre débat !
Nous entrons dans un débat interne de la majorité ! Je comprends très bien le souhait de M. Schwartzenberg. Lors de l’examen du projet de loi, l’opposition avait dénoncé l’usage de ce mot, juridiquement insignifiant. Si on parle de loi bavarde, le mot « notamment » alourdit le texte, sans rien apporter à la clarté du dispositif. Contrairement à ce que suppose Mme la rapporteure générale dans sa réponse, M. Schwartzenberg n’a pas l’intention de changer l’assiette du CICE ; il indique simplement que l’emploi de « notamment » dans le I de l’article 244 quater C ne convient pas. Au même titre que Mme la rapporteure générale, dans l’amendement suivant, apporte une précision au I, notre collègue souhaite, avec cet amendement, éclaircir les choses, et non changer l’assiette !
Je ne vois pas en quoi le I de l’article 244 quater C serait réservé à un exposé des objectifs verbeux – « littéraire » selon l’administration fiscale – tandis que le II définirait l’assiette. Je considère que tout ce que l’on écrit dans la loi définit l’assiette !
L’amendement que nous avions signé avec M. Eckert, alors rapporteur général, prévoyait que le crédit d’impôt serait versé aux entreprises « à raison des salaires versés ». On nous a objecté que le crédit d’impôt avait pour objectif de favoriser la compétitivité. Une liste à la Prévert des efforts allant dans ce sens a donc été dressée. La reconstitution du fonds de roulement de l’entreprise, qui n’a pourtant pas grand-chose à y faire, j’en conviens, est citée. Le II définit ensuite le pourcentage de la masse salariale.
Mais à partir du moment où, dans le I, le mot « notamment » est supprimé ou que, comme je l’ai proposé tout à l’heure, le crédit d’impôt est ciblé sur les dépenses de recherche, d’innovation et de formation, alors l’assiette est définie à la fois par le I et le II. Vous voyez que mon interprétation juridique diffère de la vôtre, monsieur le secrétaire d’État.
Elle est importante aussi pour le deuxième point que vous avez évoqué, la question du contrôle et des sanctions. Nous y reviendrons tout à l’heure à propos de la restitution. Comment est-il possible qu’il soit indiqué, sur le site internet du ministère des finances, que les entreprises ne sont pas tenues d’expliquer en quoi le CICE favorise leur compétitivité ?
Alors que nous avions adopté un amendement prévoyant que l’entreprise devait retracer la façon dont elle améliore sa compétitivité, on nous a répondu que l’on pouvait se borner à un texte littéraire, soumis aux partenaires sociaux afin qu’ils puissent l’évaluer. Ce n’était pas là l’esprit de ce que nous avions voté ! On pourra relire les débats parlementaires : notre intention était claire. Ce qu’a fait l’administration fiscale est en contradiction avec la volonté des parlementaires. Cela nous laisse avec un problème entier : nous avons voté un dispositif pour la compétitivité, mais tout ce qui pourrait montrer que le CICE permet d’améliorer la compétitivité, en dehors de la baisse de la masse salariale, n’est pas vérifié.
Nous soutiendrons cet amendement, qui s’inscrit dans l’idée de ciblage du dispositif. Il s’agit ici non pas de débattre de la conditionnalité – une question différente, avec d’autres implications en matière de droit –, mais de rappeler que la loi ne doit pas porter à interprétation. Le mot « notamment » pourrait laisser penser que l’utilisation du crédit d’impôt peut avoir d’autres objectifs. Or ce n’est pas ce que nous cherchons. Même au plus haut niveau de l’État, le Président de la République et le Premier ministre ont garanti que le CICE ne pouvait servir à autre chose qu’à favoriser la compétitivité – telle qu’elle est conçue par ceux qui ont voté le dispositif – et ne devait surtout pas être détourné de sa finalité, en servant par exemple à augmenter les dividendes.
Nous avons ici tout l’inverse d’une loi bavarde : ce texte laisse l’interprétation ouverte, ce qui est très risqué. Nous devons être très précis dans les objectifs assignés à ce dispositif.
Le Gouvernement, encore une fois, ne souhaite pas éluder le débat. Monsieur Germain, vous avez retracé les discussions qui nous ont animés au mois de décembre 2012 et qui nous ont conduits à prendre position. Mais vous oubliez une partie de l’histoire. Le groupe SRC avait décidé de faire confiance au dialogue social pour assurer le suivi et le respect des objectifs du CICE – sur lesquels porte le mot « notamment » –, la loi précisant ce à quoi le crédit d’impôt ne peut servir. Le groupe SRC avait tranché sur la question de l’absence de conditionnalité. Il est toujours possible de changer d’avis et c’est peut-être une évolution que vous souhaitez, mais alors, dites-le ! La volonté était de faire confiance au dialogue social et de donner à l’entreprise l’obligation de fournir un certain nombre d’informations, d’apporter un bilan de l’utilisation du CICE dans les structures existantes ou au niveau des comités régionaux. Il nous faudra peut-être, je n’en disconviens pas, travailler à partir de ce bilan.
Monsieur Germain, vous évoquez bien un changement d’assiette qui correspond aujourd’hui à la masse salariale inférieure à deux fois et demie le SMIC. Vous évoquez d’autres assiettes possibles ; c’est tout à fait respectable et je vous ai dit tout à l’heure ce que j’en pensais.
Nous pouvons aussi rediscuter des objectifs du CICE fixés par le texte : c’est là que la question de l’emploi du mot « notamment » se pose.
Quant au site du ministère, j’avoue ne pas passer mes journées à balayer l’ensemble des pages ! Je vous invite à m’en donner les références ; s’il y figure des choses choquantes, je veillerai à ce qu’elles soient corrigées.
Avec ce débat, je constate que non seulement la majorité est fragilisée sur ce sujet, mais que nous en revenons au péché originel de la constitution du CICE. En décembre 2012, Michel Sapin, qui était alors au banc, nous avait expliqué qu’un deuxième texte fixerait les fameuses contreparties, et qu’il y aurait un dialogue social. Il l’a répété quinze fois ! Jamais ce texte n’est arrivé. Nous avions dit à l’époque que vous ne pourriez pas le faire.
Je ne cesse de vous dire la même chose, maintenant que vous avez lancé le pacte de responsabilité et de solidarité en baissant les charges sociales, en complément du CICE. Vous avez effectivement constaté que l’outil du CICE n’était pas assez puissant et qu’il était mal ciblé, puisqu’il ne concerne que 25 % des emplois industriels, du fait même de l’assiette rappelée à l’instant par M. le secrétaire d’État.
Abandonnez donc le CICE et engagez une baisse massive des charges sociales qui pèsent sur les salaires ! Cela aurait d’ailleurs un avantage, monsieur Germain : les entreprises qui ont des employés bénéficieraient de la baisse des charges, conformément à ce que vous voulez et que vous expliquez de façon très pertinente. On ne signerait pas de chèque en blanc ; la contrepartie serait bien la création ou le maintien d’emplois. Cela réglerait tous vos débats internes ! D’ailleurs, le Président de la République n’a pas dit autre chose la semaine dernière lorsqu’il a déclaré qu’à l’horizon 2017, il faudrait supprimer le CICE et faire en sorte de baisser massivement le coût du travail. Nous proposons d’aller plus vite, plus fort et dès maintenant !
Il est rare que je sois en désaccord avec la rapporteure générale ! Cet amendement ne porte pas du tout sur l’assiette, mais sur la liste des contreparties que les entreprises doivent, en principe, fournir en échange de cet avantage fiscal. Comme ces contreparties sont déjà au nombre de huit, les faire précéder de l’adverbe « notamment » introduit une incertitude, un champ dont la largeur semble quelque peu excessive.
L’amendement no 762 n’est pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 665 et 807 rectifié .
La parole est à M. Dominique Lefebvre, pour soutenir l’amendement no 665 .
La mission parlementaire relative au CICE, présidée par Olivier Carré avec Yves Blein comme rapporteur, a adopté à l’unanimité un rapport dont il nous a semblé utile de transcrire d’ores et déjà un certain nombre de propositions dans la loi. Cet amendement vise ainsi à donner des instructions plus précises sur le document qui retrace les utilisations du CICE. Il s’agit de renforcer la transparence afin de favoriser le dialogue social au sein de l’entreprise par rapport aux objectifs dont nous venons longuement de débattre.
La parole est à M. Yves Blein, pour soutenir l’amendement no 807 rectifié .
Le CICE doit s’inscrire dans le paysage du dialogue social. À cette fin, la traçabilité de l’usage du CICE doit figurer dans les pièces comptables de l’entreprise. Cet amendement tend par conséquent à ce que les commissaires aux comptes joignent dans les annexes du compte de l’entreprise l’usage qui est fait du CICE. Autant il est facile d’enregistrer la recette, autant il apparaît nécessaire de constater la charge, pour contrôler la conformité de l’usage qui en est fait aux prescriptions légales et permettre aux partenaires sociaux d’en débattre en pleine connaissance de cause.
L’article 244 quater C du code général des impôts prévoit que l’entreprise retrace dans ses comptes annuels l’utilisation du crédit d’impôts conformément aux objectifs mentionnés dans ce texte. Ces amendements, qui tendent à établir un document annexe clair, consultable par tous, conformément à une proposition de la mission d’information, s’inscrivent dans cette logique. Avis favorable.
Je viens de retrouver, sur le site de l’administration fiscale, la réponse que celle-ci apporte à la question d’un risque de reprise du crédit d’impôt si l’administration fiscale considère que l’utilisation du CICE n’est pas suffisamment retracée : il est simplement indiqué que « les entreprises peuvent notamment en effectuer une description littéraire en annexe du bilan ou dans une note jointe aux comptes ». Ces amendements seront utiles et j’espère que l’instruction précisera que le document retrace l’ensemble des dépenses de compétitivité. Ajoutons que s’agissant du reversement du crédit d’impôt sous forme de dividendes par les entreprises, il est signalé que l’administration fiscale ne contrôlera pas l’utilisation du CICE : un CICE qui ne serait pas utilisé conformément aux objectifs d’amélioration de la compétitivité dans l’entreprise ne fera donc l’objet d’aucune remise en cause par l’administration fiscale. J’espère que cet amendement permettra d’améliorer la situation.
Les amendements identiques nos 665 et 807 rectifié sont adoptés.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 691 .
Un secteur ne bénéficie pas du CICE : celui des travailleurs indépendants. Ce n’est pas la première fois que notre groupe aborde ce sujet. Nous ne comprenons pas pourquoi ils resteraient à l’écart de ce dispositif alors qu’ils sont bel et bien en concurrence avec d’autres travailleurs indépendants localisés dans d’autres pays de l’Union européenne. Il n’y a aucune raison qu’ils ne puissent profiter de cet avantage pour améliorer leur compétitivité.
Par ailleurs, le déplafonnement des cotisations maladie des travailleurs indépendants a été la cause d’un recul de leur compétitivité et d’une baisse de leurs ressources. Lançons un signal fort en direction de ces professionnels qui représentent tout de même 8 à 10 % de la force de travail de notre pays ! Ne les oublions pas !
Avis défavorable car, à partir du 1er janvier 2015, les travailleurs indépendants bénéficieront de 1 milliard d’euros d’exonérations de cotisations. Cette mesure représentera pour leurs finances un avantage non négligeable.
L’amendement no 691 est retiré.
L’on parle bien souvent dans cet hémicycle d’économie sociale et solidaire, dont les progrès semblent réjouir tout le monde. Or, dès que nous sommes confrontés à de vrais sujets, nous l’oublions complètement. Nous le verrons bientôt avec le versement transport dont les associations ne seront plus exonérées. Quant aux coopératives agricoles, elles sont les grandes oubliées du dispositif CICE alors qu’elles jouent un rôle majeur.
Je reconnais qu’elles pourront être exonérées un an avant les autres de la contribution sociale de solidarité des sociétés mais une fois cette année écoulée, le problème reste le même.
Par ailleurs, l’avantage relatif à la C3S ne saurait compenser, loin de là, le désavantage de ne pas entrer dans le cadre du CICE.
Ces coopératives travaillent dans un secteur concurrentiel. Elles vendent à l’extérieur, à l’étranger, en Europe, hors d’Europe. Bref, alors qu’elles remplissent toutes les conditions pour bénéficier du CICE, elles en sont écartées !
Monsieur le secrétaire d’État, vous pouvez compter sur ma détermination à revenir inlassablement sur ce sujet car il est nécessaire de réparer cette injustice d’autant plus criante que vous ne cessez, dans vos discours de fin de banquet, de vanter les mérites de l’économie sociale et solidaire !
Vous avez au moins le mérite de la constance, monsieur Le Fur, car cette question revient régulièrement. Nous pouvons le comprendre même si les réponses ne varient pas et dépendent en grande partie du droit communautaire. Il me semble d’ailleurs vous avoir déjà transmis la réponse que la Commission a apportée à la France sur ce sujet.
Ce n’est pas mon habitude, monsieur Le Fur.
En l’honneur de la journée de la gentillesse, vous avez eu celle de rappeler que nous avions anticipé l’exonération de la C3S en faveur des coopératives, mais cette mesure n’est pas isolée. Nous avons également relevé le seuil de l’assiette pour le paiement de la taxe sur les salaires de 6 000 à 20 000 euros. Cette mesure a représenté un gain modeste pour les plus importantes mais significatif pour les plus modestes.
Si : toutes les entreprises assujetties à la taxe sur les salaires sont concernées, ce qui inclut les associations et le secteur de l’économie sociale et solidaire, dont les coopératives.
Vous souhaitez que nous allions plus loin et plus vite mais les conditions ne sont pas remplies, notamment en droit communautaire.
Vous avez présenté cet amendement à plusieurs reprises, j’y ai apporté les mêmes réponses et je ne doute pas que l’Assemblée aura la même attitude.
L’amendement no 3 n’est pas adopté.
L’amendement no 310 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Cet amendement, fort raisonnable et utile, s’inscrit pleinement dans les objectifs fixés par la loi pour la mise en oeuvre du CICE en tendant à ce que, au cas où les conditions d’utilisation de ce crédit d’impôt par les entreprises ne seraient pas conformes aux prescriptions légales, il soit restitué. Cette disposition de bon sens correspond au statut de toute aide publique ou de toute disposition fiscale. Un avantage fiscal est accordé pour atteindre un certain objectif. Si tel n’est pas le cas, il doit être restitué car de l’argent public est en jeu. C’est un principe de morale politique et républicaine, tout simplement. Je fais confiance à l’Assemblée pour voter cet amendement.
Je voudrais rappeler en préambule mon attachement au CICE. À la différence des députés de l’opposition, nous considérons que les charges sont en réalité des cotisations et, par conséquent, du salaire différé. Je suis donc plus favorable au CICE qu’à des allégements de charges.
M. Blein a accompli un travail remarquable mais à titre personnel, j’ai pu mesurer moi-même les effets positifs du CICE auprès d’un certain nombre d’entreprises qui ont mis en oeuvre ce dispositif en collaboration avec les organisations syndicales. Je pourrais vous citer des exemples.
