…qui sont insultants.
Non, monsieur le secrétaire d’État, il n’y a aucune raison de s’étonner que les entrepreneurs défilent dans la rue. Si quelque chose devait nous étonner, ce serait plutôt qu’ils ne l’aient pas fait avant – malheureusement. Les déclarations d’amour du Premier ministre ne changent rien au ras-le-bol suscité par la ration quotidienne de taxes et de normes en tout genre que l’on sert aux chefs d’entreprises jusqu’à l’étouffement. À force de matraquage et de zigzags fiscaux, vous avez creusé un fossé irrémédiable entre les entrepreneurs et vous – le même, d’ailleurs, que celui qui vous sépare de ce que vous appelez les « catégories aisées », et même des classes moyennes qui en ont assez de faire les frais de vos illusions. Car c’est bien d’illusions qu’il s’agit quand vous voulez réduire le déficit et relancer la croissance en confisquant le pouvoir d’achat des Français et en grevant la compétitivité de nos entreprises par le biais de fardeaux réglementaires et financiers toujours plus lourds.
Monsieur le secrétaire d’État, les augmentations massives d’impôts ont profondément blessé l’économie de notre pays. Votre projet de loi de finances rectificative en est malheureusement l’illustration parfaite, puisqu’il prévoit un manque à gagner de 6 milliards d’euros d’impôt sur le revenu, de 4 milliards d’euros d’impôt sur les sociétés et de 1,7 milliard d’euros de TVA. Pour la première fois, alors que les taux d’imposition sur le revenu ont été augmentés, le rendement de cet impôt a fléchi. Non seulement vous avez asséché les sources d’approvisionnement, mais vous avez également maquillé votre oeuvre par des prévisions irréalistes et mensongères. D’ailleurs, vous persistez dans cette voie puisque, le 27 octobre dernier, pour amadouer la Commission européenne qui vous rappelait à l’ordre sur le dérapage des déficits, vous n’avez pas hésité à annoncer un vrai tour de passe-passe pour réduire de 3,6 milliards d’euros le déficit du budget 2015, dont la première partie avait pourtant été votée solennellement six jours plus tôt par notre assemblée. Cela peut être considéré comme un tour de force.
Dès le mois de juin, la Cour des comptes notait que les risques de dépassement des objectifs de la loi de finances initiale étaient « un peu plus importants que les années précédentes ». En effet, la révision à la baisse de ces objectifs dans le programme de stabilité puis dans le projet de loi de finances rectificative de juin dernier a accru les tensions en fin de gestion. Ces objectifs sont atteints par le biais d’annulations de crédits, à due concurrence des dépassements, portant principalement sur des dépenses d’investissement. Marie-Christine Dalloz l’a rappelé tout à l’heure.
Comme les années précédentes, quelques missions concentrent les dépassements budgétaires les plus importants.
Comme à l’ordinaire, la mission « Défense » connaît des dépassements significatifs en matière d’opérations militaires extérieures. Traditionnellement sous-budgétées, ces opérations ont encore vu, dans la loi de finances initiale pour 2014, leurs crédits réduits de 180 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2013. Or, en exécution, les dépenses correspondantes se sont élevées à 1,25 milliard d’euros en 2013, notamment du fait des interventions de l’armée française au Mali – l’opération Serval – et en Centrafrique. Avec le redéploiement de 3 000 soldats dans le Sahel et le maintien des effectifs français en Centrafrique, la dotation prévue dans la loi de finances initiale pour 2014 s’avère insuffisante de plus de 600 millions d’euros. En outre, les crédits de personnel présentent encore un dépassement de 200 millions d’euros lié aux dysfonctionnements du système de paie « Louvois ». Ainsi, la mission « Défense » totalise 805 millions d’euros de dépassements de crédits. C’est à peu près ce que nous avions annoncé lors de la discussion de la loi de finances initiale pour 2014.
Au chapitre des dérapages dangereux, je veux dire un mot de ceux qui ont trait aux dépenses relatives à l’immigration irrégulière : 155 millions d’euros pour les dépenses relatives à l’AME et 59 millions d’euros pour celles relatives aux demandeurs d’asile. Ces gouffres financiers sont pourtant, de l’aveu même du Gouvernement, le résultat de filières organisées.
Le budget de l’aide médicale d’État devrait approcher le seuil de 1 milliard d’euros pour l’année 2015. En deux ans, le nombre de bénéficiaires se serait accru de 35 %. Monsieur le secrétaire d’État, vous dites qu’il ne faut pas polémiquer sur ce sujet. Or je suis convaincu qu’en démocratie, le débat est toujours préférable aux dénis et aux tabous, qui sont beaucoup plus explosifs, surtout sur de tels sujets. Parlons-en, au contraire !
Quant aux seules dépenses d’hébergement des demandeurs d’asile – qui, pour beaucoup, n’en sont pas –, elles dépassent 305 millions d’euros, au détriment, bien sûr, de nos concitoyens en grande difficulté sociale comme les mal-logés ou les sans-abris. C’est une réalité qu’il ne faut pas cacher.
Au total, les dépenses liées à l’immigration irrégulière dérapent de plus de 300 millions d’euros. Ces dépenses, dont la gestion est opaque et laxiste – il faut le dire –, sont devenues une lourde charge dans le contexte économique qui est le nôtre. Je vous rappelle que la dette publique est de 2 000 milliards d’euros, le déficit budgétaire de 75 milliards et la charge des intérêts de la dette de 41 milliards.
