D’ailleurs, deux députés non inscrits proposent de revenir sur cette ouverture, ce qui n’aurait guère de sens dès lors qu’il s’agit de faire face à des dépenses attendues.
L’AME est pourtant indispensable. La santé doit être garantie à chacun sur le territoire, quel que soit son statut administratif. Je voudrais rappeler un chiffre : le montant de l’AME exécuté en 2013 a été de 744 millions d’euros, soit 0,06 % des 1 200 milliards de dépenses publiques engagées cette année-là. Je crois donc que ce sujet devrait être ramené à sa juste proportion et abordé avec un peu plus de sérieux.
Si des propositions doivent être faites pour l’avenir, nous sommes prêts à en discuter, comme de tous les sujets proposés par les parlementaires, mais il n’est guère raisonnable de refuser des ouvertures de crédits, ou de n’aborder ce dispositif qu’avec des visées polémiques ou caricaturales.
Enfin, le quatrième facteur de dépassement est à chercher dans les refus d’apurement communautaires au titre de la politique agricole commune : ce seront 352 millions d’euros qui devront être financés pour cette raison.
Pour compenser ces ouvertures de crédits, nous proposons un ensemble d’annulations de crédits qui répondent à deux principes. Le premier est le principe d’auto-assurance : chaque ministère doit d’abord mobiliser ses propres ressources pour financer un dépassement, par redéploiement au sein de chaque programme ou au sein du champ du ministère. Le second principe est un principe de solidarité : tous les ministères sont mis à contribution pour assurer le respect de la norme de dépense.
Au-delà de ces mouvements sur les dépenses sous norme en valeur, nous constatons une économie de 1,6 milliard d’euros sur la charge de la dette. Nous affectons bien entendu cette économie à la réduction du déficit budgétaire. C’est une nouvelle preuve du sérieux de notre gestion de l’argent public, car une telle pratique n’était que rarement suivie à d’autres époques.
Une précision, enfin, s’agissant du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne. Comme je l’avais déjà indiqué devant la commission des finances, plusieurs budgets rectificatifs pour 2014, ainsi que le budget initial pour 2015 sont actuellement en cours de discussion avec la Commission, le Conseil et le Parlement européen. La situation s’est en partie clarifiée au cours de ces dix derniers jours et le projet de loi de finances pour 2015 a pu être amendé au Sénat la semaine dernière. En fonction de l’évolution en cours, il n’est pas à exclure que la prévision fixée par ce projet de loi pour 2014 doive également être ajustée.
Pour conclure en un mot, ce volet « dépenses » du projet de loi est dans la continuité des textes financiers de cet été, qui avaient dégagé de nouvelles économies en gestion – 4 milliards d’euros, dont 1,6 milliard d’euros s’agissant de l’État – ; il permet de tenir cet objectif d’économies, conformément aux engagements que nous avons pris au printemps.
J’ai longuement évoqué les dépenses, mais ce projet de loi de finances rectificative a également pour fonction, comme il est d’usage, d’actualiser les prévisions de recettes fiscales. Par rapport à la prévision associée au projet de loi de finances pour 2015 présentée début octobre, les modifications sont marginales. La répartition des recettes issues du service de traitement des déclarations rectificatives – le STDR –, donc de la déclaration des comptes détenus à l’étranger, est revue compte tenu des recouvrements constatés. Nous anticipons davantage de recettes de l’impôt de solidarité sur la fortune, de droits de mutation à titre gratuit et de pénalités, et moins d’impôt sur le revenu. Par contre, nous procédons à divers ajustements sur d’autres lignes au vu des recouvrements constatés, le principal étant une révision à la hausse de 500 millions d’euros des remboursements et dégrèvements d’impôt sur les sociétés.
Les recettes fiscales nettes sont donc prévues à 272,9 milliards d’euros, en retrait de 303 millions d’euros par rapport à la prévision associée au PLF pour 2015. Par rapport à la prévision de la loi de finances rectificative de juillet, la moins-value est de 6,1 milliards d’euros et je voudrais apporter à l’Assemblée nationale des informations très précises sur les raisons de cet écart.
Monsieur le président de la commission des finances, je commencerai par l’impôt sur le revenu puisque vous m’avez interrogé à ce sujet. J’ai répondu par écrit à votre courrier, mais je voudrais y revenir afin que l’Assemblée nationale, dans son ensemble, puisse être informée.
Tout d’abord, la prévision d’impôt sur le revenu net, fixée par la loi de finances initiale à 74,4 milliards d’euros, est revue par ce projet de loi de finances rectificative de fin d’année à 68,3 milliards d’euros, soit un écart de 6,1 milliards d’euros, qui s’explique par trois raisons. Premièrement, l’exécution 2013 a été inférieure de 1,8 milliard d’euros à la prévision : cette moins-value a été entièrement reprise en base en 2014. Deuxièmement, le coût des mesures nouvelles serait supérieur d’un milliard d’euros à la prévision de la loi de finances initiale, en raison notamment de la réduction d’impôt exceptionnelle votée dans la loi de finances rectificative de juillet. Troisièmement, nous anticipons une importante moins-value sur les revenus des capitaux mobiliers, qui ont chuté de moitié en 2013, ainsi que sur les plus-values mobilières, les bénéfices industriels et commerciaux et les bénéfices non commerciaux, qui ont également diminué l’an dernier. Le moindre dynamisme de ces revenus a fortement limité la croissance spontanée de l’impôt, ce qui explique une moins-value de 3,3 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale. Ces chiffres seront bien entendu ajustés en fonction des résultats définitifs de l’exécution.