Nous nous sommes appuyés sur un cas concret pour rédiger cet amendement et j’associerai à mes propos Michel Ménard, député de Loire-Atlantique, qui ne pouvait pas être là, ainsi que Guy-Michel Chauveau, confronté aux mêmes problèmes en Maine-et-Loire avec l’entreprise Terrena.
À Carquefou, dans la banlieue de Nantes, la SEITA, filiale de Imperial Tobacco, vient de fermer, mettant au chômage 327 personnes alors qu’elle a reversé 1,9 milliard de bénéfices à son unique actionnaire ces trois dernières années et qu’elle s’est vue attribuer un crédit d’impôt de 660 000 euros en 2013. Il faut faire évoluer le CICE, non pas sur le fond mais sur la forme, pour remédier à cette situation indécente et permettre à l’État de récupérer le montant du CICE quand les entreprises ferment alors qu’elles bénéficient d’un certain nombre d’avantages. Tel est le sens de cet amendement.
La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour soutenir l’amendement no 763 .
Cet amendement poursuit le même objectif que les précédents. Il serait mauvais qu’une entreprise ayant perçu des avantages fiscaux considérables ne les utilise pas pour atteindre les objectifs mentionnés à l’article 244 quater C du code général des impôts.
Actuellement, la procédure est la suivante : le CICE est intégré aux comptes, lesquels sont présentés au comité d’entreprise. Si ce dernier considère que l’utilisation du crédit d’impôt n’est pas conforme aux objectifs assignés par la loi, il peut établir un rapport et saisir le comité de suivi régional. Or, en pratique, ce comité n’existe généralement pas.
Deux ans après l’adoption de la loi du 29 décembre 2012, les comités de suivi régionaux n’existent toujours pas. Faisons un rêve : imaginons qu’ils existent.
Sourires.
Avec cet amendement, le comité de suivi régional pourrait saisir un observatoire des contreparties, par exemple, afin que soient restitués les allégements indûment perçus par l’entreprise qui ne s’est pas conformée aux objectifs assignés par la loi.
Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements en discussion commune ?
Ces amendements posent des questions extrêmement pertinentes : à chaque fois que l’argent public est mobilisé, le législateur est bien entendu en droit de regarder précisément son utilisation. Pour autant, comme je l’ai déjà indiqué à l’occasion de la discussion de plusieurs amendements précédents, l’assiette du CICE est définie au II de l’article 244 quater C du code général des impôts. Lorsqu’un amendement vise à modifier le I de cet article, il ne permet donc pas d’atteindre l’objectif recherché. Pour cette raison, la commission a repoussé ces trois amendements.
Comme vous l’avez dit, monsieur Schwartzenberg, les comités de suivi régionaux n’existent pas à ce jour : il serait donc difficile de les saisir. Nous avons débattu de ce point avec M. Giraud en commission des finances. C’est aussi pour cette raison, entre autres, que la commission a repoussé votre amendement.
Madame Rabin, je comprends votre interpellation, étayée par un exemple frappant cité dans l’exposé sommaire de votre amendement. Faut-il pour autant généraliser un dispositif de restitution en cas de manquement des entreprises bénéficiaires à leurs obligations ? C’est une vraie question, qui mérite d’être posée – c’est d’ailleurs ce que vous faites en défendant votre amendement.
Si je m’en tenais à des questions de forme, je dirais que votre amendement n’est pas totalement opérationnel. Mais je ne souhaite pas utiliser trop d’arguments de forme afin de ne pas éluder le débat de fond.
Le Gouvernement, de même que le Parlement, puisqu’il a voté la création du CICE, n’a pas souhaité instaurer de pénalités ou de dispositif de restitution. Il a préféré faire confiance au dialogue social et à l’évaluation que différents comités sont en train de réaliser – votre assemblée y contribue, au travers du rapport de la mission d’information qui a déjà été cité à plusieurs reprises.
Faudra-t-il évoluer ? Actuellement, le Gouvernement n’y est pas favorable, pour des raisons de signal et de confiance que j’ai évoquées tout à l’heure. S’il est important de surveiller la bonne utilisation de l’argent public, il est aussi essentiel d’envoyer des messages et des signaux clairs concernant un dispositif qui a eu du mal à démarrer. M. Vigier, qui s’est absenté de l’hémicycle à cet instant, a donné son point de vue sur la transformation du CICE en une exonération de charges. Cette question méritera d’être reposée mais, compte tenu du caractère plutôt récent du dispositif et de sa perception encore récente par les entreprises éligibles, le Gouvernement ne souhaite pas voir évoluer la réglementation.
Monsieur Germain, j’ai bien reçu votre message. J’ai consulté les pages du site internet du ministère dont vous avez parlé, et je trouve que vous en avez une lecture un peu sélective. Quand on lit l’ensemble de ce qui est écrit, on ne retrouve pas complètement ce que vous avez dit.
Cela méritera effectivement d’être un peu précisé. Sur le site internet, il n’est pas écrit que la loi est bavarde ou littéraire, mais que l’entreprise doit fournir un compte rendu sous forme littéraire de l’utilisation du CICE. Vous avez affirmé, si ma mémoire est bonne – nous pourrons vérifier au compte rendu –, que l’administration se permettait de dire que la loi était bavarde ou littéraire. C’est en tout cas ce que j’ai compris. Mais j’ai peut-être mal entendu : le compte rendu nous départagera. Si je reconnais que les formulations utilisées ne sont pas du meilleur effet, elles ne sont pas non plus complètement outrancières.
Le Gouvernement est donc défavorable à ces trois amendements.
Je comprends parfaitement l’interpellation de notre collègue Monique Rabin au sujet d’une situation locale, dont l’origine n’est pas liée à l’existence du crédit d’impôt compétitivité emploi : elle relève d’autres mécanismes relatifs aux stratégies de délocalisation de grands groupes.
Il existe un obstacle juridique et constitutionnel à l’adoption de ces amendements. Compte tenu de certaines décisions récentes du Conseil constitutionnel, dont nous reparlerons plus tard cet après-midi, et de la manière dont ont été rédigées les dispositions législatives relatives au crédit d’impôt compétitivité emploi, il est fort probable que le Conseil constitutionnel jugerait que l’adoption de ces amendements rendrait la loi incertaine pour les entreprises. Dès lors qu’il n’existe pas de conditions formelles, strictes et parfaitement identifiables par les entreprises, ces dernières ne sauraient jamais dans quel cas la restitution du crédit d’impôt pourrait leur être réclamée. Ainsi, à supposer même que l’un de ces amendements soit adopté par notre assemblée, il serait plus que probablement censuré par le Conseil constitutionnel.
Comme le secrétaire d’État l’a rappelé, l’autre motif de rejet de ces amendements est d’opportunité. Mes chers collègues, notre but n’est pas de dire qu’il n’y a pas, dans certains cas, un usage détourné du crédit d’impôt compétitivité emploi. La question est de savoir si ces situations de détournement sont majoritaires. D’ailleurs, nos collègues admettent que les choses vont globalement dans le bon sens. Il faut en rester à la philosophie de la loi, celle de l’amendement no 665 sur le dialogue social dans l’entreprise et la transparence, celle des comités de suivi régionaux et du comité de suivi national. Yves Blein pourrait le dire : une mission parlementaire composée de collègues de tous les groupes a adopté à l’unanimité les conclusions d’un rapport préconisant de laisser vivre le dispositif en l’état. Ce n’est donc pas le moment de le transformer fondamentalement !
Mme la rapporteure générale et M. le secrétaire d’État ont beaucoup argumenté à propos de l’amendement de Mme Rabin : j’en déduis que le mien ne pose pas de problème !
Sourires sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Je m’en réjouis par avance : ce serait une avancée utile !
Il ne s’agit pas de remettre en cause ou de ne pas laisser vivre le CICE. Je me réjouis des dernières déclarations du secrétaire d’État qui nous a assuré que, contrairement à ce qu’a dit M. Germain, l’administration fiscale examinerait les conditions d’utilisation du CICE. Dans la petite minorité de cas où elle constaterait des manquements, nous souhaitons simplement que puisse être demandée la restitution du crédit d’impôt. Je n’ai pas eu de réponse sur ce point, mais je m’attends à une réponse favorable, puisque ce principe s’applique à toutes les aides publiques. Nous avions simplement omis de le préciser lors de la création du CICE : je propose donc que l’Assemblée termine son travail. Cela ne manquera d’ailleurs pas de rassurer les chefs d’entreprise, qui doivent se demander ce qui se passe en cas de fraude. Cette incertitude les inquiète peut-être : rassurez-les, monsieur le secrétaire d’État ! Conformons-nous à la tradition républicaine et appliquons au CICE ce que nous faisons pour toute dépense fiscale et toute aide publique !
Cet amendement est très marginal, mais comme je n’ai pas eu de réponse, je suis rassuré : je me dis que nous avançons !
Je veux réagir aux propos de Mme Valérie Rabault. Les comités de suivi régionaux ont été créés par la loi du 29 décembre 2012 ; deux ans plus tard, ils n’ont toujours pas été mis en place. Si j’ai bien compris, la rapporteure générale est d’avis que, puisque la loi n’a pas été mise en oeuvre par le Gouvernement et qu’un dispositif législatif n’a pas été matériellement mis en place, il faut considérer qu’on ne peut pas l’utiliser.
Je veux m’adresser au Gouvernement – je ne vise pas la rapporteure générale – en employant un adage de droit un peu pompeux : nemo auditur propriam turpitudinem allegans. Personne ne peut invoquer sa propre turpitude pour se disculper de quelque chose.
Pourtant, c’est exactement ce qui se passe ! C’est comme si le Gouvernement disait : « Puisque je n’ai pas mis en oeuvre la loi, celle-ci ne sera pas appliquée. » Encore une fois, ce n’est pas la rapporteure générale que je vise. Cela ne correspond pas tout à fait aux principes démocratiques.
Je veux d’abord rassurer M. Schwartzenberg : les comités de suivi régionaux ont pour vocation d’observer la mise en place et la montée en charge du CICE, mais aussi de favoriser le dialogue entre les partenaires sociaux autour de son utilisation, par filière professionnelle et par branche de métier. Si ces instances s’étaient réunies, elles n’auraient pas observé grand-chose jusqu’à présent, puisque le dispositif que nous avons voté permet aux entreprises qui ont clôturé leurs comptes au 31 décembre 2013 de faire apparaître le décaissement du crédit d’impôt dans les comptes présentés à l’administration fiscale au 30 juin 2014. Le fait que les comités régionaux se mettent en place maintenant, c’est-à-dire au cours du deuxième semestre de l’année 2014, a donc du sens : ces comités ont maintenant quelque chose à observer, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent. Je pense que nous sommes tous attentifs à ne pas provoquer des réunions inutiles ! Le crédit d’impôt est arrivé dans les entreprises depuis le mois de juin : il est donc désormais possible d’observer les faits et de traiter les données statistiques relatives à l’utilisation du CICE. Jusqu’à présent, la démarche aurait été prématurée.
Quant à la question du remboursement, j’avais alerté notre assemblée sur le contresens que pouvait susciter la dénomination « crédit d’impôt ». On pense parfois qu’un crédit est remboursable ; or il s’agit ici d’un dispositif d’allégement de charges…
…visant à permettre à nos entreprises de gagner en compétitivité. Lorsqu’on instaure un SMIC à zéro charge et que l’entreprise bénéficiaire dépose son bilan ou cesse son activité, on ne lui demande pas de rembourser les charges sociales qu’elle n’a pas payées. Il s’agit ici du même dispositif :…
…un dispositif d’allégement de charges, une intervention massive en faveur de la compétitivité de l’économie française. Certes, certaines entreprises ont des comportements frauduleux, mais c’est bien la compétitivité de l’ensemble des entreprises que nous voulons favoriser.
La parole est à M. Camille de Rocca Serra, pour soutenir l’amendement no 614 .
Cet amendement vise à améliorer le crédit d’impôt pour les investissements en Corse, qui a été prorogé dans la loi de finances rectificative de 2011. Nous l’avions prorogé pour cinq ans et l’avions amélioré sur un certain point.
Mais il se trouve qu’aujourd’hui, on pourrait très bien poursuivre dans les logiques qui sont les nôtres – qu’il s’agisse de la majorité ou de l’opposition – c’est-à-dire chercher à employer davantage de seniors et d’apprentis dans les TPE et les PME de moins de vingt salariés, comme de plus de vingt salariés.
Dans les deux dernières années en effet, le taux de ce crédit d’impôt a été ramené à 10 %. Ce que je propose, c’est de donner un signe d’encouragement en l’améliorant de 3,33 points pour les entreprises de moins de vingt salariés qui embaucheraient un apprenti ou un senior, ou qui adhéreraient à un service de santé au travail. Et pour les entreprises de plus de vingt salariés, je propose d’augmenter le taux de 2,5 points, c’est-à-dire d’un peu moins. Quoi qu’il en soit, en cas de cumul, on ne dépasserait pas le taux de 20 %.
Autrement dit, nous sommes pour que le taux commun soit maintenu à 10 %, avec un encouragement au profit des entreprises qui atteindraient l’objectif commun d’embauche, pendant les deux dernières années du crédit d’impôt tel qu’il a été défini.
On peut considérer que si le crédit d’impôt est une incitation, nous aurions de la sorte une incitation mieux ciblée sur les entreprises qui atteindraient l’objectif que nous partageons.
La commission a repoussé cet amendement. Vous proposez, monsieur le député, un retour à un taux plus élevé sous certaines conditions. Aujourd’hui, le crédit d’impôt tel qu’il est mis en place représente un coût budgétaire de 40 millions d’euros. Avec votre amendement, nous passerions à 60 millions. C’est pour ces motifs que la commission a repoussé votre amendement.
Monsieur le député, vous évoquez la question du crédit d’impôt spécifique à la Corse. Nous étions convenus précédemment que nous pourrions envisager la prolongation de cet avantage, qui devait normalement s’éteindre, à condition d’en ramener le taux de 20 à 10 %.
Je croyais que c’était un accord. Aujourd’hui, vous revenez dessus, en proposant de relever le taux sous certaines conditions.
Eh bien, j’ai de bonnes nouvelles pour vous : pas sur cet amendement, que je vous proposerai de retirer, mais le Gouvernement a examiné la situation en Corse et il sera en mesure de vous faire, lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, des propositions qui consisteront à prolonger et probablement à maintenir un taux proche de celui que vous souhaitez. Quand je dis « proche », je pourrais dire « égal » et ce sans ces conditions qui peuvent paraître complexes, même si je comprends bien pourquoi vous les avez introduites. Je ne trahis pas de secret : le Gouvernement envisage de prolonger, à hauteur de 20 %, ce crédit d’impôt à partir de l’année prochaine.
Je vous suggère donc de retirer cet amendement et de vous rallier à ce que le Gouvernement pourra proposer lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative.
Je viens d’entendre la réponse du Gouvernement et je suis satisfaite pour nos amis corses, mais de quel projet de loi de finances rectificative parlez-vous, monsieur le secrétaire d’État ? Car, dans celui que vous nous avez présenté hier, après le Conseil des ministres, je n’ai pas trouvé cette mesure parmi les trente-trois articles du texte. Pouvez-vous nous dire à quel article elle figure ?
