Madame la présidente, puisque nous abordons une série d’amendements consacrés à la lutte contre l’optimisation fiscale agressive des entreprises, je souhaite rappeler un certain nombre de points, et particulièrement les mesures que ce Gouvernement a mis en oeuvre avec constance et détermination depuis l’été 2012.
Je ne voudrais pas que s’installe l’idée selon laquelle le Gouvernement ferait preuve d’une certaine inertie face à ces questions dont la complexité est grande, chacun peut le constater, la coexistence de constitutions différentes, dans des pays différents et des espaces économiques et juridiques différents accentuant encore les difficultés.
Je prendrai peut-être un peu de temps pour m’exprimer sur ce sujet, mais cela justifiera la position du Gouvernement sur chacun des amendements traitant de ces sujets, ce qui me permettra d’être plus rapide par la suite.
Plus de soixante-dix mesures législatives de lutte contre la fraude et l’optimisation fiscale ont été votées depuis l’été 2012. Elles s’ajoutent à d’autres mesures réglementaires, je pense notamment à la procédure de mise en conformité des contribuables détenant des avoirs non déclarés à l’étranger, que nous avons souvent évoquée ici. Il faut aussi mentionner le rôle de la France dans les instances internationales et communautaires, et plus particulièrement l’action que mène Michel Sapin aux côtés du Président de la République, car c’est aussi à ce niveau que des solutions sont non seulement possibles, mais indispensables.
Nous avons considérablement renforcé notre arsenal législatif de lutte contre la fraude en deux ans. Ainsi, nous avons renforcé nos moyens contre un certain nombre de pratiques permettant de minorer le bénéfice taxable des entreprises. Nous avons empêché les transferts abusifs de déficits reportables à l’impôt sur les sociétés, introduit un dispositif anti-abus relatif aux schémas dits « coquillards », prévu la non-déductibilité des abandons de créance à caractère financier et renforcé les moyens de lutte contre le transfert de bénéfices par la recapitalisation de filiales.
Dans la seconde loi de finances rectificative de 2012, nous avons accru la lutte contre l’évasion fiscale liée à la localisation d’avoirs à l’étranger à l’aide de règles de fond comme de procédure. À cette fin, nous avons renforcé les moyens de contrôle et les sanctions avec une procédure spécifique de demande de justification de l’origine de ces avoirs. Nous avons porté leur taxation à 60 %. Nous avons augmenté les pouvoirs d’investigation auprès de ceux qui tiennent ces comptes et contrats d’assurance-vie à l’étranger. Nous avons étendu de six à dix ans les délais de reprise en matière d’ISF et de droits d’enregistrement. Nous avons également renforcé les moyens généraux du contrôle fiscal.
Pour les entreprises, nous avons rendu obligatoire la présentation de la comptabilité sous forme dématérialisée. Nous avons modernisé la procédure de droit de visite et de saisie par la mise en place de dispositions spécifiques aux perquisitions informatiques. Concernant les fraudes les plus graves, nous avons étendu la procédure de flagrance fiscale aux constats de travail dissimulé et relevé le montant de l’amende en cas d’activités illicites.
Parallèlement, nous avons élargi le champ de la procédure judiciaire d’enquête fiscale, Mme la présidente le sait bien. À la fin de l’année 2012, nous avons mis en oeuvre des moyens de lutte contre la fraude à la TVA sur les véhicules d’occasion en introduisant une solidarité de paiement, nous y reviendrons.
Cet effort s’est poursuivi dans la loi dite DDADUE de janvier 2013, en prévoyant l’extension du droit de communication des administrations fiscales et douanières auprès des établissements de monnaie électronique.
La loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière a également permis des avancées notables. Elle prévoit l’extension du champ de compétence de ce qu’on appelle la « police fiscale ». Nous avons également donné aux enquêteurs, pour la lutte contre la fraude fiscale aggravée, la possibilité d’utiliser des techniques dites « spéciales » d’enquête, et le fait de frauder en bande organisée est devenu une circonstance aggravante. Nous avons également alourdi les sanctions correctionnelles en cas de fraude fiscale aggravée en les portant jusqu’à sept ans d’emprisonnement.
Enfin, nous avons autorisé l’administration fiscale à exploiter les informations qu’elle reçoit, quelle qu’en soit l’origine – tirant en cela les leçons de l’affaire HSBC-Falciani, qui est d’ailleurs toujours pendante – et lui avons permis de réaliser des saisies simplifiées sur les sommes rachetables d’un contrat d’assurance-vie.
Le projet de loi a été enrichi grâce au Parlement. Un certain nombre de parlementaires qui se reconnaîtront ont permis de renforcer les moyens du contrôle fiscal et douanier en proposant des mesures sur le régime des repentis fiscaux, l’extension des compétences de la douane judiciaire aux délits d’association de malfaiteurs, ou encore les possibilités de contrôle par l’administration de l’attribution des numéros de TVA intracommunautaires.
Les amendements adoptés ont également renforcé les obligations déclaratives nécessaires au contrôle fiscal. Les sanctions pour défaut de déclaration auprès du fichier des comptes bancaires – FICOBA – et pour non-déclaration d’un trust ont été alourdies, et nous avons rendu obligatoire la transmission spontanée à l’administration fiscale de la documentation permettant de justifier leur politique de prix de transfert. Les sanctions ont été alourdies en matière administrative et pénale.
En loi de finances pour 2014, nous avons introduit une obligation de présentation de la comptabilité analytique et des comptes consolidés lors du contrôle et permis de taxer sans délai en cas de redressement des prix de transfert. C’est une question importante.
Nous avons également élargi l’obligation de documentation des prix de transferts à laquelle sont assujetties les grandes entreprises aux rulings, c’est-à-dire aux décisions individuelles les concernant prises par des administrations étrangères, qui apportent un éclairage sur ces pratiques opaques et discrétionnaires. Je vous rappelle qu’en France, la transmission des rulings est devenue obligatoire grâce à un amendement que votre serviteur avait soutenu avec, entre autres, Mmes Mazetier, Berger et Rabault et MM. Muet, Woerth, Galut, Cherki, et d’autres qui se reconnaîtront.
Enfin, le collectif budgétaire présenté hier devant votre commission propose un certain nombre d’autres dispositions.
Ce renforcement considérable de l’arsenal juridique s’est accompagné d’un travail sans précédent sur ces sujets au niveau international. L’échange automatique d’informations sur les comptes bancaires sera bientôt le standard mondial de la coopération fiscale internationale. À Berlin en octobre, Michel Sapin a signé avec une cinquantaine de pays un accord d’échange automatique d’informations fiscales, qui sera mis en oeuvre dès 2017 pour les early adopters – ces derniers se reconnaîtront.