Monsieur le président de la commission des finances, vous m’avez interrogé sur une éventuelle déformation de la structure des revenus : un tel phénomène a été constaté sur les revenus de 2012, comme il l’avait été en 2009, mais dans une ampleur moindre qu’alors. En effet, en période de ralentissement économique, les hauts revenus croissent moins vite – il y a moins de stock-options, moins de plus-values, moins de dividendes. En revanche, nous ne pouvons pas, à ce stade, répondre à votre question sur les revenus de 2013 car, pour cela, un travail doit être mené sur les déclarations d’impôt recueillies par l’administration fiscale.
S’agissant ensuite de la TVA, la prévision en loi de finances initiale était fixée à 139,5 milliards d’euros. Le projet de loi la revoit à 137,8 milliards d’euros, soit une moins-value de 1,7 milliard d’euros. Cet écart est directement lié à la dégradation de la conjoncture économique : d’une part, la faible inflation vient mécaniquement limiter le produit de cet impôt ; d’autre part, la chute de la construction immobilière conduit à une forte diminution des recettes assises sur les ventes de logements neufs, et notamment la TVA.
Enfin, le produit de l’impôt sur les sociétés est désormais estimé à 34,9 milliards d’euros. Depuis la dernière loi de finances rectificative, l’analyse du solde d’impôt sur les sociétés a été menée et a permis de constater une diminution de 3 % du bénéfice fiscal en 2013, liée en particulier à une chute du bénéfice fiscal des sociétés financières.
Au total, la prévision de déficit de l’État est fixée à 88,2 milliards d’euros, en dégradation de 4,3 milliards d’euros par rapport à la loi de finances rectificatives de juillet du fait des moins-values fiscales que je viens de détailler.
La prévision de déficit public est, quant à elle, inchangée, à 4,4 % du PIB, et vous aurez noté que le Haut conseil des finances publiques n’a pas contesté son réalisme.
Les efforts menés pour maîtriser la dépense se traduisent par des résultats : pour 2014, nous anticipons une croissance de la dépense publique d’un peu plus de 16 milliards d’euros en valeur, soit la moitié de la croissance constatée entre 2002 et 2012. Si notre prévision s’avère exacte, la croissance de la dépense en valeur serait de 1,4 %, soit au même niveau que le plus bas historique de 1998.
Ce projet de loi de finances rectificative contient également un volet fiscal, qui est organisé autour de trois priorités.
Premier point : nous poursuivons nos efforts dans la lutte contre la fraude en donnant de nouveaux moyens à l’administration pour combattre spécifiquement la fraude à la TVA.
Deuxième point : le soutien au logement a fait l’objet de deux mesures destinées à accroître l’offre de logements dans les zones tendues, que ce soit l’offre de logements anciens, avec la possibilité d’augmenter la taxation des résidences secondaires situées dans ces zones, ou l’offre de logements neufs, avec une mesure d’incitation à mettre sur le marché les terrains constructibles dans les zones où manquent les logements. Ces deux mesures prolongent le plan de soutien à la construction prévu par le projet de loi de finances, car l’accès au logement constitue une priorité du Gouvernement et de la majorité.
Troisième point : ce projet de loi de finances rectificative entame la première étape d’une réforme de l’aide aux travailleurs modestes. Le projet de loi prévoit la disparition de la prime pour l’emploi au 1er janvier 2016, afin d’éviter toute rétroactivité fiscale, ce qui aurait pu arriver avec une adoption postérieure au 1er janvier 2015. Plusieurs rapports, en particulier ceux de Christophe Sirugue et Dominique Lefebvre, montrent que la prime pour l’emploi et le RSA-activité ne donnent pas entièrement satisfaction, en raison de leur caractère peu lisible, décalé dans le temps et, s’agissant du RSA-activité, de sa complexité.
Le Gouvernement propose donc de substituer à la prime pour l’emploi et au RSA-activité un dispositif nouveau de « prime d’activité » qui sera mis en oeuvre au 1er janvier 2016. Il n’y aura donc aucune rupture dans le bénéfice des dispositifs. Au contraire, les nouveaux bénéficiaires du dispositif mis en place en 2016 jouiront immédiatement de ses effets, au lieu d’attendre, comme c’est le cas pour la prime pour l’emploi, la fin de l’année 2016.
Les objectifs de cette réforme sont de proposer un dispositif qui incite davantage à l’activité, qui permette de toucher les travailleurs les plus modestes et de leur redistribuer du pouvoir d’achat au mois le mois, et non l’année suivante, comme c’est le cas s’agissant de la prime pour l’emploi. À la différence du RSA-activité, il devra être plus simple et plus compréhensible pour les bénéficiaires.
Quelques précisions sur les modalités de la réforme : le dispositif de prime d’activité sera ouvert aux actifs dont la rémunération est voisine du SMIC. Il comportera une part individualisée en fonction des revenus d’activité et une part familialisée pour prendre en compte les différences de situation familiale. Les jeunes travailleurs de moins de 25 ans y seront éligibles. Le dispositif prendra la forme d’une prestation servie par les caisses d’allocations familiales, avec un droit simplifié et un montant figé sur trois mois pour éviter les régularisations trop fréquentes.
Cette réforme se fera en redéployant les moyens actuellement consacrés au RSA et à la prime pour l’emploi, soit environ 4 milliards d’euros. C’est donc une réforme importante au bénéfice des travailleurs modestes que ce projet de loi de finances rectificative entame avec la suppression de la prime pour l’emploi au 1er janvier 2016.
Voilà, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, les grandes lignes de ce projet de loi de finances rectificative. C’est un texte riche, un texte cohérent avec notre politique et un texte équilibré tant sur le plan budgétaire que sur le plan fiscal : c’est la raison pour laquelle j’ai pris le temps nécessaire pour en présenter les détails.