Pour répondre d’abord à Mme la rapporteure générale, comment peut-on imaginer ce que va coûter la mesure que je propose, puisqu’on ne sait pas combien d’embauches seront réalisées ? C’est un dispositif gagnant-gagnant.
Il n’est pas question pour moi de revenir sur la parole donnée, monsieur le secrétaire d’État. Il s’agit de dire que nous pouvons cibler la mesure sur certaines clientèles qui sont aujourd’hui les plus fragiles. Il ne s’agit pas d’abaisser le taux commun pour donner un avantage aux entreprises les plus vertueuses, mais bien d’encourager celles-ci.
C’est un encouragement que je propose. S’il n’y a pas embauche effective, il n’y a pas de dépense nouvelle. Et le taux de 10 % serait maintenu.
J’écoute aussi monsieur le secrétaire d’État, parce que j’aurai à défendre un autre amendement concernant le crédit d’impôt. Si le Gouvernement s’engage à améliorer et à proroger le dispositif, ce que j’avais souhaité avant que la commission des finances me demande de revenir à la durée actuelle, je m’en réjouis. Je ne demande pas qu’on dépasse le taux de 20 %, mais si le Gouvernement le souhaite, je m’en réjouirais encore plus.
Nous pouvons augmenter ce taux autant que nécessaire, étant donné la situation actuelle de l’économie en Corse – situation causée il est vrai par certains événements récents.
J’ai un autre amendement qui est aussi très important, l’amendement no 612 et j’espère que je pourrai, avec le Gouvernement, trouver un accord qui améliore le dispositif. Aujourd’hui, il existe un système à deux vitesses, qu’il faudra harmoniser à travers un crédit d’impôt qui soit plus efficace. Si le Gouvernement me demande de retirer cet autre amendement au bénéfice de ce qu’il proposera lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, je serai présent quand ce texte viendra en discussion.
Pour être tout à fait clair, madame Dalloz, il ne vous a pas échappé que le Gouvernement peut introduire par voie d’amendement un certain nombre de dispositions lorsqu’il le souhaite.
Nous évitons de le faire tardivement. Mais cela nous arrive, comme c’est arrivé à d’autres gouvernements
Sourires
En tout cas, pour cet amendement-là, ce ne sera pas une surprise, puisque je viens de vous en parler.
Pour être tout à fait clair, les sujets concernant la Corse sont nombreux. Il y a la question des droits de succession et du cadastre, celle du prix du tabac sur laquelle, monsieur de Rocca Serra, vous m’avez écrit récemment, celle du crédit d’impôt, celle d’une compagnie maritime qui revient très souvent en discussion et celle des chambres d’agriculture. Je vois fleurir des articles sur les dispositions que nous avons proposées concernant les chambres d’agriculture.
Les questions sont donc très nombreuses. Sans trahir de secret, je peux dire que les ministres concernés ont eu l’occasion de faire le tour de l’ensemble de ces questions pour prendre en compte la situation économique particulière de votre territoire.
Nous avons eu l’occasion d’annoncer un certain nombre de choses concernant la SNCM, pas forcément dans le sens que vous souhaitez. J’ai eu l’occasion de m’exprimer – je ne sais pas si vous étiez là – sur la fiscalité du tabac, lors d’un débat précédent : nous y reviendrons probablement. Et je m’exprime aujourd’hui sur la question du crédit d’impôt.
J’ai aussi assumé la prise en charge des dettes des chambres d’agriculture avec la proposition qui a été faite de régler ce passif. Nous avons donc cherché un équilibre qui tienne compte de la spécificité de la situation et l’amendement au projet de loi de finances rectificative que le Gouvernement s’apprête à vous proposer répond à ce que vous pouviez souhaiter : de la fermeté sur un certain nombre de dossiers et un peu plus de souplesse sur d’autres. Je crois que chacun, et particulièrement vous, a compris le sens de mon intervention. Je vous suggère donc de nouveau de retirer cet amendement, en réitérant l’engagement du Gouvernement.
L’amendement no 614 est retiré.
Le véritable auteur de cet amendement que j’ai cosigné est notre éminent collègue Henri Emmanuelli, dont je rappelle qu’il a été ministre du budget en 1982 et, à cet égard, le créateur du crédit d’impôt-recherche, qu’il a été président de la commission des finances, qu’il est maintenant président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations.
Cette longue expérience parlementaire et sa très grande proximité avec le Président de la République l’ont amené à essayer d’aider un petit peu le Gouvernement à faire évoluer le crédit d’impôt compétitivité-emploi.
Sourires.
Quel est l’objectif ? Ce crédit d’impôt compétitivité emploi est né de la volonté, conformément aux préconisations du rapport Gallois, d’apporter une réponse au problème de la compétitivité de nos entreprises, que personne ne conteste.
Nous avons pris une mesure à caractère général, qui a ses avantages mais aussi ses inconvénients. On peut aujourd’hui constater qu’elle atteint ses objectifs, mais ils sont définis si largement qu’elle passe peut-être à côté du principal : la relance de l’investissement, pour restaurer notre compétitivité hors coûts, notamment par la montée en gamme. Je ne vais pas reprendre les conclusions du rapport Gallois.
Que propose cet amendement, à masse budgétaire constante ? C’est de réorienter une partie de ce crédit d’impôt compétitivité emploi en créant un crédit d’impôt investissement. Il serait assis sur les dépenses effectives d’investissements corporels ou incorporels et comptabilisé – c’est cela qui est très intéressant – au titre de la formation brute de capital fixe. Avec un taux modulé, parce que les besoins ne sont pas les mêmes selon les entreprises : d’ailleurs, le rapport Gallois le disait en creux.
Le taux serait donc fixé à 10 % pour les TPE-PME, à 7 % pour les entreprises de taille intermédiaire qui structurent notre tissu industriel et qu’il faut aider, et à 2 % pour les grandes entreprises, qu’il ne faut pas oublier, mais dont nous avons bien vu qu’elles ne sont pas les plus en difficulté.
On ne pourrait pas cumuler ce crédit d’impôt avec le CICE, évidemment. Le total représenterait 11 milliards d’euros et serait financé par une modulation du CICE. C’est en sens que l’auteur de l’amendement veut aider le Président de la République et le Gouvernement.
Les entreprises qui réaliseraient un chiffre d’affaires à l’export supérieur à 5 % conserveraient un taux de CICE à 6 % et les autres ne bénéficieraient que d’un taux de 4 %.
C’est très important, car une autre question que posait le rapport Gallois, en creux, était celle des entreprises exportatrices, auxquelles il faut s’attacher pour rétablir l’équilibre de notre balance des paiements.
Je terminerai en disant que cette mesure serait aussi financée par le passage à 10 % du taux de la contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés au titre des montants distribués. Là encore, nous retrouvons l’un des débats que nous avons eus : il faut favoriser les bénéfices réinvestis plutôt que les bénéfices distribués.
C’est une construction très solide, très travaillée, qui est faite pour aider le Gouvernement. Et je ne doute pas que celui-ci saisisse la main tendue, parce qu’en politique, il ne sert à rien d’être obtus et de s’entêter.
Par rapport à la version examinée par la commission des finances, cet amendement a un peu évolué, notamment en ce qui concerne son gage. La première version du gage était quelque peu fragile, alors que vous vous appuyez maintenant sur ce qui peut exister dans les rapports annuels des entreprises, où la part annuelle du chiffres d’affaires à l’exportation est clairement identifiée, en tout cas pour les grandes entreprises.
Ce que vous proposez là, monsieur Cherki, c’est un autre dispositif de soutien aux entreprises. Ce n’est pas à ce stade le souhait du Gouvernement, qui préfère un dispositif extrêmement simple d’application, comme l’a préconisé le rapport d’information de MM. Blein et Carré. C’est pour cette raison que la commission n’a pas retenu votre amendement.
Merci, monsieur Cherki, d’avoir décliné toutes les qualités de votre collègue Henri Emmanuelli. Je porte, en cette Journée de la gentillesse, la même appréciation que vous sur les qualités humaines de votre collègue
Sourires
qui, même s’il n’est pas là aujourd’hui, fait preuve d’une assiduité remarquable dans cet hémicycle, compte tenu des fonctions qu’il a exercées et de celles qu’il exerce encore.
Ceci dit, monsieur le député, vous avez déjà défendu un amendement de ce type même s’il est vrai que le gage a changé puisque vous proposez une modulation du taux de crédit d’impôt en fonction de la part à l’exportation des entreprises concernées, une majoration de la contribution exceptionnelle à l’impôt sur les sociétés due par les grandes entreprises et, je cite, « en cas de besoin », une majoration des droits sur le tabac.
Une telle évolution n’a cependant pas fait évoluer parallèlement la pensée du Gouvernement.
Le raisonnement est en effet le même : nous souhaitons que ce dispositif, qui est évalué – comme l’a excellemment dit votre rapporteure générale – demeure stable. Il mérite probablement qu’on le laisse un peu respirer avant d’envisager une évolution.
Le Gouvernement reste donc défavorable à l’adoption de cet amendement, malgré toutes les qualités de son principal auteur.
Je soutiens moi aussi cet amendement car il est vraiment nécessaire de relancer l’investissement dans notre pays.
De plus, nous constatons que les méthodes générales, non ciblées, ne fonctionnent pas en raison d’une demande au point mort, en France comme en Europe. De tels dégrèvements assis sur les investissements me semblent donc tout à fait pertinents.
J’ajoute que l’articulation avec le CICE, qui permet de financer ce crédit d’impôt investissement, est de bonne politique.
Je regrette également que nous n’ayons pas adopté les amendements relatifs à la restitution du CICE en cas de manquements.
Je complète les propos que j’ai tenus tout à l’heure à M. le secrétaire d’État, en espérant que cela clôturera nos débats.
Le site du ministère mentionne toujours cette phrase invraisemblable selon laquelle « l’administration fiscale ne contrôlera pas l’utilisation du CICE. Un CICE qui ne serait pas utilisé conformément à l’objectif d’amélioration de la compétitivité de l’entreprise ne fera l’objet d’aucune remise en cause de la part de l’administration fiscale. »
Comme nous voulons tous favoriser la compétitivité, je souhaite qu’un jour nous parvenions à améliorer les choses sur ce point.
Enfin, j’ai voté tout à l’heure un amendement dont je me rends compte, en le relisant, qu’il requiert une simple expression « littéraire » de la nature de l’amélioration de la compétitivité. Or, nous devons au moins aux partenaires sociaux une description financière, euro par euro, de la façon dont les sommes du CICE ont été utilisées.
J’espère que cet amendement sera adopté et que le texte pourra en être amélioré au cours de la navette.
Non. J’ai bien réfléchi mais n’étant pas son principal auteur, je ne peux prendre cette lourde décision.
En style télégraphique, madame la présidente, et non sans vous avoir remerciée de m’avoir redonné la parole, je fais remarquer à Mme la rapporteure générale que cette évolution du gage comporte plusieurs explications.
Tout d’abord, nous faisons le plus grand cas des observations qu’elle a formulées en commission des finances.
Ensuite, mon collègue Emmanuelli étant beaucoup plus hollandais que moi, il manie mieux que je ne saurais le faire l’art de la synthèse. J’invite donc le Gouvernement à réfléchir car cet amendement vise précisément à faire la synthèse entre sa propre volonté, les justes conclusions du rapport Gallois et les dispositifs existants.
Je sais que la marche à franchir peut sembler un peu élevée mais, dans la période que nous traversons, c’est en faisant preuve d’audace que nous parviendrons à bon port.
Je vous invite donc à revoir votre position et je maintiens cet amendement.
L’amendement no 579 n’est pas adopté.
Cet amendement vise à prolonger le crédit d’impôt pour l’agriculture biologique et, donc, pour les exploitations en mode de production biologique, de 2016 à 2018.
En effet, en l’état, ce crédit d’impôt doit se terminer au 31 décembre 2014, donc, dans quelques semaines. Or, il constitue la principale mesure de soutien issue du programme « Ambition bio 2017 ».
Alors que le Gouvernement s’est engagé dans la promotion de l’agro-écologie avec la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, récemment votée et promulguée, qui reconnaît l’importance de l’agriculture biologique en tant que mode le plus abouti de l’agro-écologie, l’arrêt de cette mesure fiscale incitative freinerait l’essor de la filière de l’agriculture biologique et créerait de l’incertitude sur l’offre et la demande. C’est pourquoi il est essentiel de prolonger ce dispositif pour les prochaines années.
La commission a repoussé cet amendement.
Ce crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique, qui représente 20 millions par an, est utile et important mais la présentation de cet amendement en seconde partie du projet de loi de finances impliquerait qu’il ne serait plus applicable pour 2015 tout en étant prorogé de 2016 à 2018.
Je ne sais pas si le Gouvernement accepterait de revoir cette proposition en l’intégrant dans le PLFR pour 2015…
À ce stade de notre discussion, monsieur le député, le dispositif prévu n’aurait d’effet, au mieux, qu’au 1er janvier 2016. Or, le crédit d’impôt que vous souhaitez prolonger s’arrête au 31 décembre 2014.
Sa prorogation dès le 1er janvier 2015 exigerait d’introduire un amendement dans le PLFR qui a été déposé hier sur le bureau de votre Assemblée.
Par avance, monsieur le député, je peux vous dire que le Gouvernement serait favorable à son adoption.
Si, en revanche, nous adoptions cet amendement aujourd’hui, il y aurait un trou pour l’année 2015.
Je vous suggère donc de le retirer et de le déposer à nouveau dans le cadre du PLFR. Si son principe est identique, le Gouvernement y sera favorable.
Je vous remercie, madame la rapporteure générale, monsieur le secrétaire d’État, de m’avoir tendu la perche et d’ainsi boucher les trous
Sourires
L’amendement no 649 est retiré.
Avant d’aborder deux amendements identiques, je suspends la séance pour dix minutes.
La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.
Si vous me le permettez, madame la présidente, je présenterai en même temps l’amendement no 410 . Ces deux amendements partent d’un même constat : à l’heure actuelle, les entreprises de l’économie sociale et solidaire qui produisent des énergies renouvelables, dont nous souhaitons tous le développement, sont pénalisées par le système fiscal.
Nous avons déjà soulevé ce problème à plusieurs reprises, mais nous continuons de faire le même constat sur le terrain. Il est donc urgent de prendre en compte la situation de ces entreprises, qui sont peu nombreuses à l’heure actuelle, mais qui représentent l’avenir. Ce sont des entreprises citoyennes, qui regroupent de l’épargne solidaire pour produire elles-mêmes de l’énergie renouvelable : il importe donc de les encourager. Or ces entreprises ne peuvent pas, à l’heure actuelle, bénéficier de la réduction d’ISF pour investissement, dite « réduction Madelin ».
L’amendement no 410 , quant à lui, vise à faire bénéficier toutes les entreprises de l’économie sociale et solidaire de cette réduction d’ISF pour investissement. Il n’y a pas de raison que cette réduction ne concerne que les PME classiques et exclue les entreprises de l’économie sociale et solidaire.