Oui, monsieur le secrétaire d’État, vous avez cassé pratiquement tous les ressorts de la croissance en dissuadant la prise de risque. Or cette dernière est un comportement qui conditionne l’investissement économique : il n’y a pas de création de valeur ajoutée sans prise de risque. La valeur ajoutée est la rémunération du risque. Vous faites tout pour essayer de dissuader la prise de risque, en entretenant la peur de l’investissement – dont la rémunération est aussi celle du risque – et en paralysant l’embauche. Selon l’INSEE, l’industrie manufacturière anticipe un recul de ses investissements de 3 % en 2015. Comment regagner des parts de marché avec de tels résultats ?
Aujourd’hui, tous les artisans, les patrons de PME et les agriculteurs joignent leurs voix en vous exhortant, très simplement, de les laisser travailler. Nous ne croyons pas que les causes des difficultés de la France se trouvent dans les comportements des entrepreneurs, des artisans, des agriculteurs et des acteurs économiques et sociaux de notre pays ; elles résident plutôt dans vos fautes de gestion et dans les politiques publiques que vous menez. Ce ne sont donc pas les entrepreneurs qu’il faut accuser. Notre pays a besoin de choix économiques forts, de cohérence et d’une vraie détermination. Nos entreprises ont besoin de souffle, de fluidité et de simplicité ; ce sont elles qui créent les emplois et qui font la croissance.
En condamnant les entreprises comme vous le faites, il n’est pas étonnant que votre projet de loi de finances rectificative traduise des dérapages de dépenses d’assistanat aussi importants : 70 millions d’euros supplémentaires sont nécessaires pour les aides au logement et 130 millions d’euros supplémentaires doivent être consacrés au RSA.
Ces coûts sont la conséquence de votre politique. Depuis votre arrivée au pouvoir en 2012, le nombre de chômeurs a augmenté de 510 000 personnes et aucune embellie ne se profile pour 2015 – j’espère que cela commence à inquiéter le Président de la République. Impuissants à inverser cette courbe exponentielle, il ne vous reste plus que les remèdes artificiels de l’emploi aidé, notamment pour les jeunes et les seniors. Ces remèdes sont coûteux et surtout, malheureusement, illusoires. Qu’il s’agisse des emplois d’avenir ou des contrats de génération, ces dispositifs ne décollent pas – les demandes adressées à l’administration restent désespérément faibles – et ne fonctionnement pas. Il en est d’ailleurs de même pour la loi Duflot, inefficace et assez illisible – nous avons été nombreux à le reconnaître, y compris dans la majorité –, qui est le véritable symbole de l’échec de votre politique faite de contraintes, de flou juridique et malheureusement de charges.
En définitive, et de façon inévitable, nous observons un véritable ratage sur le front du logement dans une situation pourtant catastrophique.
Selon les prévisions de la Commission européenne, le déficit public de la France va s’aggraver pour atteindre 4,7 % du PIB en 2016 et ainsi dépasser celui de nos voisins européens. Vous citiez tout à l’heure les dérapages en matière de déficits constatés en 2009, mais aujourd’hui, l’écart avec les pays européens s’est considérablement creusé. C’est cela qui est grave. Votre scénario d’un retour du déficit sous la barre des 3 % s’éloigne un peu plus.
Vendredi dernier, la Commission européenne a averti la France qu’elle n’hésiterait pas à sanctionner notre pays si celui-ci ne met pas rapidement en oeuvre des réformes structurelles pour améliorer tant ses perspectives de croissance que ses finances publiques.
Le Premier ministre a beau se débattre pour tenter de convaincre que la trajectoire budgétaire de la France est la bonne, personne n’y croit.
La France est sommée de se réformer. Les tirs de barrage s’intensifient. Notre pays est pointé du doigt par la Commission européenne, par le FMI, et même, le 27 novembre dernier, par un rapport économique franco-allemand, qui met en garde la France contre le manque d’audace de son économie et préconise une refonte de la loi sur les 35 heures – tiens ! –, plus de flexibilité sur le marché du travail – vaste chantier – et toujours et encore la réduction des dépenses publiques, notamment des dépenses de fonctionnement.
Je n’ai pas entendu beaucoup de voix dans vos rangs, monsieur le secrétaire d’État, saluer ces propositions. Tout juste avons-nous entendu le ministre de l’économie tenter de calmer les esprits et de désamorcer les polémiques en annonçant ce qu’il ne les appliquerait pas !
On aurait plutôt préféré savoir ce qu’il compte en faire. Espérons simplement que ce rapport plein de bon sens – je suis persuadé que, secrètement, vous le pensez également – ne finisse sa vie au fond d’un tiroir verrouillé, dont votre Gouvernement s’empresserait de fermer la clé, pour éviter de froisser votre aile gauche et surtout ne pas exciter les « frondeurs ».
Cette coupable insouciance n’a pour seul alibi que la faiblesse des taux d’intérêt qui nous permettent encore de financer notre déficit. C’est notre parachute, mais pour combien de temps encore les marchés nous accorderont-ils leur confiance ?
Combien de temps va-t-on prêter à un État obligé d’emprunter pour couvrir ses pertes courantes et amortir une dette abyssale ?