Ces amendements ont été repoussés par la commission, car l’élargissement que vous proposez pose un certain nombre de problèmes. D’abord, certaines des entreprises dont vous parlez bénéficient déjà d’un tarif de rachat. Ensuite, l’énergie solaire qui est produite dans des installations non intégrées au bâti serait éligible au dispositif dit « ISF-PME », et pas au tarif de rachat. Ne conviendrait-il pas d’envisager un système global plus cohérent ? D’une manière plus générale, s’agissant des entreprises sociales et solidaires, la question se pose de savoir s’il faut réduire leur ISF ou celui de leurs investisseurs. C’est parce que ces questions restent en suspens que la commission a rejeté vos amendements.
Même avis, madame la présidente.
Je voudrais simplement que le cas de ces entreprises, qui est tout à fait particulier, soit examiné. On nous fait à chaque fois des réponses d’ordre général, qui ne s’appliquent malheureusement pas à ces entreprises. Je demande au Gouvernement d’étudier le cas des entreprises de l’économie sociale et solidaire qui produisent de l’énergie renouvelable, car elles constituent un cas particulier et sont actuellement pénalisées par notre système fiscal.
Les réponses que l’on nous fait sont toujours très générales et ne sont pas du tout adaptées au cas particulier de ces entreprises. La plupart d’entre elles, et je vous l’ai déjà dit à plusieurs reprises, n’ont pas de tarif de rachat. Je ne vois donc pas pourquoi elles ne pourraient pas bénéficier de la réduction Madelin. Il est vraiment temps que ce problème soit examiné, car ce n’est pas la première fois que nos collègues radicaux et nous-mêmes le soulevons. Or, au vu des réponses qui nous sont faites, j’ai vraiment l’impression que le problème n’a pas été étudié. Nous attendons à présent des réponses précises.
Je voudrais formuler les mêmes demandes que ma collègue Eva Sas. Comme cela a été rappelé hier encore lors de l’examen de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », si nous voulons que la transition énergétique réussisse, il faut que des citoyens se mobilisent. Certains le font déjà, avec le concours des collectivités locales, ou en formant entre eux des réseaux de citoyens. Mais on a les plus grandes difficultés à trouver le format juridique et fiscal correspondant à ce type d’entreprises relevant de l’économie sociale et solidaire.
Nous formulons la même demande que nos collègues écologistes, car il nous semble que ce qui est au coeur même de la transition énergétique, c’est l’engagement des citoyens. À l’heure actuelle, lorsque des initiatives fonctionnent, c’est justement parce que des citoyens s’y sont impliqués, souvent avec le concours des collectivités locales. Or on a l’impression de se heurter, non seulement à un mur d’incompréhension, mais à une absence de politique fiscale, s’agissant de ces entreprises.
Je prends acte, madame la députée, monsieur le député, de ce qui vient d’être dit. Je demanderai à mes collaborateurs, dans un délai relativement court, même s’ils ont fort à faire en ce moment, d’apporter une réponse à la question précise que vous soulevez, afin que vous disposiez, soit au cours de la navette, soit lors de l’examen du collectif budgétaire qui interviendra avant la fin de l’année, de propositions plus précises que celles que nous avons données, et qui ont pu vous sembler insuffisantes.
Je pourrais vous répondre que beaucoup de dispositifs existent déjà, et vous les connaissez. Mais peut-être reste-t-il effectivement quelques trous, s’agissant du type d’entreprises que vous venez de citer. Au bénéfice de l’engagement que je prends devant vous et devant mes collaborateurs, qui vont travailler à vous donner des réponses plus précises, et peut-être vous suggérer des outils susceptibles de répondre à votre préoccupation, je vous invite à retirer vos amendements. À défaut, tels qu’ils sont conçus, je ne pourrai qu’en suggérer le rejet.
Je le retire lui aussi, puisqu’il traitait en effet du même sujet. J’entends l’engagement du Gouvernement de nous apporter des réponses, et peut-être aussi des propositions pour soutenir ces entreprises qui ont aujourd’hui le sentiment d’être moins bien traitées que d’autres PME, et de bénéficier de dispositifs moins favorables que les entreprises classiques. C’est vraiment ce qui ressort du terrain et je me félicite que vous vous engagiez à étudier cette question.
Cet amendement a été cosigné par vingt-sept collègues, il s’inscrit totalement dans la démarche Base Erosion and Profit Shifting, dite BEPS, mise en place par l’OCDE et le G 20. Il s’agit de réagir à l’optimisation fiscale agressive, c’est-à-dire l’évitement de l’impôt par un certain nombre de multinationales.
Cet amendement tend à transcrire en droit français des mécanismes qui existent déjà dans huit pays de l’OCDE : le Royaume-Uni, le Canada, les États-Unis, l’Irlande, le Portugal, l’Afrique du Sud, Israël et la Corée du Sud. Il prévoit que les cabinets de conseil qui commercialisent des schémas d’optimisation fiscale soient amenés à les déposer auprès de l’administration fiscale. La logique est assez simple : cela nous permettra de comprendre comment l’impôt est évité grâce à ces schémas.
Pour votre information, et pour convaincre l’ensemble des parlementaires qu’il s’agit d’une démarche utile, je peux citer l’exemple du Royaume-Uni. Dans ce pays, ce mécanisme a permis le dépôt de 2 400 schémas d’optimisation auprès de l’administration fiscale et conduit à la modification de quarante-six points légaux par les parlementaires britanniques.
Cet amendement est suivi d’un autre amendement, le no 827, que je pourrai justifier en fonction de la réponse qui sera donnée par le secrétaire d’État. Nous avons eu à coeur de bien lire la décision rendue l’année dernière par le Conseil constitutionnel. L’amendement no 827 , que nous vous proposons ensuite, supprime toute forme de répression suite au dépôt de ces schémas d’optimisation. L’amendement no 830 répond à l’exigence soulevée par le Conseil constitutionnel de définir de la manière la plus précise possible les schémas, l’amendement no 827 prévoit que ces schémas soient déposés sans risquer qu’une action répressive s’ensuive.
Cet amendement a été rejeté par la commission lorsqu’elle s’est réunie conformément à l’article 86 du règlement. Il a été présenté à nouveau et a reçu un avis favorable de la commission réunie au titre de l’article 88.
Madame la présidente, puisque nous abordons une série d’amendements consacrés à la lutte contre l’optimisation fiscale agressive des entreprises, je souhaite rappeler un certain nombre de points, et particulièrement les mesures que ce Gouvernement a mis en oeuvre avec constance et détermination depuis l’été 2012.
Je ne voudrais pas que s’installe l’idée selon laquelle le Gouvernement ferait preuve d’une certaine inertie face à ces questions dont la complexité est grande, chacun peut le constater, la coexistence de constitutions différentes, dans des pays différents et des espaces économiques et juridiques différents accentuant encore les difficultés.
Je prendrai peut-être un peu de temps pour m’exprimer sur ce sujet, mais cela justifiera la position du Gouvernement sur chacun des amendements traitant de ces sujets, ce qui me permettra d’être plus rapide par la suite.
Plus de soixante-dix mesures législatives de lutte contre la fraude et l’optimisation fiscale ont été votées depuis l’été 2012. Elles s’ajoutent à d’autres mesures réglementaires, je pense notamment à la procédure de mise en conformité des contribuables détenant des avoirs non déclarés à l’étranger, que nous avons souvent évoquée ici. Il faut aussi mentionner le rôle de la France dans les instances internationales et communautaires, et plus particulièrement l’action que mène Michel Sapin aux côtés du Président de la République, car c’est aussi à ce niveau que des solutions sont non seulement possibles, mais indispensables.
Nous avons considérablement renforcé notre arsenal législatif de lutte contre la fraude en deux ans. Ainsi, nous avons renforcé nos moyens contre un certain nombre de pratiques permettant de minorer le bénéfice taxable des entreprises. Nous avons empêché les transferts abusifs de déficits reportables à l’impôt sur les sociétés, introduit un dispositif anti-abus relatif aux schémas dits « coquillards », prévu la non-déductibilité des abandons de créance à caractère financier et renforcé les moyens de lutte contre le transfert de bénéfices par la recapitalisation de filiales.
Dans la seconde loi de finances rectificative de 2012, nous avons accru la lutte contre l’évasion fiscale liée à la localisation d’avoirs à l’étranger à l’aide de règles de fond comme de procédure. À cette fin, nous avons renforcé les moyens de contrôle et les sanctions avec une procédure spécifique de demande de justification de l’origine de ces avoirs. Nous avons porté leur taxation à 60 %. Nous avons augmenté les pouvoirs d’investigation auprès de ceux qui tiennent ces comptes et contrats d’assurance-vie à l’étranger. Nous avons étendu de six à dix ans les délais de reprise en matière d’ISF et de droits d’enregistrement. Nous avons également renforcé les moyens généraux du contrôle fiscal.
Pour les entreprises, nous avons rendu obligatoire la présentation de la comptabilité sous forme dématérialisée. Nous avons modernisé la procédure de droit de visite et de saisie par la mise en place de dispositions spécifiques aux perquisitions informatiques. Concernant les fraudes les plus graves, nous avons étendu la procédure de flagrance fiscale aux constats de travail dissimulé et relevé le montant de l’amende en cas d’activités illicites.
Parallèlement, nous avons élargi le champ de la procédure judiciaire d’enquête fiscale, Mme la présidente le sait bien. À la fin de l’année 2012, nous avons mis en oeuvre des moyens de lutte contre la fraude à la TVA sur les véhicules d’occasion en introduisant une solidarité de paiement, nous y reviendrons.
Cet effort s’est poursuivi dans la loi dite DDADUE de janvier 2013, en prévoyant l’extension du droit de communication des administrations fiscales et douanières auprès des établissements de monnaie électronique.
La loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière a également permis des avancées notables. Elle prévoit l’extension du champ de compétence de ce qu’on appelle la « police fiscale ». Nous avons également donné aux enquêteurs, pour la lutte contre la fraude fiscale aggravée, la possibilité d’utiliser des techniques dites « spéciales » d’enquête, et le fait de frauder en bande organisée est devenu une circonstance aggravante. Nous avons également alourdi les sanctions correctionnelles en cas de fraude fiscale aggravée en les portant jusqu’à sept ans d’emprisonnement.
Enfin, nous avons autorisé l’administration fiscale à exploiter les informations qu’elle reçoit, quelle qu’en soit l’origine – tirant en cela les leçons de l’affaire HSBC-Falciani, qui est d’ailleurs toujours pendante – et lui avons permis de réaliser des saisies simplifiées sur les sommes rachetables d’un contrat d’assurance-vie.
Le projet de loi a été enrichi grâce au Parlement. Un certain nombre de parlementaires qui se reconnaîtront ont permis de renforcer les moyens du contrôle fiscal et douanier en proposant des mesures sur le régime des repentis fiscaux, l’extension des compétences de la douane judiciaire aux délits d’association de malfaiteurs, ou encore les possibilités de contrôle par l’administration de l’attribution des numéros de TVA intracommunautaires.
Les amendements adoptés ont également renforcé les obligations déclaratives nécessaires au contrôle fiscal. Les sanctions pour défaut de déclaration auprès du fichier des comptes bancaires – FICOBA – et pour non-déclaration d’un trust ont été alourdies, et nous avons rendu obligatoire la transmission spontanée à l’administration fiscale de la documentation permettant de justifier leur politique de prix de transfert. Les sanctions ont été alourdies en matière administrative et pénale.
En loi de finances pour 2014, nous avons introduit une obligation de présentation de la comptabilité analytique et des comptes consolidés lors du contrôle et permis de taxer sans délai en cas de redressement des prix de transfert. C’est une question importante.
Nous avons également élargi l’obligation de documentation des prix de transferts à laquelle sont assujetties les grandes entreprises aux rulings, c’est-à-dire aux décisions individuelles les concernant prises par des administrations étrangères, qui apportent un éclairage sur ces pratiques opaques et discrétionnaires. Je vous rappelle qu’en France, la transmission des rulings est devenue obligatoire grâce à un amendement que votre serviteur avait soutenu avec, entre autres, Mmes Mazetier, Berger et Rabault et MM. Muet, Woerth, Galut, Cherki, et d’autres qui se reconnaîtront.
Enfin, le collectif budgétaire présenté hier devant votre commission propose un certain nombre d’autres dispositions.
Ce renforcement considérable de l’arsenal juridique s’est accompagné d’un travail sans précédent sur ces sujets au niveau international. L’échange automatique d’informations sur les comptes bancaires sera bientôt le standard mondial de la coopération fiscale internationale. À Berlin en octobre, Michel Sapin a signé avec une cinquantaine de pays un accord d’échange automatique d’informations fiscales, qui sera mis en oeuvre dès 2017 pour les early adopters – ces derniers se reconnaîtront.
Sourires.
En 2018, ce sont au moins trente à quarante autres pays qui les rejoindront, dont la Suisse. C’est la fin du secret bancaire qui est ainsi rendue possible.
Ce standard sera également généralisé au sein de l’Union européenne : sous l’impulsion de la France et de ses partenaires, le conseil Ecofin d’octobre s’est conclu par un accord historique des États membres, y compris le Luxembourg et l’Autriche pourtant particulièrement frileux auparavant, pour qu’une directive rende l’échange automatique d’informations obligatoire en Europe dès 2017.
Sur le front de l’optimisation fiscale, la France a également été l’une des forces motrices du chantier BEPS, dont j’imagine que nous reparlerons, pour lequel le G 20 a mandaté l’OCDE afin de lutter contre l’érosion des bases fiscales.
Trois grands sujets restent en cours de discussion pour aboutir à des solutions à la fin de l’année 2015.
Il faut d’abord mettre fin à la course au moins-disant fiscal. Nous avons beaucoup travaillé sur ce point et espérons des résultats dès le sommet de Brisbane des 15 et 16 novembre. Je pense aussi aux rulings, ces décisions discrétionnaires et taillées sur mesures.
Nous travaillons également à renforcer les moyens des États pour contrôler les schémas, notamment de prix de transfert, qu’utilisent certaines multinationales. Ce chantier doit aboutir en 2015.
Dans le même esprit, nous adaptons les principes de la fiscalité internationale aux défis du numérique. La France est très présente sur ce dossier, et nous avons demandé la création d’une task force, que nous coprésidons avec les États-Unis.
Je pourrais longuement poursuivre sur le reste des dispositions, notamment la directive mère-fille pour les hybrides, sur laquelle nous travaillons, et le projet de directive sur l’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés – ou ACCIS – que beaucoup d’entre vous connaissent, mais je préfère m’en tenir là.
Ce long rappel avait pour objet de ne pas laisser s’installer l’idée que le Gouvernement ferait preuve d’une certaine inertie sur ces sujets, effectivement délicats.
Pour en venir aux amendements défendus par Mme Berger, notre souci est d’avancer en assurant à nos dispositions une sécurité juridique et constitutionnelle qu’ils n’ont pas toujours connue. Le passé assez récent a montré, notamment s’agissant des deux amendements que vous proposez – j’ai bien compris que l’un était assorti de sanctions, l’autre pas – a montré la difficulté constitutionnelle pour faire prospérer la notion de schéma d’optimisation. Le Gouvernement, à ce stade, considère que le risque d’inconstitutionnalité de ces amendements reste important, et il ne souhaite donc pas que votre assemblée les adopte.
C’est un principe de réalité et de prudence qui s’impose à nous. Même si ces amendements sont d’origine parlementaire, en cas de censure du Conseil constitutionnel, c’est la plupart du temps le Gouvernement, et souvent le Président de la République, qui portent la responsabilité de ce qui est interprété par un certain nombre de nos concitoyens comme un échec ou une faute.
Le Gouvernement, compte tenu des expériences passées sur ce point comme sur d’autres – ces questions ne sont pas les seules à avoir fait l’objet d’une censure du Conseil constitutionnel – ne souhaite pas prendre ce risque. L’avis est donc défavorable à ces deux amendements, bien que nous en comprenions la finalité et que nous souhaitions faire prospérer ces questions.
Merci, madame la présidente, de m’avoir permis de m’exprimer un peu plus longuement que d’habitude sur ce sujet d’importance sur lequel je souhaite qu’il n’y ait pas de malentendu.
Les parlementaires qui ont déposé cet amendement et les suivants, monsieur le secrétaire d’État, n’éprouvent aucun doute quant à l’action menée depuis deux ans par le Président de la République et par le Gouvernement pour combattre ce fléau qu’est l’évasion fiscale. Nous ne reviendrons pas une nouvelle fois sur les soixante-dix mesures que vous avez indiquées, sur la loi que nous avons votée en la matière et sur la loi relative à la transparence de la vie publique, dont on constate aujourd’hui même que les résultats s’appliquent non seulement à l’ensemble de nos concitoyens, mais aussi aux parlementaires que nous sommes. Ne nous trompons donc pas de débat : la France et vous-même, monsieur le secrétaire d’État, êtes en pointe dans ce combat, tant dans notre pays qu’en Europe.
Constatons toutefois que les avancées que vous indiquez découlent aussi d’amendements d’origine parlementaire.
Oui, vous l’avez dit et nous en sommes tous conscients dans l’hémicycle. Je ne citerai qu’un seul exemple : la « Plateforme paradis fiscaux et judiciaires » a présenté aujourd’hui même un rapport selon lequel les banques françaises pratiqueraient l’évasion fiscale ou l’optimisation fiscale agressive dans de nombreux territoires. Nous devons cette information à des amendements parlementaires défendus par nos collègues Karine Berger, Valérie Rabault, Pascal Cherki, Dominique Potier et par moi-même.
Nous vous apportons donc notre soutien plein et entier dans ce combat. Nous savons bien que M. Sapin nous a quittés pour se rendre à Brisbane, en Australie, afin de défendre le plan de l’OCDE qui sera présenté au Sommet du G 20. Précisément : par ces amendements, nous aidons le Gouvernement ! Comme l’a rappelé Karine Berger, les vingt-trois signataires de cet amendement ont, par prudence, tenu compte point par point des observations formulées par le Conseil constitutionnel avant de les rédiger.
Autrement dit, monsieur le secrétaire d’État, nous avons pleinement conscience de la volonté que manifestent le Président de la République et le Gouvernement. Cependant, nous devons aller plus loin et agir plus vite. Sans doute notre rythme est-il différent du vôtre. Nous vous soutenons, mais nous estimons aussi que ces amendements vont dans le sens de votre action.
Nos collègues députés et M. le secrétaire d’État s’honoreraient à rappeler que tout n’a pas commencé en mai 2012. Tout d’abord, ce combat est le fruit d’une longue tradition et, surtout, Nicolas Sarkozy a convaincu ses homologues lors du Sommet de Londres en 2009 qu’il fallait mettre fin au secret bancaire, déclenchant ainsi un processus qui se poursuit aujourd’hui, car il existe une continuité – dont je me félicite – entre les différents gouvernements pour ce qui est d’aboutir à des accords internationaux permettant de résoudre cette situation tout à fait anormale qui choque la plupart de nos concitoyens et des citoyens d’autres pays.
De même, je me réjouis que soixante-dix mesures aient été prises depuis deux ans et demi : elles complètent les soixante autres prises dans l’année et demie qui a précédé, y compris des dispositions que nous avons adoptées ici même dans le cadre d’une loi de finances rectificative afin de durcir certains processus et, en particulier, de modifier certains aspects techniques du fonctionnement des groupes bancaires de telle sorte que les corps d’inspection créés sous la dernière législature puissent faire leur travail. Je tenais à le rappeler !
« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.
Nous partageons tous la volonté de lutter contre l’évasion fiscale. Les phénomènes d’optimisation fiscale agressive existent, et il ne s’agit aucunement de les nier. Dans ce domaine, j’estime que la situation européenne et internationale évolue de manière favorable et satisfaisante – je pense notamment aux révélations récentes concernant le Luxembourg.
Cela étant dit, pour effectuer un travail efficace qui se traduit par des dispositions concrètes sans se heurter à tel ou tel problème, il faut faire preuve de méthode et de précision. J’évoquerai deux problèmes possibles.
Le premier tient à la manière dont nous suivons les travaux de l’OCDE, auxquels plusieurs orateurs ont fait référence. Ces travaux sont tout à fait importants, en effet. L’OCDE a été mandatée par le G20 pour étudier les questions d’optimisation fiscale. Elle a déterminé quinze actions visant à freiner l’érosion des bases fiscales. L’amendement présenté par Mme Berger fait référence à l’action no 12. Je cite la synthèse du plan d’action dit BEPS : l’action no 12 consiste à « obliger les contribuables à faire connaître leurs dispositifs de planification fiscale agressive » ; tel est en effet l’objet du présent amendement. Or, il est précisé dans le document de l’OCDE que la recommandation concernant la conception de règles nationales ne sera disponible qu’en septembre 2015. Autrement dit, il n’existe actuellement aucune recommandation précise de l’OCDE sur cette question. Il me semblerait donc opportun d’attendre que l’OCDE élabore cette recommandation, comme elle l’a déjà fait dans d’autres domaines, avant de légiférer et d’anticiper certaines décisions du G20.
Deuxièmement…
J’en viens donc au deuxième point qui concerne un sujet central : à titre personnel, j’ai très mal vécu les censures prononcées l’année dernière par le Conseil constitutionnel sur les différents amendements que nous avions adoptés.
J’estime qu’il n’est pas de bonne méthode que de proposer des amendements présentant un risque de censure. En cas de censure, en effet, nous contribuons – à notre corps défendant – à bâtir une jurisprudence qu’il est ensuite difficile de contourner pour instaurer certains dispositifs. Il faut donc veiller à la qualité juridique de nos amendements.
De ce point de vue, j’ai lu attentivement la décision du Conseil constitutionnel et l’amendement de Mme Berger, hélas, présente à mon sens plusieurs risques. Je souhaite donc que Mme la rapporteure générale nous donne l’avis juridique rendu par les services de la commission des finances.
Comme mes collègues, je félicite le Gouvernement pour l’action résolue qu’il a menée depuis deux ans, avec une efficacité tout à fait remarquable s’agissant de l’évasion fiscale des ménages, en particulier grâce à la loi que nous avons adoptée en décembre 2013.
S’agissant des entreprises, la situation est plus compliquée et l’on ne peut que constater nos difficultés – je ne parle pas d’échecs – face à des monstres tentaculaires de dimension mondiale qui emploient des juristes et des financiers de haut vol.
Hier, le président de la Commission européenne, M. Juncker, a pris plusieurs engagements concernant la transmission par les États d’informations dites tax rulings, ainsi que sur l’harmonisation consolidée de l’assiette fiscale – dont chacun sait ce qu’elle recouvre en termes de prix de transfert. En d’autres termes, la situation évolue en Europe.
Cependant, les efforts concernant l’harmonisation de l’assiette fiscale sont au point mort depuis 2011. La panne dure depuis quatre ans et, pourtant, il y a urgence ! Voilà le problème ! Il y a urgence parce que nous avons besoin d’argent pour aider nos entreprises, parce que nous voulons résorber notre dette et parce que nous ne voulons pas tarir l’action de l’État en réduisant à l’excès la dépense publique. Or, pour résoudre ces problèmes, la seule solution consiste à améliorer les recettes fiscales en récupérant de l’argent qui a quitté le pays de manière indue.
Sans doute l’affaire du « Junckerleaks » permettra-t-elle d’accélérer les choses comme l’affaire Cahuzac l’avait fait en son temps. C’est en tous cas ce que l’on observe depuis quarante-huit heures. Cette accélération se poursuivra-t-elle ? Rien n’est moins sûr. Profitons tout de même des crises, comme celle que nous traversons aujourd’hui : c’est l’occasion de pousser notre avantage.
En outre, l’Europe a besoin de signaux. Lorsque les États membres agissent comme nous l’avons fait concernant le reporting bancaire, ils contribuent à mobiliser l’Europe et à la sensibiliser en faisant la preuve de leur motivation. Nous devrions ici frétiller tout autant et multiplier les assauts par de tels amendements. Heureusement que l’OCDE fait ce qu’elle fait et que le président Obama a fait adopter la loi dite FATCA aux États-Unis.
C’est comme si tout ce que nous avons fait depuis 2009 n’existait pas !
Quant à nous, monsieur le secrétaire d’État, nous avons également tenu compte des observations du Conseil constitutionnel de sorte que nos amendements soient recevables.
Je vous avoue, monsieur Caresche, éprouver quelque énervement face aux commentaires que l’on fait çà et là concernant le Conseil constitutionnel. Chacun des textes que nous votons peut être soumis à la saisine du Conseil constitutionnel : c’est ainsi que les choses se font en France, et c’est bien. Or, on voudrait insinuer l’idée que rien n’a été fait dans le domaine de la lutte contre l’évasion fiscale depuis un an. Cet amendement n’est pas sorti d’un chapeau ! Il n’a pas été écrit à la va-vite : nous avons consulté des avocats fiscalistes, des instances administratives, des juristes, l’OCDE, l’administration fiscale britannique, les parlementaires britanniques et allemands. Certes, il existe toujours un risque d’ordre constitutionnel.
Il n’y a pas qu’en cette matière que des censures ont été prononcées, tout de même !
En effet : la censure du 14 août dernier, par exemple, ne portait pas sur ces sujets – et pourtant, nous avions abondamment débattu.
En tout état de cause, il faut en matière de lutte contre l’évasion fiscale faire preuve de quelque modestie, car nous sommes tous soumis, quoi que nous votions, à l’avis du Conseil constitutionnel. Depuis un an, sa position porte tout à la fois sur l’incompétence négative du législateur…
Il s’agit là d’un concept assez large : à quel moment les mesures visant à lutter contre l’évasion fiscale interfèrent-elles avec la liberté d’entreprendre ? Il va de soi qu’elles la diminuent d’une certaine manière, mais n’est-ce pas légitime face à un tel phénomène ?
Ce débat est politique. M. Galut a raison : nous soutenons tous le Gouvernement. M. Carré a rappelé ce qui a été fait précédemment, et beaucoup d’autres mesures ont été prises ces deux dernières années.
Je pense par exemple aux soixante-dix mesures déjà évoquées. L’OCDE mène une action volontariste ; le Gouvernement aussi. Nous devons donc avancer pas à pas. Je rappelle que lors de leur audition, les représentants de l’administration fiscale britannique nous ont indiqué qu’après avoir pris les premières mesures en 2004, ils ont dû modifier la loi à quatre reprises, et qu’il s’agissait d’un processus itératif et complexe ne permettant pas d’atteindre la cible dès le premier coup. Ils nous ont invités à enclencher nous aussi ce même processus itératif.
La parole est à Mme Karine Berger, pour soutenir l’amendement no 827 , sur lequel la commission et le Gouvernement ont donné leur avis par anticipation.
Comme je l’ai esquissé dans ma première intervention et suite aux propos des uns et des autres, je vais retirer l’amendement no 830 afin que l’Assemblée ne se prononce que sur l’amendement no 827 .
Je saisis cette occasion pour compléter les propos que vient de tenir Mme la rapporteure générale. Depuis un an, un certain nombre de parlementaires ont beaucoup travaillé : ils ont consacré d’innombrables heures à la consultation, à la réflexion et à la lecture pour donner corps à leur volonté de bien faire avec les moyens dont ils disposent pour faire évoluer le droit.
Nous sommes persuadés que l’amendement no 827 ne peut pas se heurter à un problème constitutionnel. Nous nous le sommes fait confirmer.
Lorsque nous avons mis en place de nouvelles obligations de déclaration sur les transferts de fonds à Tracfin, il a bien fallu trouver un équilibre entre la liberté de commerce, l’objectif de lutte contre les abus de droit et, de manière générale, les mécanismes qui vont à l’encontre de la législation en matière fiscale.
L’amendement no 827 est sûr. Il permet de faire un premier pas en direction des recommandations de l’OCDE sans prendre le moindre risque juridique. Monsieur le secrétaire d’État, depuis un an, nous avons beaucoup travaillé, avec de nombreux parlementaires. À plusieurs reprises, nous avons souhaité que le Gouvernement nous fasse des propositions écrites pour accompagner la mise en oeuvre de trois mesures, sur quinze, recommandées par l’OCDE. Cette main tendue, cette suggestion de travail en commun sont toujours de mise. Je maintiens l’amendement no 827 et je retire l’amendement no 830 .
L’amendement no 830 est retiré.
Tout à l’heure, j’ai reconnu qu’il y avait eu un apport significatif de la part des parlementaires en la matière, certains l’ont relevé. Je ne le nie pas, bien au contraire. Je reconnais aussi que la rédaction de ces amendements a évolué depuis la censure du Conseil constitutionnel. Vous avez même fait un pas supplémentaire en privilégiant l’amendement no 827 qui ne prévoit pas de sanctions contrairement à l’amendement no 830 , faisant ainsi disparaître l’un des motifs qui aurait pu être sanctionné par le juge constitutionnel.
Le Gouvernement estime néanmoins qu’il subsiste des risques. Je vais en citer quelques-uns, car nous aussi, nous avons procédé à des consultations et à des analyses des textes, y compris les plus récents, que vous soumettez légitimement au Parlement. Les formulations suivantes sont des notions floues : « Implique une entité…établie…dans un État ou territoire non coopératif » ; « a pour effet de faire naître ou de modifier…des flux » ; « redevances de concessions ».
Nous craignons que le juge constitutionnel n’invoque l’incompétence négative ou le caractère imprécis, ce qui veut dire la même chose, de vos formulations. La référence à des pays étrangers et à leurs pratiques est un argument utile, nécessaire, mais ces derniers n’ont pas forcément les mêmes règles constitutionnelles. Vous nous invitez à suivre un processus itératif. Et j’ai bien noté que vous proposez que le dispositif soit mis en oeuvre à titre expérimental pour deux ans, ce qui, selon vous, consoliderait votre amendement d’un point de vue constitutionnel : cela n’est pas exclu, mais me semble toujours insuffisant.
Il n’y a pas de différence sur le fond, mais une différence d’appréciation. Le Gouvernement, je le répète, à son plus haut niveau, a souhaité éviter tout problème d’inconstitutionnalité, toute prise de risque quant à la constitutionnalité des dispositifs.
Vous avez votre appréciation, le Gouvernement a la sienne. Force est de constater qu’elles sont différentes.
Permettez-moi d’ouvrir une parenthèse à propos du Conseil d’État. Aussi bien le Gouvernement que le Parlement lui soumettent des textes afin de recueillir son avis. Malheureusement, cette pratique n’existe pas au niveau du Conseil constitutionnel et il m’arrive de le regretter. Sans remettre en cause son indépendance, il serait peut-être de bonne pratique que de pouvoir lui demander un avis préalable sur une disposition que le Parlement pourrait envisager de prendre. Mais c’est une pratique qui n’existe pas dans notre pays. Peut-être faudra-t-il y réfléchir.
Je considère que cela permettrait de clore des débats tels que ceux que nous avons maintenant, même s’ils sont intéressants. Loin de moi l’idée de mépriser le travail qui a été accompli, mais ne méprisez pas non plus la position du Gouvernement qui, lui aussi, a analysé très précisément au plan juridique vos propositions. Ce point nous sépare, même si notre différend ne doit pas masquer notre convergence sur d’autres points, notamment sur des amendements à venir. Le Gouvernement donnera en effet un avis favorable à un amendement qui envisage la coresponsabilité des conseils juridiques et des entreprises qui seraient sanctionnées pour abus de droit.
C’est une disposition qui nous paraît tout à fait utile et qui peut être prise aujourd’hui. Ensuite, reste le sempiternel débat sur la coordination avec le rythme de prise de décision des autres pays, compte tenu des propositions tout à fait remarquables de l’OCDE. À ce stade, nous restons défavorables à cet amendement.
Il me semble que, dans le cadre d’un projet de loi de finances rectificative, nous avions voté une disposition prévoyant que les mécanismes d’optimisation fiscale soient obligatoirement déclarés par le bénéficiaire à l’administration.
C’est ce qui a été amélioré.
Que se passe-t-il lorsqu’il est fait appel fait à des cabinets de conseil qui ne sont pas domiciliés en France ?
C’est une question importante mais, ayant déjà eu beaucoup de mal, d’après le Gouvernement, à faire évoluer, après des heures et des heures de travail, nos propositions vers une formulation à peu près conforme au droit, nous n’avons pas essayé d’outrepasser nos ambitions !
Sourires.
Nous nous inscrivons dans un champ clair et précis. Mais l’amendement no 827 reste ouvert à tout sous-amendement de la part du Gouvernement. Vous avez, monsieur le secrétaire d’État, évoqué plusieurs expressions qui vous gênaient. Libre à vous de nous proposer une autre formulation. Je vous assure que nous serons évidemment extrêmement favorables à un coup de main juridique de votre part.
Pour avoir consulté un certain nombre de personnes, et parce que justement nous n’avions pas visé la lune ni la comète Tchouri, nous avons abouti à quelque chose de solide et nous le maintenons.
L’amendement no 827 n’est pas adopté.
J’ai évoqué les quinze recommandations de l’OCDE qui vont être débattues à Brisbane par l’ensemble des ministres des finances du G20. La deuxième disposition de l’OCDE fait écho à ce qui vient de se passer, malheureusement, au Luxembourg et qui a été dénoncé par la Commission européenne.
Certaines entreprises choisissent de déplacer quelques membres de leurs équipes ou une petite activité pour transférer l’intégralité de leurs profits dans un certain nombre de pays. Ce n’est pas condamnable en soi, mais cela pourrait faire l’objet de déclarations selon la recommandation de l’OCDE. Avec vingt-trois de nos collègues, nous proposons donc par notre amendement une déclaration des mécanismes de restructurations d’entreprises auprès de l’administration fiscale.
Deux points clés : premièrement, cela ne concerne que les entreprises qui font plus de 400 millions d’euros de chiffre d’affaires, soit très peu ; deuxièmement, les déclarations ne sont obligatoires que lorsque les déplacements d’équipes se font dans des pays à fiscalité privilégiée. Nous sommes dans des situations où l’alerte devrait être donnée selon l’OCDE et qui concernent un tout petit nombre d’entreprises.
Cet amendement, voulu d’ailleurs par le Gouvernement l’an dernier, aurait été frappé d’inconstitutionnalité. Nous avons donc consacré énormément de temps à réfléchir et à le rendre conforme à la doctrine du Conseil constitutionnel. Nous vous proposons une formulation qui précise l’ensemble des mécanismes de transfert, et ne comporte aucun caractère répressif.
L’amendement, présenté sous une forme un peu différente en commission des finances et examiné au titre de l’article 86, avait été repoussé. Il est présenté à nouveau en séance dans une rédaction encore plus prudente. La commission ne l’a pas examiné. Mais à titre personnel, et en tant que cosignataire, j’émets un avis favorable.
La nouvelle rédaction de l’amendement présente toujours un certain nombre d’inconvénients, qui s’apparentent aux arguments que j’ai avancés à propos de l’amendement précédent. Je prends acte d’un certain nombre de modifications. Ainsi, des termes comme « actif corporel ou incorporel » ou « accord préexistant » sont juridiquement définis et ne devraient pas poser de problèmes.
Pour autant, d’autres formulations restent imprécises, telles que la participation à « une opération de réorganisation d’entreprises », qui n’a pas de fondement juridique. Autre exemple : « relations avec une entreprise liée ». Par ailleurs, vous affirmez ne pas limiter le champ aux États et territoires non coopératifs. Cette disposition fait peser sur les entreprises une obligation qui nous semble à la fois imprécise dans sa définition et potentiellement très large dans son champ.
Pour les mêmes raisons que précédemment, le Gouvernement ne souhaite pas prendre le risque de voir cet amendement frappé d’inconstitutionnalité et suggère son rejet.
Nous nous limitons à des opérations ayant lieu dans un État ou territoire non coopératif au sens de l’article 238-0-A ou dans un État ou territoire dans lequel elle est soumise à un régime fiscal privilégié au sens de l’article 238 A. Le champ est très restreint.
Si vous le souhaitez, je propose un sous-amendement afin de faire disparaître les termes qui vous paraissent fragiliser l’amendement. Et j’aurai ainsi répondu, monsieur le secrétaire d’État, à vos inquiétudes.
Les propositions qui nous sont faites ici existent dans le droit fiscal d’un nombre important de pays de l’Union européenne, notamment l’Allemagne. Peut-être que la traduction depuis l’allemand est mauvaise et que certaines dispositions devraient être réécrites, mais les risques constitutionnels sont extrêmement limités. Il ne n’agit pas d’une nouveauté par rapport au droit fiscal de nombreux pays d’Europe.
Cet amendement présente un grand intérêt et notre groupe le votera, y compris s’il est sous-amendé pour être plus conforme à votre vision des choses, monsieur le secrétaire d’État.
Madame Berger, je me suis probablement mal exprimé ou alors j’ai eu une lecture un peu rapide de votre argumentation. Vous limitez la mesure aux territoires au sens de l’article 238-0-A, les États et territoires non coopératifs, mais vous l’étendez aussi aux États ou territoires au sens de l’article 238 A, c’est-à-dire les pays où la fiscalité est inférieure de 50 % à ce qu’elle est dans notre pays, ce qui laisse un champ très large. Certes, il n’est pas intégral, mais il est très large. Voilà une petite correction que j’apporte bien volontiers aux propos que je tenais tout à l’heure.
L’amendement no 829 n’est pas adopté.
Cet amendement concerne une partie des ressources que le Gouvernement s’était engagé à consacrer au financement des infrastructures de transport dans le Grand Paris – les 140 millions d’euros qui ont fait l’objet d’un débat l’été dernier. Il tend à instaurer une taxe annuelle sur les surfaces de stationnement annexées aux locaux à usage de bureaux, c’est-à-dire à étendre aux espaces de stationnement la taxe existante sur les surfaces de bureaux dans la région. Le produit de cette taxe devrait être de l’ordre de 60 millions d’euros. L’amendement tend également à créer une taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés bâties et à la cotisation foncière des entreprises, qui devrait produire une recette de l’ordre de 80 millions d’euros, ce qui permet de disposer des 140 millions évoqués par le Gouvernement en juin ou juillet dernier.
Monsieur le secrétaire d’État, je me réjouis que soit dégagée une ressource annuelle de 140 millions d’euros, dans la suite de la validation du projet du Grand Paris par le Premier ministre en mars 2013. Cependant, avec un budget de plusieurs milliards d’euros, la région Île-de-France me semble tout à fait en mesure de dégager 140 millions d’euros d’économies pour donner priorité aux transports, transports qui sont le coeur de métier, la responsabilité éminente des régions. Avant donc de créer des taxes nouvelles, il faut d’abord faire un effort d’économies, dans la droite ligne de ce que vous proposez pour toutes les collectivités locales.
S’il faut malgré tout trouver de nouvelles taxes, deux observations s’imposent. Tout d’abord, la taxe sur le stationnement est quelque peu paradoxale, car elle pénalisera les entreprises possédant d’importantes surfaces de stationnement. Or, madame Sas, où se trouvent ces entreprises ? Au premier chef dans l’Essonne, c’est-à-dire dans les départements de la grande couronne qui ne disposent pas de transports en commun et où les salariés sont obligés de se rendre à leur travail en voiture. Il est donc assez paradoxal de pénaliser les entreprises ne bénéficiant pas de transports en commun pour financer les transports en commun. À Paris en revanche, monsieur Caresche, la taxe sur les surfaces de stationnement ne devrait pas être très importante, car on trouve une station de métro tous les 400 mètres !
Quant à l’autre taxe, j’avais compris de prime abord qu’elle ne concernerait que les entreprises, c’est-à-dire les entités soumises à la fois à la taxe sur le foncier bâti et à la cotisation foncière des entreprises. Mais la rapporteure générale m’a expliqué que cette taxe concernerait l’une ou l’autre, c’est-à-dire aussi les ménages, qui acquittent déjà, comme le savent mes collègues franciliens, la taxe spéciale d’équipement pour le Grand Paris, qui rapporte environ 120 millions d’euros par an.
Les sous-amendements que je propose visent donc, d’une part, à étendre la taxe sur le stationnement que vous proposez aux locaux commerciaux. Je pense en particulier aux grandes surfaces, qu’il ne serait pas normal de ne pas inclure dans le périmètre de ce dispositif, tout en regrettant que celui-ci doive pénaliser avant tout la grande couronne. Ils proposent par ailleurs que la taxe sur le foncier bâti et la cotisation foncière des entreprises soit limitée aux entreprises, car les ménages sont déjà concernés par la taxe spéciale d’équipement.
Je me réjouis moi aussi que l’on dégage 140 millions d’euros pour les transports en Île-de-France, car il y avait là une urgence absolue. Je regrette cependant que cela se fasse par le biais d’une taxe qui portera en partie sur les ménages. Je rappelle qu’un amendement proposant de financer ce montant par la taxe de séjour, qui pèse uniquement sur les entreprises, avait initialement été voté par le Parlement, avant d’être retiré au profit d’un engagement du Gouvernement de financer la politique des transports en Île-de-France. Cet engagement est tenu, mais avec un financement qui pèse en partie sur les ménages. Nous le regrettons, car telle n’était pas l’ambition initiale.
Le sous-amendement no 849 est un sous-amendement de sécurisation, visant à éviter que les parkings relais soient touchés par cette taxe. Il serait en effet absurde de pénaliser les parkings relais pour financer les transports en commun, qu’ils ont précisément pour objet de favoriser. Je souhaiterais également être sûre, même si cela ne figure pas dans l’amendement, que les aires de covoiturage ne sont pas non plus concernées par cette mesure – il serait, là encore, absurde qu’elles le soient.
Je soutiens en outre la position du président de la commission des finances à propos des parkings des surfaces commerciales, qu’il serait vraiment très étrange de ne pas assujettir à cette taxe.
Permettez-moi enfin, monsieur Carrez, de vous rappeler que l’Essonne dispose tout de même de quelques transports en commun. Ce département, qui ne se limite pas aux champs qui entourent Dourdan et Étampes, il est desservi par le RER et je vous encourage à vous y rendre de temps à autre.
Il existe en outre un tarif différencié selon les zones. Le Gouvernement a eu l’intelligence de prendre en compte le fait que le maillage soit différent de celui de Paris. Mais nous disposons quand même de quelques bus et de quelques RER !
La commission a émis un avis favorable à l’amendement du Gouvernement, mais n’a pas examiné les trois sous-amendements qui viennent d’être défendus. Madame Sas, je ne crois pas que les parkings relais soient inclus dans l’assiette de la taxe proposée, qui s’entend, si j’ai bien compris la définition qu’en a donnée le Gouvernement, pour les stationnements annexés aux locaux de bureau, commerciaux et de stockage. M. le secrétaire y reviendra certainement. Votre sous-amendement no 849 est donc satisfait.
À la suite de la discussion que nous avons eue en commission des finances, je suis favorable au sous-amendement no 622 , qui tend à donner directement dans la loi la définition de l’assiette, au lieu de renvoyer à un article précisant cette définition. Cette mesure ne semble plus sécurisante et j’émets, à titre personnel, un avis favorable.
Quant au sous-amendement no 623 , j’émets, à titre personnel, un avis défavorable.
Je confirme que le sous-amendement no 622 est déjà satisfait. L’alinéa 4 de l’amendement définit en effet les redevables de la taxe, et non pas les biens soumis, et l’alinéa 6 renvoie aux 1°, 2° et 3° du III de l’article 231 ter du code général des impôts, qui visent les « locaux à usage de bureaux », les « locaux commerciaux » et les « locaux de stockage ». Cette définition répond donc parfaitement au souci exprimé par M. Carrez. Je précise en outre que les surfaces concernées ne sont pas seulement situées dans la grande couronne, mais qu’il s’en trouve également à Paris et dans le département des Hauts-de-Seine, comme le Parc des expositions de la Porte de Versailles ou les espaces de Bercy. Ce sous-amendement me semble donc satisfait et serait redondant.
Il en va de même, madame Sas, pour votre sous-amendement no 849 , en vertu toujours de l’article 231 ter du code des impôts. Je vous confirme que les parkings de covoiturage et les parkings relais ne sont pas concernés, pas plus que les parkings des gares. Seuls sont concernés, et le compte rendu de nos débats en fera foi, les parkings que j’ai cités. Il n’y a là aucune ambiguïté.
Quant au sous-amendement no 623 , certaines dispositions s’appliquent déjà beaucoup aux entreprises. Comme la rapporteure générale, je soulignerai que le taux de la taxe est relativement faible – même si cela est toujours sujet à interprétation… Je propose néanmoins d’en rester à l’ensemble de la taxe spéciale d’équipement, qui concerne pour partie les entreprises et pour partie les ménages, le reste étant assuré par les entreprises, compte tenu de ce que nous venons de dire.
Pour résumer, le Gouvernement considère que les sous-amendements nos 622 et 849 sont satisfaits et que leur adoption est inutile. Il est par ailleurs défavorable au sous-amendement no 623 .
Le sous-amendement no 622 est retiré.
Le sous-amendement no 849 est retiré.
Il y a une logique à chercher les moyens de financer le transport en Île-de-France. Mais pour ce qui est de la méthode, il est surprenant de découvrir en séance une nouvelle taxe qui n’a pas vraiment été étudiée. Quid du coût de cette mesure pour les collectivités locales ? En effet, les parkings publics et les places de stationnement publiques seront taxés : le coût a-t-il été évalué ? Quid également du coût pour les bailleurs sociaux, que l’on incite par ailleurs à créer des parkings – et malgré les exonérations qui s’appliquent notamment aux parkings de moins de 500 mètres carrés ? S’ils doivent payer la taxe, sommes-nous certains qu’ils ne la répercuteront pas sur les locataires ?
Cela ne doit pas devenir une nouvelle charge pour les locataires, en sus de l’impôt qu’ils doivent payer sur le Grand Paris.
Je souhaiterais que nous disposions de plus d’éléments pour nous déterminer plus efficacement.
Au risque de paraître décalé, je tiens à dire qu’en écoutant jeudi soir le Président de la République, à défaut d’avoir trouvé l’émission passionnante et d’avoir tout retenu, j’ai au moins compris une chose simple : M. Hollande nous a expliqué que le tout-impôt, c’était fini, et qu’on ne créerait plus de nouveaux impôts. J’ai pour ma part un esprit simple et il me semble que la plupart de mes compatriotes ont compris les mêmes choses que moi. Or, voilà que je découvre que, même s’il est marginal et ne touche que l’Île-de-France, un nouvel impôt touchera les particuliers – directement ou, comme l’a justement démontré M. Pupponi, indirectement.
Ce sont les particuliers, les usagers, les locataires HLM qui paieront de fait cet impôt. En outre, comme nous avions un peu de temps, j’ai feuilleté ce qui occupera nos semaines à venir, à savoir le projet de loi de finances rectificative. Et là, ce n’est pas un impôt qui est créé, pas même deux, ni trois, mais de multiples impôts ! Le plus emblématique est celui sur les résidences secondaires, mais il y en a bien d’autres ! Le propos du Président de la République a-t-il donc un sens, a-t-il une valeur, a-t-il une traduction objective dans l’action gouvernementale et dans les décisions que nous sommes susceptibles de prendre ?
J’ai compris que ce matin, monsieur le secrétaire d’État, il y avait eu une divergence au sein du Gouvernement entre vous et M. Le Foll – au moins. Je croyais qu’il y avait eu une remise en ordre en fin de matinée, que vous aviez convenu que vous n’augmenteriez plus les impôts et que cela serait gravé dans le marbre. Vous avez tenu ce propos aujourd’hui vers douze heures ; il est maintenant presque dix-neuf heures, et nous sommes en pleine contradiction avec le propos gouvernemental et avec la traduction que vous nous avez donnée en fin de matinée. J’avoue ne plus très bien comprendre !
Monsieur Le Fur, j’évite dans cet hémicycle les polémiques politiciennes.
Je vais vous faire une confidence, monsieur Le Fur : à treize heures trente, j’ai déjeuné à Matignon avec le Premier ministre. M. Le Foll était là, et regardez : je ne suis pas recouvert d’ecchymoses ni de crachats, je vous rassure !
Oh, M. Le Foll est costaud également, monsieur Le Fur ! Et je vous rassure, cette question n’a même pas été soulevée, alors même que j’ai lu, comme vous, ce qui peut se dire ici ou là.
Monsieur Pupponi, vous m’interrogez sur une situation tout à fait précise.
La parole du Président de la République n’a donc aucune conséquence, nous sommes bien d’accord ?
Monsieur le président Le Fur,…
…lorsque vous êtes au perchoir, vous n’êtes pas toujours aussi complaisant !
Monsieur Pupponi, vous m’interrogez sur la question des parkings dépendant de logements d’habitation. Ils ne sont pas visés. Je vais me répéter, afin que les choses soient bien claires : sont visés à l’article 231 ter du code général des impôts les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux et les locaux de stockage. Cela ne concerne donc absolument pas les locaux à usage d’habitation, fussent-ils d’habitation sociale.
M. le secrétaire d’État vient de dire l’essentiel. Nous avons eu ce débat au mois de juillet et l’engagement avait été pris de financer les transports en Île-de-France, notamment ce programme de financement à hauteur de 140 millions d’euros. Cet engagement doit être tenu. Cela fait partie, monsieur Le Fur, des mesures annoncées dont a parlé le Président de la République. Ensuite, nous avons eu des choix…
Bien sûr, puisque nous en avons débattu en juillet et que cela a été annoncé par le Premier ministre il n’y a pas longtemps ! Aujourd’hui, le choix du Gouvernement, qui a fait l’objet d’une concertation avec le groupe, est équilibré et les réponses sont précises. Tout cela repose sur une assiette qui a été déterminée pour la taxe sur les surfaces de bureau, dont on voit bien qui elle vise exactement. Ainsi que nous l’avons vu en commission des finances, tout le monde n’est pas complètement satisfait de cette solution, mais le plus urgent, c’est de réaliser ces infrastructures de transport.
Le sous-amendement no 623 n’est pas adopté.
L’amendement no 486 est adopté.
La parole est à M. Jean-Claude Fruteau, pour soutenir l’amendement no 647 .
Cet amendement, que j’ai cosigné avec Mme Pires Beaune et M. Jean-Louis Dumont, est relatif à la situation des conseils communautaires des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, depuis les dernières élections municipales. Aujourd’hui en effet, les conseillers communautaires ne sont plus désignés par les élus municipaux : dans les communes de plus de mille habitants, ils sont désignés directement par les électeurs, renforçant ainsi la légitimité démocratique. Cela signifie que les oppositions sont plus marquées dans les EPCI, rendant du même coup la règle de l’unanimité, qui prévaut dans certains domaines, plus difficile à satisfaire.
C’est le cas par exemple pour la révision de l’attribution de compensation. Le code général des impôts prévoit en effet la révision libre à l’unanimité de l’attribution de compensation. L’expression du conseil communautaire a beau être une garantie visant à écarter toute tentative de modification unilatérale des reversements de fiscalité reconnus à chaque commune, il n’en reste pas moins que, désormais, obtenir cette unanimité peut s’avérer plus complexe. Il est donc possible de ne pas bloquer les initiatives du conseil communautaire en faveur d’une révision de l’attribution de compensation, tout en préservant l’intérêt financier de chaque commune membre. C’est ce que propose de faire cet amendement en substituant à la règle de l’unanimité une majorité qualifiée des deux tiers de l’organe délibérant de l’EPCI, ainsi qu’une délibération à la majorité simple de l’ensemble des communes membres de l’EPCI.
Avis favorable. Cet amendement est cohérent avec celui qui a été adopté vendredi dernier pour la répartition du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC. Il s’inscrit parfaitement dans cette logique.
Le Gouvernement est préoccupé par cet amendement, monsieur Fruteau, ne nous le cachons pas. Il est préoccupé – même si j’ai bien entendu Mme la rapporteure générale rappeler l’adoption la semaine dernière de l’amendement de Christine Pires Beaune relatif à la répartition du FPIC, lequel rejoint d’ailleurs vos préoccupations ainsi que celles de M. Dumont – parce qu’il craint que ne soit pas respecté le principe selon lequel les décisions d’une intercommunalité ne doivent pas porter préjudice au financement d’une commune, en vertu du principe de libre administration des collectivités territoriales.
Pardonnez-moi, pour une fois, de le dire de cette façon : le ministère de Mme Lebranchu et de M. Vallini souhaite une expertise un peu plus approfondie de cette disposition parce qu’il craint qu’elle ne soit censurée. Il conviendrait de trouver une formulation qui vise la délibération de l’EPCI d’une part et les délibérations des communes d’autre part afin de parvenir à un dispositif dont « l’opérationnalité » et la constitutionnalité – pardon d’y faire référence une fois de plus – seraient un peu plus assurées. Je souhaiterais donc un retrait de cet amendement, pour mieux y revenir de façon définitive en projet de loi de finances rectificative, ce qui permettrait d’ailleurs son application dès l’année prochaine.
Voilà, monsieur le député, ce que je peux vous dire à cet instant. C’est toujours une question de risque ! Si, sur le principe, le Gouvernement est favorable et comprend la préoccupation, il craint ce risque. L’avis est donc plutôt défavorable, mais je peux m’engager à revenir sur le sujet dans le PLFR avec une version qui aurait été expertisée par mes collègues du ministère des collectivités territoriales.
J’entends bien ce que vous dites, monsieur le secrétaire d’État, et je peux tout à fait le comprendre. Je voudrais tout de même rappeler ce qui est proposé ici : pour que la décision puisse être prise, il faut une majorité des deux tiers au sein de l’organe délibérant de l’EPCI, afin d’éviter la règle de l’unanimité, et, concomitamment, que la totalité des communes membres de l’EPCI ait adopté une délibération approuvant cette modification. Cela répond donc au souci que vous exprimez.
Cependant, je pense que mes deux collègues, car ce sont eux en réalité qui ont travaillé sur cette question, ne s’opposeraient pas à ce que je retire cet amendement puisque vous vous engagez à le reprendre au moment du PLFR.
L’amendement no 647 est retiré.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 575 .
Le Fonds de compensation des nuisances aéroportuaires, financé à la fois par Aéroports de Paris – ADP – et par l’État, permet de financer les communes autour des aéroports de Roissy et d’Orly, qui supportent un certain nombre de désagréments dus à la proximité de ces aéroports. La particularité de la participation d’ADP, c’est qu’elle a été fixée d’une manière unilatérale à 4,5 millions d’euros il y a quelques années et qu’elle n’a jamais évolué, alors que les nuisances et l’activité d’ADP se sont développées, en particulier autour de Roissy.
Il est donc proposé, par cet amendement, d’abonder le Fonds de plus de 500 000 euros, avec une participation plus importante d’ADP. En outre, la participation d’ADP devra chaque année tenir compte de l’évolution tant du trafic que des nuisances.
Cet amendement n’a pas été examiné la semaine dernière en commission. Je tiens à préciser à notre collègue que deux articles du PLFR, que nous allons examiner prochainement, traitent pour l’un de la taxe sur les aérodromes et pour l’autre des tarifs de la taxe sur les nuisances sonores aéroportuaires. Je propose donc le retrait de cet amendement afin que nous puissions avoir dans le cadre du PLFR la discussion globale sur cette thématique.
Il n’a pas échappé à votre rapporteure générale, même si le PLFR n’a été présenté qu’hier, que celui-ci contient deux articles dont l’un propose de revoir la répartition entre les aéroports de province et les aéroports parisiens – j’y ai fait allusion ce matin. Je pense qu’il serait plus opportun de traiter cela globalement dans le PLFR.
L’amendement no 575 est retiré.
Cet amendement s’inscrit dans la droite ligne du rapport d’évaluation qu’Olivier Carré et moi avons conduit. Il permettrait aux entreprises, s’il est adopté, de faire valoir leur créance de crédit d’impôt compétitivité emploi, le CICE, sur les acomptes d’impôt sur les sociétés. Cela permettrait ainsi de corriger l’effet de trésorerie qui fait qu’aujourd’hui on ne perçoit le CICE qu’au moment où l’on déclare ses bénéfices à l’administration fiscale, mais on n’en bénéficie pas, en trésorerie, de façon anticipée. Cette mesure participerait ainsi à détendre la trésorerie des entreprises.
Nous avions examiné une première fois cet amendement sous une forme un tout petit peu différente la semaine dernière en commission des finances. Depuis, il a été retravaillé et réécrit pour prendre en compte les remarques qui avaient été formulées. La commission n’a pas examiné cette nouvelle version, mais j’émets un avis favorable.
La solution d’imputer le CICE sur les acomptes d’IS est bien connue, mais la doctrine, tant administrative que législative, est incertaine sur ce point. Certaines entreprises y ont déjà recours et je ne suis pas sûr que nos services aient une position tranchée sur le sujet.
Plutôt que de l’inscrire dans la loi, je prends ici l’engagement – et vous connaissez la valeur d’un engagement pris dans cet hémicycle – de traiter cette question, qui ne me semble pas relever de la loi, par voie réglementaire, sous la forme d’une instruction de nos services permettant l’imputation.
En attendant, vous pourrez faire état de cet engagement pris depuis le banc du Gouvernement. Cette instruction permettra d’harmoniser des pratiques qui existent d’ores et déjà.
Je vous demande, au bénéfice de l’engagement que je viens de prendre, de retirer votre amendement.
Pouvez-vous nous confirmer, monsieur le secrétaire d’État, que la solution qui serait ainsi appliquée au CICE est celle qui prévaut déjà pour le crédit impôt recherche ?
Cette question est en effet déjà réglée par voie d’instruction administrative en ce qui concerne le CIR. Je confirme que nous proposerons le même type de dispositions pour le CICE.
L’amendement no 825 est retiré.
M. Marc Le Fur remplace Mme Sandrine Mazetier au fauteuil de la présidence.
Cet amendement tend à porter l’abattement de la taxe sur les salaires à un montant équivalent à 6 % de la masse salariale pour les structures relevant de l’économie sociale et solidaire, l’ESS, puisque celles-ci ne peuvent pas bénéficier du CICE.
Le rapport de la mission d’évaluation sur le crédit d’impôt compétitivité et emploi estime à environ un milliard d’euros l’avantage offert par le CICE au secteur privé dans les domaines où il est le plus en concurrence avec le secteur non lucratif.
Dans le secteur de l’aide à domicile, par exemple, où interviennent à la fois des entreprises associatives et des entreprises commerciales, l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire indique que, sur la base de 100 000 heures de prestations facturées, l’exclusion du CICE se traduit pour les premières par une perte de compétitivité de 0,45 euro de l’heure, soit 45 000 euros au total.
On a voulu compenser cette injustice faite au secteur de l’ESS, parfois par des décisions intempestives. On a ainsi exonéré ces entreprises du versement transport, au détriment donc des collectivités locales. Cette décision s’est traduite par un manque à gagner d’un million d’euros pour ma collectivité, et je sais que pour la ville de Nantes, il s’élève à cinq millions. D’une certaine façon il s’agit d’un transfert de charges de l’État vers les collectivités.
En outre, en essayant de remédier à cette anomalie par un dispositif périphérique – le versement transport, qui n’a rien à voir avec le coeur du sujet – au lieu d’affronter directement la question, qui est celle du soutien à l’ESS, on entretient dans les faits la plus grande confusion.
J’ai rappelé tout à l’heure qu’un effort avait déjà été consenti en faveur des syndicats, mutuelles et associations. En effet l’augmentation de l’abattement de la taxe sur les salaires de 6 002 à 20 161 euros au 1er janvier 2014 a permis d’exonérer 70 % des associations et d’alléger la taxe acquittée par plus de 20 000 structures.
Vous proposez d’y substituer un abattement d’un montant représentant 6 % des rémunérations. Une telle mesure aurait un impact négatif pour les petites structures, qui seraient perdantes par rapport au dispositif actuel et ne seraient plus exemptées de taxe sur les salaires.
Voilà pourquoi je propose à votre assemblée de ne pas adopter cet amendement s’il était maintenu.
L’abattement proposé étant directement lié à la rémunération des salariés, il faut m’expliquer en quoi les petites structures employant au moins un salarié seraient pénalisées.
L’effort consenti en faveur de l’économie sociale et solidaire est incontestable et nous l’avons tous reconnu. Mais dans cette année si particulière où a été votée une loi fondamentale qui consacre le rôle de ce secteur de l’économie, nous jugeons tout à fait anormal de laisser subsister la distorsion de concurrence induite par le CICE.
Cette proposition et celles qui vont suivre – nous proposerons notamment de mettre en place une autre forme de crédit d’impôt – se justifient par le fait que l’abattement de 20 000 euros que vous proposez ne bénéficiera qu’aux structures comptant environ une dizaine de salariés alors que le CICE concerne des entreprises beaucoup plus grandes.
L’enjeu est d’assurer aux structures de l’ESS les mêmes conditions de concurrence que celles dont jouissent les entreprises oeuvrant dans les mêmes secteurs – je pense notamment au secteur médico-social ou aux services à la personne.
Agir sur la taxe sur les salaires pose la question de la nature même des entreprises de l’ESS concernées, ce secteur comptant des structures aussi diverses que des coopératives, des mutuelles ou des associations, relevant de régimes fiscaux différents, certaines ayant opté pour la TVA ou l’impôt sur les sociétés. La solution n’est donc pas à rechercher du côté d’un relèvement du plafond de la taxe sur les salaires.
En revanche, si le CICE devait se transformer demain en un allégement des charges sociales par exemple, toutes les structures relevant de l’ESS seraient concernées. On ne peut donc qu’encourager les volontés qui s’expriment dans ce sens.
Je voudrais dire deux mots sur le sujet du versement transport, puisqu’il a été évoqué tout à l’heure et qu’il concerne aussi de grandes associations. Je rappelle qu’en juillet, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances rectificative, le Gouvernement s’était engagé à transmettre à notre assemblée un rapport sur ce sujet avant le prochain PLFR. Je crois savoir que la transmission de ce rapport est une question de jours et je pense qu’il éclairera utilement un sujet compliqué. Il devrait notamment dégonfler bien des chiffres avancés ici.
L’amendement no 746 n’est pas adopté.
La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l’amendement no 260 .
J’associe à ma proposition, très semblable à celle de M. Blein, notre collègue Régis Juanico et les nombreux parlementaires qui travaillent sur le sujet de l’ESS.
Cet amendement vise à porter l’abattement de taxe sur les salaires de 20 000 à 30 000 euros. Même si cette mesure ne suffit pas à régler totalement le problème, elle permet d’étendre le champ du dispositif aux structures comptant une trentaine de personnes, le rendant plus adapté aux secteurs concurrentiels.
Je comprends bien l’intention, mais les contraintes budgétaires et financières ne nous permettent pas d’aller au-delà de l’effort déjà consenti, qui est significatif puisqu’on est passé de 6 000 à 20 000 euros, avec une indexation du plafond.
En, outre, les entreprises de l’ESS vont, comme les autres, bénéficier de réductions de cotisations à compter du 1er janvier 2015 et des dispositifs que vous avez adoptés au mois de juillet.
Pour ces raisons, le Gouvernement n’est pas favorable à ces amendements.
L’amendement no 681 est retiré.
L’amendement no 260 n’est pas adopté.
Cet amendement, comme le suivant, vise à lutter contre les prix de transfert abusifs. Il prévoit d’aggraver les amendes encourues par les entreprises suspectées de pratiquer de tels prix et qui ne se soumettraient pas à l’obligation de transmission à l’administration de certains documents, prévue pour limiter ces pratiques. Le montant de ces amendes est fixé à 1 % du montant des transferts.
Cet amendement a été repoussé par la commission. Aujourd’hui, en cas de contrôle fiscal, l’administration peut demander à l’entreprise de lui transmettre tous les éléments qui permettent de documenter les prix de transfert. Elle vérifie s’il n’y a pas eu, via les prix de transfert, de bénéfice transféré indûment hors de France. Si l’entreprise ne communique pas ces informations, elle est soumise à une amende de 10 000 euros par exercice vérifié.
Vous proposez que l’amende soit portée à 1 % du montant des bénéfices transférés. Il n’y aurait donc amende que s’il y a bien bénéfice transféré. Par ailleurs, lorsqu’il y a réintégration des bénéfices transférés à l’assiette fiscale, des pénalités peuvent s’appliquer.
La problématique est différente s’agissant des très grands groupes, qui sont soumis à une obligation permanente de documentation des prix de transfert, et non pas seulement à l’occasion d’un contrôle fiscal. Les manquements à cette obligation doivent être spécifiquement sanctionnés. C’est l’objectif d’un amendement qui sera proposé par Mme Mazetier.
Pour en revenir à votre amendement, le problème est que, alors qu’aujourd’hui, il y a 10 000 euros d’amende en cas de manquement à la transmission des informations, il risquerait de réduire l’amende à zéro en cas d’absence de bénéfice transféré. C’est pour cette raison que j’émets un avis défavorable.
Le Gouvernement n’est pas favorable à l’amendement no 709 mais il considère qu’il aurait été intéressant d’examiner en même temps les deux amendements suivants, qui traitent de la même question.
Nous aurions pu, en effet, les présenter ensemble mais ils portent sur un article différent du code des impôts.
Même si le service de la séance les a traités séparément, j’indique d’ores et déjà que le Gouvernement sera favorable à l’amendement no 808 rectifié de Mme Mazetier, dont la rédaction est différente et qui prévoit une autre proportionnalité des peines. Je suggère donc aux auteurs des amendements nos 709 et 710 de les retirer pour se rallier à celui de Mme Mazetier qui est de nature à satisfaire leurs préoccupations légitimes, que le Gouvernement partage d’ailleurs bien qu’il émette un avis défavorable à leurs amendements.
Cet amendement est différent de celui de Mme Mazetier. Si vous me le permettez, madame la rapporteure générale, j’aimerais mettre fin à une légère incompréhension. Nous proposons effectivement une pénalité égale à 1 % du montant des transferts, mais qui ne peut bien sûr être inférieure à 10 000 euros. Ce seuil est maintenu et la pénalité est bien renforcée. Je n’ai pas l’impression que vous ayez eu la même analyse.
L’amendement no 709 n’est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements, nos 710 et 808 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement no 710 .
Cet amendement concerne les grands groupes qui ont l’obligation de transmettre à l’administration les informations concernant les prix des transferts. Il propose de rendre effective la législation existante et d’augmenter les amendes dues par les grandes entreprises en cas de non-respect de cette obligation de documentation en matière de prix de transferts, en fixant l’amende à 1 % du montant des transactions ou, compte tenu de la gravité des manquements et si cela représente un somme supérieure, à un montant pouvant atteindre 5 % des bénéfices transférés.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l’amendement no 808 rectifié .
Nous nous intéressons dans cet amendement non pas à la documentation des prix de transferts réalisés de manière exceptionnelle mais aux très grandes entreprises qui sont soumises à une obligation de documentation permanente des transferts qu’elles effectuent. Nous sommes là au coeur du « Lux leaks » et des manipulations qui fondent l’optimisation fiscale des très grands groupes.
Or la sanction qui existe aujourd’hui, car elle existe, est totalement inadaptée et très peu dissuasive puisqu’elle est forfaitaire. Comparé au prix des transferts, son montant de 10 000 euros est ridicule et n’incite pas les entreprises à documenter les prix de transferts.
Ce que nous proposons dans cet amendement, cosigné par Mme Rabault, M. Bachelay, M. Cherki, M. Lefebvre et les membres du groupe SRC, consiste à lier la sanction à l’infraction et à laisser aux services fiscaux le soin d’établir le montant de l’amende. Aujourd’hui, lorsque la manipulation est dissimulée du fait de l’absence de documentation, il est très difficile d’établir une sanction proportionnelle aux sommes dissimulées.
Il s’agit d’un dispositif dissuasif mais qui n’empoisonnerait pas la vie des grands groupes, car tous ne se livrent pas à de l’optimisation sauvage et tous ne se soustraient pas à leur obligation de documentation sincère et honnête.
La rédaction de l’amendement no 808 rectifié étant nettement plus claire, je m’y rallie volontiers et je retire l’amendement no 710 .
L’amendement no 710 est retiré.
L’amendement no 808 rectifié est adopté.
La parole est à M. Dominique Lefebvre, pour soutenir l’amendement no 831 .
Je me félicite de la volonté qui s’est exprimée sur tous les bancs de cette assemblée de lutter efficacement contre la fraude fiscale, l’abus de droit et l’évasion fiscale.
Dans la ligne des débats constructifs et sereins que nous avons eus jusqu’à présent, je vous propose un dispositif sur le principe pollueur-payeur. Les entreprises font appel à des conseils dont certains font profession de vendre leurs services en proposant des schémas qui, dans un certain nombre de cas, vont au-delà de l’optimisation fiscale, qui est de facto légale et que l’on peut encadrer en changeant les dispositions fiscales, et confinent à l’abus de droit.
C’est pourquoi nous proposons d’instaurer une amende fiscale spécifique à la charge des conseils d’entreprise qui apportent leur concours à la réalisation d’opérations ou de montages conduisant les entreprises à des redressements sur le fondement de l’abus de droit.
Cette sanction financière, qui reste modérée car nous tenons à éviter tout risque d’inconstitutionnalité, a pour objet de dissuader les cabinets de conseil de présenter des schémas susceptibles d’être sanctionnés par l’administration fiscale au titre de l’abus de droit.
Je remercie Dominique Lefebvre et les signataires de cet amendement qui pose le principe de la coresponsabilité de l’entreprise et de son conseil en cas de mise en oeuvre d’une procédure relevant de l’abus de droit. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
L’amendement no 831 est adopté.
La commission des finances a adopté cet amendement qui, à la différence de l’amendement précédant qui avait trait à la fraude, s’inscrit dans le registre de la prévention des mécanismes d’optimisation fiscale, d’évasion et de réduction des assiettes.
Il repose sur l’idée simple que l’administration fiscale devrait disposer, pour un certain nombre d’entreprises, des informations pays par pays qui lui permettraient d’évaluer correctement la façon dont les profits sont placés dans chacun d’entre eux. Car vous allez être étonnés, mes chers collègues, mais cette transmission n’est pas obligatoire !
Nous avons appris, à l’occasion du « Lux leaks », que certaines banques françaises enregistrent dans certains pays de l’Union européenne des taux de productivité par employé six fois plus élevés qu’en France, avec un chiffre d’affaires six fois supérieur ! Nous avons obtenu ces informations parce que nous avons, ici même, pris des mesures qui imposent aux banques la transmission de ces données.
Nous devons maintenant passer à l’étape suivante en demandant à tous les grands groupes de transmettre ces informations à l’administration fiscale – et uniquement à l’administration fiscale, j’insiste sur ce point, car il s’agit d’informations confidentielles – pour qu’elle puisse évaluer correctement les prix de transferts et la façon dont les profits sont déplacés à l’intérieur des grands groupes.
Vous êtes cosignataire en tant que rapporteure générale, madame Rabault. J’imagine que l’avis de la commission est favorable ?
Puisque vous évoquez l’affaire du Luxembourg, grâce à un amendement qui a été adopté par votre assemblée l’année dernière, la connaissance des rulings par l’administration fiscale est déjà une réalité dans notre pays pour les entreprises qui subissent un contrôle de l’administration.
Il faudra néanmoins aller plus loin, nous en sommes d’accord. La problématique du délai de mise en oeuvre de dispositions communes est bien connue : devons-nous les appliquer avant les autres ou en même temps ? Je rappelle que l’OCDE a publié un modèle de déclaration et que des travaux sont en cours pour que fin 2015 nous puissions définir la façon dont les informations sont transmises au sein des groupes ainsi qu’aux États, l’objectif étant que les pays en développement puissent s’appuyer sur ce mécanisme pour obtenir des éléments auxquels ils n’ont pas accès aujourd’hui. Une date unique d’entrée en vigueur sera décidée au niveau mondial. Naturellement, nous appliquerons ces dispositifs.
Le Gouvernement, ainsi que l’a récemment expliqué le ministre des finances, ne souhaite pas anticiper de façon isolée alors que ce travail n’a pas complètement abouti. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement n’est pas favorable à l’adoption de cet amendement.
Monsieur le secrétaire d’État, cet amendement nous ramène au débat essentiel que nous avons eu tout à l’heure : la France devrait continuer à être à l’offensive sur cette question. Nous avons ouvert la voie du reporting pays par pays, que nous avons voté en avril 2013. Quinze jours après ce vote, complété par un vote du Sénat qui a fait passer les critères de deux à quatre, nos propositions ont été reprises par la Commission européenne, qui les a élargies et étendues.
Ce que nous vous proposons, à travers cet amendement, c’est d’aller plus loin dans la mise en place de cette fameuse information pays par pays qui est transmise exclusivement à l’administration fiscale.
Vous dites que l’OCDE avance, c’est vrai, et le calendrier de l’Organisation prévoit une application à la fin de 2015. Mais monsieur le secrétaire d’État, j’appelle votre attention sur le fait qu’il y a deux jours, votre collègue le ministre des finances allemand a demandé à la Commission européenne d’accélérer le calendrier de l’OCDE. Nous nous plaçons dans la même perspective.
Autre point important : ce que nous proposons se situant en deçà du tableau de l’OCDE, nous devrions voter cet amendement qui, sur ce point comme sur d’autres, permet d’aller de l’avant et de montrer que la France ouvre la voie.
L’amendement no 666 n’est pas adopté.
Je souhaite, en vous présentant ce nouvel amendement, renforcer la notion d’abus de droit. Après les déboires auxquels nous avons dû faire face avec le Conseil constitutionnel sur cette affaire, l’objectif est de remédier aux difficultés actuelles.
Le texte caractérisant la notion d’abus de droit permet à une entreprise de transférer une partie de ses bénéfices dans un paradis fiscal sans être inquiétée par un redressement sur fondement d’abus de droit dès lors qu’elle prouve l’existence d’autres éléments, même mineurs, ayant motivé sa décision. En bref, pour qu’elle soit sanctionnée, le transfert doit être exclusivement lié à l’évasion fiscale.
C’est la raison pour laquelle nous proposons de réviser la définition de l’abus de droit afin qu’il ne se limite plus aux actions visant « exclusivement » à éluder ou amoindrir l’impôt, mais à toute action ayant pour objectif « prépondérant » d’éluder l’impôt. Cette nouvelle formulation tient compte de la décision du Conseil constitutionnel et nous espérons qu’elle retiendra votre attention.
Nous avions déjà débattu l’an dernier dans cet hémicycle de l’abus de droit et particulièrement des notions d’« objectif prépondérant » et de « but principalement fiscal ». L’article avait finalement été censuré par le Conseil constitutionnel.
L’amendement que vous proposez entre directement dans le champ de ce qui avait été censuré par le Conseil. Pour cette raison, la commission a émis un avis défavorable.
L’amendement no 747 est retiré.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2015 :
Suite des articles non rattachés.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures trente.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly